Après les proclamations ronflantes des cycles préparatoire et élémentaire (C.P. : « Épanouissement des possibilités d'expression comme pouvoirs de création, développement de la sensibilité, ouverture au monde de imaginaire (…) continuer à développer les pouvoirs créateur l'enfant ainsi que plusieurs aspects de la fon d'expression... » C.E. : « Préservation et développement des pouvoirs créateurs de l'enfant, stimulation de la fonction d’expression... ») on conserve au C.M. que ce qui sera directement utilisable pour le programme de 6°. Quand on nous parle encore d'« improvisation », il s'agit d'un travail tellement orienté, parcellisé, en miettes qu'il est vidé de tout son sens. Au lieu de développer au C.M. le peu d'improvisation et de créativité préconisées aux cycles préparatoire et élémentaire, on l’oriente vers l’émission de formulettes rythmiques et mélodiques, le maître choisissant ensuite dans ces formulettes celles qui correspondent à ses canons esthétiques ou... à sa progression, et les fait reprendre en choeur par la classe unanime, débarrassée des problèmes de communication, de liberté et de dynamique dans un groupe.
Ainsi, jamais, de la maternelle à la troisième on ne demandera aux enfants d'inventer un « morceau » complet, préparé dans le détail, avec début et une fin. Jamais on ne se/lui pose le problème : comment organiser des sons, seul à plusieurs. On aurait pu proposer aux enfants des activités d'expression réelles, pas des « pièces poubelles » (1) comme disait Alex Lafosse dans le domaine du travail manuel.
Les programmes du secondaire consacrent disparition de toute activité de création.
On préconise, outre le chant collectif, des exercices oraux, généralisation des « pièces poubelles », parcellisation extrême des activités pour tenter d'acquérir un savoir en miettes justifié lui-même par l'apprentissage du solfège. Celui-ci apparaît massivement, non motivé, systématique, séparé de l’expression, abstrait… on connaît, malheureusement Rien n'a changé. Dans les objectifs généraux de l’éducation artistique collèges (6e à 3e) on évacue très consciemment toute activité créative, en la reportant aux activités péri-scolaires (non prises en charge l’éducation ex-nationale). Pourtant on reconnaît que « le besoin de créer est une énergie potentielle que chacun porte en lui », que « la possibilité de s’exprimer par une œuvre peut apporter un équilibre remarquable à la personnalité des jeunes ». Mais on invoque pour expliquer cette contradiction, le manque de temps « qui ne peut être emprunté aux horaires scolaire proprement dits ». D’autre part, comme il faut laisser aux élèves, « la possibilité de choisir tel moyen personnel d’expression » et que cela « ne s’accompagne guère des contraintes collectives d’une classe » (trop d’élèves, peu de locaux et de moyens matériels sans doute), ce n’est donc pas possible ! Enfin un dernier passage insiste « sur certains excès » non « éducatifs » commis pas ceux qui emploient divers modes d’expression « au petit bonheur » (quelle familiarité !) sans intention, rigueur ou maîtrise et quel que soit l’âge des enfants ». On en conclut sans rire que l’éducation artistique de la 6e à la 3e doit « créer le besoin de créer »… ailleurs !
J’en entends qui vont dire : « Il faut comprendre nos supérieurs, les instructions de 6e étaient déjà écrites, il fallait bien recoller les morceaux ! »
Mais est-ce vraiment incohérent ? Une inspectrice pédagogique régionale de musique dont les militants de l’I.C.E.M. ont entendu parler, n’affirmait-elle pas : « La créativité, je n’y crois pas ; en terminale, à la rigueur, et encore, sous forme de clubs que vous dirigerez. » Ben voyons ! C’est pas pour la populasse tout ça ! L’idéologie des dons ‘est pas morte. Elle a plutôt tendance à proliférer ces temps-ci (voir Debray-Ritzen et autres). D’autre part le secondaire n’est-il pas le lieu de matérialisation de la sélection. Pour le B.E.P.C., on entend parler de contrôle continu dans toutes les matières et pour ceux qui n’auront pas le niveau on parle d’épreuves à passer (toutes matières). Question à 1000 F : « Quels types d’épreuves sont proposées en musique ? » Facile : une course d’obstacles à base de « pièces poubelles » du programme que seuls quelques enfants de bonne famille franchiront peut-être.
Pourtant toutes les notions et acquisitions définies dans las programmes seraient acquises avec facilité si depuis la maternelle les enfants pratiquaient l’expression libre dans une atmosphère de valorisation et de confrontation. Le solfège serait facilement acquis car à un certain niveau de pratique, il devient un besoin. Mais là il y a des freins importants ; Ils sont idéologiques, donc budgétaires.
En tout cas, ce que nous refuserons toujours c’est :
- de travailler avec des élèves fictifs et de leur appliquer le programme du cycle moyen comme s’ils avaient bénéficié de tout ce qui est défini dans les autres cycles ;
- d’aborder des notions, des savoirs « du programme » sans qu’ils soient motivés, nécessités par l’expression des enfants.
Combien d’élèves de nos classes primaires, secondaires ou d’écoles normales, combien d’instituteurs (trices) en formation continue n’ont jamais eu de pratique musicale antérieure ? Inutile de dire que, quel que soit l’âge auquel on s’adresse, nous commençons presque toujours à zéro, et que les premiers essais, les premiers gestes, sont d’un niveau technique de maternelle (même si l’évolution qui suit est plus rapide). C’est comme ça. C’est toute l’institution Education Nationale qui est en cause depuis des années, et elle s’entête.
La commission « Musique » de l’I.C.E.M.
Pour tous contacts avec le secteur « Musique » :
(1) On appelle « pièce poubelle » ou « pièce d’étude » l’exercice « pédagogique » sans autre utilité ou fonction que l’étude d’une difficulté technique par exemple la pièce de bois sur laquelle on s’entraîne à creuser une mortaise. (La Brèche n°51, sept.79 : « Le dessin technique, fromage pédagogique ».)