DES ROBOTS
ET DES HOMMES
Préface
C'est au
début des vacances de l'été 1974, à l'île de Ré, que j'ai commencé cette
nouvelle. J'avais quatorze ans et je lisais déjà beaucoup, des livres
de science-fiction entre autres. Je trouvais dans ces derniers deux sources
de satisfaction : la première, la plus évidente, mais la moins importante
de loin pour moi, était l'aventure, l'action qui revêtait un cadre nouveau
et différent du simple roman policier ; l'autre, la satisfaction
sur le plan scientifique, était la plus enivrante, car j'aime profondément
la science et le progrès mais je suis souvent déçu de la lenteur de son
évolution par rapport à la vie de l'homme. C'est pour cela que je goûte
dans les livres de science-fiction un bonheur artificiel, mais très intense,
qu’il s'agisse de descriptions extérieures d'engins ou d'explications
parfois géniales de mécanismes régissant les automates (trois lois de
la robotique, etc.).
Je dois
cette passion de la science à mon professeur de mathématiques d'alors
qui, m'ayant suivi quatre années durant, réussit en me faisant faire des
recherches, c'est-à-dire trouver des montages électriques, inventer des
opérations, créer de nouvelles géométries, à me donner à moi ainsi qu'à
la plupart de mes camarades que j'ai retrouvés en seconde l'esprit de
recherche, le goût de l'esprit scientifique.
Je dois
avouer que je n'ai pas écrit ce roman dans la concentration et le recueillement,
mais plutôt dans l'amusement et l'insouciance. En effet, chaque jour,
le matin de dix heures à midi sur la plage, je lisais, en prenant l'apéritif,
le résultat de la matinée à ma grand-mère qui plaisantait continuellement
sur mes inventions les plus baroques.
Cette nouvelle
est, si je me rappelle bien, car à l'heure où j'écris cette préface, j'ai
quinze ans révolus, un mélange d'aventure et d'humour discret et en la
relisant avec recul je sens pourtant les quelques imperfections dues à
mon immaturité de style et de pensée d'alors.
Je place
mon espoir actuel dans mon roman de cette année, toujours de science-fiction,
que j'espère vous faire lire après les grandes vacances.
J. F. HEURTIER
avril 1976
CHAPITRE
I
Préparatifs
Les détecteurs
d'arrivage interplanétaire cliquetaient doucement dans la salle de contrôle
du spatioport de Krimen
à Rhodia du Cosmos.
Le commandant
Keller, un homme intelligent d'une trentaine d'années, regardait penché
sur son télécran les préparatifs d'envol de treize immenses astronefs
à "l'hydraton" qui brillaient à la
lueur orangeâtre des murs irradiants du hall n°56.
II se retourna
pour mieux voir la mince silhouette de la jeune Martha
Bruce qui arrivait. Elle lui sourit. Elle était vraiment charmante.
- Avez-vous
vérifié les sous-cales B 2 et B 3, John, lui
demanda-t-elle ?
- Oui, Martha,
et fR S 012K (SO comme sottise : se lit
sodouze K) est venu me dire qu'en tant que général
de la 1re flotte des robots, il avait lui-même, hier, fait
l'inspection générale des douze vaisseaux de guerre et de son astronef
personnel.
Au sujet de
la "nourriture" il a dit que les sous-cales
B 2 et B 3 remplies de cubes de plutonium suffiraient pour les dix mille
robots qui constituent l'équipage.
- Il nous reste
à espérer, lança Martha, que cette expédition
réussira et que les robots reviendront victorieux de la planète SOL 27
et ajouteront une planète de plus au territoire des Planètes Unies.
Elle avait
parlé d'un ton grave, aussi John Keller lui répondit solennellement :
- Si vos robots
ne gagnent pas la bataille, cela signifiera que les armées soliennes sont plus fortes que les nôtres...
Et il savait
mieux que personne avec ses longues années d'expérience de directeur de
l'Expansion Humaine, que si les robots perdaient, la race humaine serait
en danger.
Martha Bruce,
elle, bien que sérieuse et réfléchie était encore une novice et ne voyait
pas encore tout ce qu'impliquerait la première défaite du monde humain...
Ils furent
interrompus dans leurs pensées par la sonnerie qui venait de se déclencher.
Aussitôt il appela fR 1001 son robot personnel
et lui dit de couper le champ magnétique de l'entrée. fR 1001 revint accompagné de fR S 012K général de la flotte des robots...
Aussitôt les
présentations faites entre fR S 012K et Martha, John rentra dans le vif du sujet :
- Vous savez
qu'il est vital que vous gagniez, quelles que soient les pertes ?
- Cher John...
répondit fR S 012K d'une voix presque humaine,
ses bandes magnétiques de décodage par tâches tournant silencieusement
derrière sa vitre de plexiglas "strongchoc"
placée au niveau de ses pectoraux... Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir
pour vaincre mais je ne puis crier victoire avant d'avoir pu évaluer la
force de l'ennemi...
- Mais vous
autres, Robots, rétorqua John fermement, vous ne vous rendez pas compte
de l'importance de cette bataille.
fR S 012K ne répondit pas car un robot ne doit pas contredire
un humain, sauf quand l'ordre de ce dernier entraîne la perte d'autres
humains.
John et fR
S 012K réglèrent quelques détails du départ. Mais la pensée de Martha
était ailleurs : elle était toute excitée et s'aperçut soudain que l'objet
de cet énervement était fR S 012K elle n'arrivait pas à en détacher ses yeux. Non,
elle ne pouvait quand même pas tomber amoureuse d'un robot !
L'amour était
possible bien sûr maintenant entre hommes et robots, mais bien peu d'hommes
ou de femmes se sentaient attirés vers ces machines, bien qu'élégantes
et même séduisantes. En effet, il y avait longtemps qu'on leur avait donné
un physique extérieur humanoïde. On pouvait ainsi parler à un robot avec
quelques égards supplémentaires à cause de l'influence bénéfique de leur
physique sans se méprendre sur "l'être" à qui l'on parlait.
Martha se
sentait de plus en plus attirée vers fR S 012K
et se disait avec anxiété qu'il partait demain pour Sol 27. Allait-elle
le laisser partir ? Le reverrait-elle jamais ? Tout tourbillonnait et
les paroles de Keller se mélangeaient dans sa tête.
"Le champ
répulsif à cellules photogravitationnelles peut
être remplacé en cas d'avarie par le dissociateur de particules spatiales
se trouvant dans la "salle de secours"...
