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A
l’écoute
Vous
vous plaignez souvent du manque d'intérêt des enfants devant
la musique ?
Vous regrettez leur indigence d'appréciation ?
Vous notez leur impossibilité d'écouter
une œuvre ?
Mais posez-vous la question :
« Qu'est-ce que la musique
pour moi ? »
- Fauteuil... électrophone...
- Un beau concert...
- Ah ! du bon jazz et une bonne pipe !
- Le confort et la paix pour mieux
goûter.
- Une musique douce pour faire autre
chose; un bruit de fond.
- De l'ambiance !
Tout ça, ce sont des visions d'adultes.
La musique reste un produit de consommation dont on use mais auquel on
ne participe pas.
L'enfant, lui, est « moteur ».
De cette musique-là il se moque bien !
Alors, si vous tentez de lui imposer
vos vues, si vous l'asseyez, de force souvent, si vous lui imposez l'écoute
par les moyens de la scolastique, vous le verrez bâiller (s'il en a le
droit) et, par crainte, ou pour vous faire plaisir (ce qui peut être la
même chose finalement), consacrer du temps à ses oreilles, sans que rien
ne vive en lui, sans qu'une parcelle d'intérêt ne luise sur son visage.
Voilà ce qu’on pourrait appeler
l’écoute passive.
Mais ceux qui connaissent la
musique libre pour l'avoir expérimentée dans leur classe, ceux qui apprécient
la musique des enfants née dans l'ambiance créative de l'expression libre,
ceux-là savent que tout peut changer. Si vous offrez aux enfants la possibilité
de créer leur propre musique, si vous les aidez à la réaliser - pas la
vôtre, ou celle que vous aimeriez qu'ils créent mais bien la leur -
alors OUI, tout changera !
Vous verrez l'enfant s'intéresser
aux sons, à leurs arrangements, à la musique, en fait. Vous le verrez
écouter.
Pas écouter n'importe comment,
comme on écoute (comme on entend ! plutôt) une leçon ennuyeuse, mais
PARTICIPER par l'écoute.
Voilà ce qu’on pourrait appeler
l’écoute active.
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Si
vous voulez faire naître la musique libre dans votre classe, cela n'ira
pas sans mal de votre part.
Car la musique des enfants se fera
peut-être au détriment des NORMES CLASSIQUES que vous avez intégrées
et qui sont pour vous et malgré vous des critères de jugement. En fait,
sont-elles seules, ces normes-là ?
La gamme sera peut-être autre, les
rythmes seront peut-être difficilement mesurables à cause du manque ou
de l'irrégularité des temps de base.
Vous aurez du mal à vous repérer.
Vous aurez du mal à accepter. A accueillir.
Mais en insistant, vous-même, dans
l'écoute des oeuvres des enfants vous les approcherez (oeuvres et enfants)
et vous commencerez à tirer quelques conclusions.
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La
toute première, sera que la musique enfantine n'est pas statique, mais
qu'elle est comme son auteur, motrice.
Observez un enfant devant une flaque
d'eau. Il n'admet pas que la surface de l'eau reste immobile et pure.
Il y jette un caillou, marche dedans, il lui faut faire naître les rides,
créer le mouvement. Regardez-le devant une branche d'arbre à sa portée.
Va-t-il admirer la pureté de la ligne, le scintillement du vert des feuilles
sous le soleil ? Il fait bouger la branche, vibrer les feuilles,
il les arrache même, il se pend après la branche, il dialogue avec elle.
C'est dans son mouvement qu i trouve
sa joie.
Connaît-il quelque chose qu'il n'a
pas touché, sucé, tâté, fait remuer ?
Ses premières questions sont dans
le mouvement.
Face à la musique cet enfant sera
le même, A aura la même attitude, identique à lui-même : « besoin
de mouvement ».
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La
musique pour l'enfant, c'est avant tout une bille qui roule, une poignée
de pierres qu'il égrène, ses mains qu'il claque l'une contre l'autre,
ses pieds qui trépignent, un bâton qu'il tape contre un mur ou qui descend
la gamme des barreaux d'une grille devant une maison.
Sa musique c'est aussi sa voix,
cet instrument qu'il porte avec lui et qu'il emmène partout, cet instrument
parfait qui sait moduler, rythmer, créer des mélodies, qui sait chanter
sa vie. Et comme il sait s'en servir !
Depuis sa naissance, sa voix accompagne
tous ses mouvements, tous les gestes essentiels de sa vie, ses apprentissages
indispensables.
Ecoutez le jeune enfant qui commence
à marcher, écoutez-le rythmer sa marche, sur deux notes, sur deux tons,
sur deux temps, c'est tout ce qu'il faut pour l'aider, pour exprimer sa
joie.
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Allons-nous
décréter qu'à partir de tel âge ce sera par l'écoute et la reproduction
des oeuvres des adultes, des oeuvres des « Maîtres », par l'apprentissage
systématique des normes et conventions pensées aux siècles précédents,
par leur acceptation et leur intégration que se feront l'apprentissage
de la musique et l'éducation des futurs mélomanes ?
Alors que la musique n'a jamais
quitté l'enfant, n'a jamais cessé de l'accompagner
dans chacun de ses gestes jusqu'à l'âge décidé ! Vous voyez bien
que telle décision est contre la musique, contre la nature même de l'enfant.
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Ne
nous plaignons plus de l'indigence des enfants face à NOTRE musique, examinons
la nôtre face à la leur.
Commençons à savoir écouter avant
de faire écouter.
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Et
si la musique des enfants et celle des adultes n'étaient en somme qu'une
seule et même musique ? Si la faute en était à notre conditionnement
culturel rétréci ?
Déciderons-nous d'élargir notre
culture musicale ?
Peut-être pourrons-nous écouter
plus, apprécier davantage ?
Ne reste plus, à ceux qui ont fini
de grandir, qu'à accepter sans comprendre de peur de fabriquer
des êtres rétrécis et intolérants.
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Serions-nous
des éducateurs si nous avions fini de grandir ?
Jean-Pierre LIGNON
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