Post-Scriptum
au n°78 SUR
La question du Beau
… en Ille-et-Vilaine
Le numéro 78 de notre revue a paru
sous la responsabilité du groupe I.C.E.M. d'Ille-et-Vilaine.
Une équipe d'une quinzaine de personnes
a présenté son travail
La parution
de ce numéro eut de nombreuses et riches conséquences. Parmi celles-ci,
un exemple précis : celui de Claude COUPÉ et de sa classe.
Exposer quelques
dessins d'enfants au congrès de l'I.C.E.M. me
fut chose assez facile puisqu'il y avait matière à exposition. Écrire
un article sur la genèse de cette exposition est pour moi affaire beaucoup
plus compliquée qui nécessite une analyse par delà les faits.
En 1975, le groupe départemental 35 a publié
un numéro d’Art enfantin (n° 78) et cette publication a été le
fruit collectif d'un travail d'équipe auquel je n'ai pas participé parce
que je n'en avais pas le temps matériel, étant pris par d'autres
tâches et aussi, parce qu'au fond de moi-même j'étais très impressionné
par toutes les jolies choses que j'avais pu voir lors des congrès et autres
manifestations de l'École Moderne. Je me disais souvent : « tu ne
sauras jamais obtenir pareille chose de tes élèves.» Quand je suis allé
voir Jeannette avec mes oeuvres je n.'étais
pas encore bien certain que c'était cela «l'art enfantin" et j'étais
assez inquiet.
Lors du congrès
suivant j'avais participé aux différentes réunions de la commission en
spectateur curieux, intéressé encore sceptique. Quand je suis rentré,
j'avais envie de tenter quelque chose.
Bien sûr, avant cela mes enfants avaient à
leur disposition peinture , pinceaux et feutres,
papier que je coupais assez parcimonieusement je dois le dire. II y avait
aussi des moments de travail libre pendant lesquels ils pouvaient peindre
et dessiner. Ma participation était quasiment nulle. N'étais-je pas, comme
disait autrefois mon prof de dessin, la négation de sa carrière ? Plutôt
que de donner de mauvais conseils je pensais qu'il valait mieux laisser
faire. Hélas! le résultat me semblait bien médiocre :
maison bateau, maison arbre chez les C.E.2, cow-boys et indiens chez les
plus grands et chez ceux que je trouvais les plus doués reproduction
de personnages de Walt Disney.
Je sentais bien pourtant qu’il y avait
chez « mes gosses » des possibilités mais je ne voyais pas comment
les faire éclore.
J'essayais
des «trucs» mais, la plupart du temps il s'agissait d'interdits : «Pas
de gomme, pas de règle, ne pas dessiner au crayon avant de peindre, évitez
de dessiner des maisons !» Le résultat était, il me semble, plus décourageant.
Il n'y avait plus rien. C'était l'échec pour les enfants, le découragement
pour moi.
Après le congrès
j'ai changé d'attitude : j'ai laissé notamment les enfants couper les
feuilles aux dimensions qu'ils souhaitaient. Je n'ai plus donné d'interdits.
Les enfants ont continué à faire des maisons, des bateaux. Toutefois quelques
fantaisies sont apparues chez certains, mais je sentais que cela ne sortait
pas. J'ai montré des dessins d'enfants parus dans la revue Art
enfantin. J'avais l'impression que les enfants n'y croyaient pas
: «Ce n'était pas des enfants qui avaient fait cela 1» Les feuilles coupées
par les enfants avaient toujours des dimensions réduites. J'avoue que
je n'y croyais plus quand l'inimaginable s'est produit.
Le numéro 78
d'Art enfantin d'Ille-et-Vilaine est sorti. Paul Le Bohec m'en donne un, au congrès des imprimeurs. Les enfants
l'ont vu et oh merveille ! Il y a des dessins de Moigné
: «Nos correspondants ont des peintures dans le livre ! Pourquoi pas nous,
nous devons être capables de faire la même chose ! »
J'ai renouvelé
les peintures, j'ai acheté des pastels, de nouveaux feutres, j'ai mis
des grands rouleaux de papier à leur disposition. Les murs se sont alors
couverts de grandes feuilles blanches. J'ai donné de belles feuilles de
Bristol pour les grattages, de l'encre de Chine. Malgré cela il manquait
encore quelque chose : l'imagination. C'est alors que j'ai fait intervenir
quelques techniques de déblocage collectif et notamment celle-ci. Par
groupes de quatre, chaque enfant a devant lui une feuille blanche, un
pinceau et un pot de peinture de la couleur qu'il a choisie. Il peint
sur sa feuille pendant une minute puis il va peindre avec sa couleur sur
la feuille du voisin et on continue de tourner ainsi. Quand on est passé
aux quatre feuilles, on recommence avec une autre couleur. Cela ne ressemble
souvent à rien, des formes s'imposent, se précisent ou se transforment
mais surtout les couleurs chantent et les enfants sont ravis (le maître
aussi). Pour terminer chacun reste devant une feuille et il «fignole»
comme il l'entend son dessin qui est en fait le dessin des trois autres.
Nous avons
travaillé ainsi pendant quelques semaines (cinq je crois) puis, petit
à petit, les groupes ont disparu et chacun a voulu créer son «dessin imaginaire».
Maintenant
ils reviennent à un travail collectif. Les grandes frises naissent, mais
ce n'est plus au hasard. Les participants s'organisent, choisissent un
thème et on entame une oeuvre qu'il faut réussir. Là il y a vraiment coopération.
Ils commencent
aussi à chercher des nouvelles techniques. Leur recherche s'oriente en
ce moment vers la combinaison des deux techniques pastel gras et peinture.
Les effets de ce mariage sont parfois surprenants. Ils aiment aussi les
grattages et les dessins au feutre.
Je pense qu'à
présent la route est bien ouverte et j'espère qu'elle ne se refermera
pas tout de suite. Mes élèves de C.M.2 risquent cependant de se voir bloqués
lors de leur entrée en 6e et c'est dommage, mais je voudrais, pour conclure,
récapituler ce que je pense avoir été la démarche de ma classe et la mienne.
I. J'étais sensibilisé à l'art enfantin.
2. J'avais le désir de le voir naître
dans ma classe, bien que ne me sentant pas capable de le faire éclore.
3. Mon attitude trop restrictive est devenue
depuis le congrès plus permissive.
4. Les moments de liberté sont vraiment
importants dans la classe.
5. Déclic affectif lors de la parution
du n° 78 d'Art enfantin.
6. Ma participation
est alors devenue plus importante : organisation des premières séances
de déblocage, apport de matériel, affichage systématique sans aucune discrimination.
J'ai maintenant envie de me pencher davantage sur ce
domaine de l'éducation des enfants et bien que n'étant toujours pas moi-même
un artiste, je vois là une revanche sur mon prof de dessin qui disait
ce que vous avez lu plus haut... (A suivre.)
Claude COUPÉ
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