Mal

Mal : au fond du cœur
Mal : la vie me fait mal
Pourquoi ? Le vent qui souffle me fait
Mal : mal au cœur.
Pourquoi cette expression, cette sensation.
Pourquoi ? Pourquoi ai-je mal au cœur.
De grosses gouttes frappent les carreaux.
Le ciel s’assombrit.
Et j’ai mal, mal au cœur.
Je me souviens d’un prénom,
Des fleurs cueillies dans mon jardin,
De mes rêves d’enfant,
Et j’ai mal, très mal au cœur.
La couleur noire,
Une rose fanée,
Une feuille tombée,
Une saison passée,
Me font mal,
Mal au cœur !
Pourquoi ?

Patricia

   

C'est vrai! C'est faux!

C'est vrai !
C'est faux !
C'est bien !
C'est mal !
C'est triste !
C'est heureux !
Assez de bêtises
Assez de ridicules jugements
Assez de stupides bagatelles
Assez d'injustices
Assez d'amours
Assez d'obligations... Assez !
Laissez-nous « réexister » !
Laissez-nous nos vies !
Laissez les braves gens s'aimer en silence !
Laissez les idiots se croire intelligents !
Laissez-nous souffrir, laissez-nous rêver !
Ne nous touchez pas, ne nous guidez plus !
Notre dieu sera l'inconnu !
Notre idéal sera demain !
Nos regrets seront nouveaux !
Nos amours sales seront propres !
Nos cerveaux seront plus complets !
Nos bêtises s'exprimeront !
Nos morts seront fêtés à l'alcool et à la joie !
Révolutions, mes frères, révolutions...

Philippe

Nos pères qui êtes aux cieux

Au nom de la jeunesse,

MERCI Saint Georges
MERCI Saint Pierre pour votre domination
MERCI Saint Michel pour les bombes, la stratégie anti-cités, le Larzac, les sursis
MERCI Armée pour la guerre, l'embrigadement, le crime
MERCI Saint Raymond pour les bâillons, les décrets
MERCI C.R.S. pour les grenades, les matraques
MERCI Saint Joseph pour les circulaires, la compréhension
MERCI Recteurs pour les télégrammes
MERCI Proviseurs pour vos avertissements
MERCI Professeurs pour vos conseils
MERCI Assemblée pour tes décisions
MERCI Électeur pour ton vote
MERCI Famille pour tes excès d'autorité
MERCI Conformisme pour l'abrutissement du peuple
MERCI Trouille pour ta saine action protectrice
MERCI Société pour ton héritage
MERCI à Tous et aux Oubliés,
De nous donner notre asservissement quotidien
De nous garder des influences néfastes de la pensée,
Endormez nos consciences pour l'Éternité,
Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ;
Que les trompettes de la gloire céleste vous accueillent à la droite d'un Dieu ;
Que Votre Volonté soit Faite.

AMEN!

Franck

   

Viens

Viens,
Puisqu'il faut grandir dans le bruit,
Puisque jusqu'à ta mort les mêmes gestes voudront rattraper le temps.
Regarde... Tu ne vois rien.
Écoute... Tu ne peux pas. Sens...
Tu étouffes
            Les mêmes gestes,
            le même regard,
            les mêmes mots
                        s'enfoncent dans une fausse vie.
Viens.
Quitte ce monde où il n'existe plus rien.
Viens.
N'aie pas peur de ce grand silence blanc,
N'aie pas peur de ton cœur… tu l'entends.
Viens.
Viens seul, sans rien ni personne.
Quelqu'un te prend la main, tu ne le vois pas.
Bientôt tu te sens vent,
tu te sens pluie,
tu te sens neige...
Il fait beau maintenant.
Bientôt tu te sens fleur,
tu te sens herbe,
tu te sens arbre,
Quelqu'un t'appelle... tu ne le vois pas.
            Tu te sens terre,
tu te sens eau,
tu te sens ciel,
Tu te sens...
Et là tu découvres,
trop beau, trop grand, trop pur, trop vibrant,
L'ESPOIR
comme une autre vie.

Véronique

   

Croire

Croire aux démons des vallées solitaires
Croire toujours à l’éternel impossible
S’immobiliser dans la gravité sereine de l’ombre
S’immobiliser dans l’immortelle liaison de l’univers paisible
S’immobiliser dans l’existence sans fin des lumières douces
Croire au chef d’œuvre vivant de l’humanité
Croire toujours aux échos sonores d’un amour perdu
Pour s’éterniser dans le creux de l’admiration
Pour suivre le bonheur pas à pas même dans tes yeux aveugles
S’éteindre dans la poussière du suicide
S’éteindre dans l’onde trouble de l’indifférence
Croire au sourire fuyant de la mer
Croire en la mélancolie qui sommeille dans les royaumes de la solitude
Marcher vers l’unité étrange de l’amitié
Marcher vers l’innocence de l’aventure
Croire à la décadence de la peur
Croire au sinistre cadavre des montagnes enfouies dans la nuit
Aimer quand le monde semble se démolir
Aimer quand un rayon perce minutieusement ton visage qui renaît
Inventer la grâce d’une musique presque réelle
Inventer les paroles d’un orage presque vivant
Croire encore au regard agonisant de l’amour
Croire toujours à l’aube infinie du paradis
Attendre le galop d’un orage en fuite
Attendre l’éclair pour réussir chaque seconde de sa vie
NE PLUS CROIRE, MAIS JETER SES YEUX DANS LE NÉANT
NE PLUS INVENTER L’IMPOSSIBLE, MAIS SOURIRE AU VOILE DE LA VIE

