Dans un pays bien loin, un arbre-sorcier est très méchant C'est le matin. Une petite chèvre passe près du village endormi. Elle fait un petit bruit. Un garde du village l'entend et grogne, pour la chasser. Un villageois se réveille et dit: - Va-t-en ! Va-t-en petite chèvre ! Ici, l'arbre-sorcier ne veut pas de bêtes ! Les volets des maisons s'ouvrent. Les villageois se réveillent et sortent de leur maison. Ils entendent la grosse voix de leur maître, l'arbre-sorcier qui dit très fort, comme un long hurlement : Rassemblement ! Il est laid et méchant. |
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Il n'aime pas la musique du vent dans les feuilles des arbres et le bruit des châtaignes qui tombent. Il n’aime pas le bruit des animaux Il n’aime pas les danses Il n’aime pas les rires Il n’aime pas les chansons Il n’aime pas les musiques Il n’aime pas le théâtre Et tout ce qui est amusant Il aime que tous les gens de son pays travaillent, travaillent toujours sans jamais s'arrêter, même la nuit. Il dit : - Je veux manger dans une assiette neuve tous les soirs. |
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Il dit : Pour me chauffer, il faudra aller chercher du charbon dans des mines très profondes. Il dit : - Je veux, pour mon déjeuner, qu’on me fasse cuire trois gros poulets. Et puis il commence à compter les villageois. Il ne parle pas comme tout le monde, l’arbre-sorcier. On ne comprend pas ce qu’il dit. Mais les villageois, eux, ont l’habitude et comprennent. Il dit encore : - Aujourd’hui, il faut finir le mur qui protège le village. Et je veux cette pierre, elle est si belle, tout en haut ! - Il a désigné la tortue ! - Il a désigné la tortue ! |
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Les villageois sont terrifiés. L’un d’eux, Jérôme avait réussi à cacher une tortue dans le village, alors que l’arbre-sorcier avait chassé tous les animaux. En se passant les pierres, ils se disent en chuchotant : - Il faut faire partir Jérôme et sa tortue ! - Oui, il faut qu’ils partent ! - Et en vitesse ! - Mais comment faire ? - J’ai une idée ! Le villageois fait tomber sa pierre et bouscule ses voisins. Ils tombent ! ils tombent tous avec leur pierre ! Quel bruit ! Les garde-sorciers arrivent avec leur bâton. L’arbre se met en colère, très fort. - Vite, vite, Jérôme ! sauvez-vous, dit un villageois à Jérôme, pendant qu’il ne vous regarde pas ! |
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La tortue s’est mise en pierre, Jérôme se cache sous son ventre. Ils avancent tout doucement. Quand ils sont un peu loin du village, Jérôme dit : - Tortue, il faut aller plus vite ! l’arbre-sorcier va s’apercevoir que nous sommes partis. Ses gardes vont nous attraper ! Tortue, tortue, essaie d’avancer plus vite ! tortue, tortue, je vais t’apprendre à marcher. La tortue se lève sur ses pattes de derrière et commence à marcher ? Ils partent, tous les deux, bras dessus, bras dessous. Ils marchent vite, vite. Ils entendent dans le lointain : un, deux, trois … C’est l’arbre-sorcier qui compte les villageois. Jérôme a très peur. Il prend la tortue sur son dos pour aller plus vite. Ils arrivent au bord de la mer. Comment faire ? La tortue, comme une maligne dit : - Je vais te montrer comme je sais bien nager. Elle est toute contente de se mouiller les pattes ! Elle avance dans l’eau et Jérôme entend : glou, glou, glou … - Où es-tu ? Il voit une patte levée sortir de l’eau. Il nage vers elle, vite. Pauvre tortue ! Elle se croyait une tortue de mer ! Jérôme la rattrape : - Tu sais bien nager, dis donc ! Il vaudrait mieux trouver un radeau ou un morceau de bois. En voilà un ! La tortue se met à plat ventre dessus et ouvre ses quatre pattes, elle fait comme avec quatre rames. |
