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Novi Sad 74
Nous avons été invités à participer cette année au congrès régional (tous les pays d'Europe et d'Afrique) de l'I.N.S.E.A (Société Internationale d'Éducation par l'Art, organisation placée sous l'égide de l'U.N.E.S.C.O.) qui se tenait du 19 au 24 août 74 à Novi Sad, à 50 km au nord-ouest de Belgrade en Yougoslavie. Le thème en était la créativité.
Jeanne Vrillon et Jacques Caux avaient déjà participé à une semblable manifestation en 1967 en Tchécoslovaquie, envoyés par Élise Freinet qui, avec Freinet, avait jusque-là participé elle-même aux congrès de l'I.N.S.E.A.
L'accueil fut chaleureux. Une vingtaine d'hôtesses interprètes étaient à la disposition des congressistes afin de résoudre leurs problèmes matériels, puis, par la suite pour répondre à leurs questions lors des visites en ville, dans les écoles, dans les expositions, dans les ateliers d'artistes yougoslaves. Lors de la séance d'ouverture, très solennelle comme il se doit, les pionniers vinrent offrir à chacun de nous une rose rouge et leur sourire d'enfant.
Puis commença la longue série de communications faites par les professeurs de dessin ou les « docteurs » en arts plastiques venus de nombreux pays, et même du Canada et des U.S.A.
Ces communications avaient lieu dans trois salles où nous avons pu profiter de la traduction simultanée lorsque l'orateur parlait lentement, sans se laisser emporter par son sujet, ce qui laissait le temps aux interprètes de traduire correctement et permettait aux auditeurs de saisir le sens du discours. Ce ne fut malheureusement pas le cas très souvent. Pour ma part, j'en tirai leçon et fis ma communication très lentement, ne commençant une nouvelle phrase que lorsque Camille me faisait signe, ayant entendu que l'interprète anglaise avait terminé la phrase précédente...
C'est ce qui sans doute me valut de voir plusieurs personnalités venir me serrer la main chaleureusement à la fin de ma communication, poser des questions, remercier pour « ce merveilleux poème dédié à la créativité que nous venons d'entendre !!! » Et de me demander des livres... que je n'avais pas. Je n'avais pas assisté à tant d'enthousiasme lors des autres discours !
Nous avons tout de même été bien intéressés par l'apport des Danois relatant une expérience filmée où l'enfant est amené à regarder les choses les plus banales de la vie puis à peindre. On l'encourage à faire le même geste lorsqu'il tourne sa cuillère dans la purée ou dans une assiette de potage et lorsqu'il peint, cherchant à reproduire les taches et les graphismes observés. Le procédé semblait très directif et systématique mais attirait tout de même l'attention des enfants sur leur environnement immédiat et donnait de l'importance aux tâtonnements de la main.
Nous avons également apprécié un très beau film soviétique qui témoigne de l'importance que les Russes accordent au compagnonnage enfant-artisan pour que demeure très vivant l'artisanat populaire (poterie, sculpture sur bois, sur pierre, vannerie, maisonnettes et poupées, etc.). Nous avons aussi beaucoup aimé le reportage effectué dans un village de Roumanie où un instituteur, dans une école de sept classes, regroupe les enfants qui désirent peindre et dessiner. Les réalisations sont semblables à celles que nous connaissons à l'école moderne française. Cet enseignant avait d'ailleurs apporté une cinquantaine d'oeuvres qu'il avait exposées dans le couloir. Nous avons ramené ces peintures à Sartrouville puis à Sèvres où elles sont exposées dans le Centre International de Pédagogie.
Elles auraient leur place dans Art enfantin. J'ai écrit au collègue à cet effet en septembre 74, mais je n'ai eu à ce jour aucune réponse.
Quant aux innombrables autres communications (nous ne pouvions en suivre qu'un tiers), elles nous ont souvent paru témoigner d'expériences bien scolastiques et rigides. On nous a encore fait l'apologie de l'étude du camaïeu et de la perspective ! Mais le plus étonnant a été l'exposé de cette Américaine qui fait dessiner pendant trois à six mois durant, une armoire et une machine à laver à ses élèves de dix à douze ans !!!
Ceci l'amène à en tirer des conclusions sur la psychologie de l'enfant selon que l'armoire est représentée ouverte ou fermée, rangée ou en désordre, avec ce qu'il doit y avoir normalement dans une armoire ou avec des fantaisies. Les dessins que nous avons vus étaient laids, petits, noirs, tant ils étaient faits sans enthousiasme ou à contre-coeur. Certains enfants avaient dessiné l'armoire dans un coin de la feuille et tout autre chose hors sujet, bien vigoureux et coloré dans le reste de la page, ce qui valait le mépris du professeur : une tête dure celui-là, dont on aurait du mal à tirer quelque chose !
