Présentation du disque I.C.E.M. 20
MUSIQUE AU SECOND DEGRÉ

FACE 1
Ariel-Auto-Harp
Serge CORRIERI,  Olivier BORDAS, élèves de 5°2 (année 78-79) 24 élèves.
Deux instruments à cordes.
Ariel : accordable selon les besoins par l’intermédiaires de chevalets mobiles.
Auto-Harp : (sorte de cithare) accordée de façon chromatique (c’est-à-dire toutes les notes y compris les dièzes et les bémols)
On trouve la même différence de hauteur d’une corde à l’autre : ½ ton, alors que dans la gamme diatonique il y a tantôt des tons, tantôt des demi tons.
Cet instrument possède une douzaine de touches qui permettent, en appuyant dessus, de sélectionner et d’égrener des « accords » tout prêts. Mais l’élève ne s’en est pas servi.

PLAN DU MORCEAU
Mélodie à l’Auto-Harp dans l’aigu, accompagnée à l’Ariel dans le grave.

  • Introduction calme sous forme de dialogue, un son par instrument, qui situe les hauteurs sonores de la suite.
  • Court  passage à l’Ariel seul, dans le grave.
  • Bref silence.
  • Passage central : l’Auto-Harp seule fait entendre une courte mélodie de quatre sons qu’on appelle « cellule mélodique », (les enfants ignoraient toutes ces notions, bien sûr) : elle sera l’élément important de ce passage central.
  • De nouveau « jeu à deux » un peu comme au début, mais un peu plus en réponses.
  • Se termine par plusieurs « glissandi »

Les élèves ayant refusé mon aide, e, cours de travail, nous avons eu la primeur du morceau fini, au moment de l’enregistrement devant toute la classe !
À l’audition de ce morceau, on peut constater qu’ils s’écoutent beaucoup, font de larges respirations, jouent sans précipitation, ce qui contraste avec l’attitude habituelle de l’Auto-Harpiste (agitation, manque de confiance en soi, besoin de se faire remarquer bruyamment …)

Ce morceau m’a paru intéressant également, car pour mettre au point le passage central, il y fallu qu’au cours des tâtonnements il y ait :

  • mémorisation d’une « cellule mélodique » (sans doute grâce à l’itinéraire du doigt sur les cordes). Vu de haut, les doigt font cet itinéraire :

Le rythme ici est souple, libre, « ad libitum ».

  • découverte de la possibilité de reproduire cette « cellule », dans le grave ou dans l’aigu de l’instrument, par translation (on appelle cela transposer, voir dessin ci-dessus)
  • découverte de l’utilisation expressive de ce procédé. Ce qui est particulièrement net quand il joue de la cellule de plus en plus rapidement vers l’aigu, d’où sorte de montée « chromatique »

Tout cela a été facilité par :

  • le fait que l’instrument soit chromatique (sinon il n’aurait sans doute pas remarqué la similitude entre l’itinéraire du doigt et la cellule obtenue identique).
  • La disposition : toutes les cordes sont au même niveau, alors que sur le piano, ou les carillons, métallophones, xylophones chromatiques, les translations deviennent très compliquées (itinéraire en zigzag) et il est fort improbable qu’avec cette disposition, l’enfant ait fait ces découvertes par tâtonnement

PISTE DE TRAVAIL

Si vous voulez utiliser ce procédé (cellule mélodique que l’on transpose), vous pouvez utiliser votre carillon,métallo ou xylo chromatique, à condition de retirer les lames et de les placer sur un autre supports, afin que toutes les notes soient sur une même rangée.
On peut aussi essayer avec la « gamme par tons » (aucun demi-ton), par exemple on ne garde que do – ré – mi – fa …, sol …, la …., do- ré – mi, … etc
Ce même procédé, (exploitation d’une cellule mélodique) est utilisé dans le morceau qui suit, et qui vient d’une autre classe.

  1. Chant, percussions, danse

( 3 élèves – filles- de 6°, année 76-77)
L’enregistrement n’est pas bon car les élèves, tout en chantant, dansent, donc micro mal placé. L’accompagnement aux percussions joue plus le rôle de « masse sonore » qui permet de surmonter la difficulté de danser et de chanter devant les autres, qu’un accompagnement expressif.
Voici, approximativement, la cellule utilisée, à la voix

  1. Métallophone chromatique

Le morceau, très court suivant est dû à un normalien de l’École Normale de Tulle. Nous l’avons placé ici car c’est encore un exemple de réalisation qui n’aurait guère été possible sans la disposition particulière d’un métallophone chromatique où toutes les lames sont en une seule rangée.
Ainsi l’effet de « glissando » est obtenu plus facilement.
Le garçon, après avoir enregistré, se demandait pourquoi cela lui faisait penser au Vol du bourdon de Rimsky Korsakov : c’est que le morceau utilise des effets similaires : montées et descentes rapides, sur toutes les notes de la gamme chromatique.

  • Fabrication d’un métallophone

Faute de place, ceci paraîtra dans un prochain Art Enfantin.

  1. Guitare

Hassen MANSARD, élève d’une autre 5°, année 78-79

Guitare à trois cordes permettant de jouer très rapidement les principaux accords nécessaires à accompagner des chansons simples.

J’ai bien sûr montré et expliqué comment s’en servir de manière traditionnelle, mais Hassen a choisi de l’accorder à sa façon et de chercher comment placer ses doigts pour obtenir quelque chose qui le satisfasse.

Plan du morceau

3 parties (A, B, A)

Dans la partie centrale du morceau (B), on devine ses intentions de jouer mélodiquement, mais ces intentions viennent buter sur un manque de technique. Ces imperfections contrastent avec la dynamique rythmique du début et de la fin (A) : moments où Hassen sait parfaitement retrouver les mêmes accords qu’au début. Accords non classiques, mais agrégations sonores qui ont une cohérence auditive.

