Photo Vigo

Notre exposition de fin d'année

Il est une nécessité à laquelle les enfants et moi ne saurions faillir parce qu'elle est le témoignage du travail quotidien de chacun et de tous : c'est notre exposition de fin d'année.

Si elle est un besoin pour nous, elle est devenue aux yeux du village plus qu'une habitude : une chose dûe.

Une fois de plus cette année, les difficultés matérielles qui semblent nous poursuivre inexorablement, paralysaient dans une classe trop longue et trop étroite les enfants, dont l'un, un jour, s'était écrié. « C'est comme si la vie s'en était allée ! »

Après des tâtonnements malaisés, la vie cependant s'organisait, imposant ses exigences et ses droits. L'harmonieux potentiel de vie dont une classe unique dans la paix de son village est chargée, se libérait spontanément, comme à l'ordinaire, par le dessin d'abord.

A larges coups de pinceaux, Marie, petite paysanne de 6 ans, recréait son monde à elle. Ses prés et ses champs au milieu desquels sa vieille masure est bâtie, ses bêtes, ses fleurs et des petites filles dont les yeux ressemblaient aux siens ; les garçons faisaient voguer des bateaux, voile éclatante au vent de leur imagination ; les grands, eux, avec un véritable souci de l'oeuvre à parfaire alliaient le réel et la sensibilité, tandis que les premières angoisses des adolescentes s'échappaient de visages devenus tristes.

Jour après jour, les peintures faisaient sur les murs une ronde de lumière et s'en allaient gonfler nos cartons.

   

A partir de juin, les grandes filles - qui aiment à reproduire avec un soin délicat de beaux graphismes sur des nappes à thé, des coussins, des panneaux - décidèrent pour jouir d'une tranquillité absolue, de rester chaque soir après la classe.

Entre temps, il est vrai, nous avions eu - grâce à l'appui de l'Inspecteur - la bonne fortune de transformer en ateliers, deux pièces d'un logement contigu à l'école et récemment libéré. Désormais, nous pouvions modeler, scier, découper : les richesses s'ajoutaient aux richesses, nous étions véritablement heureux.

Les enfants, qui m'ont toujours imposé leurs exigences, voulurent alors faire de la céramique - pas de la fausse avec des couleurs et du vernis - non, de celle qui tient haletant jusqu'à ce que la magie du four ait opéré.

Je m'en fus donc quérir conseil auprès d'un camarade expérimenté, passai commande d'émaux et malgré son propre travail, une camarade fit deux fois place dans son four pour nos premiers essais. Evidemment, il deviendrait à notre entière disposition après le départ en vacances. « Qu'à cela ne tienne, nous resterons », ainsi en fut-il décidé à l'unanimité.

Nous n'avons jamais connu de semaine plus délicieuse. Libérées de toute obligation scolaire, nos journées se passaient à dessiner, émailler, décorer.

Animés par une remarquable assurance, les enfants passaient les émaux avec une louable application. Le temps pressait : 100 km aller-retour pour aller « faire cuire »... On ne pouvait se livrer à des essais, il fallait réaliser au mieux.

J'étais seule à sentir, parfois, passer un frisson d'inquiétude : « Si tout allait être gâché ? »

Oh ! mais alors, lorsque les premières pièces sont revenues encore tièdes, lorsque nous avons vu les carreaux se placer l'un contre l'autre, reconstituant un puzzle magnifié, nous sommes restés muets d'émotion, passant et repassant nos mains sur les couleurs brillantes.

Etait-ce possible ? On ne voyait même pas, qu'ici et là, sur les flancs des vases, l'émail avait coulé...

Tandis que le chauffeur complaisant faisait le va-et-vient, plein d'élan, les pinceaux s'étaient remis en marche. Parfois à huit heures sonnées - le jour est si long en été ! - un coup frappé à la porte grand' ouverte, annonçait la présence d'une maman, nous rappelait à la réalité – « Il faut souper ! » comme on dit chez nous. Les têtes se redressaient, les mains à regret lâchaient le pinceau et s'en allaient caresser une fois encore le bel émail qui attendait déjà les honneurs de l'exposition.

Enfin ce samedi 6 juillet arrive...

La ruche bourdonnait : quelques-uns fixaient un abat-jour, vérifiaient la stabilité d'une maquette, complétaient des ensembles décoratifs, pendant que les autres transformaient nos trois pièces en salles d'exposition. Quelle effervescence et quel élan !


Lathus, Vienne
   

Récébédou, Haute-Garonne

Dix fois, vingt fois, légers comme des oiseaux, les enfants montaient, descendaient allaient, venaient.

A vingt et une heures, les portes s'ouvraient sur un flot inespéré de visiteurs. Nous les accueillions avec l'esprit tranquille que procure le plan de travail lorsqu'il est terminé.

Visiblement émus, ceux qui avaient compris d'instinct, contemplaient longuement sans parler. D'autres demandaient à connaître l'auteur de telle oeuvre, non par simple curiosité, mais pour établir sans doute une correspondance secrète...

Inquiets, quelques-uns se hasardaient à demander : « Et le programme ? » Avec une fierté légitime, un enfant les conduisait alors dans la salle réservée aux réalisations pédagogiques : correspondance, journaux, albums, maquettes. Longuement, beaucoup s'arrêtaient, lisant nos textes, feuilletant nos classeurs d'histoire, de géographie, de sciences. En connaisseurs, les anciens jaugeaient l'ensemble et la qualité du travail, appréciaient une nouvelle réalisation, critiquaient au passage l'impression d'un texte. Baliste en main, un professeur du second degré nous fit un véritable cours d'histoire.

Et comme à chaque fois, il s'en est trouvé à me dire : « Mais comment faites-vous donc ? » force était de répondre :

- C'est si simple ! Dans l'accomplissement de sa tâche quotidienne, l'enfant porte la poésie en lui, il suffit de la laisser s'épanouir.

THÉRÈSE VIGO

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