Ecole maternelle de Perpignan - Deux aspects de l'exposition

les maternelles de Perpignan

JOIE DE SE RETROUVER

Ceux qui ont eu la responsabilité de l'exposition savent au prix de quels efforts ils ont pu procurer au visiteur non préparé à ce qu'il allait découvrir, ce moment de saisissement, qui dès le seuil franchi, le clouait sur place, décontenancé par autant de merveilles et cherchant pour son oeil désorienté et son esprit quelque peu bousculé, par quel biais il pourrait pénétrer dans cet univers insoupçonné.

Oui, car il n'est pas encore donné à l'adulte de savoir que ces « instants de sincérité spontanée » qu'il ne songerait plus à contester à l'artiste de tous les temps, s'inscrivent dans le destin premier de l'enfant.

Ce n'est pas par hasard pourtant, si cette pierre ou ce bois deviennent vivante sculpture, si cette glaise obéit si bien au caprice des doigts et de l'imagination : sans doute parce que ces matériaux qui exercent sur l'enfant un attrait irrésistible, conviennent le mieux à sa spontanéité créatrice pour s'y inscrire, répondant à un besoin premier de sculpter et modeler, antérieur peut-être, comme le pense Elie Faure, à celui de peindre...

...C'est là, sur ce banc, face à ces magnifiques tentures (par hasard celle de l'École Freinet) que je me suis assise pour rêver, seule, pendant quelques instants.

Quelques instants de paix et de recueillement pour entrer en communion spirituelle avec l'oeuvre de l'enfant : voilà un privilège qui ne peut être celui des organisateurs.

   

Il est pourtant d'autres joies compensatrices que seule l'École Moderne est en mesure de procurer : celle de retrouver sous des cheveux blanchis sa première institutrice, et le souvenir des premières Gerbes lues et dans ces grandes à peine reconnaissables, des enfants hier.

Joie de se retrouver, joie de retrouver ensemble un univers qui avait été le nôtre... Souvenirs précis et émus que Suzon (15 ans), quelques jours plus tard, m'adressait, ainsi magnifiés :

« La grâce délicieuse, délurée de ces choses d'enfant, des choses naissantes et si fraîches qu'elles peuvent rajeunir le soleil, m'apparaissait sur la grisaille de ces murs, comme les touches justes et sonores d'un poème.

J'éprouvais d'abord à rester immobile, une sensation de détachement ; peu à peu une joyeuse ivresse s'emparait de moi, me permettant d'entrer sans peine dans ce royaume de l'enfant, ce royaume dans lequel i1 vit comme à l'intérieur irisé d'une bulle de savon...

J'étais dans la bulle de savon.

Au collège, où l'on ignore toutes ces choses, j'ai mieux compris ce qu'est l'École Moderne : c'est le bonheur de rejeter une lourde chaîne de classe quotidienne, c'est respirer l'indépendance où le coeur s'élève, où les pensées vont vers la création, c'est le bonheur de poursuivre, dans la petite flamme, pour toujours allumée, la suite de ses rêves ».

 

   

Nous étions là, devant cette fenêtre où tout était harmonie, de naïves fresques donnant à ce « coin » une paix de chapelle romane, lorsqu'une petite main volontaire, agrippée à mon bras, me fit réaliser la présence de Lucile (5 ans) :

«  Maîtresse, où sont nos tapisseries ? Et nos dessins ? Je ne les ai pas trouvés.

(Le moment était venu de rendre compte).

- Ils sont au Lycée.

- Viens me les montrer

- Tout à l'heure

- Non, maintenant ».

Nous voilà donc, Lucile et moi, main dans la main, dans les couloirs du Lycée, quasi-déserts à cette heure, où son œil exercé retrouvait sans la moindre hésitation, parmi les quelque six cents dessins, les « nôtres », n'ayant d'autre mystère et d'autre raison que d'être un authentique moment de vie.

Que de moments semblables ont tissé la parure de tant de richesses qui font de ce Congrès de Perpignan une pierre blanche qui pour tant de participants marque à jamais un destin !

THÉRÈSE VIGO

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