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VENFANT D'ABORD
L'un des plus grands exploits de Freinet est sans doute d'avoir pris au sérieux ses élèves ‑ les enfants. Et de s'être consacré à ce que leur expression a d'individuel et de singulier. Il a eu le courage de laisser parler la vie (quotidienne) et de pénétrer ainsi la psychologie individuelle des enfants.
Il voyait pourrait‑on dire avec les yeux des enfants et parvint ainsi à une compréhension plus profonde de l'enfance qu'il n'avait été possible jusqu'alors (1). Ici il était sans idée préconçue et plein de courage. Cela lui permit de surmonter des tas de préjugés. Tel un prophète de l'Ancien Testament, il a entrepris de renverser les faux dieux, de tirer les rideaux qui voilaient un tas de malhonnêtétés et d'hypocrisies et de mettre en pleine lumière, sans aucune pitié, la pourriture de l'enseignement traditionnel contemporain. Ce faisant, il a donné à notre éducation un élan nouveau qui consiste dans sa découverte d'un accès à l'enfance. En reconnaissant l'expression libre enfantine et adolescente comme la plus importante source d'information sur les processus de l'éducation, il a arraché là une des plus formidables conquêtes de notre époque.
Il a prouvé l'existence d'une « psyché »enfantine, il l'a prouvée empiriquement, et hors de laquelle il ne peut pas y avoir d'éducation valable.
Mais il n'est pas encore admis que là résident tous les fondements de l'éducation. Bien que nous ayons, à l'école, l'occasion quotidienne d'entrer avec elle en confrontation, l'expression enfantine est confondue avec une expression puérile. Jamais encore, ailleurs qu'à l'Ecole Moderne, on n'admet l'importance essentielle de l'enfance dans ses premières manifestations libres.
En mettant à nu, ici, dans cette revue, les plus authentiques manifestations de « l'âme » enfantine nous sommes certains de creuser à vif dans le sillon principal de l'oeuvre de Freinet au service d'une meilleure éducation.
(1) Je viens d'avoir récemment l'occasion d'entendre à l'O.R.T.F. une émission de radio sur le thème du Père Noël et du merveilleux chez l'enfant ; de la nécessité des mythes et des attitudes magiques chez l'enfant ; les contes et les légendes, etc.
Il y avait là un éducateur, un romancier « pour enfants » (quelque chose comme le prénatal de la littérature : « pendant 8 ans et 9 mois est au service de votre enfant » !) un éditeur, évidemment aussi un professeur de l'Institut avec la capitale au i et une inspectrice des écoles maternelles (j'allais oublier l'inévitable présence d'un docteur fût‑il psychiatre...). Tout ce monde adulte décidait de ce que l'enfant pouvait... de ce que l'enfant savait ... l'enfant aimait... l'enfant recherchait ... l'enfant redoutait... Mais qu'en savaient‑ils ? D'où tenaient-ils tout cela ? Où étaient leurs documents ? Certes, l'inspectrice des écoles maternelles ramenait parfois des arguments de poids en se référant aux dessins des enfants, aux histoires des enfants... Mais les adultes s'évadaient vite au‑delà des témoignages. Quant au meneur de jeu, responsable de l'émission, il avait pris soin d'enregistrer des conversations avec des enfants et il émaillait son émission de ces documents véritables : chaque fois, un adulte « colloquant » rejetait au loin le sujet et démarrait sur un autre point de vue.
On ne fait pas référence aux enfants ! A partir de cela, naturellement, il ne fut dit que des banalités et l'on était à cent lieux du véritable merveilleux de l'enfant. On côtoyait cet enfant à qui l'on concède un Père Noël par an, une autre fois, à la rigueur les cloches ! sans savoir que chaque jour les enfants se font passer un Père Noël autrement joyeux, autrement authentique et autrement puissant !
Il était donc inutile de discourir pendant plus d'une heure sur la nécessité ou le danger d'un mythe chaque 25 décembre de l'année!
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MUSIQUE, CHANT ET POÉSIE
Nous avions pensé pouvoir aborder, dans notre revue Art Enfantin et Créations, tout le domaine de l'expression musicale.
