POURQUOI ?
« Mais
pourquoi dessines-tu toujours une petite fille ? »
Par cette question
de ses camarades, Aline se trouve placée devant un problème qu’elle ne
s’est, sans doute, jamais posé.
Ayant pris résolument la tête du peloton dans le seul
domaine où elle brille, l’expression graphique et picturale, elle a poursuivi
son élévation par un tâtonnement accéléré fait de multiples répétitions.
Elle a utilisé, tour à tour, toutes les voies disponibles : gouache,
feutre, drawing-gum, encres, vernis gras, émaux, zinc, aluminium, monotype,
tapisserie, crayon gris, crayolor. Et toujours la petite fille trône seule
ou entourée de fleurs, de papillons, d’oiseaux, qui lui font un cortège
bariolé. Est-ce la projection de cette petite fille heureuse qu’elle voudrait
être, elle qui a connu déjà, de la vie, les nombreuses misères de la plus
désolante pauvreté ?
Que va-t-elle
répondre ? Saura t-elle trouver le pourquoi de cette riche moisson
de « petites filles » dont la dernière née a toujours de la
précédente conservé un air de famille mais est cependant différente ?
Saura-t-elle
expliquer comment l’ébauche grossière, que nous avons vu émerger des graphismes
malhabiles des premiers jours, est devenue une petite fille rayonnante
de grâce et de légèreté ?
Sait-elle qu’elle
lui doit une confiance nouvelle en elle-même, confiance née du pouvoir
acquis sur les outils de la création et de la considération de ses camarades,
de sa mère qui la dévalorisait et des nombreux amis de la classe ?
Peut-être,
car ses textes témoignent d’une meilleure appréhension de ses problèmes :
« Dans
la classe, il y a des travaux commencés ; moi je ne les termine pas,
je vais faire un autre travail ou je vais embêter les autres. Mes camarades
n’aiment pas qu’on les taquine et le maître me dit : « Viens
finir le travail que tu as commencé. »
« Moi
j’aime bien faire des beaux dessins. Quand le maître me dit quelque chose,
je suis toujours en train de faire des dessins sur mon ardoise. »
(Lettre aux correspondantes)
« Mon
cœur battait de toutes ses forces. Soudain il me dit : « Aline,
toi qui fait de beaux dessins et de belles peintures, je veux que tu ne
dise plus de gros mots. Essaie de te contrôler un peu et tu verras, tu
sauras te contrôler. »
(Texte libre)
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