Que leur maison reflétera peut-être ce don de soi que l'on peut mettre dans un bouquet ou le choix d'une assiette - pour qu'un peu de beauté vous accueille dès l'entrée.
Que si le métier les éloigne de l'activité des mains, ils conserveront un peu de respect, qui manque tant aujourd'hui, de qui oeuvre avec ses doigts.
Je ne sais rien de plus révoltant et de plus navrant que l'attitude de certains grands patrons, qui passent au milieu de leurs chauffeurs, leurs électriciens, leurs soudeurs, l'oeil indifférent, méprisant, comme s'ils n'étaient pas de la même chair.
... En oubliant que le France est beau aussi de ses milliers de rivets bien ajustés et le barrage de Donzère, de toutes ces mains qui l'ont monté pierre à pierre, et le port de Marseille, et les vergers de Provence, et les nuits illuminées de Chamonix ne portent-elles pas témoignage des mains qui ont oeuvré à leur activité, à leur fécondité, à leur féerie ?
Non, je ne prends pas la défense du bricolage, qui tend à faire croire, comme tant d'hebdomadaires féminins, que le fin du fin est de transformer une caisse à oeufs en armoire Louis XV.
Mais je voudrais que se généralise ce que l'éducateur d'Ecole Moderne trouve naturel - et indispensable - le tâtonnement personnel de l'enfant en prise avec la matière : peinture, terre, tissu... et cela d'un bout à l'autre de notre enseignement, depuis la Maternelle, afin de ne plus voir ces navrants objets étudiés pour et qui comportent une part de fausseté, qui est du vrai mépris pour la richesse, la noblesse du Petit d'Homme qui nous est confié, au même titre que les belles et coûteuses boîtes de menuisier que l'on offre à Noël, et dont le rabot n'a pas de contre-fer, et l'égoïne pas de voie : Oh ! pour un enfant, qu'est-ce que ça fait ?...
Vous trichez ? Vous méprisez ? Ainsi fera l'adulte de demain...
Et me revient en mémoire - qui date d'avant-hier - ce petit incident : des grands d'une autre classe me disent : C'est avec un moule que vous faites ça ? en montrant (de loin) nos objets de céramique. Moi, la main sur le coeur : Oh ! Chez nous ! Certainement pas ! La vérité, mes enfants !
- Non, alors, eh bien, non ! dit la classe.
- Mais pourtant, dit le grand, ce qu'il a, Lucien, dans son cartable (Lucien, 11 ans, qui n'est pas de notre classe).
Et Lucien exhibe un petit carré de plâtre, avec un chien jaune sur fond bleu très bien fait, sans bavure, brillant à souhait.
- Ah ! ça, oui ! c'est du moule, dit Serge, 8 ans (de notre classe), mais tu peux t'en acheter des mille et des mille au bazar.
Nous, sur les nôtres, il y a la trace de la main...
Paulette Quarante