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D’un seul coup apparaissent quatre petits bateaux de pêche. Les bateaux de l’arbre-sorcier ! La tortue n’a rien vu. Elle dit : - À quoi penses-tu ? - Regarde ! Regarde devant toi ! Allez, plus vite, avançons. Et Jérôme se met à ramer. Les quatre bateaux se rapprochent. Ils ont vu la tortue ! Ils lancent le filet. Malheur ! La tortue est prise, et Jérôme avec ! Ils entendent : - Miam, miam, ce soir nous allons manger une bonne soupe à la tortue ! La tortue a peur, Jérôme a peur. Elle se débat. Il se débat. Prisonniers ! Mais la tortue n’est pas bête. Elle grignote un coin du filet. Un fil se tire : voilà un trou ! Vite, elle met une pierre dans le filet et se sauve, accrochée sur le dos de Jérôme. Jérôme nage, nage, nage, avec la tortue sur le dos. Ils arrivent à l’autre bord de lamer. La tortue dit : - Ah! je suis fatiguée ! Elle tremblote de froid. Elle éternue. Jérôme la frotte, Jérôme l’essuie. Où sont-ils donc arrivés ? |
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Ils sont perdus. Personne pour les renseigner. Jérôme dit : - C’est par ce chemin qu’il faut aller. - Non ! Moi je veux aller de l’autre côté. - Tortue, tu te trompes, c’est par ici ! - Non, c’est par là. La tortue s’en va. Jérôme est bien ennuyé ! - Aïe ! Aïe ! ça m’a piqué ! - Ah, pardon, dit une petite abeille affolée. Je ne l’ai pas fait exprès ! Mais je te connais ! Tu viens du pays de l’arbre-sorcier. Moi, il y a bien longtemps qu’il m’a chassée. - Où sommes-nous ? Quel chemin faut-il prendre ? Tu vois, Jérôme et moi nous nous sommes disputés car nous ne savons plus où aller. |
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Justement les voici! Le Président de la République des médailles arrête le défilé et la fanfare pour faire un discours. Jérôme ne comprend rien. Un singe couvert de médailles vient vers lui. Gling ! gling! ! font les médailles du singe quand il sautille. Il a vu Jérôme : - Que faites-vous ici ? Voulez-vous jouer avec moi ? Dans ce pays, il faut toujours faire des concours. Si on gagne, on reçoit des médailles. Personne n'a le droit de sortir d'ici sans montrer ses médailles. - Mais nous voulons seulement traverser ce pays. Nous avons fui du village de l'arbre-sorcier et nous cherchons la musique qui le fera mourir. - L'ennui, c'est que vous ne pouvez pas sortir d'ici sans avoir gagné des médailles. Je vais essayer de vous aider. |
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Le Président de la République dit : - Aujourd'hui, grand concours! (c'est le singe qui traduit.) Jérôme est inquiet. La tortue a peur. Elle se met en pierre. - Concours des cuillères! Il faut porter une pomme de terre sur une cuillère tenue clans la bouche. - Concours de boxe! - Concours de course en sac! - Concours de celui qui mange le plus vite! - Concours de celui qui mange le moins vite! - Concours du plus gros caillou qu'on porte dans un sac. - Concours de celui qui trouvera la plus petite fleur. - Concours de celui qui pèse le plus lourd. - Concours du plus haut chapeau fabriqué avec un journal. - Concours de celui qui monte le plus vite en haut d'un grand sapin. - Concours de la plus belle musique! - En place pour le premier concours! |
