Ecole maternelle d'Archères (S.-et-O.) - Madame Bélis |
Elie FAURE
Tous ceux qui ont lu les oeuvres d'Elie Faure avec l'admiration
et l'enthousiasme qu'elles suscitent ; tous ceux qui ont approché
l'homme éclairé de lucidité et d'amour, noteront comme un grand événement
humain la réédition de son œuvre dans sa totalité. A nouveau, sa présence
souveraine parmi les hommes sera assurée. On ne remerciera jamais assez
Jean-Jacques Pauvert d'avoir eu cette heureuse
initiative de replacer dans le cours de l'Histoire un génie qui a si magnifiquement
honoré la grande aventure des hommes.
De temps en temps, au cours des siècles, s'éveille une conscience
exceptionnelle qui touche au sommet de l'expérience humaine et qui, jusqu'à
l'abnégation, s'engage à prendre en charge l'héritage du passé pour le
revivifier dans le présent et assurer le destin moral de l'avenir.
Ainsi est affirmée la pérennité de
la pensée immortelle à travers les multitudes engagées, à l'instant où
s'éveille leur fierté dans 1a grande tâche collective du présent et des
« lendemains qui chantent ». Partout où les hommes se désespèrent
et se maudissent, doit se lever un messager - Christ ou Bouddha ou simplement
homme de vérité - pour leur apporter la chaleur de sa force morale et,
au-delà des héroïsmes nécessaires, l'invincible espérance. Et l'on s'aperçoit
tout à coup, quand les ténèbres se déchirent, que, sans oublier le passé,
il faut se faire une âme nouvelle pour un monde nouveau, abandonner les
habitudes de commodité, pour se laisser porter par le flux impétueux d'une
vie changeante qui appelle « les constructeurs ».
« Les constructeurs »,
justement, c'est le titre prédestiné d'une oeuvre resplendissante de force
et d'élan d'où montent, dans un relief prodigieux, les hommes de
pensée - Lamarck, Michelet, Dostoïevski, Nietzsche, Cézanne - qui, en
toute conscience et labeur, ont préparé l'esprit des temps modernes. En
modifiant le problème moral jusqu'à eux exclusivement orienté par le Christianisme,
ils nous auront enseigné que l'homme peut enfin faire quelque chose de
sa douleur, sans attendre le ciel ou sombrer dans le pessimisme.
Si des noms devaient être ajoutés à cette constellation de
constructeurs, les disciples d'Elie Faure graveraient sur le granit le
nom du maître. Mais dans les égards qui doivent lui être rendus, qui saura
ressusciter la magie d'un esprit dont le flot d'idées et de sentiments
a le bouillonnement des eaux vives et instaure à la fois des moments d'éternité ?
On ne peut parler d'Elie Faure sans se sentir porté par son
propre lyrisme. Le livre refermé - quel qu'il soit, pris au hasard d'une
somme intellectuelle et poétique bouleversante dans sa totalité – deviendra
« sa » présence ; les mots que vous choisirez seront les
siens ; les rythmes qui vous habiteront seront ses rythmes et vous
sentirez passer en vous les sèves drues de la vie, les subtilités et les
grandeurs d'une création unitaire, les figurations sensibles restées si
étonnamment sous le signe de la spontanéité pour nous préserver de la
sécheresse morte de l'abstraction...
J'ai, dans ma petite expérience intérieure, appris à penser
pour moi-même, après avoir lu avec une fougue insatiable sa si majestueuse
et humaine Histoire de l'Art. Bien sûr, l'envolée de mon esprit restait à ma petite mesure, mais désormais
je savais que ma sensibilité avait trouvé un havre et que peut-être, il
y avait un art de vivre que je pouvais honorer par cette ardeur créatrice
qui chez mon Maître avait l'évidence d'une loi naturelle.
Cet enseignement, je l'ai prodigué aux enfants qui m'ont
été confiés, à ceux devenus innombrables qui servent sans fin notre Art
Enfantin et je me suis associée corps et âme à ce vaste poème d'enseigner
que Freinet a fait monter de ces « geôles de jeunesse captive » qui sont la honte
d'une civilisation qui se veut uniquement « fonctionnelle ».
Je sais maintenant que la mobilité de la vie qui se rit
des dogmes et des notoriétés, a dans l'enfant son plus grand quotient
de chance pour préparer l'homme dans toute sa plénitude.
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