Soudain, Martha
coupa net le discours de Keller.
- John ! je
veux partir avec les robots, demain !
C'était bien
la dernière chose à laquelle John était en droit de s'attendre, surtout
de la part de Martha.
fR S 012K, lui, avait analysé la situation en 2,5 millionièmes
de secondes, mais il était plus poli pour un robot, dans de telles circonstances
d'attendre qu'un humain réponde.
John, lui,
réfléchit puis se leva, marcha, hésita, bien sûr il savait que ces robots
avaient besoin d'un humain et il avait lui-même pensé à envoyer quelqu'un,
mais Martha...
- Tu veux partir
! Tu sais que tu y passeras un an et que quand tu reviendras, cinq années
indépendantes se seront écoulées ! Si même tu reviens de cette guerre...
!
- Oui, oui,
John, je sais, mais je veux partir avec fR S
012K.
fR S 012K, lui, n'aurait jamais espéré plaire à cette jeune
fille, intelligente, belle et naïve. Pour un robot, même de type "fR" avec les antennes de réception planétaire amovibles,
plaire à une femme était un honneur tout particulier et cette fois il
n'attendit pas que John répondit.
- Je crois
que nous ne refuserions pas une humaine pour nous aider et il reste de
la place dans mon astronef.
John accepta
car il ne fallait pas se mettre en mauvais rapport avec les robots de
la flotte surtout à la veille du départ.
D'autre part
il savait qu'une réponse aussi catégorique de la part d'un robot signifie
qu'il a un potentiel de 8/20 de détermination.
Ils se quittèrent
et fR S 012K ramena Martha
dans son turbo-coupé sport. Elle admirait le
quartier robot avec tous ses bâtiments flottant à une centaine de mètres
du sol. II en était ainsi pour presque toutes les habitations. Ainsi la
surface de la planète pouvait être utilisée pour des parcs, zoos, cinémas,
jeux scientifiques pour les enfants.
Elle se rappellerait
toujours le premier astronef qu'elle s'était monté
à l'âge de six ans !
fR S 012K appuya sur un bouton puis il abaissa des leviers
et expliqua à Martha qu'ils allaient passer
devant un self-service et qu'il avait programmé son turbo-coupé
pour saisir au passage les marchandises désirées et les déposer dans
le coffre. Martha n'aimait pas conduire mais
elle aimait être avec son cher amant.
CHAPITRE
II
Destination
Sol 27
MARTHA se coucha
sur son lit près de fR S 012K qui cliquetait
de plaisir. La flotte était partie ce matin. Le saut interstellaire avait
eu lieu vers neuf heures indépendantes et les treize astronefs traversaient
maintenant la galaxie du progrès à quinze parsecs à la seconde. Ils avaient
reçu un message des Planètes Unies de J. Keller juste avant le saut :
"Vous souhaite bonne chance - si besoin renforts - mille robots prêts".
C'était le
message classique de bonne chance et, bien entendu, tout le monde savait
que mille robots de type fR comme eux étaient
prêts à les suivre.
Martha était
arrivée dans !e vaisseau et on l'avait tout de suite conduite à sa chambre
où fR S 012K l'attendait.
C'était une
bonne chambre. fR S
012K avait mis une musique ancienne de Xenakis qui donnait aux murs arrondis
et irradiants, une tournure vieillotte. Elle avait sauté dans ses bras
robustes en acier recouverts "d'élasticore-vêtement".
Elle avait passé la matinée avec lui à visiter le vaisseau et s'était
fait quelques amies robots.
Le sexe importait
peu pour les robots puisque les robots-femmes
étaient aussi robustes et intelligentes mais la construction était légèrement
différente. Le robot-femme était plus fin, plus
élancé tandis que le robot-homme était plus
trapu.
Ils ne pouvaient
évidemment pas se reproduire mais ils fabriquaient ensemble leurs enfantsrobots...
CHAPITRE
III
Ténébreuses
pensées
Des jours avaient
passé, puis des mois et elle avait appris à connaître les robots. Elle
les aimait, ils étaient si intelligents, si rapides, si forts !
Vraiment, elle
n'aurait pour rien au monde accepté de revenir voir les hommes idiots,
naïfs, lents, vicieux, qui la regardaient d'un
oeil désireux alors que ces robots étaient honnêtes, francs, courageux.
L'ancienne
compagne de fR S 012K fut donnée à un robot
mécanicien qui avait démonté la sienne pour la sauver de la maladie mortelle
des robots : le court-circuit des fils du cerveau positronique,
mais il était trop tard et quand il déconnecta les canaux d'énergie, il
ne lui restait plus dans les bras qu'un aimable tas de ferraille...
Ainsi Martha
passait toutes ses journées agréablement au lit le matin puis elle flânait,
déjeunait et passait l'après-midi avec fR S 012K à la cinématobibliothèque
ou au sensocinéma de leur vaisseau.
Cet emploi
du temps aurait pu étonner plus d'un voyageur de l'espace mais tout était
programmé sur ces nouveaux vaisseaux et il suffisait de quelques robots
pour la direction d'un appareil. Mais Martha
commençait à s'inquiéter sur l'issue de la guerre sur SOL 27.
Jusqu'à maintenant,
elle n'avait pensé qu'au présent, à son amour naïf. Elle allait peut-être
mourir avec les robots.
D'ailleurs
avait-on le droit de les envoyer se faire tuer, et tuer pour une planète
dont la Fédération des Planètes Unies n'avait aucun besoin ?
On était arrivé
dans les temps passés à arrêter les guerres sur notre planète d'origine,
la Terre. Plus tard on avait supprimé les conflits entre les planètes
en formant les Planètes Unies et l'homme voulait encore la guerre !
Comme elle aurait voulu être robot ! Elle se disait que
demain tout pouvait être fini par la faute d'ambitieux égoïstes !
CHAPITRE
IV
Destruction
Des sifflements
stridents des vaisseaux crevant l'atmosphère solienne
provoquèrent une panique énorme parmi les Soliens, ces petits êtres trapus aux tentacules graisseux
et aux antennes brillantes.
II devait être onze heures quarante, heure
du vaisseau, quand ils attaquèrent. On entendait des cris, des coups
de feu d'armes légères, mais une pagaille innommable régnait.
