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LA POÉSIE
PAR TOUS, POUR TOUS, PARTOUT
Mettre en
commun toutes les richesses poétiques qui sommeillent dans nos classes
était l'objectif 1977 de notre groupe vauclusien de l'École Moderne. Il
fallait que la poésie se rende à AVIGNON mais aussi qu'AVIGNON vienne
dans les villages.
Seuls et
pauvres (financièrement) nous étions bien impuissants ! Nos alliés furent
: la M.J.C. de la Croix-des-Oiseaux,
le Conseil Culturel pour AVIGNON et le CIRCA (1) de VILLENEUVE-LES-AVIGNON.
(1) Centre
International de Recherches et de Créations Artistiques
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Des échanges-de
travaux
Une expo boule de neige (1), vite multipliée, circula
de la maternelle à la seconde, de l'école rurale au grand lycée.
Et des dessins,
des dires de petits enfants sur un mur gris de C.E.S.,
c'est bien! c'est beau! c'est
bon!
Et lire un
texte de «grand» dans un C.P., ça vaut le coup
de savoir lire...
Sur des cassettes
se mêlaient des poèmes d'adultes, des poèmes d'enfants, des poésies de
poètes vrais : ce n'est peut-être pas très orthodoxe mais elles s'arrachaient.
Elles s'enrichissaient. Les classes communiquaient, elles vivaient ; les
enseignants aussi.
( 1 ) Voir Art Enfantin & Créations n° 80 page 10
Les hommes
sont partis dans
un
autre univers
ils
ont abandonné les femmes
et
les enfants
Je suis seul
Je partirai les chercher.
AKIM
PERNES
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Édition d'une Gerbe
C'est alors que la M.J.C. nous
proposa d'éditer gratuitement «une Gerbe». Il fallut discuter, choisir,
trier des centaines de poèmes éclos en quelques semaines.
Trois mois
après, naissaient en décembre les cent pages de notre recueil « TANT
QUE L'ENFANCE », notre cadeau de Noël que
nous pouvions... vendre.
Les affiches
Pendant ce
temps, des enfants préparaient, choisissaient avec leurs maîtres et des
animateurs qui allaient dans les classes, les projets d'affiches qui devaient
être tirés en sérigraphie (1) Quand ils étaient au point, des enfants,
des parents et le maître allaient à l'atelier de Christian MARTINEZ, animateur
du Conseil Culturel, pour les réaliser.
Et les affaires
sérieuses commençaient. Et les petits bras s'agitaient au milieu des grandes
feuilles et des grandes machines. I1 s'en fit plus de mille !
D'autres classes
créaient, peignaient, découpaient des banderoles.
(1) Voir L'Éducateur,
Dossier pédagogique n° 116 du 10 mai 1977 et les Art Enfantin
& Créations n° 77 pages 24 à ,30, n° 78 pages 28 à 31 et n° 85 pages
37 à 45.
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Visite de poètes
C’est alors
que vinrent les poètes…
Ils étaient
envoyés par la Maison de la Poésie de Villeneuve. Un cycle de trois visites
en trois mois était prévu.
Gil prenait
un premier contact avec les classes : il démystifiait le poète affublé
obligatoirement de rêves, de cheveux longs et de sabots. Il écoutait les
poèmes des élèves, disait ceux qu’il aimait. Une comédienne lui succédait
et lisait des poèmes d’enfants, d’adultes, écoutait, discutait, jouait.
Un poète, différent
du premier, intervenait alors et continuait les discussions, présentait
son travail devant un public de connaisseurs.
Rien n’était
systématique : le groupe réglait les problèmes matériels (hébergement,
dates…) et chaque camarade, chaque classe organisait son entretien. On
espérait le poète connu : on recevait un vieux monsieur timide et
c’était l’enchantement.
Alors que dans
l’autre classe, avec le premier, le courant ne passait pas.
Un poète, quelqu’un
de l’extérieur en classe, c’est bien, mais à la veillée, le soir, c’est
chouette !
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Le camion poème
Puis un jour,
le camion-poésie déboucha dans la cour.
