Art enfantin prend un nouveau visage

Contre vents et marées, malgré les limitations de la pauvreté et de notre condition primaire, malgré l'indifférence des autorités administratives, notre revue a héroïquement gagné la partie ; nous voici, pour ainsi dire, maîtres de la situation et forts de notre réussite, plus que jamais soucieux de sauvegarder nos biens et d'en parfaire la présentation : pour que soient sauvegardés à la fois, et le message de l'enfant et la vocation des maîtres et aussi et surtout pour que nous soit définitivement acquise la sympathie intellectuelle et humaine de nos lecteurs étrangers à l'enseignement.

C'est dans ces soucis de meilleure et de plus fraternelle audience que des discussions se sont engagées lors de nos journées de Vence et que des décisions inhérentes à la fois aux buts de notre Art Enfantin et aux exigences des règlements de périodicité des revues, ont été retenues.

De plus en plus une discrimination s'établit entre nos lecteurs : il y a, d'une part, et ce sont les plus nombreux, les enseignants attachés à une formule spécialement pédagogique, et, d'autre part, les lecteurs sympathisants étrangers à nos milieux scolaires, plus soucieux des oeuvres enfantines brutes que des commentaires qui les accompagnent avec plus ou moins de bonheur.

Il nous fallait donc trouver une formule qui satisfasse les uns et les autres tout en sauvegardant la part de l'enfant qui, ici, est souveraine.

Nous nous sommes arrêtés à une solution qui, loin d'être un compromis regrettable, répond au contraire, semble-t-il à l'attente de tous.

Art Enfantin paraîtra désormais en quatre numéros à l'année :

- deux numéros en noir et blanc garantiront la critique psycho-pédagogique des maîtres qui jusqu'ici était le fond essentiel de la revue;

- deux numéros beaucoup plus riches et plus copieux paraîtront sous forme d'albums reliés avec prédominance large des belles images enfantines, pages en couleurs aussi nombreuses que possible, le tout reflétant avec un souci total de vérité les divers aspects d'un Art spontané : dessin, peinture, céramique, musique.

Ces albums qui paraîtront à Noël et en juin auront l'avantage de prendre place dans toutes les bibliothèques au même titre que tous livres d'art et de témoigner ainsi de la constance et de la pérennité d'un art d'enfance qui mérite respect et égards. Nous formons le souhait que la série en soit longue et que les numéros se succédant puissent témoigner, de manière probante, de la réalité des pouvoirs de l'enfant et justifier les espoirs que les éducateurs que nous sommes ont placé dans leur devenir.

Elise Freinet