L’ARBRE DONT JE NE M’ÉLOIGNERAI JAMAIS
J'aurai un arbre dans
le corps
quand je
s'rai mort
et que
ma graine
aura mûri
d'un chêne
J'aurai un arbre dans
le corps
pour faire
le vent
et que
le temps
bourgeonnera encore
J'aurai un arbre dans
le corps
moi jamais
mort
et toujours
beau
coiffé
de chants d'oiseaux
J'aurai un arbre dans
le corps
au cimetière
et ma prière
craquera
de bois mort
J'aurai un arbre dans
le corps
planté bien dru
au ventre
cru
de mes
défunts transports
J'aurai un arbre dans
le corps
pour m'ombrager
et m'abriter
m'ôter
le mauvais sort
J'aurai un arbre dans
le corps
avant que
flanchent
mes quatre
planches
de pauvre
sycomore
J'aurai un arbre dans
le corps
de ceux
qu'on sème
nus sans
décors
dans les
cris quand on s'aime
J'aurai un arbre dans
le corps
de quelque
ami
dont les
semis
se souviendront
encore
L'arbre qui sera dans
mon corps
un beau
matin
il sera
mort
il faut
en faire un deuil
Et quand il sera mort
mon arbre
de son
bois dru
comme ma
barbe
qu'on en
fass' ton cercueil
Je n'ai
fait que semblant d'avoir des ailes
des élans
bienheureux de bagatelles
qui vous
font croire alors à trop de zèle
Faire semblant de
rire me désole
et semblant
d'être fâché. Est-ce que
faire semblant
de pleurer me console
pour avoir
à pleurer sur des vraies peines
comme j'ai
dû trop bien faire semblant
pour voir
saigner de rougeoyantes veines
je n'aurai
plus jamais que le désir
de mes
baisers sur tes paupières pire
je ferai
bien semblant de t'écouter
tu ne reviendras pas dans ma maison
à cause de l'ombre et de la poussière
mais je ferai semblant d'avoir raison
nous mourrons
comme des reptiles
lorsque
viendra l'aube si douce
Enroulés au long de
nous-mêmes
fiers et
prudents dans nos devoirs
indifférents aux cris blasphèmes
déjà bien
habitués au noir...
Je suis lié par des
mots
j'ai fait
trop de bruits
et je n'entends
plus mes paroles
Je suis
lié par mes rêves
j'ai vu
trop de cris
ils m'ont
scié doigts et mains
Je suis
lié par mes attentes
j'ai fait
un seul éclat
et je n'offre
plus de lumière
Je suis
lié par mes images
j'ai brouillé
le paysage
et les
frissons de sang crèvent
J'ai l'absence rivée
aux frissons
de ma peau
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C’EST UN PET…
I
Je n’ai jamais su
faire
que gueuler
dans un trou
un grand
trou dans la mer
rempli
de rien du tout
que recevoir
à peine
un écho de ma voix
qu’une
chanson qui traîne
et qui
cherche sa voie
j’fais du bruit pour rien dire
j’enguel’ n’importe qui
parfois
je fais sourire
on m’envoie :
c’est exquis
c’est bien
fait pour ma gueule
j’ai mal
choisi mon trou
ce trou
pour moi tout seul
rempli
de rien du tout
IV
L’homme qui va venir
n’aura pas de jardin
pas l’ombre d’un sourire
pas l’ombre d’une main
comme loups dans la horde
l’homme qui vient danser
fait un nœud dans la corde
pour mieux se balancer
je suis venu pareil
tout nu tout déconfit
ma présence au soleil
c’est un pet comme on dit
et la voilà l’issue
la grande porte ouverte
la gloriole qu’on sue
et puis rien Adieu Berthe !
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