À l’exposition d’Aix en Provence de l’ÉCOLE FREINET DE VENCE (avril 1973)

Des enfants la racontent...

Ils sont venus pour quelques moments dans la maison de verre qui est devenue le temps d'une exposition « une maison de couleurs ».

Ils viennent de leur Zup, pour la plupart de milieux sous-développés.

Ils ont découvert, dans leur école, l’argile, la peinture la liberté de parole depuis très peu de temps, depuis Septembre.

Ils ont 6, 7 ans …

Ils se placent d'emblée sur même plan que les créateurs.

Ils comparent avec leurs propres réalisations.

- Y dessinent bien ! Moi aussi, j'avais fait un Soleil comme eux mais le mien c'était avec des pétales.

- Ils font grand comme la feuille, comme la princesse à carreaux de Marie-Hélène, celle qui est dans notre atelier-monotypes.

Ils communiquent tout de suite avec les créateurs.

En effet, ils ont déjà créé, eux-mêmes ; ils sentent intuitivement ce que ça représente d'implication, ils sont sensibles aux autres.

Devant une grande peinture :
- Y en a plusieurs qui ont fait ça, si y en aurait qu'un, il serait fatigué.
- Ils ont fait exprès de laisser un bord blanc, pour faire joli.
- Nous, on fait de petites choses et eux des grandes choses ; nous, on n'a pas d'idées.
- C'est qu'y sont plus raisonnables que nous !
- Non ! ça dépend de là où ils sont.
- Oh ! la marionnette, elle a des cheveux frisés et le père Noël il a des lunettes ! Moi, je voudrais bien voir où ils travaillent ces enfants !

Ils intègrent ce qu'ils voient et du même coup, se penchent sur leurs propres tâtonnements.

Ils se posent des questions :
- Elles sont belles, les couleurs, ils font pas des coulées, eux : ils essuient bien leurs pinceaux ; je vais essayer, moi aussi de plus faire des coulées.
- C'est plus grand que nous ; nous, on fait sur de plus petites feuilles ; je me demande comment ils ont fait.
- Ils les travaillent, leurs dessins ; on pourrait essayer, nous aussi, de peindre sur du nylon.
Devant les argiles :
- C'est un beau cheval, il a oublié de faire la queue. Dire que nous, on n'arrive pas à en faire... c'est qu'elle est trop mouillée, notre argile.

Il leur est impossible de ne pas toucher.

Ils passent le doigt dans le sillon des sculptures :
- Pour faire l'oeil, ils ont creusé... là... là...

Ils se cachent dans les supports des peintures :
- C'est bien, des cabanes en peinture : on y fait la boule.
- Elles sont belles, les peintures, et ils passent un doigt sur le tableau et ce doigt jauge, à la fois, la luminosité de la couleur, l'épaisseur de la peinture, le grain du papier, les motivations de celui qui a réalisé l'oeuvre.

D'autres réflexions :

Devant le vélo de course :
- Le Soleil est pas content, il fait la tête parce que le garçon l'empêche de faire du vélo.
Devant les sculptures en métal :
- C'est un volant, un S, ou un coeur, une queue de poisson, le grand huit à la foire.
Devant le robot :
- c'est rigolo, le robot, ça bouge.        

Liliane  FOUQUE