Ecole de Vénérieu - Isère |
Et je n'avais plus qu'à me laisser porter par le chant secret
de ces murs où une fois encore, se renouvelait le miracle de la vie, livrée
nue, sans rature, sans accroc, avec seulement la passion de l'enfant,
libre, ivre de la découverte de son monde, de sa terre et qui nous en
dessine l'étincelant visage.
J'y retrouvais le grand souffle de l'univers, gardé en équilibre
dans le sombre ballottement du monde, le grand souffle d'un univers presque
oublié des hommes et recréé là par les mains préservées et actives de
l'enfant, à travers la palpitation de l'eau, le froissement de l'air,
la brûlure du soleil.
Oui, un univers, étalé, cousu, peint, collé, assemblé, brodé
à grands pans de verts et de bleus, tout cela mêlé de laines et de jute
et de soie et de bois et de papiers et de cartons.
Je n'avais qu'à regarder... L'ombre de la mer roulée sur
la plage, le vent de la forêt sur la bruyère, le vert multiplié et unique
du printemps, la splendeur immobile de cet arbre entravé, le secret de
ce visage tourmenté, la paix de cet autre, la danse enroulée d'une fleur...
Je n'avais qu'à suivre, à me laisser attirer par l'éclat voilé ou triomphant
de chaque mur qui, à chaque pas, me retraçait l'éternelle histoire des
vagues et du soleil, des fleurs et des arbres, de la nuit et du vent et
du ciel dans un grand brassement de bleus et de gris, mêlés à l'éclat des jaunes,
au déchirement des rouges, à la douceur des ocres.
La lumière haute des fenêtres entourait de sa chaude caresse
le gris-vert des poteries, la tiédeur de leurs
formes. La terre brute des bas-reliefs délivrait la note pure de leurs
lignes sans défaut.
Je n'avais plus, encore une fois, qu'à me reculer un peu,
pour mieux embrasser d'un seul regard, la salle entière, désertée maintenant,
rendue à son silence et où soudain, tout s'apaisait en un subtil accord
: le dessin fragile des grands bouquets blancs, la sombre lueur des lourds
bahuts et les murs qui vibraient doucement, dans l'ombre, de toute la
gloire de leurs couleurs.
Tout semblait arrêté, définitif, tendu dans une immobilité
attentive.
Il ne restait plus qu'un étrange et chaud moment, pareil
à la lourde étreinte qui monte de la terre et de la mousse, un jour d'été,
moment qui à lui seul contient tout le chant du monde.
J. PABON-BERTRAND
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