C'est la M.J.C.
qui l'avait rempli: une animatrice, un magnétoscope, un technicien, des
ballons-poèmes, des poèmes affichés et collés
sur des cartons ou pendus à des fils invisibles et plein de livres de
poésie !
Suivant les
lieux, le camion envahissait la cour, le hall, une classe.
Les enfants
lisaient, jouaient, se regardaient, applaudissaient.
L'enseignant
FREINET n'était plus isolé. Lui et ses élèves devenaient tout d'un coup
des personnages importants, enviés, soutenus par l'extérieur.
Quel plouf
dans le ronron de la vie quotidienne d'une école !
La poésie était
loin du « Lagarde et Michard ». Elle était dans toutes les classes, les
maisons, les cervelles. Pauvres parents !
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La poésie dans la rue
Il ne lui restait
plus, à la poésie, qu'à descendre dans la rue. Elle y descendit pour préparer
la fête de la poésie et du vent, le 4 juin, à VILLENEUVE-LES-AVIGNON.
Et dans tout
le département, le même jour, un beau jour de mai (je dis beau et pourtant
ce matin-là il pleuvait, mais il était beau tout de même par la joie des
enfants) nous avons emporté nos seaux de colle, nos balais et nos affiches
et nous sommes allés fleurir les panneaux et les murs de nos villes et
villages.
Les enfants
avaient écrit aux maires pour leur demander les autorisations nécessaires
et si on voulait éviter les affichages sauvages non-écologiques,
il était difficile de leur refuser les emplacements souhaités.
Et voir une
institutrice coller des affiches en plein jour avec sa classe, avec ou
sans garde-champêtre, parfois sous le regard inquiet de Monsieur le Maire,
ce n'est pas courant et c'est amusant.
Et les gens
s'arrêtaient pour regarder, surpris... Puis ils lisaient et la conversation
s'engageait... Et c'était beau sur les murs cette floraison de couleurs
et de textes qui, pour une fois, ne proposait rien à vendre, personne
à élire mais qui offrait enfance et poésie dans la rue à la portée de
chaque passant.
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Un grand rassemblement
Le jour du
4 juin, un samedi, après une fort longue nuit, huit cars-poèmes
(payés par le C.I.R.C.A.) transportèrent nos
400 enfants-poésies.
Ils distribuaient
sur leur trajet des milliers de tracts-poèmes
magnifiques qui envahirent les parkings, les autoroutes, les gares, les
halles et les rues d'AVIGNON.
A 10 heures,
la place de l'Horloge était investie par tous les enfants qui collèrent
leurs dernières affiches, distribuèrent leurs derniers tracts et écrivirent
leurs derniers poèmes sur les trottoirs et les panneaux.
Et nous repartions
dans les cours et les cloîtres de la Chartreuse de VILLENEUVE-LES-AVIGNON à la fête où nous avons rejoint les
autres participants qui, eux, n'avaient pas le bandeau indien, notre signe
de reconnaissance.
Les enfants
admirèrent tous leurs poèmes-affiches manuscrits
rassemblés : l'expo sur le vent avec les girouettes, les cerfs-volants...
Puis ce fut le repas et la dispersion dans les dizaines d'ateliers : fabrication
de jouets, d'appeaux, de cerfs-volants, de déguisements, imprimerie, danse,
musique, théâtre, maquillages, et après un lâcher monstre de ballons multicolores
qui sortaient du ventre d'un éléphant volant, tout se termina par un grand
défilé dans VILLENEUVELES-AVIGNON.
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La fête était
finie, notre tête bien pleine, nos jambes bien fatiguées. Et j'ai entendu
dire que, le soir, dans les H.L.M., les fermes
et les villas, petits et grands avaient beaucoup rêvé.
ARC - EN –
CIEL
Comme le coeur
d'une adolescente, bleu, rouge, jaune, violet …
Toi, Arc-en-ciel, tu rends joyeux
tous les cœurs tristes …
Comme l'orage après les nuages;
Toi, Arc-en-ciel après la pluie.
Comme un oisillon qui remplit de
joie le cœur de ses parents
Comme un lapin content d'avoir échappé aux chasseurs,
Comme une chienne abandonnée recueillie
Tu sembles éclater de bonheur.