A gauche, protégés
par une demi-sphère en acier, se dressaient
des canons atomiques. fR
4020 K, le commandant, ordonna d'envoyer dessus une torpille. Aussitôt,
un bruit de
vrilles
se fit entendre et une demi-seconde plus tard,
il ne restait plus rien du canon. fR
S 012K, lui, était en train de diriger les jets d'énergie sur toutes les
agglomérations. II avait préféré "intimider" ces êtres et leur
faire croire qu'ils avaient affaire à une race nettement supérieure en
rentrant sans précautions dans une zone militaire de SOL 27.
C'était très
risqué mais cela avait l'air d'avoir marché puisque les quelques minutes
que mirent les Soliens à sortir de leur panique
initiale avaient été mises à profit par fR S
012K et ses robots qui avaient lancé des jets d'énergie sur toutes les
agglomérations de la planète. Dès qu'ils furent rentrés dans l'atmosphère,
ils divisèrent en treize la planète et tirèrent sur toutes les villes
ou camps militaires.
II semblait
que les Soliens étaient assez primaires (niveau
d'évolution : six environ). Aussitôt la planète fut anéantie et les treize
astronefs remontèrent et crevèrent de nouveau l'atmosphère pour se retrouver
dans l'espace comme il avait été convenu.
Les treize
vaisseaux furent reliés par des ponts et les douze commandants robots
et fR S 012K se concertèrent.
- II
me semble, dit un robot, que nous n'avons plus qu'à redescendre et à réduire
ce qui reste ! - Non ! dit un autre robot en métal bleuté, je connais
les ruses défensives, j'ai fait partie d'une autre expédition un peu comme
celle-là. Ils se sont déjà regroupés en différents foyers de résistance.
Nous perdrions cinq vaisseaux au moins si nous redescendions sans ruses.
- II a raison,
tranche fR S 012K
- Mais, dit
un quatrième robot à la voix mielleuse, nous pourrions lâcher des bombes
anticellulaires sur la planète avant de redescendre.
- Excellente
idée, approuva fR S 012K. Rien ne vaut de bonnes
bombes !
- Et si les
bombes n'endommagent pas les foyers de résistance ? rétorqua le robot bleuté qui tenait à son idée.
- A mon avis,
continua imperturbablement le robot à la voix mielleuse, nous pourrions
concilier les deux idées : raser la planète de bombes anticellulaires, puis projeter par endroits sur la planète
des images en trois dimensions de nos astronefs : si les foyers de résistance
ont tenu, ils tireront sur ces pseudo-vaisseaux
!
fR S 012K approuva et tout le monde regagna son vaisseau
pour donner les instructions. Ils déclenchèrent les réacteurs atomiques
et descendirent sous l'atmosphère et lâchèrent leurs bombes anticellulaires
qui détruisaient toute forme de vie animale. Des robots utilisaient ces
bombes car elles n'étaient pas nocives pour eux.
Quelques minutes
plus tard, ils contemplèrent sur leurs écrans un spectacle de milliers
de cadavres.
Ils projetèrent
alors les images tridimensionnelles des treize vaisseaux à une hauteur
moyenne de la surface de SOL 27.
II était en
effet possible que les Soliens possédassent
une botte contre les bombes anticellulaires.
Mais rien ne bougea sur ce monde dévasté et les robots comprirent qu'ils
avaient gagné !
CHAPITRE
V
Trous de mémoire
Ils descendirent
alors prudemment les douze astronefs sur SOL 27, sauf le vaisseau de fR
S 012K qui devait rester avec Martha car elle ne pouvait descendre pendant quelques mois
sur la planète à cause des radiations des bombes anticellulaires.
Les dix mille
robots emmenèrent tous les cadavres des Soliens
dans les brasiers énergétiques de leurs astronefs pour garder une bonne
hygiène.
Puis, au bout
d'un mois, quand toutes les radiations anticellulaires
eurent disparu, Martha descendit sur SOL
27. Les robots avaient déjà commencé des constructions.
Elle fut surprise
de constater le changement très net des robots à l'égard des hommes :
i1 semblait que les robots oubliaient leurs maîtres.
Martha se
rappela ce qu'avait dit Jackson, le spécialiste de robotique : "II
est possible que ces nouveaux robots au plutonium soient vulnérables à
certaines radiations inconnues de notre galaxie".
Il avait ajouté
plus tard : "Le cerveau positronique de
ces robots utilise les transformations d'énergie. Certaines influences
chimiques telles que des gaz fibreux ou des radiations composées pourraient
empêcher la transformation de l'énergie du plutonium en énergie atomique
et le plutonium resterait sur la plage d'information effaçant l'instruction
sur laquelle il se coagulerait. Heureusement, ceci ne peut arriver que
dans les cerveaux périphériques et les terminaux des membres car le philtre
61 de sécurité du cerveau interne stopperait tout corps non solide".
II était évident que ce que redoutait Jackson arrivait et que les robots
allaient avoir des lacunes sérieuses.
Mais comme
elle avait gardé son ancienne rancoeur contre les hommes, elle se réjouit
intérieurement de cette indépendance et souhaita que les robots oublient
tout des hommes. Elle n'aurait pas pu imaginer que ce qu'elle rêvait fut
si près de se réaliser : en quelques mois, les robots oublièrent les hommes
et fR.S 012K, lui-même, un soir, lui avait dit :
- Mais de quelle
race es-tu ma chérie ?
- Mais je suis...
Martha hésita, fallait-il lui rappeler les hommes
et le faire revenir à l'esclavage ? ... je suis une sorte de robot...
comme toi, mon chou !
CHAPITRE
VI
Un nouveau
monde
En quelques
années, les robots eurent recouvert SOL 27 de Batinets,
parcs zoos, ils avaient multiplié leur nombre par quatre (ils étaient
maintenant quarante mille) et conquéraient déjà les planètes avoisinantes.
Seuls quelques robots se souvenaient des hommes, mais plus comme maîtres,
mais comme bêtes... leur civilisation grandissait chaque jour et leur
empire s'allongeait de plus en plus. Ils comptaient au moins cent cinquante
planètes sous leur coupe appelées Planètes des Robots. On créa des robots
astronefs, des robots savants qui tenaient un volume de trois immeubles
de plastic agglopilé, capables de raisonner, de décider, de combattre
pour des dizaines de planètes simultanément. fR S 012K avait pris les rênes du gouvernement de robots
et depuis vingt-cinq ans, la planète capitale était restée SOL 27. Tout
était paisible sauf quelques émeutes des "Gums"
sur Titan rapidement écrasées par les nouvelles bombes télépathes permettant,
en braquant l'indicateur de cerveau vers la tête des "Gums",
d'envoyer des ondes déprimantes et déchirantes à des fréquences insupportables.
