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La fonction
imaginogène
« J'assistais
- exaltée et dérangée - à ma fonction imaginogène. »
(Henri Michaux)
Cherchant à
écrire un article sur certaines productions des enfants de ma classe,
j'ai relu, d'Henri Michaux, ce texte intense «Émergences - Résurgences»,
dans lequel il parle de ses tentatives d'écriture automatique, recherche
graphique et picturale qu'il a ensuite intensifiée sous l'empire de la
mescaline. La première partie du texte, antérieure à l'absorption de la
drogue, j'aimerais pouvoir la citer en entier, tant elle dit avec force
ce que je souhaiterais aussi pouvoir dire. Le parallélisme est si grand
entre les productions du poète Michaux et celles des enfants !
Une différence
majeure, toutefois: là où l'adulte parle de son processus de création
(sa fonction imaginogène), les enfants se taisent.
Ne reste sur la page que le produit de leur créativité. Parler de ce qu'ils
font, c'est suppléer à leur silence. Tâche difficile. J'ai parfois appelé
à l'aide le texte de Michaux. En regard.
L'un des souvenirs
les plus vivaces de mon vécu d'écolier se rapporte au tableau noir et
à son effaçage. Le tableau était nettoyé à l'éponge
et, à deux heures, lorsqu'on rentrait dans la classe, je m'étais habitué
à rechercher le langage de ces grandes traces circulaires produites par
l'amplitude du bras ou du poignet. J'y voyais un cours d'eau: des jours,
il était torrent tumultueux, vagues, tempêtes ; d'autres jours, plutôt
cours régulier, avec des ponts qui l'enjambaient; d'autres ours encore
estuaire, mer, platitude de l'horizon. Consultant chaque jour ce gigantesque
Rorschach des états d'âmes ou des énergies gestuelles, décortiquant sans
fin ces remous auxquels je donnais une nature aquatique, j'ai nourri mon
imagination et mes fantasmes enfantins.
Mais ce dérapage
dans le rêve n'avait qu'une existence éphémère, jusqu'à ce que l'effacement
lui-même soit effacé par les mots qui venaient le recouvrir. Devenu espace
pour des signes à la craie, le tableau perdait son espace-profondeur. L'espace-projection
cédait la place à l'espace symbolique. Mais les symboles parlaient moins
que ce qu'ils recouvraient et qui était censé ne rien dire.
Je repense
souvent à cet épisode lorsque je vois les enfants «gribouiller». Le gribouillage
: écriture à la fois première et automatique. Ce que produit la main qui
ne sait pas encore donner sens (par le dessin ou l'écriture) ; ce que
produit la main quand le sens ne la guide plus, quand la pensée est ailleurs.
Pas de projet, des impulsions. Pas d'avant, un pendant énergique, qui
vise toutes les possibilités.
Comme la voix
est l'intermédiaire obligé de l'oral, la main est l'intermédiaire obligé
de l'écrit. Et comme la voix qui cesse parfois de prononcer des mots,
des phrases, pour fonctionner pour elle-même, donnant à entendre des onomatopées,
du chant, des musiques, la main cesse d'écrire ou de dessiner pour gribouiller.
Gribouillage, entrelacs, musique de la main.
Mais aussi
bien musique sans portée. Le gribouillage, ce lieu pour rêver pendant
un instant, ne peut s'exporter vers les autres. Il n'est que confusion,
énergie indomptée, et soupçonné même d'être masque, cache de ce qu'il
recouvre, indice d'autre chose. Produit d'un geste serré, il est petit,
mesquin. A la peinture, il devient plus vaste, mais sans que la confusion
diminue. Il finit régulièrement dans la poubelle, n'ayant tenté aucun
collectionneur. A moins que...
Cette fois-là,
ça a commencé par une ligne fermée. Convexe et bien sage. Avec un intérieur
et un extérieur. Grosse paramécie sur la page du bloc. Son intérieur :
sont apparues là des lignes colorées qui la redoublaient. Jusqu'au milieu,
jusqu'à devenir simple trait. Courbes homotopiques
transformant la surface intérieure en une succession d'ondes concentriques.
