EXPOSITION

Un soleil semble partout présent dans cette rencontre de la jeunesse du monde avec l'Art : Lurçat...

Spontanéité, beauté naïve des créations libres de ces enfants encore purs dans leur inspiration, beauté naïve de ce mobilier catalan tout proche, longues tables sombres mais luisantes, et cette « arca de l'arxiu » taillée jadis dans le noyer à Prats-de-Mollo

L'immense gazouillis de la tapisserie des oiseaux, verte comme un printemps, s'échappe du coin d'Odile Salvat : un orchestre infini, une symphonie d'oisillons à peine déjà en plumes, à peine déjà crêtés, et qui s'égosillent en voletant au milieu des étoiles dans une féerie de couleurs : la jeunesse gaie, libre, sans frontières, prête à toutes les envolées...

Les céramiques recréent les émaux mérovingiens, mais partout ici la fleur - la rose romane - éclate en symbole de la pureté enfantine.

Dans le coin céramique l'homme âgé que je suis s'efforce à retrouver des formes nègres, cols allongés à la suédoise, une femme hindoue, et ces barques si curieusement « tapisserie de Bayeux », mais je veux chasser cette illusion née de la Connaissance - donc de l'erreur - et remercier ces tout jeunes enfants d'avoir, là encore, recréé l'Art pur dans un flot d'oisillons qui chantent.

   

Puis, c'est le coin du Nord, de Liévin, et celui de Bretagne, de Brest, et puis celui du Val-de-Loire, tous éclatants de la même et si curieusement identique gaîté, des mêmes et si curieusement identiques couleurs, de la même et si curieusement fraternelle liberté, comme si tous les enfants du monde avaient, en même temps, les mêmes élans généreux et simples, les mêmes bonheurs spontanés...

Voici, au coin du Val-de-Loire des arbres dénudés mais sans corbeaux, puis vite des arbres en boule à l'aube des printemps, des couleurs claires, douces comme les matins de Loire, des coqs, et des feuilles, et des bouquets, toute la douceur ligérienne...

Alors éclate le coin École Freinet : la tapisserie des jeux de cartes en tête-bêche, parfaitement médiévale et si proche du Palais des Rois de Majorque par son évocation, et pourtant née bien loin de là, en Provence, des rêves et des doigts d'enfants de 10 à 14 ans au plus.., une tenture « art nègre » à femme-Janus bi-face, de la symétrie (si rare chez les enfants), des animaux en filigrane, oiseaux affrontés (romans ?) à larges plumes, bouquetins, fille aux seins pulpeux, toute faune et toute flore qui crient la spontanéité enfantine du vrai art roman, et la véritable résurrection des pensées et des mythes de l'Homme, cet enfant éternel...


Photo Ribière
 

Enfin, une tapisserie brodée livre le plan de l'école de Vence, avec ses enfants heureux et libres, ses ors, ses cyprès, et ses oliviers, sa vasteté aérée et aérienne, et où contrastent les ors et les rouges... et, au-dessous d'une table catalane, contre un pilier roman de marbre bleu-gris de Baixas, dans ce cadre si typiquement Rois de Majorque, ce village vivant avec son poulain lâché à la crinière folle, et ses enfants-pantins (ou ses hommes réels ?), au milieu des fleurs et des escargots à tête humaine... tout un rêve puissant et naïf à la fois, et si plein de poésie...

Ce fut cela, l'Exposition de l'École Freinet : dans ce palais de marbre bleu et rose, et de brique, au pays libre du soleil, et sous le signe omniprésent de Lurçat, la merveilleuse éclosion de spontanéité heureuse et pure de l'enfance, une merveilleuse leçon d'humilité pour l'Homme, qui croit avoir appris et vouloir enseigner ce que l'Enfant déjà exprime avec tant de beauté : l'amour de la lumière, de la liberté, de l'humain...

M. GIGOT

Archiviste

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