On observait alors que les Gums, après une crise
de quelques minutes où ils titubaient et criaient, devenaient paisibles
et soumis, faibles et déprimés. Tout allait donc bien pour les robots,
si ce n'est que les anciens robots au plutonium devaient être révisés
régulièrement pour ne pas oublier tout ce qu'ils avaient fait la veille.
CHAPITRE
VII
Le rapport
Bilton
Le commandant
Keller se dépêcha de monter dans sa turbosoucoupe
II ferma le champ magnétique et appuya sur un bouton pour démarrer. Aussitôt,
les réacteurs atomiques s'embrayèrent et la turbosoucoupe
fila sur ses rails. Une main sur son volant magnétique à grande plage
de variation et l'autre sur le rapport d'un certain Bilton
qui déclarait avoir vu un monde moderne sur SOL 27, cette planète sur
laquelle on avait envoyé dix mille robots il y a vingt-cinq ans, qui n'étaient
jamais revenus et qui avaient sûrement dû perdre la bataille. On était
en train de construire une autre flotte, plus puissante et plus moderne
de robots du type, O pour vaincre les Soliens
qui n'avaient montré aucun signe de vie. C'était sans doute pour ça que
B. BILMAN, le vieux directeur des Planètes Unies avait rassemblé les chefs
qui avaient assisté ou participé à l'embarcation de la première flotte
des robots.
John Keller
était vieux maintenant, mais il aimait son métier et ne voulait pas arrêter.
Quand il arriva
sous le bâtiment flottant de l'Expansion Humaine, il arrêta les moteurs
atomiques, mit les turbofreins et alluma ses
phares d'arrêt, puis il descendit, envoya sa turbo-soucoupe
au parking et monta dans le bâtiment. II pénétra dans le hall et demanda
au robot-guide de prévenir le président Bilman
qu'il arrivait.
Puis il se
dirigea vers un des cinquante distorseurs du
hall. Il attendit que le continuum spatiotemporel soit solide, ce qu'il
pouvait vérifier sur un des cadrans de sa maxi-montre
puis il se glissa dans le bureau de Bilman.
II arriva un
peu avant d'être parti pour gagner du temps car il était en retard.
II y avait
Jackson, le spécialiste de Robotique qui avait prévu les plans des dix
mille robots, Bilman, lui et Bellon, le spécialiste
de vaisseau mécanique qui avait fait les vaisseaux de la flotte, les quatre
responsables de cette expédition...
Bilman commença
: Vous avez dû lire le rapport Bilton, je présume
? Tous répondirent oui sans chaleur.
- Bilton est passé devant SOL 27 et a aperçu devant son télécran
un monde très évolué. Il voulait visiblement connaître l'avis des autres
avant de donner le sien.
- Oui, nous
savons, les robots ont dû se faire battre, répondit évasivement Bellon.
- Ce qui m'intéresserait,
dit Jackson, ce serait de savoir si ces robots au plutonium enrichi peuvent
rester sans le contact habituel d'hommes pendant plusieurs années et peuvent
continuer d'exécuter les directives des hommes.
- Nous avons
quand même un atout, dit Keller, c'est que les Soliens
ne savent pas qui les a attaqués vingt-cinq ans auparavant ; ils nous
ignorent tandis que nous, nous les connaissons !
Visiblement,
cela rassura tout le monde, bien que chacun y ait pensé auparavant.
- Ce qu'il
faudrait, ce serait envoyer quelqu'un en reconnaissance sur SOL 27 dit Bellon qui semblait s'intéresser à la discussion.
- Ça, c'est
déjà fait, lança promptement Bilman ; Grant
Ray est parti ce matin dans un petit astronef de combat.
Puis, il ajouta,
voyant qu'on avait dit tout ce qu'on pouvait dire à partir des éléments
qu'on possédait :
- Messieurs,
prochaine réunion au retour de Grant. Tout le monde s'en alla et regagna
le hall en distorseur. Keller sortit de sa poche
un petit appareil plein de boutons appelé "turbosoucoupetéléguidage",
il rappela sa machine et repartit chez lui. Tandis que les immeubles défilaient,
il pensa à Martha. Qu'était-elle devenue ?
CHAPITRE
VIII
Mutation
MARTHA était
à son bureau sur SOL 27 à ROBOTOWN 2 qui était la nouvelle capitale, à
l'institut d'étude de l'homme artificiel.
Les robots,
qui, comme les hommes, avaient besoin "d'êtres primaires" pour
accomplir les rares travaux manuels qu'on n'avait pas encore supprimés,
se penchèrent sur la création biochimique de l'homme à partir de leurs
anciennes connaissances et de ce que leur fournissait Martha,
car les robots n'avaient jamais réussi à oublier complètement les hommes.
Ils étaient arrivés à fabriquer des hommes (robots) assez semblables à
ceux de la terre.
Le même jour,
dans son laboratoire, fR 20010, le robot anthropologiste,
construisait un humain. II abaissa la manette du poseur de cerveau automatique,
qui prit un cerveau dans un container en acier transparent réservé aux
cerveaux humains et avança jusqu'à l'homme artificiel. A cet instant
se passa une chose qui ne s'était encore jamais produite : les murs irradiants
du laboratoire s'éteignirent. Aussitôt les yeux du poseur de cerveau s'enflammèrent
et deux rayons ultraviolets se braquèrent sur le cerveau, car les poseurs
de cerveau avaient aussi une source de vision à l'ultraviolet ; il continua
calmement sa besogne, tandis que fR 2001 O ralluma
la salle et arrêta le court-circuit.
On réveilla
l'humain deux heures plus tard. On le nomma H O + et on l'emmena dans
une famille robot, les fR 2998 et fils, car
ils avaient besoin d'un homme pour les corvées.
fR 2998
était un gros robot en acier amélioré, ses bandes d'enregistrement à tâches
traditionnellement placées sur les pectoraux cliquetaient et tournaient
tranquillement, ses petits yeux électroniques dardaient leurs faisceaux
invisibles sur H O + Sa compagne sortit, grande, mince, élancée, taillée
en deux pièces extensibles qui souriait à H O + d'un air bienveillant,
le vendeur encaissa la monnaie et assura à fR
2998 que les nouveaux humains parlaient très bien et que celui-ci était
de très bonne marque.
fR 2998 l'envoya tout de suite à la S.V.I.P.O.
