J'en ai appris des choses, telles que Bergson ou Proust ne me les avaient jamais dites : - Moi, j'ai
peur, la page blanche est trop blanche. Chacune a dit sa dite ! et je vois dans les trente-sept paires d'yeux les reflets successifs de ce drame qu'est la création - que croyez-vous, vous qui niez l'enfant-artiste, d'un quart d'heure ou de toute l'enfance ? - la création de l'enfant, comme celle de l'adulte : angoisse, étreinte, peur, et puis domination, maîtrise et puis apaisement... Et cette conclusion d'Elisabeth-la-magnifique, avec son grand oeil clair, elle qui était invisible dans la masse des belles petites, qu'on aurait cru vide, comme le masque de la fable, Elisabeth, qui est tombée amoureuse de l'équilibre, de la majestueuse ordonnance, de la plénitude, à la minute où sortait de la presse la première page imprimée, tant lui a paru beau ce graphisme blanc et noir que font les caractères (je pense à ces chercheurs qui sont aussi poètes, et font retraite à Lure, pour, de leurs mains, redevenir artistes-créateurs-typographes, des Arts graphiques), Élisabeth m'a regardée avec malice et tendresse : « Madame, pas vrai, que maintenant, je suis dégourdie ». Oui, Élisabeth, depuis trois jours, tu ressembles à la chrysalide de Zakia, qui est devenue papillon sous nos yeux, comme ça, simplement, et qui, du dedans d'elle-même, comme toi, s'est donné des ailes... des ailes qui, jusqu'au dernier jour, pourront t'emporter vers le seul monde qui ne pourra te décevoir, si tu en comprends, avec tes yeux, avec ton coeur, avec ton âme, la cosmique ordonnance, celui de la beauté. PAULETTE QUARANTE |
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