Maurice Carême Le moulin de papier Tourne le moulin, |
Le Moulin de Papier a été choisi par la Bibliothèque Internationale de la Jeunesse pour figurer dans une vitrine spécialement réservée aux meilleurs livres de valeur de l’année, du monde entier, en République Fédérale Allemande. Il a été choisi par un jury spécial d’écrivains et de pédagogues… Un critique belge écrit : Chaque poème répond à un dessin dans une alternance de sentiments si bien harmonisés qu’ils se complètent et s’épaulent comme certaines mélodies épousent les textes et en augmentent les qualités expressives. Maurice Carême nous a envoyé son manuscrit et nous avons inventé des dessins qui allaient avec ses poèmes. Nous avons reproduit nos projets à l’encre de chine et nous les avons expédiés en Belgique. Maurice Carême nous a écrit : « Les dessins répondent exactement à ce que j’attendais ». Nous étions contents. La coopérative scolaire de RAGON (L. Atl.) ; Dans un prochain numéro, nous indiquerons dans une fiche technique comment furent réalisées le illustrations de l’œuvre de Maurice Car^me par les enfants de Ragon (encre vapo). Si vous désirez acquérir ce recueil de poésies, envoyez votre commande à Coopérative « C. Freinet », Ecole de Ragon 44400 Rezé qui la transmettra à Maurice Carême. Prix du recueil : 21 F. |
Prenez un tout jeune enfant. En lui, les deux univers – verbal et visuel – se balancent . Il voit, il regarde beaucoup. Il imagine. Il dessine énormément, dès qu’il le peut. Mais bien avant, déjà il est sensible aux couleurs, aux formes, aux mouvements. Bref, il communique avec ce monde. Il vit en osmose avec les formes, il s’exprime en leur sein. C’est un moyen de langage. Ca lui appartient en propre.
Et puis brutalement, la coupure. Quelle est la mission actuelle de notre enseignement ? Injecter le maximum d’informations verbales, enfermer l’élève dans ce mode de communication, à l’exclusion de tout autre. Entre les deux langages, l’équilibre est rompu. C’est un véritable coup d’arrêt, le début d’une sclérose. L’enfant perd toute initiative, sa créativité, sa sensibilité s’atrophient. On ne lui donne à « voir » qu’avec les oreilles : dans nos écoles, une chose n’existe que définie, désignée par des mots.
Mon propos n’est pas ici de former des « artistes ». C’est de donner à tous les rudiments de cet autre langage où l’enfant s’exprime d’instinct, mais au sujet duquel on lui refuse les moyens du savoir. Ce langage, je l’ai découvert paradoxalement en étant frustré d’images dès mon plus jeune âge. Mon rabbin de père m’empêchait de dessiner. A cause du premier commandement de la loi mosaïque, vous savez, qui dit : « tu ne te feras aucune image sculptée, rien qui ressemble ce qui est dans les cieux, là-haut, ou sur la Terre, ici-bas, ou dans les eaux au-dessous de la terre… » Remarquons bien que c’est là le premier commandement, l’interdiction de tuer vient seulement au cinquième rang. C’est donc qu’on touche ici à quelque chose de tout à fait fondamental. Voilà une tradition religieuse qui semble dire : la forme, c’est encore plus important que la vie ou la mort. Cette forme, on m’interdisait de la reproduire pour une raison simple : si on cherche à traduire la réalité par une image, on déforme la réalité. On la défigure. Car la réalité, dit le judaïsme, est en constant devenir. Une bulle de savon l’exprime mieux qu’une pyramide.
J’ai donc été « interdit de dessin ». Cette conception judaïque avait pourtant un double avantage : elle privilégiait le temps, elle l’introduisait dans l’univers des formes. Cette fleur, par exemple, n’est pas simplement celle que vous voyez ici et maintenant, mais une chose en mouvement qui s’ouvre le jour et se ferme la nuit, qui s’épanouit et se fane. Ma conception cinétique de l’art correspond à cette idée. En même temps, j’ai été encouragé très tôt à rejeter le « décoratif », à mépriser la vanité ornementale, à percer l’enveloppe des formes pour aller à l’essentiel : ce jeu de forces primaires qui les sous-tend.
Ce chemin que j’ai accompli seul, il faut permettre aux enfants de le parcourir très vite. Dans toutes les choses de ce monde, des formes essentielles s’imbriquent étroitement. On peut apprendre à les décomposer en leurs éléments principaux, à les analyser, à identifier le jeu des couleurs, des lignes, des volumes, à se constituer ainsi un « vocabulaire ». A l’aide d’une syntaxe qui relie et systématise ce « vocabulaire » ; nous serions capables de mémoriser et emmagasiner sans efforts des informations visuelles, au lieu de nous borner au langage des mots.
