Et Abed, une larme encore ronde sur sa joue d'adolescent, me dit avec ferveur :
- Maman... Ah... Maman... c'est... une jeune fille ! »
Et il naît sous ses doigts cette tête altière et fine, à l'oeil de soleil, à la longue chevelure emmêlée de bleu qu'aurait aimée Baudelaire, avec le buste dénudé et chaste, et ces seins... veloutés, qui sont des yeux.
Le portrait était achevé - mais sur page blanche - et à 2 heures, Abed n'est pas revenu.
Sur quel chantier es-tu, notre pauvre Abed, à recevoir peut-être des coups de pieds aux fesses, toi qui ne pouvais toucher un encrier sans le renverser...
Le portrait n'était pas fini - et nous le regardions tristement, quand Christian son compagnon de labour, je pourrais dire - notre Martiniquais qui, beau et malicieux, mais nonchalant, vient tout juste à 13 ans de triompher de la lecture, me dit :
« Mais Madame, vous ne pourrez pas l'accrocher aux Expos : il n'y a pas de fond.
- Eh bien, va le faire… »
Alors Christian a fini le fond, en touches légères, faisant bien attention de laisser pur et rayonnant ce portrait d'une
Maman qui était dans le coeur de son fils comme une jeune fille.
PAULETTE QUARANTE