Roméo Patrick

Patrick ?

Un grand garçon de 15 ans, bien planté...

Il nous est arrivé, au Centre des Cadeneaux, jeune, catalogué « caractériel » et rejeté par l'école.

Il a vécu, en maison d'enfants, plusieurs années d'une scolarité rendue encore plus difficile par de nombreuses et longues absences (la famille n'attachant que peu de prix à une scolarisation éventuelle).

Après une très longue interruption, Patrick est revenu en janvier 70 et s'est mis à écrire à un rythme régulier, tous les jours (il lui est arrivé d'écrire quatre textes dans une matinée !). C'était impressionnant de voir ce garçon s'installer à son bureau, dès la rentrée en classe ou après le repas, à ses moments de temps libre, et travailler à « son cahier », sans tenir compte de ce qui se passait autour de lui.

La communication avec la classe ? Elle a été vite rompue.

Patrick n'était pas sur le même plan que ceux qui lui disaient, agacés :

« Tu écris toujours la guerre, la guerre !... »

Et lui de répondre :

« Je hais la guerre... »

Devant cette incompréhension, il a bien vite décidé de ne plus présenter ses textes ; ce qui ne l'a aucunement freiné dans son expression. La classe percevait ce besoin profond, vital, qui poussait Patrick à écrire.

L'a‑t‑elle ressenti comme une supériorité gênante ? Quels remous a déchaînés ce cahier ?

Un jour, on l'a retrouvé, lacéré, à la poubelle...

Parallèlement, il y a eu véritable choc lorsqu'il « fit connaissance » avec Picasso.

Guernica correspondait véritablement à « quelque chose » en lui ; le noeud s'est défait et l'expression picturale a jailli.

Les peintures : « Le Biafra en marche », « L'Hypocrisie », « L'Amour et la cruauté »... les tentures se sont succédé : « La Guerre et la Paix », « L'Amour », « L'Homme et la Femme »...

Patrick peignait des heures.

Analyser ces textes, ces peintures ?

En rechercher le lien avec le passé de l'enfant ?

D'origine espagnole, il a vécu en Espagne... son père est mort alors que Patrick était très jeune...

Que révèlent ces textes ? Il ne m'appartient pas de le dire. Je n'ai jamais osé toucher un moindre mot de tout ce qu'il écrivait. Je sentais là quelque chose de puissant, de vital pour cet adolescent à je ne pouvais l'aider à se libérer qu'en étant accueillante, disponible pour lire ces poèmes, regarder naître ses tentures, attentive à cette angoisse et à cette révolte d'adolescent.

Ces problèmes ne sont‑ils pas tout simplement ceux qui concernent et inquiètent les adolescents de tous les temps et plus spécialement, ceux d'aujourd'hui ?

Patrick n'a jamais réussi à bien savoir lire, compter, écrire ; à 15 ans, il se heurte encore à des difficultés dyslexiques importantes. Je crois qu'il est heureux pour lui qu'il ait eu accès à ce domaine de l'expression libre qui a fait tomber les barrières de l'échec scolaire et lui a permis finalement « d'être à l'aise dans sa peau. »

Liliane FOUQUE

Séparé

Je suis séparé de moi de mes sentiments
de mon amour propre de ma Vie
de ma liberté.

La guerre du temps passe

La baïonnette au bout du canon,
droit sur les barricades,
les yeux fixés sur les ennemis,
il sent la mort qui arrive,
il tremble de peur,
il claque des dents,
sa gorge lui serre,
son coeur bat fort,
si fort que le bruit résonne dans son corps,
ses mains tremblent,
il tombe, tué d'une balle dans la tête.
Le sang coule du trou maudit et de la bouche.
Il murmure : Maman... ! maman...
et sa tête tombe.

   

Je t’aime Toi et l’amour

Assis sur un nuage, j’attends l'amour d'une femme,

je sens l'approche du nuage de l'amour.

Tout autour de mon nuage

il y a des reflets bleus, blancs et rouges

mon nuage est fait de plumes d'hirondelle.

Le nuage dé l'amour est fait de plumes d'or et d'argent

la déesse de l'amour est faite de plumes de cygne

ses yeux sont des diamants

sa bouche est faite de pétales de rose.

     
   

La guerre

Je marche dans la boue, la figure pleine de boue.
Je tombe dans la boue, la bouche pleine de boue, le fusil à la main, la tête pleine de haine, pleine de crime, pleine d'horreur.
Il marche sanglotant, les yeux rouges de sang qu'il a vu couler comme des ruisseaux et les ruisseaux ont fait un lac de sang.
La mort le poignarde dans le dos.
J’entends la Vie qui m'appelle. Toute vie a une fin. « C'est lui qui l'a voulu. »
Mais... pourquoi la GUERRE ? Ce n'est pas beau.
L'amour ? C'est la chose la plus belle au monde.
Je suis dégoûté du monde entier.
Tout ça pour un petit bout de Terre !!!

La lumière de la guerre

J'ai vu la lumière de la Guerre
J'ai vu la lueur de la Guerre
J'ai vu le feu de la Guerre
Si nous marchons main dans la main
nous écraserons la Guerre.
Tout ça pour la politique !
Nous crions Vie !!!
La liberté !
Qui dit liberté dit fraternité égalité
Ces mots sont français
A bas les politiciens !

     

C'est drôle la vie

La femme est faite pour l'homme
et l'homme pour la femme.

Quand nous couchons avec une femme,
nous ressentons la joie d'être près d'elle,
la joie de la réchauffer.

Quand vient la guerre, je pense que vous sentez quelque chose ;
dans votre coeur, ça fait : « Tic, tac, tic, tac, »

Un coup de feu... Le coeur s'arrête et l'homme tombe à terre.
Le sang coule.

     

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