Mais hélas à partir d’une réflexion née de l’expérience vécue, AGAM chute dans la plus pure scolastique. Il crée un alphabet. Il crée un code qui paralyse et qui va, croyons-nous, à l’encontre de ce dynamisme voulu, de son cinétisme. La vie pour lui c’est du cinéma !
Avec un alphabet très réduit (horizontales, verticales, obliques, courbes, quelques points) une phrase est construite, éveillant dans le cerveau qui la perçoit la signification « village ».
Avec deux lignes, l’une horizontale, l’autre verticale, un enfant peut jouer pendant des heures et, si on l’y incite, trouver des choses très belles.
Comme nous sommes loin de notre pédagogie !
Jacques Depouilly s’insurge dans Le Monde contre cette initiative d’alphabétisation. Mais à travers la Revue Pédagogique et à travers Réalités il s’en prend également à Paul Klee et à ses « Esquisses pédagogiques »…
L’objet de cette note de lecture n’est pas d’exposer les thèses en présence et ensuite d’apporter un jugement.
Nous voudrions surtout vous inviter à retrouver dans la bibliothèque la trace de ces deux articles et les lire.
Pourtant Jacques Depouilly lance une réflexion issue de son expérience et de sa propre éducation :
J’ai personnellement participé à l’expérience d’André Lhote, et je garde une grande admiration pour ce maître qui parlait si intelligemment, et si humainement aussi, de la peinture. Mais il faut bien reconnaître que, malgré le libéralisme qu’il affichait très sincèrement, nous ne faisions guère en son atelier que tenter laborieusement s’appliquer ses théories que nos camarades, élèves de Léger, s’employaient à démolir. La plus grande leçon que l’on puisse tirer de telles expériences, dont je ne nie certes nullement la noblesse, c’est que l’art moderne vaut essentiellement par la contradiction qu’il apporte à l’enseignement de l’art, et que, par définition, il ne peut donc pas le rénover.
A la vérité, création et réflexion ne sont peut-être pas totalement exclusives l’une de l’autre, à condition que priorité soit donnée à la création.
Il semble que là nous tentons de nous acheminer vers une conclusion utile. Mais elle deviendra vraiment « pratique » - je veux dire, elle sera vraiment utile – quand elle débouchera sur une pratique éducative réelle, c’est-à-dire quand on aura cerné de plus près les qualités de cette fameuse « création ».
Et nous ne sommes pas d’accord, très précisément, avec la création en ateliers clos, telle qu’on la pratique selon les théories d’Arno Stern.
Nous préférons une création, mêlée d’expériences et d’expressions, liée intimement à la vie de celui qui crée mais dans le milieu où il vit et surtout aussi au contact d’autres expressions et au contact notamment d’un art moderne qui malgré ses égarements passagers, ses snobismes, sa vie commerciale, est le meilleur reflet du monde où vivent nos enfants et nos adolescents.
Quoi qu’il en soit, il y a lieu, je le pense, de nous féliciter de voir la presse, et les journalistes, s’intéresser d’abord aux problèmes de l’éducation mais surtout à l’aspect sensible, littéraire, artistique de cette éducation. Allons ! l’ordinateur et la mathématique – même dite moderne – n’ont pas encore anesthésié totalement nos sensations !
Signalons encore dans POMME D’API la revue pour enfants de la Maison d’Edition Catholique Bayard Presse, dans le numéro 94 de Noël 73, un article-enquête intitulé « Tous les enfants ont droit à la peinture ». On s’y réfère à « L’enfance de l’art » animé par sœur René Benjamin, mais on y offre un questionnaire adressé aux parents et dont nous serions très curieux et très attentifs à connaître les résultats…
PAROLES Plaquette issue du journal scolaire NOTRE MOULIN
Avec le numéro 8-9 de L’Educateur consacré surtout à l’imprimerie et au compte rendu du congrès des imprimeurs de journaux scolaires (Soissons 1-2-3- novembre 1973) et avec le premier numéro de la nouvelle collection B.T.R. (Bibliothèque de Travail et deRecherche) intitulé « Vers une méthode naturelle d’imprimerie… » paraît le fac-similé d’une plaquette de textes issus du journal scolaire Notre moulin de la S.E.S. du C.E.S. J. Perrin à Béziers. Cette édition fac-similé est un document et une œuvre que chacun se doit de posséder, de lire et de diffuser à son tour.
Si nous n’avions pas, avec l’Educateur, autant d’abonnés communs, nous aurions servi dans Art Enfantin et Créations cette édition à nos lecteurs.
Que ceux qui ne sont pas abonnés à L’Educateur et qui n’ont donc pas eu le plaisir de recevoir « Paroles » écrivent à la C.E.L. pour réclamer cette édition en joignant 3 F en timbres.