LIVRES & REVUES
L'ART DE L'OCÉANIE
Photos : FRIEDRICH HEWICKER
Texte : HERBERT TISCHNER
Editions : Braun et Cie, Paris, 18 rue Louis-le-Grand.
On rapproche très souvent et imprudemment l'art de l'enfant de l'art des peuples primitifs, ces arts étant significatifs d'un état de nature marqué d'impuissance intellectuelle et qui ignore ce sens des hiérarchies dont s'enorgueillit l'occidental à la peau blanche. Depuis des siècles l'homme civilisé s'est enfermé dans une « supériorité plénière » que démontre le progrès scientifique marchant à pas accéléré.
Reste à savoir si, face à la vie, à ses ressources souterraines toujours en puissance, l'intellectualisme ne s'est pas trompé de porte pour atteindre à des sommets qui défient toute sécurité. Il est d'autres voies qui n'ont pas été prises et qui peut-être nous auraient conduits vers des réussites moins spectaculaires mais qui seraient garantes de plus d'équilibre et de confiance en la vie dans cette difficulté commune d'êtres pensants et vivants : vivre, c'est d'abord se sentir sûr de soi et heureux par cette conquête même de la maîtrise de soi. Dans ce domaine, le « sauvage » polynésien sait mieux vivre que l'astronaute dans sa fusée.
Il sait aussi, par sa pensée et par ses mains, exprimer ses émotions, ses pouvoirs, par un art et par une technique à sa mesure. Le civilisé n'est plus maître de son destin il subit la civilisation implacable. Il y a là deux états, deux manières de vivre et non hiérarchie de valeurs.
Le livre que nous proposons à nos lecteurs est avant tout un livre d'images mettant en évidence les ressources instinctives de peuples, héroïques navigateurs, qui portèrent à leur actif la conquête de toutes les îles de la Polynésie, de la Mélanésie, de la Micronésie, dans un Océan redoutable. Ces insulaires sans écritures ont su par des moyens humbles en apparence, maintenir et exalter une tradition millénaire, dont l'art est le reflet émouvant. Il est tout entier déterminé et influencé par le culte des ancêtres, l'initiation, les lois du clan, l'esprit des morts et des dieux.
C'est donc dans un sens très différent du nôtre qu'il faut considérer l'objet d'art, étranger au souci de beauté mais toujours orienté vers un au‑delà des choses, vers un état de perfection apte à prendre le contact avec l'âme des morts ou les dieux de Nature. Il faut analyser de près ces créations personnelles certes, mais toujours inscrites dans la tradition des cultes, toujours à la recherche du matériau le plus rare, le plus riche, apte à favoriser un état du moi transcendé. L'inspiration, l'invention, la technique, la transposition qui en résultent laissent loin derrière elles, tous les arguments de la critique la plus inventive. Ce n'est certes pas là un état d'enfance mais une maturité pensée, voulue de tous les pouvoirs de l'être. Quand on pense à la pauvreté du milieu social qui a vu et qui voit naître un art de si grande perfection, à la limitation d'influences du clan, on ne cesse de s'étonner des pouvoirs de la nature humaine.
Contemplant les merveilleuses reproductions de ce livre, on se désenvoûte un moment des contraintes d'une civilisation qui est en train de perdre non seulement le sens de la Nature mais aussi le sens même d'un art aussi nécessaire à l'âme humaine que l'air et le soleil à la créature.
E.F.
LA GALERIE DES ARTS n°17
10 rue Saint‑Marc, Paris. Abt. 25 F
Dans ce numéro quelques-uns des grands problèmes de la peinture actuelle sont posés.
Au sommaire :
Paris trahit l'Art Moderne ANDRE PARINAUD
Comment peut-on être figuratif R. DE SOLIER
Les peintres annoncent-ils les mutations futures de l'homme ? Y. TAILLANDIER
Nombreuses reproductions en couleur.
ERRATUM
Nous nous excusons auprès de Madame Aucher et de nos lecteurs de l'erreur typographique qui a interverti l'ordre de présentation de deux passages d'un article significatif d'expérience et de culture et auquel nous aurions voulu apporter tous nos soins.