Strates successives ponctuant la genèse de la courbe comme les lignes
du bois indiquent son âge.
Puis la paramécie
est devenue amibe. Concave, ondoyante. Insensiblement, les ondes se sont
séparées. Comme les amibes dans leur genèse. Des zones d'influence se
sont marquées à l'intérieur d'une même surface. Encore reliées, tributaires
d'une ligne singulière.
Troisième étape
: la ligne sage est devenue errante, l'amibe se contorsionne. Le geste
automatique produit une ligne dessinée pour elle-même, non pas expression,
mais seulement impression, ou même, pour enlever à ce mot un quelconque
rapport avec une sensation éprouvée, pression faudrait-il dire. Impression
parce que le trait s'imprime sur la page, mais non impression visuelle,
auditive ou autre, propre au sujet qui l'imprime. Gribouillage que le
redoublement en ondes colorées va rendre signifiant: on dessine d'un geste
vif et non contrôlé une ligne plus ou moins embrouillée. Puis on l'observe
et, important, on la ferme, elle délimite des intérieurs. C'est là que
vont intervenir les ondes colorées. Et puis l'effet final, dont on ne
peut présumer d'avance le jeu des lignes et des couleurs, la synthèse
visuelle des formes colorées. Le moment de l'impression, l'instant de
la naissance signifiante, le décollement de la genèse matérielle. Il se
peut alors que du sens vienne en plus : une tête apparaît, une silhouette,
une fleur, un oiseau. Instant transformé, Emergence-Résurgence.
Si je tiens
à aller par des traits plutôt que par des mots, c'est toujours pour entrer
en relation avec ce que j'ai de plus précieux, de plus replié, de plus
vrai, de plus «mien».
Henri MICHAUX
«Émergence - Résurgence», p. 18
Plutôt que
m'exprimer davantage, grâce au dessin, je voulais, je crois, imprimer
le monde en moi. Autrement et plus fortement.
H.M.,
p. 113
Et s'installe
alors le plaisir de la trouvaille, sa multiplication en esquisses, son
affinement. Alors les camarades se montrent intéressés, se mettent aussi
à créer. Un vaste mouvement se produit, un dialogue de formes qui est
aussi une forme de dialogue.
A ce moment-là,
je cherchais à introduire, dans la classe, la technique de la tapisserie
sur de grandes surfaces. Mais comment lancer le chantier sur ce terrain
où la cherté du matériau limite les démarches tâtonnées ? D'ailleurs,
on ne passe pas facilement, avec les enfants, du petit au grand format.
Ce qu'on risque le plus facilement d'obtenir, avec le grand format, c'est
une accumulation de petites figures. Celles-ci, qui ont pour unité de
mesure l'amplitude du poignet ou du bras, ne s'agrandissent pas automatiquement.
Comment dire à un enfant de refaire en grand tel dessin réussi sur le
bloc sténo ? Pas de similitude entre les figures dessinées et les formats
: le gigantisme apporte la multiplication, l'accumulation de motifs pour
meubler le vide envahissant. Pas de bénéfice pour le sens: les univers
se dédoublent, les séquences narratives s'enflent. Une différence qualitative
complète entre les dessins produits sur petit ou sur grand format.
Or, le grand
format des tapisseries, je voulais précisément l'apporter d'abord pour
agrandir, magnifier des réalisations déjà existantes. Pour que des recherches
qui me plaisaient et qui avaient marqué la vie de la classe envahissent
les murs, marquent l'environnement, l'atmosphère. Pour qu'elles vivent
de leur vie propre et opèrent avec le milieu qui les a désignées et qu'elles
désignent en retour.
J'ai repris,
pour les agrandir, ces recherches de formes pas si formelles que ça. Pour
les transposer en grand, parce qu'elles n'avaient précisément aucune autre
chance d'exister en grand, condamnées au petit des brouillons, au rétrécissement
qu'impose le geste du poignet. Pour que s'opère aussi la rencontre entre
les productions des enfants et mon désir propre : le « clinamen »
dont parle P. Clanché dans son livre Le texte
libre, écriture des enfants (p. 59) : «Le clinamen qui `ait éclater la
production des enfants sans la contraindre, mais en la magnifiant.»