Régine

   

Les mains dans les poches
Les cheveux au vent
Les idées enfermées dans une boîte dorée
Je me promène dans cette ville
                        Au milieu de ce bruit,
                                   De ces gens pressés,
Ces hommes, ces femmes courent après quelqu’un
Qu’ils ne pourront jamais rattraper …
                                   Peut-être le temps
                                   Peut-être la paix,
                                   Peut-être le bonheur …
Les uns ont le visage sérieux,
                                   Soucieux comme un ciel avant l’orage,
Les autres sont gais, insouciants, turbulents
Comme des enfants dans une cour de récréation.
Mais TOUS sont PRISONNIERS,
                        Prisonniers de leur vie, de leurs habitudes
                                                De leurs parents s’ils sont adolescents
                                               De leur femme ou de leur mari s’ils sont mariés,
                                               De la société s’ils sont bourgeois ….
Tous veulent quelque chose,
Tous pleurent pour quelque chose,
Tous vivent de quelque chose,
Esclaves de l’argent-roi, tous lui sont soumis,
Je reproche à ces hommes, à ces femmes de vivre ainsi
                                               De courir de cette façon,
                                               De rester passifs, enfermés
                        Dans leur petit monde, dans leur petite vie …
Je leur reproche de ne pas ouvrir les yeux sur les autres,
                        De ne pas les comprendre,
                        De laisser aisément quelqu’un mourir sur le trottoir
                        Et de continuer leur chemin, impassibles, le pas
                        Toujours aussi rapide,
Je leur reproche, je leur reproche ….
Mais au fond ne suis-je pas comme eux ?

Huguette

Pourquoi toujours écrire
des choses à pleurer
les malheurs des autres
des poèmes d’amour ?
Écrivez donc
         La VIE

Marie-Paule

 

Gardiens des mots invisibles
               des bourrasques drues et contestataires
comme des chemins d'étoiles et des domaines sans trahison,
les garçons et les filles de 1973 parlent un ton plus haut
                                                               un ton plus fort que nous
de ce qui froisse leur rêves
de ce qui brûle leurs désirs
de ce qui rogne leurs ailes.
Ils nous hurlent le nom de ce qui s'interpose entre le bonheur et eux
                                                                       entre le bonheur et nous
 Mais nous ne sommes plus toujours habitués à regarder les choses
aussi verticalement       à poursuivre le geste et le cri jusqu'à la cime du langage
         jusqu'à bout de bras.
Et leurs devancements nous pèsent,
    leurs coups de cornes nous donnent le tournis.
Et pourtant, « comment vivre sans inconnu devant soi » dit Char ?
Dans leur apparente absence de cohérence, ces garçons et ces filles
cherchent la vie
cherchent à être.
Et nous devons leur offrir tous les moyens possibles d'extérioriser leurs énergies profondes dans des créations
nous devons leur permettre de dire sans se soucier uniquement de bien dire
                                               de regarder 1e monde les yeux ouverts.
Mais plus que l'écriture et le poème, plus que le graphisme sculpture, c'est, à travers
 ces traces laissées,
ces fresques coulées
ces gestes inscrits dans le bois ou la pierre, une manière d'être ou d'exister qu'il importe de les aider à découvrir.
Qu’ils aient quotidiennement le pouvoir d’exprimer leur imagination
                                               Le pouvoir de faire et de défaire le monde à leur dimension
                                               Le pouvoir de vérité car ce qui doit nous inquiéter,
ce n’est pas leurs bras si longs qui poussent nos certitudes
ce n’est pas leurs cris orgueilleux jetés en plein visage de nos routines
ce n’est pas leurs rêves de grand large
mais bien plutôt leur résignation
                           leur démission inutile
                           leur passivité.

Ce numéro d'art adolescent est un pas de rencontre vers la jeunesse. Les oeuvres qui le composent ne nous intéressent pas en tant qu'aboutissements mais parce qu'elles sont des jalons dynamiques dans les productions de garçons et de filles qui s'accomplissent un peu mieux grâce à l'organisation libératrice et coopérative du travail que nous essayons de promouvoir dans nos classes. Mais les conditions de travail sont encore telles dans le secondaire qu'elles nous empêchent de toucher, dans les productions, la vérité de près. C'est le harcèlement des horaires émiettés, des effectifs pléthoriques, des examens qui demandent plus de répéter que d'inventer, c'est l'environnement répressif.

Comment permettre à chacun de « se trouver » ? Avons-nous même, dans ce contexte, le droit de parler d'expression libre ?

Mais qu'on ne s'y trompe pas. Nous ne dormons pas dans la joie d'une créativité en marge d'un engagement. Nous ne nous sommes jamais contentés de promesses de conditions meilleures et l'amertume des éducateurs déçus est lourde de conséquences. « A force, la misère, elle met des pierres dans les mains. » (J.L. Godeau)

J. Lémery

Télécharger ce texte en RTF

Retour au sommaire