Comment
sont nées ces oeuvres étonnantes ? nous
demandent les esprits « conséquents » qui espèrent tant de la
bonne méthode. Comment elles sont nées ? Allez-y voir, vous qui êtes
malins ! On n'explique pas la pureté d'un visage ou l'éclat d'une
rose au plus haut de sa splendeur, pas plus qu'on n'explique l'irrégularité
du rythme qui engendre le monstre faisant irruption dans la lignée des
sages hérédités. On ne peut séparer d'un trait de plume la beauté de la
laideur, le bien du mal, l'intelligence de la bêtise : la vie va d'une
seule coulée. Elle ne se fait pas par des initiatives calculées ;
elle est de tout venant et il faut la prendre comme elle est pour ne pas
la trahir au départ.
Les
belles images de nos enfants sont faites de cette vie‑là. Ici, tout
se donne sans préméditation, calcul ou duperie. Il n'y a rien qui importe,
il n'y a rien qui puisse être abandonné, tout s'écoule dans la minute
d'un présent qui peut avoir signification d'éternité. Qui sent cela est
artiste, poète et philosophe, car il pressent la grande unité du monde
dans laquelle les brumes du biologique montent lentement jusqu'aux lisières
d'une conscience aussi vive que le soleil. C'est du haut et subtil raffinage.
Les psychologues « peuvent y venir » ! Leur science est
mise en déroute par la virtuosité d'une petite main d'enfant, sûre d'elle
comme l'oeuf est sûr de lui.
Et au seuil de l'immensité de l'énigme qui nous domine, voici le moment
de prendre en considération les saintes ignorances rejetées sans appel
aux arcanes de l'obscurantisme par une dialectique en apparence de bon
aloi. Voici le moment de dire que toute créature vivant dans l'ordre de
la création est une somme de vérité qui nous enseigne. Quand nous constatons
que l'enfant est sûr de lui, nous adultes qui ne sommes plus sûrs de nous‑mêmes,
nous nous devons d'avoir des égards pour lui, d'être pleins de respect
et de sollicitude pour une manière de vivre authentique qui garde encore
toutes ses potentialités et ses secrets. Et c'est parce que nous sommes
restés humbles devant l'enfant que sont venues à nous les vraies richesses,
celles qui sont ouvrages de vie proposés à l'audience de tous et qui sans
cesse nous replongent aux sources de la grande unité cosmique.
Il faut avoir le courage de le dire: tout est à recommencer. Notre Enfant
artiste, c'est simplement un acte de bonne volonté, de confiance et de
courage: la preuve vérifiée que nous sommes dans la bonne veine et qu'il
faut aller de l'avant.
Alors, comme disait Maïmouna, la petite enfant
noire du Tchad : « Je te le prends ce chemin qui me mène au
bout du monde »...
ELISE FREINET
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Photo Paul Delbasty
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