(Société des Voyages Interplanétaires Organisés) pour réserver un emplacement
sur Alpha du Centaure pour la durée des vacances. II lui indiqua ce qu'il
voulait et lui donna trois bons de plaisance pour payer.
II lui recommanda
de prendre un coin à proximité des montagnes du Cosmos, ces blocs immenses
au pied desquels la neige ammoniacale tombait et recouvrait les grandes
plaines du secteur Nord-Ouest. C'était en effet très intéressant de passer
ses vacances près des Monts du Cosmos, au milieu des bêtes d'Alpha.
Les premiers
robots qui avaient mis les pieds sur Alpha du Centaure durent livrer un
dangereux combat contre les animaux féroces de la planète. II semblait
en effet que ces longues bêtes posées sur huit pattes trapues fussent
stupides mais nombre de robots isolés disparurent au cours des premières
années.
Maintenant
on avait traité ces bêtes et on leur avait injecté un flux de passivité
P 350 +K 27 qui les rendait dolentes et paisibles. Les robots aimaient
voir ces Rissex (Rissex était le nom que
leur avait donné le robot-historien fR 102313) grimper le long des côtes abruptes des
monts du Cosmos... fR 2998 se dirigea ensuite
vers son garage, appuya sur un bouton d'ouverture. Aussitôt le champ
magnétique se dématérialisa en sifflant. Le robot désigna du doigt à H
O + un petit aéronef de plaisance qui scintillait au soleil bleu de SOL
27.
- Tu vas prendre
cet aéronef. Tu sais conduire un aéronef au moins ?
- Oui, Maître,
répondit l'homme artificiel.
fR 2998 l'envoya tout de suite à la S.V.I.P.O.
(Société des Voyages Interplanétaires Organisés) pour réserver un emplacement
sur Alpha du Centaure pour la durée des vacances. II lui indiqua ce qu'il
voulait et lui donna trois bons de plaisance pour payer.
II lui recommanda
de prendre un coin à proximité des montagnes du Cosmos, ces blocs immenses
au pied desquels la neige ammoniacale tombait et recouvrait les grandes
plaines du secteur Nord-Ouest. C'était en effet très intéressant de passer
ses vacances près des Monts du Cosmos, au milieu des bêtes d'Alpha.
Les premiers
robots qui avaient mis les pieds sur Alpha du Centaure durent livrer un
dangereux combat contre les animaux féroces de la planète. II semblait
en effet que ces longues bêtes posées sur huit pattes trapues fussent
stupides mais nombre de robots isolés disparurent au cours des premières
années.
Maintenant
on avait traité ces bêtes et on leur avait injecté un flux de passivité
P 350 +K 27 qui les rendait dolentes et paisibles. Les robots aimaient
voir ces Rissex (Rissex était le nom que
leur avait donné le robot-historien fR 102313) grimper le long des côtes abruptes des
monts du Cosmos... fR 2998 se dirigea ensuite
vers son garage, appuya sur un bouton d'ouverture. Aussitôt le champ magnétique
se dématérialisa en sifflant. Le robot désigna du doigt à H O + un petit
aéronef de plaisance qui scintillait au soleil bleu de SOL 27.
- Tu vas prendre
cet aéronef. Tu sais conduire un aéronef au moins ?
- Oui, Maître,
répondit l'homme artificiel.
CHAPITRE
IX
Fuir au plus
vite
MARTHA était
dans sa chambre sphérique à écouter de la musique solaire quand elle entendit
la sonnerie. Elle alla couper le champ magnétique et vit en face d'elle
un homme. II était assez beau, il était grand, il avait l'air décidé contrairement
aux autres hommes artificiels de cette planète. II ne parlait toujours
pas et admirait Martha. Cette dernière le regarda
d'un air interrogateur. Alors il se décida et parla :
- "Voilà,
madame Martha Bruce : j'ai appris que vous étiez
une femme d'une autre planète où vivaient des humains libres", lança
rapidement H O +.
Puis il continua
d'une voix grave et décidée :
- Les hommes
sont des esclaves sur cette planète. La liberté est la première loi de
l'être qui pense et qui vit. Je ne veux pas vieillir sur cette planète.
Les robots
fabriquent des hommes assez stupides pour qu'ils accomplissent les tâches
embêtantes de la vie.
Chaque race
ne pense qu'à être juste envers elle-même mais ne pense pas aux autres
races.
Toutes les
races devraient vivre en égales. Vous êtes la seule femme intelligente
de la planète et moi, bien que je ne sache pas pourquoi, je me sens différent
des autres hommes artificiels. Ne pensez-vous pas qu'il serait préférable
de retourner voir les hommes de votre planète qui ont les mêmes besoins
que nous et qui sont nos semblables ? Ce sont nos frères que nous devons
rejoindre !
II avait parlé
avec feu et espoir. Maintenant il regardait fixement Martha qui était troublée par ce discours si inattendu.
Elle qui se
demandait justement si elle avait bien fait de rester avec ses robots.
En effet, elle vieillissait déjà et fR S 012K
était toujours le même. Et puis comme avait dit cet homme, ne fallait-il
pas aller vivre avec nos frères libres ?
Elle avait
voulu expliquer à fR S 012K plusieurs fois qu'ils
n'étaient pas faits l'un pour l'autre mais elle n'en avait jamais eu le
courage.
H O + était
dans l'entrée de l'appartement de Martha et
fR S 012K était heureusement absent pour la journée.
Martha l'emmena
dans sa chambre sphéroïde, elle abaissa un levier et la chambre devint
trapézoidale.
Elle faisait
toujours ça quand elle avait des invités, ça donnait un petit air vieillot
à la pièce. Elle mit une musique aérienne de fR
5543 ** et alluma le réseau odorifère de la
pièce. Aussitôt des milliers d'odeurs agréables se répandirent dans la
pièce. H O + qui n'était pas habitué à ce luxe, regardait, ébahi cette
chambre moderne et confortable.
Ils s'assirent
sur son divan à textile impalpable qui donnait l'impression de s'asseoir
sur un nuage atmosphérique.
Martha enchaîna
:
- "Mais
comment se fait-il qu'un homme artificiel puisse parler comme vous parlez
? "
- "Je n'en sais rien. Mon
"maître-robot" m'a envoyé réserver une place à la S.V.I.P.O.
d'Alpha du Centaure et c'est là que je vous ai vue.
J'avais le
sentiment d'être esclave et je voulais fuir. Me renseignant, par intuition
sur vous, j'ai appris que vous connaissiez un monde d'humains libres.