Clinamen :
la déviation qui faisait, chez les Épicuriens,
se rencontrer
et s'agglomérer les atomes. La fusion par affinité.
La première
tapisserie fabriquée l'a été avec la technique du tricotin automatique.
Le long boudin souple a permis de suivre au plus près, en la grossissant,
la trajectoire du feutre sur la page et, au-delà, d'amplifier le mouvement
de la main, du poignet.
Papier troublé,
visages en sortent, sans savoir ce qu'ils viennent faire là, sans que
moi je le sache. Ils se sont exprimés avant moi, rendus d'une impression
que je ne reconnais pas, dont je ne saurai jamais si j'en ai été précédemment
traversé. Ce sont les plus vrais.
H.M.,
p. 49
Mais, là, question:
ouvrant une voie qui éveillait en moi des résonances, n'allais-je pas,
du même coup, en fermer d'autres, non moins intéressantes, non moins fondatrices
? Ouvrir/fermer, abîme tourbillonnaire. Tout peut advenir sur ce terrain
réversible. Tout, c'est-à-dire aussi, peut-être, rien. C'est-à-dire aussi,
peut-être, le contraire de ce qu'on souhaite, désire, pour soi comme pour
les autres. Ouvrir objectivement, mais fermer subjectivement. Ouvrir à
soi, mais fermer aux autres. Inversement. Fermer, enfermer dans cela même
qu'on a ouvert. Inversement.
Heureusement,
induire une technique, dans la classe, ne constitue qu'un premier temps,
celui de l'appel. Reste encore à voir - et c'est l'aspect le plus intéressant
de l'apport - comment cet appel se transforme, se répercute, comment il
revient au tournant d'une démarche, collective ou individuelle. Reste
à sentir son travail souterrain, ses métamorphoses. Et aussi sa résurgence-émergence.
Avec la même
technique du tricotin, Évelyne a proposé et réalisé la tapisserie de l'oiseau.
Un oiseau, rempli, de la même façon, de courbes colorées, mais pourtant,
dans sa réalisation, d'une conception différente, inverse de celle - gribouillage
- suivie jusque-là : Évelyne souhaitait dessiner un bonhomme, pièce à
pièce. La tête; remplissage. Un bras ; remplissage. L'autre bras ; remplissage
symétrique. Une jambe; remplissage. Et, à ce moment de la genèse, une
surprise: on voit un oiseau, évident sur la page. Il méritait que l'enfant
s'arrête à lui.
Beaucoup ont
eu alors envie de faire des tapisseries : l'appel d'Évelyne avait été
déterminant. Ils ont cherché dans leurs carnets de croquis et ont démarré
: le chat, la chaussure-fleur, la main, la chenille.
Les aplats et autres caractéristiques du dessin ont amené une certaine
différenciation de la technique: feutrine, tricotin, laine à tapis, pour
agrandir encore l'éventail des possibles.
Pourtant, resté
fidèle à mon optique délaissée, j'ai relancé, vers la fin de l'année,
une nouvelle série de recherches-gribouillages.
Il s'agissait cette fois-ci de stridences et vibrations produites essentiellement
au feutre rose par Helen et Évelyne et directement
issues de la technique du coloriage. Le trait est aigu, ouvert. Les lignes
convergent suivant des arcs de cercle dont le centre est le point fixe
du poignet. La main parle directement, sans intermédiaire. J'ai introduit
là la technique prometteuse utilisée par Garnier dans sa tapisserie géante
exposée lors du congrès de Nantes.
Ce qui compte
n'est pas le repoussement, ou le sentiment générateur, mais le tonus.
C'est pour en arriver là qu'on se dirige, conscient ou inconscient, vers
un état au maximum d'élan, qui est le maximum de densité, le maximum d'être,
maximum d'actualisation, dont le reste n'est que le combustible - ou l'occasion.
