L'ENFANT A L'ECOLE MATERNELLE et la rythmique La danse, en Inde, exprime les formes multiples de la vie. (Courrier de l'Unesco, sept. 63). La danse, à l'école maternelle, fait partie intégrante de la vie des enfants. La danse (le mouvement sous toutes ses formes), est d'ailleurs placée en tête de nos programmes. A cet âge, l'enfant doit en effet cultiver son corps, il doit grandir, se développer physiquement, et son instinct le pousse à courir, sauter, danser, grimper to t comme le jeune chiot ou le petit chat. Aussi, ne faut‑il pas s'étonner d'avoir un petit inonde turbulent, actif, qui trouble un peu la quiétude des maîtresses qui ont, elles, dépassé l'âge du mouvement. Elles doivent cependant canaliser ce flot vivant, organiser cette vitalité, pour permettre une vie communautaire qui serait bien vite impossible, dans un tourbillon incessant et bruyant. Il faut organiser le rythme de la vie maternelle. Chaque jour, le moment de rythmique à l'emploi du temps va sublimer cette sauvageonne vie et la diriger. L'enfant, petit à petit, va éduquer son corps, va apprendre à se maîtriser, à répondre à un appel sonore et va s'exprimer. Tout comme armé d'un crayon, il est parti du gribouillis, sans fin en soi, simplement pour s'assurer de son pouvoir, de sa force, ses gambades, ses courses effrénées vont se discipliner, s'harmoniser, se transformer en graphisme corporel cinétique. Il s'exprimera par la danse, tout comme il le fera par le dessin et la peinture. En quoi consistera cette rythmique, guidée par la maîtresse ? Dans nos écoles ce sera la danse libre. |
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La danse libre, tout comme la peinture libre, partant de l'expérience tâtonnée, sera des plus enrichissantes et des plus profitables pour le développement physique, intellectuel et spirituel de l'enfant. L'enfant va créer, va vivre ce qu'il ressent et pense, soit en écoutant un disque, soit en se souvenant d'une émotion intérieure qu'il libère et qu'il nous offre sans cabotinage.
Quelle sera la part du maître ?
Chaque tempérament réagit suivant ses tendances propres, et l'heure de la danse libre nous amène parfois des enfants qui font des grâces devant nous, qui se contorsionnent pour essayer d'attirer l'attention qui arrivent à trouver de jolis gestes qui ne sont pas le reflet d'une émotion intérieure, mais seulement d'un besoin de «se faire voir». Par la danse, nos tout petits se dévoilent plus que par les autres techniques,' et il est possible alors à la maîtresse de les éduquer, de les amener à avoir une plus riche personnalité, de leur faire sentir les subtilités de la musique qu'ils interprètent alors par des gestes significatifs de leur émotion. Tout comme pour la peinture, nous faisons toujours, après chaque séance, la critique de tout ce qui a été fait : critique des enfants, critique de la maîtresse, critique toujours constructive car elle est bienveillante et nourrie de l'expérience de chacun.
Les danses que nous présentons ont en général été préparées librement. Nous avons dansé « L'eau vive », « Mon oncle », des danses chinoises, un rêve de Noël avec des bébés en chemises de nuit, etc... tous sujets proposés par les enfants. Nous cherchons ensemble un thème, des pas, des figures ; les meilleurs sont adoptés et réglés en un ballet que nous inventons de toutes pièces. Je ne crains jamais aucune erreur ni oubli sur la scène. Les enfants, peut-on dire, dansent avec à propos. L'orchestration se fait librement, un enfant qui n'est pas à la bonne place pour l'évolution ou la figure suivante, se déplace gracieusement, naturellement et va se mettre à la place qui lui permet de continuer. Tous nos petits danseurs se sentent à l'aise, ils sont libres, ils sont heureux de donner libre cours à cette joie secrète qui à cet instant les habite.
J'ai dansé, moi aussi, au stage de rythmique organisé chaque année pour les institutrices d'Ecole Maternelle au CREPS de Dijon. J'ai été « emballée » par cette formule nouvelle que je ne connaissais pas.
Nous étions dans un milieu aidant. Nous assistions à des séances de danse par des jeunes filles et nous avions un cours oral où l'on nous exposait le but de cette danse basée sur le rythme qui est vital.
De retour dans ma classe, j'ai continué de danser, en exposant à mes collègues et aux enfants, tout ce que j'avais appris et l'école fut placée pour un temps sous le signe de la danse...
Bien sûr, nous n'avions pas la grâce des jeunes élèves de Madame Garby. Mais, si je ne pouvais faire parfaitement les mouvements, je savais tout au moins les améliorer et les expliquer à mes élèves. Il s'est produit alors un phénomène sur lequel je n'avais pas compté : plusieurs de mes élèves ne voulaient plus danser et ne savaient plus créer, ni s'exprimer par la danse. D'autres, au contraire, avaient enrichi leur moyen d'expression par de nouveaux gestes. Mais si j'avais persisté à ne faire que de la danse Malkowsky, je n'aurais plus eu de création originale. Ceux qui avaient acquis une grande maîtrise par la danse libre n'ont pas été heurtés par cet enseignement suggéré. Les autres, pour qui l'expérience tâtonnée du geste n'était pas terminée, ont eu un brusque arrêt et l'apport d'une méthode n'a pas été bénéfique. Il arrivait trop tôt (je ne critique pas du tout la danse Malkowsky ; d'ailleurs, j’espère bien faire d'autres stages. Je sais tout le bénéfice que l'on peut en retirer et j'admire cette danse gracieuse, simple, qui retrouve le geste antique).
L'expérience que j'ai pu avoir dans la création spontanée de danses, celle que j'ai puisée dans les suggestions de spécialistes de la danse rythmique me font nettement sentir que la plus grande liberté laissée à l'enfant est toujours gage de succès.
MADELEINE BELPERRON