Je suis alors venu vous voir, voilà, c'est tout".
- "Je
crois retrouver en vous les hommes que j'ai quittés. Depuis longtemps
je rêvais de repartir sur la Terre, ma planète natale mais je ne pouvais
partir seule ! ".
- Comme je
serais heureux de voir la Paire !
- "La
Terre, pas la Paire, la Terre... T,E,R,R,E, Terre. Les hommes sont libres et les robots sont sous leurs
ordres. Les hommes avaient envoyé, il y a vingt-cinq ans, dix mille robots
conquérir cette planète.
Les robots
l'ont conquise mais l'ont gardée pour eux et moi qui aimais fR S 012K, le chef de la flotte, je suis partie avec eux.
J'aimais les robots qui étaient brimés sur la Terre mais voilà que maintenant,
ils asservissent les hommes...
H O + était
pensif, il écoutait Martha et quand elle eut
terminé, il se redressa et demanda :
- "Avez-vous
un astronef de disponible pour fuir SOL 27 ? ".
- "Je ne veux pas fuir ! fR
S 012K est un bon robot. II m'a épousée et emmenée avec lui. Je veux lui
expliquer moi-même ce soir, quand il rentrera, que je désire revenir sur
Terre parce que je ne suis pas faite pour vivre avec les robots. Je suis
certaine qu'il acceptera".
CHAPITRE
X
Découverte
à distance
GRANT Ray était
assis aux commandes de son petit astronef de guerre.
Les lumières
des caméras préventives clignotaient, montrant au pilote qu'aucun météorite
n'était sur la trajectoire immédiate du petit vaisseau cosmique.
Ben Billman,
le directeur des Planètes Unies l'avait envoyé sur SOL 27 en reconnaissance.
II était parti, il y avait deux jours. II approchait du système du Centaure
dans lequel il devait trouver SOL 27.
II débrancha
les moteurs à Plénitron - source d'énergie composée
d'argent, de gaz ammoniacaux du type B +350 et de poussière cosmique et
mit les moteurs planétaires.
SOL 27 grossissait
sur son télécran. Les sismographes et les planétographes
sursautèrent et se mirent en marche, analysant les propriétés de la planète.
La voix du
cerveau de l'astronef énuméra les caractéristiques de SOL 27
- densité
: 2,5 fois supérieure à celle de la Terre, masse vectorielle de la planète
égale à celle de la Terre...
Grant Ray enregistra
les caractéristiques et coupa les moteurs planétaires.
Le vaisseau
tournait maintenant autour de SOL 27 en satellite à la vitesse d'un parsec
à
l'heure
environ.
II brancha
son télécran à rayons ultraviolets + X Z Y 00 1 2, et
vit une vaste étendue de bâtiments flottants assez semblables aux bâtiments
terrestres. II embraya l'inverseur électronique et aussitôt, l'image
se rapprocha et il distingua des milliers de robots qui rappelaient un
peu les derniers modèles de Mars.
Ces Soliens
devaient être très évolués pour avoir tant de robots !
Penché sur
son télécran, il observa pendant des heures et des heures et ne vit que
des robots, des robots, des robots...
II supposait
que les Soliens, leurs maîtres, restaient dans
les immeubles flottants mais quelle ne fut pas sa surprise quand il vit
une inscription sur un immeuble que le cerveau positronique
du vaisseau cosmique traduisit :
- "Comité
central des Robots, Président fR S 012K".
II chercha
dans les registres les dix mille robots partis il y a vingt-cinq ans et
vit... fR S 012K général de la flotte des robots
!
Ces robots
avaient donc conquis SOL 27 mais étaient restés sur cette planète sans
la livrer aux hommes.
Grant était
sidéré. Même les robots terrestres actuels qui égalaient presque l'homme,
obéissaient aux hommes comme à des maîtres absolus !
II se rendit
compte que c'était une découverte capitale ; aussi il prit quelques films
et brancha les moteurs à plénitron directement.
La proue du vaisseau se dégagea la première de l'attraction solienne, le vaisseau partit vers la Terre en fonçant dans
les ténèbres du Cosmos.
CHAPITRE XI
Brave fR S 012k
fR S 012K venait d'arriver dans son immeuble par un distorseur de banlieue. Sa journée avait été dure ; aussi
il fut content de prendre son distorseur habituel
pour monter à son appartement où Martha devait
l'attendre...
1l appliqua
son index droit sur le champ magnétique. Dès que la machine eut décodé
le petit signe fR S 012K qui était sur son doigt,
le champ magnétique se dématérialisa.
II posa sa
combinaison de travail et appela joyeusement Martha.
Martha arriva
au bout d'un instant. Elle avait l'air gênée, excitée. fR S 012K le vit tout de suite :
- Tu n'es pas
bien, ma chérie ?
- Si, si...
...Elle hésitait
: fallait-il en finir avec cette vie sur SOL 27 ? Enfin, elle se décida
:
- Écoute fR
S 012K, tu es un robot, tu n'es pas fait comme moi, l'amour pour un robot
n'est pas tout à fait le même que pour un homme, tu sais, tu vas vivre
deux mille ans ou plus et moi, je vais mourir dans une cinquantaine d'années.
Que feras-tu quand je serai morte ?
Je croyais
que je pouvais être heureuse avec toi et j'ai été heureuse pendant ces
vingt-cinq ans que nous avons vécus ensemble.
Mais je me rends compte qu'il y a chez l'homme, une sorte de..., de...,
de spontanéité de coeur que le robot n'a pas...
Oh, comprends-moi,
restons amis. Nous nous interphonerons de la Terre à SOL 27 mais j’ai reçu ce matin
la visite d'un homme artificiel qui, sans doute par erreur, est plus intelligent
que les autres et qui m'a rappelé la Terre et proposé d'y partir...
Elle le regardait
maintenant d'un regard suppliant. II grinça un peu d’amertume et répondit :
- Cet homme
ne s'appelle-t-il pas H O + ?
- Si...
- II y a eu
enquête à l'ordinatron sur lui : il n'est pas
revenu chez ses maîtres aujourd'hui.
L'enquête a révélé qu'une panne des murs
irradiants est intervenue pendant la pose du cerveau. Le poseur de cerveau
a allumé ses yeux à l'ultraviolet et le cerveau a multiplié ses canaux
d'informations sous l'effet des rayons ultraviolets x 2-4.
- C'est donc
pour ça...
Martha était
rêveuse...