A côté des lieux de réunions, une immense salle (hall de foire) abritait une exposition de plus de 4 000 dessins. Le soir de notre arrivée, le gars chargé de mettre les étiquettes sur les panneaux se déplaçait dans l'expo en vélo ! II y avait une exposition internationale, une exposition consacrée aux maternelles, une autre consacrée aux adolescents, deux autres, sur thèmes, aux écoles de Yougoslavie. Nous avons eu le plaisir de retrouver dans l'exposition internationale et dans l'exposition des maternelles des oeuvres du Val de Loire envoyées par Jeanne Vrillon et des oeuvres de Saint-Palais-sur-Mer envoyées par Henriette Chagnon. Nous avions apporté également des peintures, des tapisseries, des poteries, des marionnettes, des albums, un livre de vie de ma classe. Nous avons exposé tout cela au bout du couloir très fréquenté puisqu'il menait aux salles de conférences. Nous avions peine à répondre à toutes les questions qui nous furent posées, tant elles étaient nombreuses. Jean-François et Cathy - mes enfants -, qui nous accompagnaient furent même embauchés ! Malheureusement, nous avions peu de matériel à diffuser. Nous avons pris des adresses et depuis, envoyé une pochette de documentation.
Ce sont surtout les éducateurs des pays de l'Est qui se sont montrés les plus intéressés et les plus enthousiastes.
Je suis convaincue que notre participation à de telles manifestations ne peut qu'étendre et diffuser plus largement la pensée de Freinet en même temps qu'elle nous permet de confronter les expériences et de nous situer.
Le prochain congrès, mondial cette année, aura lieu à Sèvres, près de Paris du 7 au 12 juillet 1975. A vous de dire s'il convient que nous y participions de nouveau!
Nicole DELVALLEE
Un événement s'est produit...
Dans le numéro 28 de janvier-février 75 de Zoom, Jacques Boivin - que nous remercions ici - a passé l'écho suivant concernant notre revue.
Enfin, Art Enfantin et Créations, qui va fêter son quinzième anniversaire. Il s’agit d’une revue à diffusion limitée et peu conventionnelle, organe du mouvement Freinet qui essaie de favoriser la création enfantine, partant en guerre contre les contraintes de l’école traditionnelle et qui amènent vite la mort de cette disponibilité chez l’enfant. Comme son titre l’indique, elle est entièrement consacrée aux créations d’enfants (peintures, dessins, poèmes, textes, musiques, etc…) Pas de textes d’adultes, sauf lorsqu’il s’agit de parler de problèmes d’adultes touchant à la création chez l’enfant. Pour le reste, ce dernier est maître du territoire et c’est lui-même qui exprime ce qu’il a à communiquer. Et c’est souvent surprenant pour l’adulte. Surprenant de constater avec quelle maturité , quelle lucidité l’enfant analyse le « petit monde » qui l’entoure, alors que la loi des idées reçues voudrait nous faire penser qu’il est à dix mille lieues de ses préoccupations. Surprenant de découvrir une pratique de l’art encore pure et totalement détachée de sa « rentabilité » une vision qui peut renvoyer bien des artistes professionnels à plus d’humilité. Tant que n’existent pas des rigides canons de l’esthétique (imposés par la tradition des conventions sociales), l’art perd sa majuscule et retrouve son sens initial. Tous les parents d’abord, tous ceux qui ont des rapports avec les enfants ensuite, tous ceux qui s’intéressent à l’image enfin, devraient y être abonnés (Editions de l’ICEM, place H. Bergia, 06 Cannes
Nous le citons, cet écho, en totale impudeur ! En effet, depuis une décade et davantage, parfois même depuis notre création, nous effectuons à titre d'échange ou gratuitement le service de notre revue à un certain nombre de revues d'art parmi les plus importantes.
Nous nous imposons ce sacrifice car c'est précisément notre rôle que de porter témoignage et de faire mieux connaître, de diffuser cette culture nouvelle qu'est l'expression artistique, l'expression libre des enfants et des adolescents.
Nous nous faisons en même temps l'écho des diverses parutions de ces revues, car il nous apparaît souvent qu'elles peuvent nous rendre service à nous tous ensemble, éducateurs et enfants.
Dans la plupart des cas - et même, disons-le, en règle générale - notre « échange » s'effectue à sens unique et à nos échos est opposé le plus profond silence. Nous connaissons les arguments qui « justifient » ce silence : « Nous ne sommes que... des scolaires, des primaires, des imposteurs, des velléitaires et des utopistes, des gobe-lune... des rigolos... »
Eh bien non, voilà donc paru le premier écho connu à notre existence.
Attendons encore quinze ans connaître un second !
En cette attente, nous continuerons à témoigner, à travailler, à produire, à exposer.
Et merci à Zoom : qu'elle soit assurée de la permanence de notre parution.
Dans ce numéro 28 de Zoom :
- Des photos de Roland et Sabrina Michaud (la dernière caravane en Tartarie), de Harald Mante, de Alan Ira Kaplan.
- Un reportage saisissant : le scoop ou le commerce de l'émotion (les meilleures photos à sensation).
- Les oeuvres du peintre Domenico Gnoli.
- Et aussi une précieuse documentation sur le super 8.