Evidemment, comme nous ne sommes pas des critiques, il nous faut juger sur pièces et faire entendre chants, mélodies, musiques, rythmes, poèmes dits, etc. Donc publier des disques puisque la plupart des enseignants et des enfants ne déchiffrent pas la musique.
Inclure un disque souple dans la revue nous coûtera 5000 F (un demi‑million d'anciens francs). C'est‑à‑dire 200 abonnés nouveaux. Ce n'est pas un monde. En effet, notre budget annuel est épuisé. Et où prendre l'argent dans notre système coopératif pur, sans publicités, sans subventions, sans subsides extérieurs ? Nulle part ailleurs que chez les lecteurs qui se trouvent être en même temps les propriétaires de leur revue. Alors ?
Il faut commencer par faire rentrer à partir d'aujourd'hui 200 abonnements nouveaux : soit 2 ou 3 par département français !
Nous avons deux projets de disques :
1. ‑ Un premier disque pour lequel nous avons déjà de nombreux éléments : des chants aux paroles indistinctes ; ce sont des chants de petits, de moyens, de plus grands, d'adolescents. Ce sont des jeux vocaux. Ils sont souvent accompagnés d'un instrument soulignant le rythme. Ou ils sont seuls, ou soutenus par d'autres voix.
Il s'agit là d'une recherche musicale intéressante. Le chant se libère des paroles. C'est une étape.
Si vous avez des documents enregistrés de ce genre, si vous croyez devoir essayer à votre tour ce genre d'expression musicale, enregistrez et adressez la bande et toutes vos bandes à : J.‑P. Lignon, 7, rue Gambetta, Fère‑en‑Tardenois ‑ 02. 2. ‑ Nous aimerions sortir un disque d'ambiance poétique ou bien d'ambiances poétiques.
C'est‑à‑dire des poèmes ou des paroles accompagnés d'une ambiance musicale ou rythmée, qu'importe.
Mais qu'il s'agisse de poèmes à dire et non pas de poèmes à lire ! C'est différent. Et c'est important !
Si dans le premier disque, nous voulons nous libérer de la parole, dans le second nous voulons nous y consacrer. Pareil. Adressez vos bandes à: J.‑P. Lignon, 7, rue Gambetta, Fère‑en‑Tardenois ‑ 02. Faisons donc la chaîne coopérative ‑ les uns s'attachent à faire des abonnements, les autres à enregistrer et à nous envoyer leurs bandes : quelques‑uns font les deux à la fois. Et nous y parvenons sans efforts excessifs ! Merci !
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L'ART ENFANTIN DANS LA VIE
A La Roquette‑sur‑Siagne (Alpes‑Maritimes) il va se construire une nouvelle école.
A leur tour, après l'architecte, les enfants qui occuperont cette école neuve, l'ont imaginée. Ils ont rédigé un cahier des charges. Ils ont effectué des dessins. Ensuite, des architectes, séduits par les idées nouvelles des enfants, ont dessiné l'école rêvée: nous allons publier le dossier complet dans une B.T.J. intitulée par les auteurs : L'Ecole de notre tête. Les mêmes enfants ont obtenu de l'architecte une promesse : que le 1/100 du budget traditionnellement réservé à la décoration des bâtiments leur soit réservé. Ils décoreront leur école.
Voilà une revendication qui devrait être présentée partout où des écoles neuves sont prévues ou en cours de réalisation! L'Art Vivant n°16 relate qu'à Paris, deux professeurs de dessin, Patrick Aubriot et Patrick Rubin ont réussi à faire décorer par des enfants les palissades des chantiers de parkings habituellement consacrées à la publicité aliénante. On peut voir des dessins d'enfants à l'Hôtel-de-Ville, à la Madeleine, la Concorde, au parvis de Notre‑Dame, à Montparnasse...
Nous avions déjà relaté ici le même fait qui est courant en Amérique du Nord, et montré des photos de ce que nous avions pu voir à Montréal, lors de la construction de l'Expo.