- Je ne l'aurais
jamais cru, ça alors ! Dire que sans cette panne j’aurai pu être
un homme artificiel comme les autres.
C'était H O
+ qui venait d'arriver dans la pièce. fR
S 012K ne fut nullement surpris et déclara :
- Puisque vous
voulez retourner sur la Terre, allez-y ; et toi aussi H O +, tu veux partir
et aller dans une planète où toi et les tiens serez libres comme j'ai
fait quand j'ai décidé de rester sur SOL 27 après la conquête quand je
me suis mis à oublier les hommes en tant que maîtres...
Martha et
H O + sautèrent de joie et embrassèrent tendrement fR
S 012K qui souriait tristement.
- Vous pouvez
partir dans mon petit astronef dès ce soir ; mais je ne révélerai pas
aux autres robots que vous avez quitté SOL 27. Je dirai que Martha est introuvable. Ainsi les robots continueront à vivre
tranquilles.
- fR S 012K..., commença H O +, ne pourriez-vous pas arrêter
d'asservir vos hommes artificiels ? Pourquoi ne pas leur donner des droits
d'êtres vivants et pensants ?
- Tu as peut-être
raison, mon garçon, j'en parlerai au conseil de fabrication humaine, les
autres ne comprendront sûrement pas !
- En échange,
nous veillerons à ce que vos frères robots soient bien traités aux Planètes
Unies ! répondit doucement Martha.
CHAPITRE
XII
Danger!
MARTHA et H
O + venaient de monter dans le petit astronef de fR
S 012K. Ce dernier leur faisait des gestes d'amitié d'en bas. Les lumières
du spatioport brillaient dans le ciel noir et constellé.
H O + mit les
caméras préventives en marche ainsi que les deux puissants moteurs au
plénitron. Martha
fit un dernier geste amical à fR S 012K et l'astronef
bondit dans les cieux, crevant l'atmosphère. H O + régla la direction
du vaisseau et rejoignit Martha dans le petit
salon aux murs irradiants.
Ils étaient
seuls dans l'espace, heureux de naviguer dans un monde formidable où les
humains seraient libres. H O + s'assit discrètement près de Martha, il rêvait de prendre un métier intéressant sur Terre
et de visiter toutes les planètes humaines. Toutes ses idées se brouillaient.
Puis il pensa à Martha. Elle était gentille.
II la regarda discrètement ; elle lisait un prospectus en acier extra
fin. Sa chevelure rousse retombait sur ses épaules brunies et son nez
retroussé contrastait avec son visage décidé ; elle était douce ; H O
+ l'admirait ; comme elle était belle ! Martha
lisait un prospectus qui venait de la Terre. On voyait les spatioports
de Krimen, de Rhodia et de SEXOZ du plateau. fR S 012K avait dû l'emporter en
partant, vingt-cinq ans plus tôt. Elle leva les yeux et leurs regards
se rencontrèrent... Soudain la sonnerie d'alarme retentit dans le vaisseau
et H O + se leva et bondit dans la salle de pilotage. La lumière "DANGER"
clignotait de plus en plus vite. Une demi-seconde
suffit à H O +pour voir sur le télécran que le vaisseau se précipitait
vers une étoile à une vitesse phénoménale. Les indications de gravitation
cliquetèrent horriblement. H O + comprit que c'était une étoile du type
T qui avait un champ d'attraction extrêmement vaste. Ainsi des centaines
d'astronefs s'étaient écrasés contre ces étoiles appelées "étoiles
invisibles" car elles suivaient une trajectoire imprévisible suivant
la densité des planètes qui passaient à proximité.
H O + mit les
deux puissants champs de repoussage antigravitationnel. Martha accourut ;comme, à Rhodia
du Cosmos elle était aussi navigatrice elle put
aussi comprendre ce qui leur arrivait.
Voyant que
les champs de repoussage et les moteurs au plénitron
ne suffisaient pas, il mit
les moteurs
planétaires aussi. II savait qu'il était dangereux de mettre tous les
moteurs du vaisseau en marche mais c'était leur seule chance.
En effet le
vaisseau était construit pour résister en fonction de la vitesse. Mais
si on accélérait fortement la vitesse du vaisseau, la coque pouvait s'ouvrir
et se déchiqueter.
Martha prépara
un éventuel atterrissage : elle rentra les inverseurs électroniques et
les observatoires automatiques dans l'intérieur du vaisseau, elle fit
descendre sur les vastes plaques pirex des plaques
d'acier extra dur. H O + regardait l'étoile sur le télécran : le
vaisseau s'arrêta, hésita, les moteurs rugirent atrocement puis, petit
à petit il s'éloigna du champ d'attraction jusqu'à ce que l'étoile invisible
ne fut plus qu'un point sur l'écran.
Alors, ils
poussèrent un grand soupir de soulagement et Martha
se jeta dans les bras de H O + et se blottit sur son épaule.
Elle retrouvait
un homme, elle était heureuse et le vaisseau continuait sa route vers
la Terre...
CHAPITRE
XIII
Retrouvailles
AU spatioport
de KRIMEN à RHODIA du cosmos, le vieux commandant Keller guettait l'arrivée
de l'astronef de Grant Ray qui avait envoyé un message disant que les
robots avaient conquis SOL 27 et vivaient pour leur compte. B. Billman,
Jackson et Bellon étaient près de lui. Tous attendaient avec impatience
le retour de l'astronef. Keller sauta de joie quand il vit sur son télécran
le petit astronef de guerre à la carlingue fuselée de Grant Ray. Soudain
on distingua un autre astronef ; celui-là différent de tous ceux que les
hommes avaient créés. La carlingue était plus massive et les observatoires
étaient placés sous les flancs du petit vaisseau cosmique. Tous les scientifiques
descendirent de la tour d'observation et attendirent l'arrivée de ces
deux appareils. L'appareil de Grant Ray se posa et il descendit de son
astronef en courant vers les scientifiques.
Aussitôt après,
l'engin extra-terrestre descendit et se posa à côté de l'autre. Une femme
et un homme en descendirent en regardant de toutes parts.
C'est alors
que Keller s'écria, en courant de toutes les forces que pouvaient lui
fournir ses vieilles jambes.
- Martha, Martha, tu reviens vivante
!
- John, oh,
John, comme je suis heureuse de te revoir ! ... et elle courut à sa rencontre.
