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Tout
ce que l'enfant exprime par des formes est l'expression jaillissante de
l'impalpable vie de son esprit, d'un monde qui n'est pas aussi simple
que les adultes l'imaginent. Nous oublions trop souvent que l'âme enfantine
est une perpétuelle naissance, qu'elle est en formation toujours recommencée,
qu'elle a ses gouffres, ses profondeurs et ses ténèbres comme ses illuminations
et ses sortilèges. Elle se tient sur un autre plan que la nôtre et elle
a tous les droits de l'élucider, de se manifester par l'art.
Si
j'avance que ses créations sont à l'état pur, sans ruses ni intermédiaires
artificiels, cela ne veut nullement dire qu'elles sont « primitives »,
sans pivot, ni moyens d'expression. Elles portent à leur source, à leur
extrême pointe, leur propre science puisée en elles-mêmes, une connaissance
infuse de leurs pouvoirs, une connaissance instinctive, certes, mais dirigée
et loin des stérilisantes joutes de l'art adulte depuis longtemps ossifié.
Elles sont aussi loin de ce que l'on appelle de nos jours le « naïvisme »,
imposture de la peinture contemporaine qui, ayant fait fausse route en
se perdant dans l'abstrait, cherche à se réhabiliter et s'ingénie à faire
ingénu en singeant justement l'enfant qui dessine ou peint, en se donnant
des allures d'enfant qui ne sont que des allures de vieillard.
Autre
chose que cet art enfantin qui bouge, est mouvement, ne s'embarrasse ni
de la perspective ni des lois étroites et strictes, avec cette fraîcheur
de la couleur et des lignes enlevées d'un envol, dans sa gaucherie qui
n'est ni voulue, ni recherchée, sans technique, mais qui se calque sur
ce qui est vie. Que l'on ne s'imagine pas que l'enfant, crayon ou pinceau
en main, jette sur le papier des figures inconscientes. Elles sont au
contraire le fruit médité d'une tâtonnante recherche intérieure surgie
à la bouche de la source, dans le flot venue du fin fond de cette source
qui a eu le temps, dans son parcours, de se diriger, de se faire. Elles
ressemblent, ces figures, à tout ce qui jaillit des genèses dans lesquelles
se dévident les ténèbres illuminantes de ce qui naît, respire, enfin vit,
et coulées dans une perfection d'un autre ordre que la règle d'or d'autrefois,
trouvée d'emblée par la main de l'enfant à laquelle aboutit son esprit,
cette main qui pense et sent mais par d'autres voies que les nôtres.
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