H.M.,
p. 64
Eh bien,
je vois surtout le mouvement. je suis de ceux
qui aiment le mouvement, le mouvement qui rompt l'inertie, qui embrouille
les lignes, qui défait les alignements, me débarrasse des constructions.
Mouvement, comme désobéissance, comme remaniement.
H.M.,
p. 65
L'année suivante,
le tricotin a à nouveau été évoqué par les enfants à l'occasion d'un large
travail collectif sur les labyrinthes. Recherche de formes, de lignes,
de pièges, de couleurs, de solutions. Recherche logique, recherche esthétique,
recherche sensible.
A la rentrée
des vacances de Carnaval, Domi réalise, pour son correspondant, un labyrinthe.
L'idée est rapidement reprise et j'assiste à une véritable frénésie de
labyrinthes.
Que faire de
tout cela ? D'abord un examen collectif. Un labyrinthe, ça a un départ et une arrivée, et, entre eux, un entrelacs de
chemins et de complications. Les petits gribouillent: l'observation a
posteriori révèlera si l'écheveau est démêlable
(réponse en général négative, d'ailleurs). Quelques-uns relient d'abord
départ et arrivée, maquillant et embrouillant ensuite la voie. D'autres,
depuis le départ, conduisent pas à pas un faisceau de routes qui se croisent
et s'éloignent. D'autres encore construisent une multitude de chemins
depuis le départ jusqu'à l'arrivée, et barrent ensuite toutes les voies,
sauf une. Des culs-de-sac avec des loups, des sorcières, des têtes de
mort, des sables mouvants, des pieuvres et... des sirènes ! «N'y allez
pas, autrement vous allez vous faire manger ! » indique Laure sur ses
dessins. Les graphismes aussi sont de plusieurs sortes : tantôt volutes
intestinales, tantôt lacis, tantôt rectilignes à la règle. La ligne, dans
sa profusion (presque) incontrôlée : spiralée, en lame de scie, entrelacée,
nouée, que sais-je ?
C'est là que
Domi a repensé au tricotin. Par sa ductilité, sa malléabilité, n'est-il
pas à même de restituer tous ces canaux secrets ? Une tapisserie est aussitôt
mise en chantier. Accrochera-t-elle, un temps, dans son réseau géant,
sur le mur, le désir d'ailleurs d'un enfant ? Lui permettra-t-elle de
se perdre/retrouver, balancement originel constitutif de la personne ?
Une tapisserie,
mais aussi une recherche : le labyrinthe n'est pas écriture automatique
; une organisation logique, spatiale, le sous-tend. Mais elle est occultée,
cachée. Il faut la dévoiler en-deçà, la faire
ressurgir.
Les rassemblant
judicieusement, aurait-on pu en faire un catalogue (avec beaucoup de
répétitions), catalogue d'attitudes intérieures, une encyclopédie des
gestes invisibles, des métamorphoses spontanées.
H.M.,
p. 53
A l'examen,
les enfants ont dégagé les solutions possibles, les trajets menant du
départ D à l'arrivée A. Bon nombre de labyrinthes, à l'insu de leurs auteurs,
comportaient, non pas une seule, mais plusieurs solutions. On a cherché
à les compter.
C'était compliqué,
on s'en est vite aperçu. D'abord parce que l'étude collective d'un labyrinthe
est impossible. Un labyrinthe, ça appelle la continuité, comme le savait
déjà Ariane. Il faut y aller du doigt ou de la pointe du crayon. L'oeil
se perd dans le labyrinthe placé au tableau..
Gare aux labyrinthes : on s'y perd, on est mangé !
