Les chemins de l'enfance Pour la première fois dans l'histoire du mouvement Freinet, la séance d'ouverture du 22e Congrès de l'École Moderne ne nous apporte pas, hélas ! ce que nous en attendions d'abord : la présence de Freinet, la présentation de la pédagogie Freinet par son fondateur lui-même. Et la peine des responsables du mouvement et du congrès se double de l'angoisse de trahir ou de déformer la pensée profonde de ceux aux noms desquels ils parleront : Élise et Célestin Freinet. Sauront-ils faire comprendre à ceux d'entre vous qui assistent pour la première fois à un congrès de l'École Moderne que, bien au-delà des techniques qu'ils nous ont apportées, Freinet et Élise Freinet nous ont révélé une manière ouverte, généreuse, sensible, d'appréhender notre métier d'éducateur et d'en faire par là même une authentique raison de vivre et d'aimer ? Sauront-ils vous faire découvrir, à travers les oeuvres qu'ils vous présenteront, la raison d'être et la valeur d'une conduite éducative qui se veut à la fois aidante et respectueuse des démarches naturelles de l'esprit et de la sensibilité enfantines ? Sauront-ils surtout vous faire sentir sous les multiples aspects des techniques et des méthodes l'unité d'une pédagogie révélatrice des pouvoirs d'une enfance qui se cherche et se construit elle-même par les moyens de l'expression libre et du tâtonnement expérimental ? Sauront-ils enfin vous donner le désir d'entrer dans notre maison, de vivre notre compagnonnage, cette grande aventure qui commença voici quarante-cinq ans à Bar-sur-Loup, un premier octobre où l'instituteur Freinet, grand blessé de guerre, prit pour la première fois comme éducateur contact avec une classe ? Vous visiterez tout à l'heure deux expositions d'art enfantin : l'une d'elles accueille 900 dessins venant de 40 départements et de plus de 140 classes, l'autre, installée dans l'une des magnifiques salles du Palais des Rois de Majorque présente sous le nom de Maison de l'Enfant un certain nombre de travaux d'art enfantin : dessins, peintures, céramiques, tapisseries, sculptures réalisés tant à l'école Freinet de Vence elle-même que dans un certain nombre de classes-témoins du mouvement. |
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Devant la profusion de ces oeuvres, devant l'invention et la richesse de ces témoignages, vous serez peut-être étonnés, incrédules ou désorientés. Voulez-vous me permettre d'essayer simplement de vous donner quelques clefs qui vous aideront peut-être à entrer dans ce domaine ? Qu'est-ce donc que l'art enfantin ? II me semble que c'est, avant tout, pour l'enfant, une certaine manière de vivre et d'être au monde, une façon chaleureuse, éclatante, libre de manifester ses pouvoirs de création, ses émotions, ses prises de possession les plus profondes de lui-même et de son milieu. Un art de vivre sans souci des conventions, des règles et des lois de la bienséance adulte, une incessante provocation à la joie. Accueillez-le donc cet art avec le même éblouissement que provoque à chaque printemps jusqu'au fond de votre coeur l'ardent éclatement d'un pêcher en fleurs, l'aigre chant de l'alouette, le jaillissement des feuilles nouvelles. Laissez-vous bousculer par ce courant de vie qui se moque de la routine, des habitudes, de la tranquillité adulte. En roulant vers Perpignan, m'arrêtant au bord d'une route, j'ai eu la chance d'entendre chanter un chêne que le vent de printemps dépouillait de ses dernières feuilles mortes. C'était un beau chant clair d'espoir, palpitant de la promesse du renouveau. |
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