TOILE DE JUTE

Déroulement d'une expérience de trois années de dessin libre dans un nouveau poste, avec des enfants sans expérience de création. L'occasion était belle d'observer le comportement d'une classe - maîtresse comprise - dans le lancement d'une activité créatrice.

Démarrage

dans de très mauvaises conditions matérielles avec des enfants de 7 à 10 ans déjà marqués par le conformisme.

La maîtresse accueille ces œuvres d'une façon neutre ! sans s'extasier, ni condamner. Les enfants sont étonnés car ils croyaient que c'était cela : dessiner.

Pour la maîtresse c'était bien autre chose...

Elle ne veut rien brusquer, mais affiche, cependant, aux murs, des dessins de sa classe précédente... et n'introduit aucune oeuvre d'artiste adulte.

Au bout d'un mois :

le déclic !

l'affichage d'un dessin d'une autre classe :

le "clown" (CM2 Pleumeur-Bodou) inspire à Jean-Marie (10 ans) « son clown » qui n'est- pas une copie mais une création personnelle. (dessin ci-dessous).

A ce titre, elle est valorisée par la maîtresse du qualificatif «  nouveau » et affichée dans la classe.

La classe se lance sur la piste du clown…

C’est peut-être ça que veut la maîtresse ?

Mais celle-ci ne bronche pas.

À la suite de l’affichage du dessin d’une adolescente : « la fleur imaginaire », Patricia, 8 ans, réalise aussitôt une fleur insolite qui est affichée elle aussi.

La classe se met à dessiner « fleurs »

C’est peut-être ça que veut la maîtresse ?

Mais celle-ci ne bronche pas.

De la même façon, un éléphant, un gribouillage seront affichés... Réactions similaires...

Mais alors que faut-il faire ?

Question informulée que se pose la classe.

Un jeu excitant commence. Les enfants et la maîtresse s'observent...

On vit ensemble une aventure.

Fabienne trouve un jour une solution...

J'ai compris !

Il faut faire n'importe quoi !!!

C'était ça : les enfants désorientés n'ont pas su ce que voulait la maîtresse. Ils ont fait ce qu'ils voulaient et c'était justement ça qu'elle voulait.

Alors, ils ont suivi à volonté toutes les pistes.

Christian V., garçon à l'esprit mathématique, aborde un jour, en carte grattée, le style géométrique...

... Un autre aurait pu aborder n'importe quoi...

Le fait est souligné par la maîtresse à la classe.

Le style non figuratif gagne tous les secteurs des activités artistiques - surtout chez les garçons … Mais plusieurs petites filles continuent à dessiner des fleurs, très ornées.

En fin de deuxième année de dessin libre, juin 72, l’introduction, par hasard dans la classe - nécessité de doubles rideaux- de la toile de jute, porte au maximum l’explosion créatrice des enfants ravis de la noblesse, de la nouveauté du nouveau support …. Et respectueux de son prix !!!

Toiles de jute

Technique utilisée

- le support est une toile de jute naturelle ou de couleur.

- La peinture n’est pas spécialement traitée : il s’agit de peinture en poudre ordinaire délayée comme pour la peinture sur papier.

En 3ème année la classe rodée par son expérience a vite pris sa vitesse de croisière... Les petits nouveaux ont été très vite gagnés par l'ambiance créatrice solidement implantée... Le problème de la mise à la liberté ne se pose plus...

Le style-géométrique et le style-fleur s’interpénètrent. On est en route vers de nouvelles découvertes.

 
 

Le dernier jour de classe, une surprise de Nathalie : deux petits personnages sur la toile !

J'aurais aimé connaître leur impact sur le développement du tâtonnement de la classe mais j'ai dû quitter ce poste... ... car de nouveaux problèmes avaient surgi :

l'effectif qui était passé de 25 à 30 puis à 35 élèves dans la surface d'un F3. On a continué à " créer " mais à quel prix !!

Ne pourrions-nous pas travailler heureux sans y sacrifier notre santé ? Ou devons-nous laisser se perdre l'immense créativité des enfants ?

Jeannette LE BOHEC

   

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