  1. Harmonium électrique

Abdallah KARAMY, élève d’une autre classe de 5°, année 78-79

Sur cet harmonium appelé « orgue » par les enfants, il y a, sur la gauche de l’appareil, des touches d’accords préparés (une touche = 3 sons sélectionnés)

PLAN DU MORCEAU

  • Introduction : il parcourt le clavier dans les deux sens, ne faisant que les octaves d’une même note (élément qui lui servira de liaison pour passer d’une partie à une autre)
  • Accord tenu longuement + mélodie faite de « cellules rythmiques » = rythmes courts qui se répètent
  • Transition : son aigu répété.
  • Nouvel accord + même cellules rythmiques = nouvelles mélodies.
  • Conclusion : on entend à nouveau l’accord précédent sur lequel s’ajoute le son aigu répété.

Encore une fois, le calme de ce morceau étonne quand on sait que cet élève a été renvoyé huit jours du C.E.S pour des questions de discipline !

PISTES DE TRAVAIL

  • si vous avez un Ariel, une main répète inlassablement une même note pendant que l’autre explore et tâtonne une mélodie. Vous pouvez changer de note répétée éventuellement. Idem avec deux flûtistes ou deux chanteurs, etc.
  • si vous avez des xylophones ou carillons diatoniques (sans dièzes) vous pouvez faire de même

Vous pouvez aussi répéter deux notes en même temps, il y a un cas particulier très utilisé dans le folklore, le bourdon. Les deux notes sont à intervalles de quarte ou de quinte
Vous pouvez répéter trois notes à la fois.
Là aussi un cas particulier : 3 notes en sautant une sur deux
On a appelé ça un « accord parfait » C’est ce que Fait Abdallah sans le savoir, à l’harmonium électrique.

CONCLUSONS

À un moment où l’on entend beaucoup parler de méthodes actives pour « apprendre » « la » musique, signalons qu’aucune ne permettait à l’enfant le tâtonnement et la recherche libre.
Ces deux derniers morceaux ne seraient sans doute pas admis dans une méthode active car : « Pour aborder la guitare, il faut mettre ses doigts comme ça, après avoir accordé comme ci et comme ça ; pour faire une mélodie, accompagnée par des accords parfaits, on ne doit pas faire n’importe quelles notes, etc. » suite d’a-priori musicaux et techniques.
La différence, c’est peut-être que pour nous, c’est l’individu, ses recherches, son expression et son jugement qui priment, alors que pour les méthodes actives, c’est « la » musique (laquelle ?)

FACE II

Kaval, chants et percussions

4 filles, élèves d’une classe de 3° (36 élèves) du Lycée d’Abbeville, année 73-74

I.

Ces élèves ne savent pas jouer de la flûte. Mais il s’agit ici d’une longue flûte de bambou, possédant un seul trou à boucher vers l’extrémité : ce qui donne deux notes en soufflant doucement, deux notes plus aiguës en jouant plus fort (octave) et encore plus forts deux autres, et ainsi de suite.
Elles ont dû reprendre ces sons dans leurs voix et par tâtonnement imaginer la suite, un petit tambour et des maracas soutiennent le rythme.
Tout le morceau sera construit à partir de l’élément extrêmement simple tournant autour de ces deux sons de base : proches de la et si, répétés de façon obstinée : « ostinato rythmico-mélodique »
La flûte, puis deux voix à l’unisson commencent, comme elles finiront tout doucement et dans le grave : quand c’est « ostinato » est bien installé, une voix s’élance, une octave au-dessus pour redescendre par marches successives, en rythme saccadé, rompant la quiétude due à l’inlassable répétition de l’ostinato.
Ces « appels », qui seront repris à des fréquences et des moments divers et même en écho par une autre voix, toujours soutenus par le rythme joué et chanté dans le grave, donnent un caractère très expressif à ce morceau.
Le morceau est à quatre temps, et les passages les plus tendus (où les voix se répondent) sont à trois temps, mettant en valeur l’insistance persuasive de cette descente en cascade. Puis tout semble rentrer dans l’ordre et la flûte aura le dernier mot.
C’était les toutes premières fois où je me lançais à faire travailler des élèves en petits groupes et c’était entièrement nouveau pour cette classe habituée depuis de longues années à jouer les potaches, une classe très difficile.
On peut remarquer le silence des 30 camarades, leur stupéfaction de voir revenir ce petit groupe de filles montrer courageusement leurs trouvailles.
Les encourageant très vivement à continuer, un garçon viendra s’ajouter au groupe des 4 filles, et la semaine suivante nous découvrons, fait volontairement avec les mêmes moyens, un nouveau morceau plus élaboré au niveau de la construction.

II.

Cette fois, c’est l’accompagnement d’un « bourdon » (voir pistes de travail de l’autre face) que les enfants ont retrouvé sans le savoir .
Les voix se relaient dans des « soli », comme dans l’accompagnement (l’ostinato est parfois doublé en écho) comme dans de nombreux folklores utilisant le bourdon, la mélodie oscille entre deux pôles d’attraction : la – ré (les notes de ce bourdon)
Ces deux morceaux seraient peut-être admis dans des méthodes actives de musique, car il se trouve que les enfants ont utilisé des procédés traditionnels préexistants. Mais la démarche serait différente.
L’animateur amènerait une technique (le bourdon), distribuerait les rôles, situerait ce qui est techniquement autorisé, définirait les règles préexistantes avant de jouer.
Alors qu’ici il y a eu redécouverte.

Éliane PINEAU

C.E.S. Tujac à Brive – 19100

 
 
   

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