SI LES GOSSES S’EN MÊLENT
11° Fiera del libro per ragazzi – Bologne
11° Foire du livre pour enfants
4 – 7 avril 74
Cette année, nous avons décidé de consacrer
la quasi-totalité du stand de la CEL à la littérature des enfants et des
adolescents.
Porter dans
le saint des saints, au temple de la littérature pour enfants, le témoignage
de la littérature des enfants... Cela ne manquait pas… non pas d’audace
mais au moins d’originalité !
La Fiera del
libro per ragazzi
de Bologne est une rencontre inter nationale groupant les éditeurs de
livres pour enfants de tous les continents:
Langue anglaise : 109
(G.-B. 65, USA 30, Australie 14)
Langue allemande : 40 (Autriche 5, R. Féd. All. 26, Suisse Zurich 9)
Langue espagnole : 20 (Espagne)
Langue française : 36
Pays scandinaves : 64
Proportionnellement
la France ne représente qu'une toute petite part dans ce domaine de l'édition
pour les enfants.
Parallèlement
à cette manifestation se déroulent le Salon international des éditions
scolaires et aussi la Rencontre internationale des illustrateurs (dessinateurs
des livres pour enfants).
Un palmarès
est proclamé et des récompenses sont distribuées.
Qu'allions-nous faire dans cette galère?
A la suite
d'une enquête timidement menée et parue une fois dans l'Éducateur et une
fois dans cette revue, j'ai reçu près de 70 albums, de tous genres, de
tous formats, de tous niveaux, mais tous aussi révélateurs de la vivacité,
de la générosité, de la vie, en un mot d'une littérature totalement clandestine
et "underground" que les enfants animent et s'échangent, mais
qui reste tabou et au stade du manuscrit.
Nous avons
exposé à Bologne 49 de ces albums.
ET QU'EST-CE
QUE VOUS CROYEZ QU'IL S'EST
PASSÉ ?
Eh bien !
ça dépend...
I1 faut considérer
les différents niveaux de cette foire, ses différents courants d'activités.
En premier
lieu - mais mon classement ne révèle aucune hiérarchie: tout est mêlé !
- il y a les commerçants. Il y a ceux qui viennent là pour vendre leurs
productions, les droits des oeuvres éditées quand ils sont encore libres
pour tel ou tel pays. Et il y a ceux - parfois les mêmes - qui sont là
pour acheter des "choses" nouvelles.
D'enfants,
il n'en est pas question ! Absolument pas à ce niveau-là... L'Enfant ce n'est pas lui qui achète : c'est son père ou
sa mère ou sa grand-mère ou sa bibliothécaire ou sa documentaliste...
mais c'est lui qui lit...
Oui, et après ?
D'abord le livre est acheté et cela suffit !
D'autant plus
que cette formule rapporte davantage que toute autre... Voyez les kiosques,
les plus petits éventaires du moindre bureau de tabac de campagne: il
y a là le petit album orange, bleu pâle ou mauve et pour tous les âges.
Ça paraît adapté, être le résultat d'une recherche approfondie :
celle du marché du livre per ragazzi,
oui ! mais ça ne va pas plus loin.
L'enfant, "on
s'en fout !"
Je ne fais
que vous le répéter.
Encore une
fois, c'est la formule qui rapporte : plusieurs éditeurs français
- des grands! - parviennent à atteindre le chiffre de plus de vingt millions
d'exemplaires vendus dans telle et telle collections portant des prénoms
de petite fille !
Ceux-là cherchent
l'Enfant pour le trouver et lui donner à lire... Ils le cherchent à travers
le porte-monnaie de ses parents, et tel qu'ils le voient, c'est-à-dire
tel qu'ils le montrent, rose et joufflu, selon des stéréotypes communs:
jeux, farces, dada, vélo, ma pelle et mon seau, la cocotte, tartine et
pâtés... selon les vues traditionnelles d'une scolastique toujours aussi
attirante mais aussi scandaleuse; selon aussi les souvenirs et les clichés
d'une enfance révolue mais qui éveillent des émotions dans le coeur des
acheteurs, ces anciens enfants du début de ce siècle devenus consommateurs
contemporains.
D'autres le
cherchent tel qu'ils se l'imaginent...
Ils transcrivent
alors un monde fermé de l'enfance, comme un vert paradis clos et lointain,
un monde d'égocentrisme et révolu pour nous autres "les adultes".
C'est alors
la kyrielle de contes et de récits folkloriques qui prennent d'autant
plus d'importance quand dans les pays de l'Est on assortit ce folklore
de valeurs nationalistes transmettant les "trésors du passé de notre
peuple valeureux"...
D'autres encore
le cherchent et... le découvrent en eux: ce sont les artistes, ce sont
les poètes... et comme c'est à eux que va mon cœur...
j'éviterai
l'ironie et la dérision.
N'empêche que
pas plus que les commerçants, les faiseurs d'études de marchés, pas plus
que les faiseurs de contes et les mainteneurs du patrimoine national,
ils ne s'intéressent à l'enfant.
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