Il me faut l'aide de mes petites de CE1 pour entrer timidement
dans ce monde toujours étonnant où le coeur se met à l'aise et qui pour
moi est déjà le domaine de l'Art. C'est en les regardant peindre, en écoutant
leurs réflexions, que depuis quatre ans, j'essaie, à leur contact, de
recommencer mon éducation artistique manquée, jadis.
Que d'années perdues ! Que de découragement, après chaque
Congrès ! Que de regrets devant toutes ces richesses vues et admirées,
et notre impuissance à atteindre cet « inaccessible » Art Enfantin.
Oui, c'est seulement voilà cinq ans, qu'un jeudi de décembre,
une visite à Crouy me fit connaître Jeanne,
une Jeanne toute simple, s'activant au milieu de ses équipes, livrant
à tous les secrets de ses réussites, établissant immédiatement avec nous,
camarades d'un département voisin, des contacts humains sincères et vivifiants.
Huit jours plus tard, c'était la première réunion régionale de Tours où
Jeanne avait exposé dessins et tentures, et où, sous le flot de nos questions,
elle nous donna tant de petits détails pratiques, tant de conseils et
d'encouragements. Mais, de là à nos réussites propres, il y avait encore
bien du chemin à parcourir.
Et comment le parcourons-nous, ce chemin ?
Tous ensemble, main dans la main, enfants et maîtres des
circuits, soutenus et encouragés par notre guide si totalement à notre
service, toujours disponible et confiante dans ses élèves petits et grands.
L'arrivée du circuit ! Tout le monde au Val-de-Loire connaît ce moment de grande joie: l'ouverture
du carton, la découverte des nouveaux dessins des petits amis.
Si la joie des enfants est grande, que dire de celle de la
maîtresse quand elle découvre à quel point les enfants savent voir juste.
Souvent, au premier passage, quelques-unes de mes élèves
déjà déformées cherchent l'exclusif réalisme :
« Qu'est-ce que c'est là, dans le coin ? un chien ? »
« Oh ! la poule, elle
a la crête verte ! »
En début d'année, comme pour le Texte Libre, elles ne sont
que quelques-unes à faire part de leurs impressions, mais à la fin !...
Je me souviens, en juin de la 1re année des circuits, alors
que devant un dessin je sentais confusément quelque chose qui n'allait
pas, sans pouvoir le formuler, voilà ces petites de 8 ans prodiguant aux
petits amis critiques et conseils si justes que j'en restais stupéfaite.
Le malheur dans nos écoles de ville c'est que chaque année
il faille recommencer avec une nouvelle fournée, repartir toujours à zéro.
Et pourtant non, pas tout à fait. Jeanne
avait raison quand elle me disait : « Tu verras, chaque année tu repartiras une marche plus haut.
C'est pour le dessin comme pour toutes les autres techniques ».
C'est vrai. Les démarrages sont moins pénibles, les cahiers
de croquis plus riches chaque année.
Toujours se découvrent quelques mains plus sûres, quelques
personnalités plus riches que l'on admire et qui, petit à petit entraînent
la classe.
« Faites confiance aux enfants ; donnez-leur toutes
les possibilités de s'exprimer librement. Soyez présente par votre coeur
à leurs tâtonnements. Ayez la patience d'attendre. Laissez-les aller :
ce sont eux qui pour finir vous guideront. »
Ces conseils si judicieux et si simple prodigués depuis si
longtemps dans notre École moderne, ne seront jamais démentis par la pratique
pédagogique la plus sérieuse, la plus exigeante.
Depuis quatre ans, je laisse mes élèves me guider. J’apprends
en regardant leurs images toujours venues en spontanéité, l’originalité
des choses « pas comme les autres ». J’affine ma sensibilité.
Je compare, je médite et voici que, tout doucement, je suis participante
de cette atmosphère de totale communion introduite dans ma classe par
le dessin et je me sens emportée vers de nouveaux chemins.
DENISE POISSON
École Anatole France
Tours (I. et L.)
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