Puis sans aucune raison,
Tu t'effaces,
Tu disparais,
Alors l’adolescente se retrouve
seule,
Les cœurs se remplissent de larmes,
Le soleil s’endort,
Ou peut-être
meurt pour une nuit,
L’oisillon tombe du nid, cesse de
respirer,
Les chiens rattrapent le petit lapin,
De nouveau la chienne est abandonnée
pour les vacances,
Toute la campagne monotone s’assombrit,
Toute la terre espère te retrouver
pour mettre un peu de couleur dans leur cœur,
À moins qu’ils se rassemblent pour
faire un arc-en-ciel.
Nathalie
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Et le rêve
a continué puisque une élève d'un C.E.S. de
CAVAILLON a reçu pendant les vacances, cette lettre que l'administration...
bienveillante a bien voulu lui transmettre :
Pour toi...
J'écris ces
quelques lignes après la lecture de ton poème...
Samedi, 10 h 30, le trottoir s'étire
sous le soleil, le mistral vient de se lever
Je remonte la rue de la République
d'un pas léger et le cœur au vent.
- M'sieur, siou
plaît:
Je cherche déjà mon interlocuteur alors
qu'une feuille à la main un enfant se précipite vers moi:
- Poèm, sieur:
Je ne comprends pas tout de suite
ce qu’il veut me dire mais il me tend son morceau de papier
et je prends la feuille en le remerciant sans savoir trop pourquoi.
Le mot poésie à la première ligne
me renseigne sur la nature du texte.
"Arc-en-ciel" tel est
le titre du premier poème. Je commence à lire tandis que les gens au dehors
se pressent.
Mes yeux s'accrochent
aux mots de ce poème, des mots qui résonnent en moi quelque part je ne
sais où. J'ai l'impression d'avoir déjà connu ce
paysage poétique. Mon corps absent se laisse flotter au gré des regards,
quel est ce phénomène qui m'attire et me repousse?
Peut-être est-ce le brillant d'une
histoire ensevelie qui réapparaît ou bien le rire perlé, grotesque d'une
angoisse qui fuit?
Toujours est-il que le poème me
bouleverse.
Un, deux papiers courent déjà dans
le caniveau, d'autres s'envolent lourdement. Sur
ces feuilles qui s'éloignent, le poème aussi s'en
va, froissé, refusé et je ne peux m'empêcher de crier aux quatre
coins de mon coeur à la vue de ces boules de papier porteuses de l'univers
sentimental d'un être.
Je voudrais être le sauveur de ce
monde qui disparaît. Cet enterrement anonyme me glace, il révèle des esprits
fermés vides de sensibilité.
Le flot de poésie submerge la rue.
Les enfants rient, courent, propagent ces parcelles d'âmes
figées, imprimées. Il faut que je relise le poème.
Sans aucun doute c'est
bon, très bon, je remarque au bas de la page un prénom: Nathalie.
Elle est en 4e. Je fais un rapide
calcul voilà 4 ans que j’ai quitté la 4e.
Les phrases du souvenir éclatent
et je ris des moments perdus. Mais le papier se tord dans mes mains, le
vent chaud disperse mes pensées. Dénudé, je refais surface, les
têtes se tournent, les yeux interrogent. Le précieux butin plié en quatre
s'installe confortablement dans ma poche et le pendule de la marche se
remet à fonctionner.
Itinéraire inconnu, destination
obscure, je marche parce qu'il faut marcher.
De temps en temps un carré de papier
blanc disparaît dans un sac, une veste. Je lance un bravo silencieux aux
adopteurs de poèmes qui envisagent plus tard
une lecture aux chandelles.
I1 faut m'excuser pour
un tel débordement mais, moi qui voulais être poète et qui ne le suis
pas, je ne peux que t'admirer, poétesse!
VINCENT
(un admirateur:)
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Pour le Groupe vauclusien
Evelyne LAFON, G. BELLOT
École de Védène - 84270 VAUCLUSE
C.E.S. Jules Verne – 84130 LE PONTET |
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