La maison de l'enfant

Congrès de Niort 1963

LORSQUE je vis au milieu de mes petits, je m'aperçois qu'ils acceptent ce monde avec autant de joie et de confiance que nous le faisions dans les prés verts de notre enfance.

Le monde moderne ne les effraie pas. Les autos, les machines, la vitesse les attirent. Le merveilleux du monde moderne avec ses fusées, ses spoutniks, ses avions, ses voyages ultra‑rapides, ses moyens d'information et de culture, le cinéma, la télévision, l'électrophone, le magnétophone, est leur réalité quotidienne.

Mes petits de ville s'étonnent bien davantage devant le poulain de l'oncle François, devant les goélands s'abattant dans leur cour d'école durant ce long hiver, à la recherche de quelques miettes, devant les premières jonquilles du bois que devant la dernière voiture de leur père.

Et ce monde qui est le leur, tout à la fois projeté vers l'avenir et imprégné du passé, ils le recréent journellement pour leur joie et la nôtre au moyen de quelques pots de couleur, de crayons, de papier, de pinceaux avec cette tranquille assurance qui nous apaise et ouvre la porte à l'espoir. Monde familier et rassurant des hommes, des bêtes, des arbres, des fleurs, d'une nature réchauffée par leur sensibilité vibrante, mais aussi monde abstrait des taches, des lignes, des formes, créés au hasard du pinceau et du geste, monde imaginaire des astres, des planètes, des chemins du ciel vers lequel s'élancent fusées et soucoupes volantes, monde fantastique où naissent d'étranges figures mythiques « ni anges, ni bêtes », ni martiens, ni humains, oiseaux de feu et Pégases, masques riant à gorge déployée ou clignant de l'oeil à voire intention.

   

Rassurez-vous : tous ces mondes sont bien les nôtres, et en permettant à nos enfants de les faire chanter sur nos murs, nous leur permettons également non pas de s'évader de leur vie et de leur être dans des rêves nébuleux, mais de s'y enraciner, de les prendre en charge, d'en devenir responsables.

Au moment où nous nous inquiétons de la facilité d'information que nous donnent les moyens audio-visuels, où nous craignons qu'une culture hâtive et mal digérée ne se plaque malheureusement sur des esprits jeunes et malléables, l'Ecole Moderne nous apporte avec les techniques d'expression et de communication et avec l'art enfantin, le meilleur moyen de promouvoir une culture authentique et vivante qui, partant de l'enfant, de ses besoins, de ses intérêts, de ses joies, de ses peines, de ses rêves, de sa vie tout entière, rejoindra peu à peu la véritable culture en perpétuel devenir.

Mlle PORQUET

Inspectrice des Ecoles Maternelles


Ecole de la République - Brest
 

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