L’éducation artistique EH bien ! personnellement, cette éducation artistique, je l'ai toujours souhaitée (et pour tous) parce que j'ai souhaité que soit vraie, à la surface entière de la Terre, cette pensée d'un félibre, que j'avais tant aimée, adolescente : « Luise ce qui est beau, Et que le laid se cache ! » Cette notion, dans son sens le plus universel, le plus cosmique, le plus essentiel de la vie (la beauté me paraît part intégrante de la vérité) car il ne saurait être d'accomplissement humain qu'harmonieux, même et surtout quand se déchaînent au monde des forces qui, dans le perfectionnement technique que chaque jour apporte, semblent faire régresser l'esprit de l'homme et, encore plus, son cœur. On peut couper en quatre les cheveux de la dialectique, à propos de la beauté, en quatre ou en mille, peu me chaut : on ne pourra jamais supprimer cette aspiration au fond de l'être humain, car elle lui apporte, s'il y est perméable, les instants les plus purs et les plus profonds d'apaisement et de plénitude. |
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On peut bien ensuite béer au génie des Noirs qui-possèdent-le-sens-inné-du-rythme, des hommes du Bush australien qui-ont-le-don-inné-de-la-décoration, evviva l'art brut qui rehausse les galeries, et le safari-photos où l'on va retrouver à grands renforts de croisière les danses primitives ! « La forêt précède l'homme,le désert le suit... » Cela ne serait-il pas vrai des dons de l'homme que l'homme a éteints non en érigeant ses Conservatoires, mais en voulant ériger les règles de la création artistique ? N'y aurait-il pas un autre rôle à faire jouer à ces Conservatoires, dont le nom rappelle un peu trop la conserve ? Celui, précisément, de la suite à donner à l'éveil des sensibilités, à l'accueil des personnalités, tels que les pratiquent les maîtres qui s'honorent d'être « d'École Moderne - pédagogie Freinet », c'est-à-dire ceux qui, par une méthode naturelle d'enseignement, montrent à l'enfant qu'ils croient en lui, lui offrent de vrais outils de grands, lui donnent, contre vents et marées, le temps de l'accomplissement du geste, ou de la pensée, et le laissent accéder à ses paliers personnels, à son ascension individuelle, jusqu'à l'achèvement de l'oeuvre (je n'ai pas dit « du chef-d'œuvre » car je ne juge pas) qu'elle soit musique, geste, graphisme, peinture. L'œuvre, c'est-à-dire cette mise au monde, à laquelle chaque être humain devrait avoir droit, puisqu'elle lui permet de se projeter, d'être, c'est-à-dire de participer à son propre univers. Cette conception de « participation » de l'enfant, puis de l'adolescent, emploierait peut-être enfin les forces ascensionnelles de la jeunesse, non comme un torrent s'engouffrant de force dans la porte étroite concédée par les adultes, mais comme une marée montante, préparant un avenir où l'humanité cesserait d'être un troupeau bêlant, sous la houlette d'une minorité qui ne la considère souvent que comme une masse de consommateurs (quand ce n'est pas de consommés !). Mais qui dit « marée montante » ne dit pas forcément « forces dévastatrices », au contraire : pourquoi pas une force « marémotrice » ? Si le maître du primaire était, comme il est en pédagogie Freinet, le compagnon, le conseiller technicien. en restant l'éducateur, si le « professeur d'art » du secondaire descendait de sa chaire pour, lui aussi, faire oeuvre d'éducateur au lieu d'enseigner seulement la technique où il se spécialise, alors se développerait pour l'adolescent une sorte de continuité, d'unité dans l'action et la création, où serait moins grand le fameux hiatus du « teenage ». |
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Éducation artistique ? Éducation permanente ! Permanence des valeurs les plus sûres qui « élèvent un peu l'homme au-dessus de la bête... ». L'éducation artistique ? Une conscience claire du potentiel de création des jeunes qui nous sont confiés... ... Un refus de laisser plus longtemps écraser les « disciplines artistiques » se prévalant de la créativité, de l'invention, de l’imagination… … Une conception pédagogique plus ouverte qui ferait de « l’histoire de l’art » un chapitre permanent de l’histoire-tout-court, au lieu d’être une étude souvent pédante et isolée... … Un enseignement artistique qui serait éducation au lieu d’être une discipline trop rigide, et coupée des autres… … Une reconversion des « dossiers d’art », enfin moins chers et plus lisibles (genre B.T d’Art, j’espère !) qui seraient dans toutes les mains de nos élèves, et dans toutes les bibliothèques... … Des ateliers de création aussi bien pour les jeunes que pour les adultes et que les vieux, dans leur retraite forcée (ces enfers)... … Des écoles où de nouveau, un peu partout, l’on sente battre le cœur du pays, cessant d’être de mornes bastions isolés de la vie et qui sachent donner elles-mêmes l’exemple d’un haut lieu artistique… … Des maîtres enfin, du primaire ou du secondaire, conscients que l’être humain ne peut maintenir sa dignité d’homme que s’il est éduqué « à part entière » et non sacrifié à une simple exigence de main d’œuvre. Est-ce impossible à qui le veut vraiment ? Paulette QUARANTE (1968) |
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