L'étude collective
n'est possible que si chacun est dans le labyrinthe. On a proposé que
l'un des dessins soit tiré au duplicateur. Mais là, à nouveau, une difficulté
: pareil à la bande de Moebius, le labyrinthe
dupliqué n'avait pas d'intérieur ni d'extérieur: ou, plutôt, l'extérieur,
l'envers du labyrinthe, était aussi un labyrinthe ! Comment s'y retrouver
? La ligne frontière, ténue, se franchissait si facilement ! On se perdait
dehors comme dedans ! Une solution, colorier, propose Éric. Colorier l'extérieur,
le parcourir entièrement pour éviter de se perdre en lui, l'isoler par
la couleur, le désigner comme envers. Au coloriage, beaucoup se trompent:
l'illusion est si grande ! Betty est l'un d'eux. Mais, une fois le dérapage
produit, elle se laisse porter par les formes : plus d'envers ni d'endroit,
elle avance ses zones colorées. Et le résultat est fascinant. Betty propose
une nouvelle tapisserie.
A la suite
de plusieurs propositions méthodologiques, le labyrinthe étudié a été
dompté. Il comportait un faisceau de vingt solutions, vingt voies possibles
que les enfants ont pu étudier de façon systématique (combinatoire).
Les croisements
constituaient les points névralgiques.
Ainsi l'inconnu
devenait connu, l'informe devenait in-formé.
On pouvait
continuer:
D'abord, décrypter
les labyrinthes, avec tous leurs possibles.
Ensuite, construire
la relativité des labyrinthes les uns par rapport aux autres. Organiser,
rationaliser le foisonnement des labyrinthes après avoir organisé, rationaliser
le foisonnement des lignes, des chemins. Construire un deuxième niveau
après le premier. La recherche math, ou la recherche tout court, n'est-elle
pas un perpétuel labyrinthe ?
Trait hors
des chemins, sûr de son chemin, qu'avec nul autre on ne saurait confondre.
Trait comme
une gifle qui coupe court aux explications.
Peinture
pour l'aventure, pour que dure l'aventure de l'incertain, de l'inattendu.
Après des années toujours encore l'aventure.
H.M.,
P. 72
Faudrait-il
s'appesantir plus sur cette démarche décrite ici de façon fragmentaire
? Ou suffit-il de marquer seulement l'étendue, le champ des propositions
et des recherches ?
Mers, chemins,
écheveaux, tapisseries, labyrinthes, sirènes. L'odyssée d'Ulysse, en somme.
Épopée. Mythe et raison.
Ulysse, expliquent
Horkheimer et Adorno, incarne le premier homme occidental. En lui s'opère
le passage de la croyance aux mythes collectifs, à la croyance en la raison
individuelle. Ulysse fait usage de sa raison, et découvre à travers elle
son moi, son identité. Ulysse déjoue les pièges et les énigmes que lui
posent les Dieux. Il oppose la ruse de sa raison. Ulysse ruse parce qu'il
sait, et son savoir, sa raison se fondent sur sa connaissance des lieux.
Que les tempêtes fassent dériver son navire, peu importe: il connaît la
topographie des lieux. Il peut boucher à la cire les oreilles de ses compagnons
et se faire enchaîner au mât: il sait qu'il va rencontrer les sirènes.
Il peut prévoir, il peut ruser : il a reconnu les lieux. Au scénario répétitif,
toujours le même, quoique énigmatique, que jouent les personnages mythiques,
il oppose la force de sa raison, connaît les lieux et découvre par là
son lieu propre, son identité. Ulysse ne se perd que pour se retrouver.
Les aventures
épiques attribuent un nom à chaque endroit et permettent de contrôler
l'espace de façon rationnelle. Le héros naufragé et tremblant anticipe
le travail de la boussole; malgré son impuissance, il n'ignore aucune
partie de la mer et c'est cette impuissance même qui tend à vaincre les
puissances hostiles.
Voici la formule
de la ruse d'Ulysse: l'esprit instrumental, détaché, en se résignant et
en se soumettant à la nature, lui donne ce qui lui appartient, et, de
ce fait même, la berne... Il s'éloigne de la nature en s'abandonnant à
celle-ci.
HORKHEIMER,
ADORNO «Ulysse ou mythe et raison»
in «La dialectique de la raison», Gallimard
Mais, au fait,
Pénélope, que représentait-elle sur sa tapisserie, toujours défaite et
toujours reprise ?
Jean-Claude
POMÈS
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