Ne laissons passer aucune occasion de montrer des dessins d'enfants : décorez les palissades. Mais les démarches sont toujours difficiles, hélas !
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NOS EXPOSITION
L'École Freinet expose à Vence dans la chapelle des Pénitents Blancs. Peut‑être aurons‑nous quelques échos.
Notre ami Le Charlès organisera en accord avec le Centre Culturel d'Argenteuil une grande exposition d'Art Enfantin (nationale et même internationale) probablement du 1er au 23 mai 71.
A Migennes (Yonne), la Maison des jeunes et de la Culture a abrité une exposition Art Enfantin du 5 au 13 décembre.
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NOTRE CHANTIER BIBLIOTHEQUE DE TRAVAIL
Nous venons de recevoir le projet définitivement mis au point de la B T « VLAMINCK ». Gélineau a obtenu l'amicale et franche collaboration de Mme Vlaminck : aussi la BT nous permettra de publier des oeuvres appartenant à la famille du peintre et quasiment inédites.
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L'ART ENFANTIN ET CELUI DES ADOLESCENTS DANS LES MUSÉES
Nous revenons, comme promis, sur l'expérience du Musée des Beaux‑Arts de Marseille, sur les expositions du Musée Cantini et la présentation des résultats à Paris, au Musée de l'Homme. Sciences et Vie de novembre 70, no 638 publie des photos et un article de Pierre Andéol qu'il faut lire.
L'article démarre très mal : Le problème fondamental de toute pédagogie, c'est de verser une culture dans un cerveau. Transvasement qui n'a jamais rien donné de bon ! Mais le bon sens reprend ses droits par la suite, et la relation est à lire et à voir aussi.
On peut même dire que l'article a bien tourné puisque sur la fin un sous‑titre annonce Aimer, c'est comprendre !
Je vous recommande ce Science et Vie qui sait ouvrir le problème ensuite sur celui des sciences et des connaissances afin de parvenir à un homme perméable bien semblable à celui que définissait Jacques Caux dans l'éditorial de notre numéro précédent.
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DANS LES REVUES
Dans les Chroniques de l'Art Vivant il n'est pas besoin d'aller plus loin que l'éditorial ‑ non pas que la suite ne vaille pas le coup ! ‑ mais ce qui y est dit est essentiel.
Là encore s'expriment les protestations, auxquelles nous mêlerons les nôtres à Nice, contre la censure, la vieille censure, comme on dit la vieille culture que ce régime fait peser sur nous.
Car réfléchissons‑y mieux : qu'est‑ce qui est le plus scandaleux, d'un Nitsch ressuscitant un « Théâtre du Mystère et de la Cruauté » ou du fait qu'un petit tableau de Vélasquez, les derniers jours de novembre, se soit vendu pour 3 milliards d'anciens francs ?
Oui, où sont les scandales ? Qu'il faille remuer le ciel et la terre de toute la bureaucratie de cette Ve pour que des enfants aient la possibilité de peindre sur des palissades, ou que l'on bêle de fureur historienne et du culte de l'antiquaille ?
Signalons page 29 une interview de José Antonio Sistiaga qui, peintre basque, a longtemps lutté sur le plan de l'enseignement et dans le cadre de la pédagogie Freinet pour le développement d'un nouveau cadre plus humain, plus créateur. Il réalise maintenant des films « underground ».
Peut‑être pourrons‑nous obtenir sa participation à notre Festival de Pédagogie à Nice.
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Dans L'OEil n°192 de décembre 70 Une enquête intéressante et significative : la même question est posée aux conservateurs en chef de 16 musées parisiens, ‑ Si vous n'aviez la possibilité de ne sauver qu'un seul objet parmi ceux de vos collections, lequel serait‑ce ?
A voir aussi les photos de sculptures de craie de l'archipel Bismarck (dans le Pacifique). En représentant l'humain, elles vont bien au‑delà de l'humain.
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Dans Connaissance des Arts n°227 de janvier 71, de magnifiques portraits et surtout des autoportraits de Dürer Il parvient à montrer l'âme à travers le corps disait Erasme.