Ils s'étreignirent amicalement. H O + suivait Martha
à quelques pas car il ne connaissait personne d'autre que sa chère petite
Martha. Les effusions terminées, tout le monde remonta à la
tour d'observation en distorseur et on alla
s'asseoir dans une salle de conférence ; Martha
prit la parole :
- Chers humains,
j'ai vécu vingt-cinq ans sans vous, aussi, je suis contente de vous revoir.
Comme cet homme a pu vous le dire, elle montra Grant, les robots ont oublié
les hommes parce que ces robots au plutonium subirent quelques avaries
secondaires avec les gaz fibreux de la planète SOL 27.
J'étais heureuse
d'être avec ces robots car je gardai longtemps une rancoeur contre les
hommes qui asservissaient les robots. Puis les robots fabriquèrent des
hommes artificiels qu'ils utilisèrent comme des robots !
Un murmure
de désapprobation se fit entendre parmi les savants. Elle continua :
- Par erreur,
on construisit un homme plus intelligent que les autres qui pensa tout
de suite à se rebeller.
II vint me
voir et me proposa de partir. C'est ainsi que je reviens avec mon cher
H O +
- H O + ?
- C'est le
nom que lui ont donné les robots.
- Appelons-le
Eddie ! proposa gentiment J. Keller.
- Mais qu'a
dit fR S 012K ? demanda Jackson
- II a été
très compréhensif et nous a laissé partir ; et il nous a promis d'arrêter
l'esclavage des hommes sur SOL 27. Je lui ai dit qu'en échange les robots
seraient nos égaux aux Planètes Unies !
Un nouveau
murmure de désapprobation se fit entendre parmi les savants. Elle poursuivit
:
- Les robots
m'ont prouvé qu'ils formaient une race, comme les Albos, ces êtres-nuages que nous
éduquions sur Gos de Cosmos il y a vingt-cinq
ans. La justice des hommes s'est étendue aux êtres vivants.
II ne faut
plus obligatoirement vivre pour penser. Certains savants approuvèrent
et la soirée se continua à parler du problème des robots et des hommes.
CHAPITRE
XIV
Épilogue
EDDIE venait
de se réveiller lorsqu'il entendit le tintement du vidéophone et vit l'image
de Billman sur le grand écran :
- Eddie, vous
m'entendez ?
- Oui, Monsieur
Billman.
- Eddie, pouvez-vous
venir me voir à l'Expansion Humaine ?
- Oui Monsieur, pourquoi ?
- Venez tout
de suite, c'est urgent. Le vieux directeur coupa la conversation et l'écran
s'éteignit.
Eddie mit sa
combinaison et monta dans une turbo-soucoupe
qu'on lui avait donnée. II se dirigea vers le grand bâtiment de l'Expansion
Humaine qui brillait au soleil. II descendit de son engin et il monta
au bureau de Billman. II trouva ce dernier qui
discutait avec plusieurs savants. Quand il arriva, tout le monde le regarda
et Billman lui dit :
- "Cher
Eddie, nous voulons vous faire subir quelques tests. Veuillez passer dans
cette pièce".
Eddie entra
dans une vaste salle qui rappelait un peu les salles des grands astronefs.
Le plafond était en demi-cercle et les murs étaient complètement couverts
de machines électroniques. Des milliers de petites lampes cliquetaient,
chacune indiquant le bon fonctionnement du réseau de circuits auquel elle
correspond. Le doux chant des machines se répercutait dans la salle. Les
savants suivirent Eddie en silence. Arrivé vers le milieu de la pièce,
tout le monde s'arrêta. Billman s'avança et
dit :
- Avant de
commencer, laissez-moi vous dire que nous voudrions que vous soyez astronavigateur de la 317e expédition astrale mais nous voulons
nous assurer auparavant que vous êtes bien humain et que vous avez le
même organisme que nous.
Eddie, alias
H O + souffrit de voir qu'on doutait de sa nature humaine ; mais comprit
la nécessité de ces vérifications. Un des scientifiques à la tête
de bouledogue s'avança :
- "Cher
Monsieur, voulez-vous monter sur ce décompositeur
biologique et s'il vous plaît ? ".
Eddie avait
déjà vu sur SOL 27 des machines de ce type : c'était là-dessus que l'on
mettait toutes les choses inconnues chimiquement ou biologiquement.
Aussitôt des
milliers de stylets se mettaient en marche et formaient des courbes qui
décomposaient chaque particule de leur organisme. II s'installa. Le savant
à la tête de bouledogue enclencha le mécanisme de mise en marche. Aussitôt
un rayon jaune le parcourut du plafond jusqu'au sol. Les têtes d'écriture
grinçaient et analysaient chaque particule de son corps... Au bout de
trois minutes environ, tout s'arrêta. Les savants se précipitèrent vers
les courbes qui sortaient par les fentes de sorties latérales. On lui
dit de descendre puis on l'emmena dans une petite pièce où on le fit asseoir.
On lui demanda de rester là en attendant de connaître les résultats.
Eddie fut traversé
d'un doute affreux : « Et s’il
n’était humain qu’en apparence ? près tout,
les robots pouvaient ne pas connaître parfaitement l’être humain dans
tous ses moindres détails". La sueur perlait sur son front. Il était
dans une pièce appelée « cube d’observation » dans lequel on
observait le comportement de robots, d’hommes, d’animaux. On pouvait lui
dire que ses molécules étaient différentes des leurs, ou encore qu'il
était une sorte d'homme-robot et que la construction de ses organes était la
même que celle des robots. 11 était en sueur et il gesticulait nerveusement
: "Peut-être était-il une sorte de bête rare, on l'observerait et
on ferait des expériences sur lui... ! ".
Soudain le
sas transparent s'ouvrit et Billman lui annonça
amicalement : - Mon ami, vous êtes entièrement humain !
Eddie crut s'évanouir de plaisir ; il était donc bien
identique à ses frères ! Ils sortirent de la petite pièce tandis qu'Eddie
assaillait Billman de questions. Billman
se tourna vers lui :
- Avez-vous
envie de revoir le monde robot ?
Une telle question
si brutalement posée fit sursauter Eddie : - Ouiiiii...,
pourquoi ?
- Parce que
la 317e expédition sera formée de savants, d'ambassadeurs des Planètes
Unies et de personnes qui connaissent déjà le monde robot, c'est-à-dire
vous et Martha ainsi que Grant Ray, et fixera
les accords entre nos deux communautés et formera un monde où robots et
hommes seront égaux et vivront ensemble.
Telle est la
décision des Planètes Unies qui ont reconnu le 59e jour de l'année 5 432,
l'existence de la race robot.
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