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Chanson, Chanson, le vent est-il
arrivé ?
Quand je
me rendis compte que la musique spontanée n'était pas le lot de chaque
enfant j'aurais pu, comme mes camarades, déchanter à mon tour. Mais, par
chance, à ce moment s'était déjà installée en moi la conviction intense
que, dans le chant libre, l'essentiel c'est la libération psychologique.
Et c'est même, justement, la monotonie de la complainte ou de la psalmodie
qui suscite le plus sûrement la rêverie, l'affleurement du subconscient.
Mais, depuis,
je me suis aperçu que la composante musicale avait tout de même son importance.
Et j'ai également pris conscience que ce qui me la faisait dédaigner si
superbement, c'était mon insuffisance, mon incompétence, mon incapacité
à créer dans ma classe le climat musical nécessaire.
Mais, lentement,
avec les générations montantes et les progrès réalisés, un folklore de
la classe a pu, peu à peu, se constituer. Et
maintenant je n'ai plus de problème : ma classe sera toujours chanteuse,
pour le moins interprète, si auteur ne se peut.
Chez nous, nous faisons chanson de
trois façons :
- Lorsqu'un beau poème éclôt, la proposition
naît aussitôt de le mettre en musique.
- Quelquefois,
c'est une création musicale orale qui nous échoit ; par exemple,
une sonate pour piano figuré et violon sifflé. Aussitôt, quelque farceur,
si ce n'est quelque tendre, l'habille d'un vêtement de paroles.
- Enfin, parfois, la chanson naît spontanément,
comme cela, dans un mariage harmonieux et immédiat de paroles et musique.
La tentative,
souvent, avorte : nous n'avons garde d'insister. Lorsque le niveau
de la production est moyen, nous acceptons cette moyenneté.
Il peut se trouver qu'une chanson n'ait qu'un couplet. Et puis, soudain,
après deux ou trois années, il lui en pousse deux autres de la plus belle
façon.
Vous le
voyez, il n'est point de forçage : si la chanson ne dure que le temps
d'un refrain, c'est toujours cela de cueilli en passant. Comme pour le
dessin, il y a naturellement beaucoup de déchet parce que le tâtonnement
est généreux. Et encore, peut-on parler de déchet lorsque chacun des 29
enfants, garçon ou fille, vient chanter sans hésiter devant ses camarades ?
La réussite n'est-elle pas alors totale ? Cependant, musicalement,
la classe devient, peu à peu, plus habile : les beautés s'additionnent
et le niveau général s'élève.
Aujourd'hui,
je vous livre quelques éléments de notre folklore. Ils vous rendront peut-être
service. En effet, dans tout domaine, une certaine atmosphère de création
favorise le démarrage.
Si vous
n'avez pas à votre disposition l'exemple de créations anciennes, vous
pouvez prendre les nôtres. Par exemple, un jour, vous délaisserez la radio
scolaire et vous prendrez la rose de toutes couleurs ou la rivière. Elles
se trouveront, peut-être, à vos enfants mieux accordées.
Évidemment,
vous en ferez ce que vous voudrez : nous vous les offrons en entier.
Vous ne pouvez craindre de les trahir puisque ma transcription musicale
les trahit déjà. Et, par chance, vous retrouverez peut-être la bonne chanson.
Mais vous ajouterez les mots, les rythmes, les couplets qui vous
plairont; vous ralentirez, vous accélèrerez. En un mot, vous en ferez
votre bien. Si vous en faites autre chose, vous aurez fait création originale.
Ce sera votre premier fonds. Et peu à peu vous vous constituerez un avoir
si grand que vous dédaignerez nos trésors, qui ne sauraient être trésors
que pour nous.
Paul LE BOHEC
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