A propos de certaines critiques C'est peut-être dans le domaine de la production plastique que, dans nos classes, la réussite apparaît la plus éclatante, même aux yeux profanes en matière d'éducation, Aussi la critique formulée par des professeurs de dessin, sans doute plus techniciens qu'artistes, nous surprend : « La méthode du dessin libre, pour séduisante qu'elle soit, est très incomplète, disent-ils, puisqu'elle ne permet pas aux enfants d'une dizaine d'années de se renouveler, car elle a fixé les limites de leurs recherches ». Par ailleurs, des éducateurs expriment leur déconvenue devant la pauvreté des dessins et des textes libres entre 11 et 14 ans. Une institutrice écrit. « Les textes libres ne rendent plus... Mes élèves aiment copier des paysages, des têtes d'enfants... » (1). Nous avons entendu ou lu pareilles déclarations un peu partout. Tout cela tombe à faux, émis par des éducateurs mal informés des données du problème ou ne possédant qu'une expérience lacunaire de notre pédagogie. Référons-nous aux sources, simplement, Elise Freinet, en de nombreux écrits, a souvent répété que, pour nos enfants des cours préparatoire et élémentaires, l'originalité, l'audace, sont toujours les qualités marquantes qui séduisent, alors que, chez ceux des cours moyens et - jusqu'alors - de fin d'études, la technique l'emporte qui permet des oeuvres plus charpentées. « Le passage de l'improvisation à l'oeuvre calculée prouve que rien ne se perd des aptitudes enfantines, mais simplement que tout se transforme ». Des milliers d'expériences attestent que l'enfant que nous pourrions appeler libéré par l'expression spontanée, est tout à fait capable, en fin d'études en particulier, d'intégrer une technique précise de dessin, en vue d'un examen par exemple, d'user de son oeil objectivement s'il le faut et quand il le faut, Il saura donc disposer, et n'y manquera pas, d'une manière sensorielle et d'une manière rationnelle de s'exprimer. Suivant sa typologie, comme l'a si bien montré Françoise Minkowska, il sera plus ou moins attiré par l'une ou l'autre manière. En ce qui concerne la maîtresse déçue par l'expression libre, il est bien évident qu'elle ne l'a jamais connue ni pratiquée de façon authentique. Le terme dont elle use, « copier » à propos du dessin, est bien révélateur. Dans un milieu d'enfants rompus à la pédagogie de l'Ecole Moderne, il paraît impensable qu'un enfant, eût-il 8 ou 14 ans, prît « plaisir » à copier un dessin. Une telle déception s'inscrit dans l'expérience de maîtres formés à la tradition et qui, un jour, ont décidé d'essayer de l'expression libre dans leur classe. Pseudo-liberté qui n'est qu'un « placage » sans lien avec l'élan créateur que nous connaissons. Dans la classe traditionnelle, l'enfant-sujet ne peut alternativement être agi à propos de l'éducation intellectuelle et agir par spontanéité sur le plan de la formation esthétique. L'échec est inévitable. L'Art Enfantin est le fruit d'une élaboration qui ne saurait se satisfaire de velléité ni de pauvreté. Ce n'est pas un produit fruste. « Toute spontanéité véritable, écrit Mlle Tortel, nous le voyons tous les jours dans nos classes, est un produit complexe, une sorte de maternité qui tout à coup se proclame, une victoire qui se connaît, issue d'une initiation profonde, insistante, infiniment nuancée, dans laquelle l'enfant n'est jamais seul, découvrant peu à peu, grâce à la collectivité éducative, les exigences de la valeur... Elle est une science acquise, une plénitude que seule peut posséder la nature enrichie d'ascèse et de culture » (2). |
Spontanéité de la joie : LES VAGABONDS, par Alain Gérard, 15 ans, Ecole Freinet Pareil jour, je demeure invulnérable. Souriant à l'extérieur, riant plus libre au-dedans, une chanson dans l'âme, un gazouillant sifflottement sur les lèvres... je me détends, préserve la sommeillante force. Paul Klee, 1898 |