Val d'Eybens, Isère (Madame Gauliard) |
Vers les 5.000 Abonnés Une revue comme notre ART ENFANTIN, qui, dans les mille difficultés inhérentes à la pauvreté et aux conditions péjoratives de l'école publique, met un entêtement, un point d'honneur à se prolonger et à durer, est, n'en doutez pas, une revue digne de vivre. Si elle lutte pour s'affirmer et se parfaire, c'est qu'elle se sent porteuse de biens et de messages dont peut-être nos lecteurs n'ont pas encore compris l'impérieuse présence. En fin de cette cinquième année d'existence, il faut se demander, en effet, si nos abonnés sont bien conscients des devoirs qui leur incombent, à l'égard de cet ART ENFANTIN, pionnier dans le monde des authentiques vertus de l'expression artistique de l'enfant ? Ne se sentent-ils pas rassérénés et rajeunis au spectacle des belles images de l'enfance et n'ont-ils jamais imaginé le vide que laisserait la disparition de ces pages où le génie de l'enfant s'unit à la ferveur des maîtres ? Savent-ils, les avantages sordides que les débrouillards, déjà installés sur le plan du rendement commercial, tireraient de notre renoncement et de nos malheurs ? Plus spécialement, nos abonnés instituteurs ont-ils vraiment évalué à leur juste niveau ces images enfantines venues en aisance et simplicité comme une offrande réparatrice de leurs déceptions scolaires ? Ont-ils quelquefois soupçonné les appréhensions des fins de mois et nos remords vis-à-vis d'un imprimeur souvent plus soucieux d'honorer les choses de l'art que la régularité comptable de ses factures à notre endroit ? Chers amis, de tous les horizons, de tous les milieux, de tous les âges, qui nous lisez et qui nous aimez, il faut nous aider à dépasser ce point mort où notre revue s'immobilise. Il faut nous aider à promouvoir plus et mieux les aptitudes de l'enfant si dignes d'audience puisqu'elles sont la réserve des vocations de demain. Nous n'avons pas de Mécène venu à notre secours pour garantir dans la plus grande loyauté la vérité d'une enfance promue à un avenir stupéfiant d'inventions et d'inédit. Nos mécènes, notre capital le plus précieux, ce sont toutes nos écoles modernes, ce sont tous nos camarades qui nous donnent sans hésitation ni regret, le meilleur de leurs créations et de leurs pensées ; sans en tirer d'autre avantage que celui de faire plaisir aux autres, ni d'en avoir d'autre récompense que celle qui vient des beaux spectacles de la vie enfantine toujours porteuse de féerie parce qu'elle est oeuvre de Nature. Ce sont de ces richesses-là que vit notre ART ENFANTIN. C'est peut-être parce qu'on les sent si naturelles, si généreuses que les lecteurs qui les reçoivent oublient de payer leur abonnement ?... C'est sans doute parce que l'offrande va de soi que nos fidèles amis oublient si facilement le prix commercial de chaque numéro... Quoi qu'il en soit il nous faut atteindre les cinq mille abonnés pour tourner sans grande inquiétude. Dans nos milieux enseignants, les dernières conférences pédagogiques, la propagande intelligente de nos meilleurs camarades, la sympathie des Inspecteurs, la présentation de l'ENFANT ARTISTE ont suscité un courant de curiosité en faveur de la libre expression artistique de l'enfant. Il semble qu'il soit facile désormais que chacun de nous entretienne cette atmosphère favorable et arrive sans difficulté à persuader un ami, à intéresser un indifférent, voire même à convaincre un adversaire. Toujours l'initiative, la conviction, la patience ont raison de l'attentisme et de l'inertie de la masse indécise qui n'attend souvent qu'un acte pour s'orienter. Dans un terrain bien préparé, toute semence lève et prépare des moissons fécondes. En dehors de l'enseignement, il n'est pas interdit à nos amis qui ont des disponibilités de nous adresser un chèque qui serait consacré totalement à des abonnements de propagande... Il n'est pas interdit non plus de nous acheter avec remise de 50% les numéros parus qui attendent une période de vaches grasses pour devenir albums sous reliure originale... Il n'est pas interdit enfin de faire une bonne action en nous aidant à rester confiants dans cette voie de l'optimisme que nous avons choisie qui doit rester celle de l'enfant. Alors, en marche vers les 5000 abonnés ! ELISE FREINET |