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Jérôme et sa tortue sont bien ennuyés. Le gentil singe leur dit : - Je vais vous aider. Et pour la consoler, il donne une petite médaille à la tortue. Concours de cuillères. Gagnante : une dame en mini-jupe ! Concours de boxe. Gagnant : un gros monsieur. Concours de celui qui mange le plus vite. Gagnante : une grosse laide dame. Concours du plus haut chapeau. Gagnante : une dame chapeau chou-fleur. Jérôme est désespéré! Concours du sapin : Ah! Jérôme monte vite! Bravo! Il a gagné! Concours de la plus jolie musique : le singe, un peu magicien, donne son instrument à la tortue. Elle joue... Et il sort de l'instrument une jolie douce musique. Bravo tortue! |
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Jérôme et la tortue sont décorés. Eux aussi montent sur le podium. Le singe les embrasse. Ils sont heureux. Maintenant ils peuvent partir pour chercher ce qui fera mourir I'arbre-sorcier. Ils arrivent dans le désert. Oh, la belle musique ! Ils voient une jolie dame arriver. Elle chante : - Je suis la femme de l'arbre-sorcier. Un jour il m'a chassée. II n'aime pas la musique du vent dans les branches des arbres ni le bruit des châtaignes qui tombent. Il n'aime pas le bruit des bêtes Pour le tuer, il vous faut trouver la musique qui fait comme le vent, la musique des bergers de l'ancien temps. La dame s'en va Jérôme l'appelle : elle ne l'entend pas. |
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- La musique qui fait comme le vent ? La musique des bergers de l’ancien temps ? Mais quel chemin prendre ? Allons tortue, nous allons dormir ; demain nous chercherons. Ils se couchent à l’ombre d’une grande fleur. - Ce sont des graines à musique, écoute, tortue, leur jolie musique. Jérôme avance en agitant les graines. Il revient vers la tortue. La musique s’arrête ! Que se passe-t-il ? Ils repart : la musique revient. Il revient : la musique s’arrête. Ce sont des graines magiques. Elles nous indiquent le chemin ! |
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Le lendemain matin Jérôme est réveillé par des ding ! ding ! ding ! ding ! Il regarde à gauche, au-dessus de lui. Il voit la fleur qui se dandine. Elle se prépare à jeter ses graines. Ding ! ding ! ding ! ding ! ding ! Jérôme tend les mains : - Tortue! tortue! Écoute ! Jérôme et la tortue s'en vont. Ils suivent la petite musique des graines. Ils sont heureux! Tout à coup, plus de musique! Que se passe-t-il ? La tortue met sa tête contre la terre. Elle entend des pas, des pas terribles. L'arbre-sorcier arrive ! Jérôme se jette dans un trou ; 1a tortue se met en pierre. L'arbre sorcier passe, sans rien voir. Ils arrivent dans un pays de montagnes. - Écoute tortue, la chanson du vent ! - Mais non, c'est une musique! - D'où vient-elle ? - D'où vient-elle ? - De là-haut. Il faut monter, un berger doit être en haut. Jérôme monte. La tortue est maladroite. Jérôme l'encorde avec le fil du filet qu'il avait gardé. Ils montent, ils montent. Voilà l’orage! Ils continuent à monter. - Oh, berger! peux-tu nous donner ta musique ? C'est pour tuer l'arbre-sorcier. Le berger fait la sourde oreille puis il dit : - Je vais aller avec vous. |
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Le berger descend lentement. Il prend sa fujera. Il joue. Alors toutes les bêtes sortent des bois, des trous, des herbes. Toutes les bête,s, et toutes les fleurs les suivent. Ils arrivent près du village. L'arbre-sorcier se balance d'un pied sur l'autre. - Qu'a-t-il donc aujourd'hui? chuchote un villageois. - Écoutez ! la musique du vent! L'arbre se balance, se balance et petit à petit tombe. Il est mort ! Les villageois, les bêtes, les fleurs sont si contents qu'ils dansent autour du cercueil le jour de l'enterrement. C'est la danse. La femme de l’arbre-sorcier arrive aussi. Les villageois lui mettent un voile de mariée. Jérôme devient son mari. Le petit singe embrasse la tortue. Ils se marient aussi. Tout le monde est heureux. |