à l’école Maternelle du Vieux Calonne à Liévin 62

Nous y fîmes cette année une large place aux oeuvres des élèves du Cours Préparatoire de notre école ; de ce Cours dont on parle peu, sinon pour affirmer que c'est un cours « pauvre », aux enfants déjà « si conformistes », si soucieux du vrai, du réel, qui ont perdu « l'exubérance et l'audace de l'Ecole Maternelle ». Il semble que l'Ecole Maternelle soit seule détentrice des pouvoirs créateurs enfantins. Selon certains pédagogues et spécialistes de l'enfance, nombreux il faut le dire, toute magie cesse au sortir de la seconde enfance. Le petit homme subitement abandonné des fées bienfaisantes qui l'ont jusqu'ici guidé perd brusquement les clefs du royaume enchanté.

Pourtant notre exposition semblait bien prouver le contraire.

Il serait certes vain de nier le processus continuel de transformations morphologiques et psychiques qui s'opèrent chez l'enfant du Cours Préparatoire. Sorti de « l'âge de grâce et du chèvre-pied » il amorce son entrée dans le monde des grands; une entrée hésitante : il abandonne ses dents de lait, devient la proie des maladies contagieuses... Pourtant, en vertu du sens dynamique de la vie, qui est un devenir, il sent monter en lui de nouveaux pouvoirs ; pouvoirs encore mal affermis que, dans l'irrésistible désir de grandir qui l'habite, il veut éprouver. Alors un décalage très net se creuse entre ce qu'il entrevoit et ce qu'il réalise...

Il aspire à faire « vrai », à faire « grand » et c'est l'âge défini par les Instructions officielles pour « l'apprentissage de la lecture », qui devient l'objectif numéro un de l'Ecole primaire, car il faut donner à l'enfant « le plus vite possible l'habitude de lire sans effort, et l'on ne peut lui donner cette habitude sans multiplier les exercices ». Là commence le drame... Et voici, dit Kerschensteiner, que l'école ouvre ses portes... Finie toute occupation qui absorbait l'enfant tout entier ; toute activité productrice, tout le monde de l'enfant s'évanouit ; un monde nouveau, étranger, avec cent énigmes, cent exigences et fins incompréhensibles, se présente à lui ; au lieu du joyeux bavardage et des libres récits, le silence et l'obligation d'écouter ; l'attention fixée et l'esprit dirigé en droite ligne ; au lieu de la découverte, de la recherche, de l'essai, de la fabrication, l’imitation, une occupation solidaire à des tâches imposées ».

 

   
   

Autrement dit, la classe n'est plus ce qu'elle a pu être jusqu'ici à l'Ecole Maternelle, c'est-à-dire un lieu d'éclosion féconde, qui libère et affermit. A l'étroit dans sa chrysalide scolaire, l'enfant ne peut plus déplier les ailes du rêve qui continue de l'habiter. Serrée, tendue, gonflée dans cette gaine, la vie profonde y prend un caractère engourdi, et peu à peu les ailes inutiles s'atrophient, se recroquevillent sur un lumineux univers, interdit aux adultes et qui ne se délivre que par instants en éclairs éblouissants aux joyeuses heures de totale liberté.

Alors, de toutes parts, fuse cette vie enfermée dans un corps que l'enfant sent grandir. « Je joue ! » clame-t-il avec bonheur lorsqu'il se lance dans cette activité jubilante et passionnée, épuisant avec ivresse le trop plein d'énergie accumulé lors des longues pauses scolaires.

Pourtant si, à l'image des meilleurs de nos éducateurs Ecole Moderne à « l'écoute », l'adulte attentif recueille ces éclats de vie, et aide l'enfant à reconstituer le puzzle de ses propres richesses, si, jour après jour, l'enfant - même celui du cours préparatoire, même celui de nos cités ouvrières qui ignore la culture - retrouve ce climat favorable à l'épanouissement de son être, si, dans le même temps, sans jamais hâter cette maturation « que les sollicitations des maîtres et des parents ne sauraient avancer d'une journée » (JeanRostand), l'éducateur l'aide à découvrir le monde des êtres et des choses, à s'y adapter dans un perpétuel ajustement tâtonnant, alors l'enfant se découvrira lui-même par rapport au monde, affirmant sa place dans l'univers. C'est ce qui est arrivé à Jean-Luc, qui dessinait des « petits clowns » sur des « planètes de clown ». Un matin, face à ce monde qui l'enserre, après des improvisations de fanfare claironnante, il lança son credo joyeux :

Moi je crois….......... je crois au soleil

  .............................. aux fleurs

  .............................. aux oiseaux.

                                 Je crois à la vie.

                                 Je suis un petit enfant qui croit... »

C'était un enfant du cours préparatoire Il avait sept ans, il croyait à la vie.

Et rassurez-vous, les inquiets... il savait lire ! ... écrire !... compter !

Mme Berteloot

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