POUR UNE MÉTHODE NATURELLE

dans les travaux artistiques et manuels

le bois

Par les stages, les lectures que j'ai pu faire, par les discussions auxquelles j'ai pu assister, j'ai cru comprendre qu'une des idées-force de la pédagogie Freinet était de ne pas isoler l'enfant de la « vie » : méthode naturelle de lecture, géographie vivante, gymnastique naturelle…

Et l'Art Enfantin ?

À côté de la peinture qui reste l'élément de base, on peut trouver l'émail vitrail, le drawing-gum... et autres « gadgets » dont je pense qu' ils ont leur place, mais pas la place prépondérante, voire même exclusive qu'on leur fait souvent.

Pour progresser, ai-je encore cru comprendre, il faut que l'enfant puisse tâtonner autant qu'il est nécessaire. J'ai essayé mais je n'ai pu suivre sur le plan financier avec les produits achetés, et pourtant nous consacrons à l'Art Enfantin et au « bricolage » environ un tiers de notre budget annuel.

Comme il se jette et se brûle chaque fin de semaine dans notre commune plus d'une tonne de « déchets », j'ai commencé à en récupérer. Puis les élèves en ont apporté, puis les responsables des usines, les artisans m'en ont offert et, maintenant que l'habitude est prise, nous disposons d'un stock assez important en quantité et en variétés de pièces en bois tourné et aussi de déchets de « peluche ».

Nous avons la quantité, ce qui permet les essais non réussis que l'on jette ou que l'on abandonne pour recommencer avec d'autres morceaux ou d'une autre manière jusqu'à un résultat satisfaisant, ce qui n'est pas possible avec du matériel acheté.

Nous disposons d'une grande variété de pièces (formes, épaisseurs, diamètres, longueurs) ce qui permet un choix beaucoup plus important qu'avec les « boîtes » du commerce.

Les enfants sont intéressés par ce matériel qui fait partie de leur environnement immédiat (travail des papas, travail à domicile des mamans, sacs de pièces détachées que l'on peut voir chaque matin en venant à l'école, devant les portes des maisons pour le travail à domicile).

Ils aiment beaucoup travailler avec ce matériel car, disent-ils, la réussite est facile.

Même, une fois, avec des rondelles de bois avec écorce destinées à la fabrication d'articles publicitaires, nous avons fabriqué par empilement en deux couches entrecroisées, puis collage, des dessous de plats « rustiques » qui ont eu un succès certain à l'exposition-vente de la coopérative.

Nous en avons offert un à la patronne de l'entreprise qui nous avait fourni les pièces. Maintenant, elle en a repris l'idée et en fabrique, pour la plus grande joie des enfants qui ont ainsi apporté quelque chose, l'échange s'étant réalisé dans les deux sens et les enfants n'étant plus exclusivement des « receveurs » mais aussi des « donneurs ». Et puis, le bois tourné, avec ses formes à base de courbes, avec ses veines, avec ses qualités de contact au toucher est un matériau noble et qui plaît. Au Festival de l'Enfant, hors zone géographique de la tournerie, il fallait voir le plaisir des enfants de Lons-le-Saunier à « palper » et à construire et les parents aussi qui se laissaient aller à « caresser » les petites pièces en bois dans les cartons. Cette année, en deux après-midi et une matinée, nous avons consommé à peu près trois cents kilos de bois dans une quinzaine de formes et un peu plus de trois kilos de colle à bois.

Ne dites pas que nous sommes privilégiés. Partout, dans tout village, on peut trouver. Il faut d'abord observer, puis entasser et enfin confier le tout aux enfants qui auront certainement des idées, si vous n'en avez pas. Il est d'ailleurs préférable que vous n'en ayez pas. Même avec des enfants qui ne me connaissent pas, qui ignorent que je suis enseignant, comme au Festival, il se crée une atmosphère de travail où la discipline n'a plus de place, comme je le faisais remarquer à un adjoint au maire de Lons, professeur, et qui me disait : « Ah ! si je pouvais enseigner l'allemand comme ça... ». Les enfants viennent  naturellement à moi pour l'exécution de certains travaux difficiles pour eux : « M'sieu, tu scies ici... tu perces ici... je sais plus comment continuer... ». Je les fais parfois réfléchir et tâtonner sur les lois de l'équilibre, quand la colle ne suffit pas.

Que font-ils ?

Au début, ils utilisent de préférence les plaques rectangulaires comme support et collent à plat, comme si la troisième dimension semblait les gêner, ou s'en servent comme base à une construction plus hardie, à la manière du « Légo ». Je les laisse faire et le stock de plaquettes est vite épuisé. Alors, on construit à la « romaine » avec les éléments cylindriques...

Et cela donne : des maisons, des choses qui roulent, des éléments de la maison : tables, chaises, meubles, lampadaires, mais aussi des bonshommes et des tas d'autres choses que, dans mon ignorance de l'art plastique, j'appelle « sculptures modernes ». Mais l'essentiel n'est-il pas qu'ils les aient réalisées et qu'ils trouvent quelqu'un qui, en cette fin du troisième quart du vingtième siècle, soit encore capable de s'en émerveiller ?

Norbert MARTELET

 
   

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