Père Noël sourit dans sa barbichette

Ting ! tong ! ting ! tong !
C'est le Père Noël qui arrive sur les toits de Marseille.
Ça tape, au-dessous, ça trépigne, ça jure, ça grogne, ça pleure, ça crie...
Maman gronde, punit, donne des fessées !

A force de jouer enfermés, ils deviennent méchants.
Père Noël se dit, dans sa tête blanche :
« C'est ça, les HLM ?
« Ce n'est pas une vie pour les enfants ! Ça ne peut pas durer !
« Ils n'ont pas de balcons ! Et où les filles vont-elles promener leurs landaux ?

« Et les garçons, est-ce qu'ils vont descendre leurs vélos par l'ascenseur ?
« Et il n'y a pas de jardin !
« Que leur donner comme Noël, à ces petits ? »
Il tortille sa moustachette... Et soudain, ting, tong, ting, tong, Père Noël retrouve le sourire... Chut !
A minuit, il pousse devant lui un grand nuage, et l'on ne voit qu'une lueur rouge dans le brouillard qui s'élargit sur Marseille.
Quand le jour se lève entre les usines, entre les toits, on voit descendre un charivari, une cavalcade de taureaux noirs, de chevaux blancs, de flamants roses...

Quel embouteillage : tut ! tut ! tut !
                                      poêt ! poêt ! poêt !
                                      bing ! bang ! boung !

D'un peu, les taureaux noirs vont cabosser les voitures...
Les automobilistes serrent les poings :
- Je vais te boxer, bête de Camargue !
Mais ils restent bien sagement assis derrière leur vitre !
Et les agents sont là, le carnet à la main :
- Contravention !
- Bouah ! Hou...
- Prrrocès-verbal !
- Bouah ! Hou ! Bouah ! Hou ! Bouah ! Hou !...
Tous les taureaux font le klaxon ! Les gens se rangent, vite, vite... Les agents grimpent se chauffer sur leur escabeau blanc...

 

A un coin de rue, on entend crier :
- Salade !
                  Escargots !
                                   Paquets d'herbes !
                                                      Citrons !
                                                                        Picons !
Et voilà les bêtes de Camargue dans la rue Longue !
- Oh, les beaux cageots de légumes ! disent les chevaux blancs.
Et vite, ils arrachent un brin de verdure...
- Sal' bête ! mes carottes !
- Sal' bête ! Mort-de-faim !
- Band' de voi-hiou ! crient les vendeurs.
(Ils ne prennent même pas le temps de parler français !)
Mais les flamants roses, ça leur est égal, les salades. Ils se faufilent vers les halles.

 

Ça sent bon le poisson : dorades, rascasses...
Allez ! Une sardine au bec ! Allez ! Un rouget !
- Au voleur ! Au voleur !
Les poissonnières n'ont jamais vu ça ! Elles agitent leur tablier, leur mouchoir, leur bonnet !
Presque, elles jetteraient leurs sabots pour les faire partir !
On les entend crier depuis la Bonne Mère...

Les flamants planent dans l'air qui sent le large, et l'eau reflète des rayons roses.

Mais ils plongent tous ensemble entre les barques. La mer gicle, éclabousse, ça fait mille jets d'eau de gouttelettes étincelantes, jusqu'au Château-d'If illuminé d'arc-en-ciel !

Elles ressortent enguirlandées, des boules au bout des cornes, des étoiles brillantes au bout des ailes, les crinières pleines de paillettes.

car le long des rues, sur les trottoirs, tout le petit peuple des enfants s'est faufilé, et les mamans ont beau appeler, les papas ont beau gronder, rien à faire !

A cavalo, les enfants grimpent, dansent et font la cabriole sur le dos des bêtes de Camargue...

 

Quelle fête ! On a de l'air, de la lumière ! Ça sent bon le sel, les rizières et la liberté... Les gardians font la haie avec leurs tridents.

Quel bon repas dans les cabanes !
Des clovisses, des anguilles, du riz, et les treize desserts !
On ne s'entend plus de rire !

Et puis, Noël fini, on s'embrasse. On frotte les museaux, on caresse les crinières, on a un peu de peine au coin des yeux.
Et l'on revient en train, tch... tch ... tch ...

Les élèves du CE 2 A, N.D. Limite - Marseille XVe

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