LA PAROLE ET SON ART CHEZ L'ENFANT
Combien de fois ai-je entendu des parents dire ironiquement : « Mon fils a des soucis ; pensez donc, à trois ans... à quatre ans !... » et le rire les prenait en comparant leurs propres soucis si importants certes, à ceux de leurs enfants, peccadilles vraiment minimes.
Mais ces soucis d'enfants, Parents, Educateurs, soyez sûrs qu'ils sont aussi tragiques que les vôtres ! car la sphère de leurs expériences vitales comporte autant de vérité et de risques de drames que dans celle où évolue l'adulte. Par contre, elle comporte infiniment plus de possibilité de joie et de bonheur, car la vraie sagesse de l'enfant est de ne pas connaître le temps, la relativité et la productivité ; il se centre sur lui‑même comme monde certain, sans conditionnement et sans impératifs, comme sans limites, et les sensations et sentiments que lui font éprouver les autres humains sont les causes progressives du dépassement de sa sphère, et du conditionnement conscient à celle des autres.
Réussir importe peu à l'enfant qui n'a pas d'instinct l'esprit de compétition puisque la relativité lui échappe.
Vivre heureux lui importe.
S'il est exact que les dispositions de caractère et d'équilibre ne sont pas identiques pour tous les enfants, il est exact aussi que leurs besoins sont à peu près les mêmes :
-
ne pas avoir faim ;
- ne pas avoir froid ;
- ne pas entendre trop de bruit ;
- ne pas avoir peur ;
- se voir attribuer la même chose qu'aux
autres enfants ;
- et se sentir aimés.
Les premiers besoins sont d'ordre végétatif et sensoriels - le dernier est affectif ; il est en rapport avec le thalamus, zone du cerveau où une partie des messages sensoriels sont filtrés, et après ce filtrage le jugement personnel s'élabore :
Ceci est bon
Ceci est mauvais
J'aime ou je n'aime pas.
La puissance de ce filtrage affectif est si grande que l'image constituée intérieurement par l'enfant va conditionner tout son comportement futur. Certains actes sensoriellement pénibles pourront devenir source de joie pour l'enfant, s'il reçoit en les accomplissant, une impression affective agréable. L'image de cet acte qui pourrait se colorer de répulsion, va devenir cliché bénéfique, transcendé par le bonheur. Ces notions générales sont à connaître pour les parents comme pour les éducateurs. Les conséquences d'une mauvaise « imagination », d'une mauvaise mise en images mentales des actes essentiels de la vie et des réalités ambiantes, vont avoir des conséquences sur la « re‑création » de l'image qu'est la parole. L'enfant qui fait une mauvaise prise de conscience, accusera des altérations « symptomatiques » de la parole. Son instinct le porte à dénaturer le, ou les, mots dont l'image, associée le choque - ceci concerne des défauts fragmentaires de la parole, par exemple la blésité. Si, sur un plan plus accentué, l'entourage de l'enfant est pour lui une perpétuelle occasion de souffrance affective, le système nerveux sympathique subira de telles crispations que, non seulement les mots seront altérés, mais l'action phonatoire elle-même sera perturbée, Parler sera un choix si difficile entre contrainte, plaisir et déplaisir, que la transmission de l'ordre mental rencontrera dans le système nerveux les mêmes affres. D'où les balbutiements et les bégaiements qui s'installent par l'entrechoc d'ordres contraires. Ils sont des conséquences au niveau du système nerveux, au lieu que la seule altération des mots sont des conséquences au niveau mental. Nous avons, par cette discrimination même, un exemple de la différence entre les maladies mentales et les maladies nerveuses. Comment le rééducateur va-t-il procéder pour corriger chez l'enfant les troubles de la parole, au niveau mental ou au niveau nerveux ? Il essaiera une substitution d'images se rapportant à un mot ou à un acte et cette nouvelle image, il va essayer de la lui imprimer fortement en même temps qu'il fera ressentir à l'enfant un bien être affectif. Nous comparons cela à un glissement de plans les uns sur les autres. C'est une psychothérapie rapide, et en général efficace. Ayant défini notre thérapeutique, quels vont en être les moyens ? Pour les mutismes volontaires, c'est-à-dire les cas les plus graves, c'est l'appel par le « son » lui-même qui va réussir, l'enfant sera mis en contact avec une vibration sonore qui retentira physiquement jusqu'au fond de son corps. Cette vibration devra lui être imprimée par un pôle émetteur, doué de qualités multiples. Le rééducateur doit être le plus agréable, le plus souriant, le plus juste, le plus calme, le plus fort, le plus rassurant possible. L'enfant qui, d'instinct, est orienté par les gènes qu'il porte vers une copie de tout ce qui est humain, reproduira par adaptation spontanée, au bout d'un moment, le son expérimenté d'agréable façon. Vient ensuite le travail sur plusieurs sons, dont l'ordre et la succession sont conséquences de lois physiques dont la complexité est trop grande pour que nous puissions en donner ici les règles - et nous arriverons à la musique proprement dite. |
|