L'un des jeux favoris de ce mois de juin, dans l'école maternelle où j'ai mon bureau, est l'exploration de la bande d'herbe sauvage et d'arbustes de la cour. Se rouler dans le foin, se tresser des couronnes, faire d'adorables bouquets de feuilles et de cerises vertes tombées là un jour de grand vent, cueillir les roses et les « lilas des chats », faire grimper des chenilles sur les manches ou les emprisonner dans le creux de la main, se hausser en sautant jusqu'aux branches basses des tilleuls, enterrer l'un des enfants dans le foin arraché, agacer les filles avec les feuilles d'herbe, organiser un défilé, les branches d'aralia servant de drapeaux et les longues herbes sur lesquelles glisse une feuille habilement enfilée tenant lieu d'instruments de musique, que sais-je encore ! Exploration du milieu et re-création des actions adultes qui ont le plus frappé l'imagination et suscité l'admiration (je ne mentionnerai que pour mémoire les courses pétaradantes d'autos imaginaires, mains au volant et corps projetés en avant, en arrière, virant savamment et freinant bruyamment) et déjà se décide cette curiosité et ce besoin de posséder en créant qui mèneront peu à peu l'enfant vers l'assimilation du monde proche, la maîtrise du corps et de la pensée, la connaissance et la culture. Témoignage direct de la vie affective de l'enfant, le geste nous révèle la sensibilité enfantine dans ses élans les plus spontanés, les plus authentiques. Ainsi le bonheur d'aimer, la joie de vivre s'expriment pleinement dans les gestes d'offrande à la maman ou à l'éducatrice. Offrande de soi-même et de tout ce que le monde autour de soi peut apporter : fleurs, coquillages, plumes, cailloux, herbe, lumière, feuilles mortes et feuilles vives, sourires, baisers, caresses, gestes innés et primordiaux, de tous les temps et de tous les lieux, joie de découvrir et de donner, plaisir de créer, d'agir, d'être soi-même et quelqu'un d'autre, de partager et de s'enchanter ensemble des merveilleux pouvoirs du corps. Mais pour que l'enfant prenne, à travers le geste, conscience de ses pouvoirs d'expression, et les épanouisse, il faut que ce geste soit accueilli et valorisé par le milieu social et que les sollicitations de l'environnement soient nombreuses et riches. |
|
Quelle peut être cette part dans le domaine de l'expression gestuelle ? Tout d'abord l'observation des jeux et gestes spontanés enfantins qui donne la mesure et le registre des possibilités et des intérêts, puis la mise en commun des trouvailles enfantines par la pratique journalière de la gymnastique et de la rythmique naturelles qui délient les corps et développent l'esprit d'invention gestuelle, enfin l'apport d'oeuvres musicales accordées à la joie de vivre enfantine, qui l'élargissent et l'équilibrent. Je voudrais souligner, en particulier, l'importance du moment journalier de gymnastique et de rythmique pour l'acquisition de la maîtrise du corps, de l'aisance des mouvements et d'un vocabulaire-mimique important, qui sont les facteurs du langage gestuel. Pour que nos enfants puissent mesurer leurs pouvoirs physiques et les exercer librement, nous mettons à leur disposition un matériel simple et collectif : bancs, pyramides, pneus, balançoires, filet à grimper, poutres d'équilibre, pas de géant, etc... Le tâtonnement expérimental puis la répétition jusqu'à prise de possession parfaite des gestes réussis jouent à plein leur rôle formateur. D'autre part, chacun est convié à tour de rôle, devant ses camarades, à mimer une action de son choix, souvent inspirée par le thème de vie de la classe, lui-même issu de la conversation et du texte libre, action commentée, discutée, imitée par l'ensemble de la classe. La maîtresse n'est nullement en dehors du jeu. Elle suit les rythmes au tambourin, elle propose elle aussi tel ou tel mouvement ou rythme, elle suscite et canalise les apports enfantins. Ainsi chacun des jeux du cirque présentés lors du Congrès de Brest fut construit par la classe (maîtresse et enfants) après avoir fait l'objet de discussions, d'études et de critiques venant d'une confrontation mentale entre les spectacles vus à la télévision ou lors du passage d'un cirque et les jeux proposés par les enfants, L'évocation des souvenirs doit se préciser pour se plier aux nécessités du leu et celui‑ci se structure au fur et à mesure des trouvailles. De plus le cirque fut vécu en profondeur dans tous les domaines de l'expression : expression verbale, parlée ou chantée, plastique, manuelle, graphique. Dessins, peintures, modelages, céramiques, tapisseries, textes s'élaborèrent en même temps que les jeux, enrichissant ces derniers de toute la puissance suggestive de la couleur, de la ligne, de la forme, du verbe, La musique, donnée en dernier ressort, soutint l'élan des enfants, régularisa leur rythme et amplifia leur jeu. |
|
Pour
les nombreuses camarades qui m'en ont fait la demande, je donne quelques
références musicales : Mlle PORQUET |
|