Voir aussi le reportage photographique sur le 27e monument de Lardera, un assemblage de plaques d'acier et d'aluminium de 13 m de haut: J'ai ouvert les formes à l'espace et introduit une circulation de lumière... dit‑il.
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Dans jardin des Arts n°191. Les Femmes Artistes par Henri Perruchot. Femmes artistes des XVIIIe, XIXe et XXe siècle :
Les hommes que nous appelons grands, écrit Simone de Beauvoir, sont ceux qui, d'une façon ou de l'autre, ont chargé leurs épaules du poids du monde : ils s'en sont plus ou moins bien tirés, ils ont réussi à le recréer ou ils ont sombré ; mais d'abord, ils ont assumé cet énorme fardeau. C'est là ce qu'aucune femme n'a jamais fait, ce qu'aucune femme n’a jamais pu faire... C'est dans l'homme, non dans la femme, qu'a pu jusqu'ici s'incarner l'Homme. Les individus qui nous paraissent exemplaires, ceux qu'on décore du nom de génies, ce sont ceux qui ont prétendu jouer dans leur existence singulière le sort de l'humanité entière ( ... ). Comment Van Gogh aurait‑il pu naître femme ? Une femme n'aurait pas été envoyée en mission au Borinage, elle n'aurait pas senti la misère des hommes comme son propre crime, elle n'aurait pas cherché une rédemption ; elle n'aurait donc jamais peint les tournesols de Van Gogh. Sans compter que le genre de vie du peintre - la solitude d'Arles, la fréquentation des cafés, tout ce qui alimentait l'art de Van Gogh en alimentant sa sensibilité - lui eût été interdit.
Mais en conclusion, Henri Perruchot écrit :
Comme on peut le remarquer, les temps sont loin, vraiment, où la femme artiste constituait une exception. Ainsi que je le notais plus haut, les ateliers où les femmes peignent, sculptent ou gravent se sont faits très nombreux. Doit‑on supposer, cela étant, que la femme interviendra demain de plus en plus largement dans l'évolution artistique ? Peut-être. On reconnaîtra qu'il est bien difficile, en ce domaine de jouer au prophète. La sagesse est de s'en tenir aux faits. De toute façon, il reste certain que les réussites d'une Berthe Morisot, d'une Mary Cassatt, d'une Suzanne Valadon, d'une Germaine Richier ou d'une Vieira da Silva sont de beaux gages d'avenir.
Dans jardin des Arts n°194 de janvier 1971 :
Un panorama complet de l'oeuvre de Hans Hartung « ou le lyrisme dans l'abstrait » par Michel Ragon.
Mais surtout, par Michel Cabanne
A‑t‑on tué Van Gogh ? A tous ceux qui voudront élargir l'anecdote ou « l'histoire » de la mort de Van Gogh, après la lecture de notre B.T., cet article apportera de nouveaux éléments, sinon des réponses...
Oui, ce sont les autres qui l'ont tué le pauvre et cher Vincent ! Il fut bel et bien comme le dit Artaud le suicidé de la société :
Et de quoi s'est tordu à sa gorge le noeud de sang qui l'a tué... Et où est dans ce délire la place du moi humain ?
Van Gogh chercha le sien pendant toute sa vie, avec une énergie et une détermination étrange. Et il ne s'est pas suicidé dans un coup de folie, dans la transe de n'y pas parvenir, mais au contraire il venait d'y parvenir et de découvrir ce qu'il était et qui il était, lorsque la conscience générale de la société, pour le punir de s'être arraché à elle, le suicida.
Comme elle suicide, toujours et encore, dans les jours que nous vivons, tous ceux qui luttent contre l'ennemi ou la répression sexuelle ou la réification de leurs désirs, tous ceux qui disparaissent en renonçant au rôle d'esclaves, jeunes et vieux, pareillement parias de notre société.
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LES EXPOSITIONS
Aurons‑nous quelques échos de la part de nos amis parisiens de l'exposition Le Design et les Enfants qui s'est tenue au Musée des Arts Déco du 18 novembre au 31 janvier ?
MEB