UN CARNAVAL
En banlieue parisienne
École Victor-Hugo
C.E.1-C.E.2 de J.J. CHARBONNIER, Vitry
DERRIÈRE LE MASQUE
Les enfants
adorent les masques. Il faut les voir, enfiévrés, quand ils les construisent.
Tout est bon : bidons de lessive, caisses, papier collé … Les masques
ne coûtent pas cher et laissent libre cours à l’imagination quand il s’agit
de les décorer. Ajoutons des cornes, des cheveux de toutes sortes !
Peignons-les de multiples manières ! Recherchons-leur des costumes
assortis ! N’oublions pas les maquillages : masques peints à
même la peau.
Les masques,
en eux-mêmes sont déjà merveilleux, mais avec le Carnaval, ils prennent
une autre dimension. Des enfants se retrouvent pour organiser coopérativement la fête, songer au défilé, à la musique, et
le carnaval ressuscité de Riscle (Art Enfantin n°91) n’est pas
étranger à cela.
Travesti, derrière
son masque impénétrable, l’enfant va pouvoir se défouler ; se livrer
aux réjouissances de la fête. Le masque jouera le rôle de la soupape.
Carnaval, autrefois, semblait bien un défi à l’ordre, un défoulement salutaire
où flottait un esprit de contestation.
Pour ces enfants,
il représente plus que de simples amusements : carnaval, c’est la
descente dans la rue ; l’école, sortant de ses murs, qui va vers
l’extérieur.
Carnaval, ses
masques, ses déguisements : la fête, la joie apportées par des enfants
dans la ville.H.N
Lagrandeur
DÉMARRAGE !
Un jour, une petite noire de la
classe demanda au maître pourquoi on ne faisait pas carnaval. C'était
en février. Jean-Jacques la renvoya au groupe-classe.
La revue Art
enfantin n°
91 sur le carnaval de Riscle avait été présentée et lue à la classe, à
sa parution, par un comité de lecture volontaire élu par la classe (comme
toutes les revues qui arrivent en classe).
A l'emploi du temps, un moment fut prévu pour parler de
cela. A cet entretien, les enfants se posèrent la question : «Est-ce qu'on ne va pas gêner les
trois autres classes de l'étage ?» Un gamin répondit : «Ils pourraient peut-être le faire avec
nous ?» Un
autre ajouta : «Et
pourquoi pas toute l'école ?»
«Comment va-t-on les prévenir ?» Jean-Jacques ne tenait pas à ce
que l'on passe dans les classes afin d'éviter que l'enfant soit face à
un adulte. II encouragea l'annonce par des affiches : ainsi les enfants
parlaient aux enfants. Le texte disait : «Carnaval de l'école Victor-Hugo.
Date : le 20 mars. Les classes intéressées viennent voir les enfants de
C.E.1-C.E.2. "
II y eut d'abord deux classes, puis d'autres. Les enfants
de l'école s'adressaient directement aux enfants de la classe de Jean-Jacques.
Sur les seize classes de l'école, douze ont participé. La directrice encouragea
vraiment cette fête.
LA VIE COOPÉRATIVE S'ORGANISE
Vingt-cinq
gosses environ, délégués des classes, se réunirent avec Jean-Jacques,
quatre semaines avant. Une structure de vie coopérative s'est instituée
pour régler les problèmes du carnaval: thème, mise en place. Presque tous
les problèmes que la préparation et la réalisation posaient, furent évoqués
par les enfants. Les grands voulaient un carnaval structuré sur une scène,
les petits préféraient un défilé.
Parmi les questions : «Les maîtresses, elles se déguisent ?» «Et ceux qui
ne veulent pas faire carnaval ?»
Le problème de la discipline pendant le carnaval fut posé.
Les grands disaient qu'ils la feraient eux-mêmes et les petits réclamaient
des gens pour la faire. On décida finalement qu'il n'y aurait pas de «police».
Des gens parlèrent du carnaval à l'école maternelle proche.
Les petits en avaient aussi entendu parler par leurs aînés. L'école maternelle
participant à la fête, y entraîna certains parents. La revue sur le carnaval
servit dans plusieurs classes à donner des idées. Le maquillage avait
séduit les enfants, mais il fut abandonné pour des raisons financières.
LA PRÉPARATION
MATÉRIELLE
Les masques furent construits en
carton ou avec des bidons de lessive, sauf pour une classe qui les fit
en plâtre moulé. Certains n'avaient pas de masques et se déguisaient avec
du rouge à lèvres, des vieux vêtements. On rechercha des masques autres
que les habituels clowns, petits lapins
ou danseuses. On fabriqua aussi des instruments de musique : «clarinettes»,
percussions diverses.
LE DÉROULEMENT
Jean-Jacques, malgré
lui, fut considéré comme le responsable du déroulement. II voulait que
les règles instituées soient respectées. Quelques grands élèves sont intervenus.
La plupart des instituteurs n'ont pas pris de responsabilités dans la
fête. Peu d'adultes étaient déguisés. A partir de quatorze heures, tout
le monde (350 enfants) est sorti pour défiler dans le quartier. Dans les
classes où on s'était intéressé à carnaval, les enfants avaient envie
de défiler, de faire de la musique. Pour d'autres c'était l'occasion de
s'échapper de l'école. Le comportement des classes était différent suivant
que l'instituteur s'était impliqué ou non dans le carnaval. Le défilé
a duré une heure et demie.
Certains enfants, très motivés par la fête, conclurent entre
eux et avec le maître : «C'était bien mais il n'y a pas eu vraiment de danse et
pas assez de musique. » Car à part quelques classes, peu de gens avaient amené ou fabriqué des
instruments. Des enfants reprochèrent que certaines règles du conseil
n'avaient pas été respectées.
BILAN ET CONCLUSION
Jean-Jacques a été très intéressé
par l'aspect de vie coopérative amené par le carnaval : pour la première
fois l'école avait vécu un conseil d'enfants. Cela démontrait qu'on pouvait
construire quelque chose ensemble et que des techniques de vie coopérative
peuvent être des outils efficaces d'élaboration et de réalisation collectives.
Les
enfants veulent lancer une autre fête pour l'an prochain. Ils désirent
que toute l'école fasse quelque chose.
Entretien de Jean-Jacques
CHARBONNIER
avec Henri-Noël LAGRANDEUR
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