Brochures d'Education Nouvelle Poupulaire ____ H.ALZIARY et C.FREINET ____ Les Correspondances interscolaires
N°32 de novembre 1947 |
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LES
ECHANGES INTERSCOLAIRES
PAR
LE JOURNAL SCOLAIRE
ET
L'IMPRIMERIE A L'ECOLE
Parce
que nous avons été les initiateurs de cette Imprimerie
à l'Ecole qui pénètre peu à peu dans toutes les écoles de France, on a cru souvent
qu'il s'agissait là, pour nous, d'une marotte nouvelle dont nous ferions abusivement le
centre et le but de notre travail.
Nous
avons toujours insisté, au contraire, sur cette réalité : l'Imprimerie est
susceptible d'apporter dans une classe des possibilités nouvelles d'activité et des
raisons d'intérêt fonctionnel. Le fait seul, pour l'enfant, de voir sa pensée ainsi
coulée dans le métal et capable de déborder, sous une forme majestueuse et
impressionnante, le cercle réduit de ses parents et de ses camarades, exalte la
personnalité, encourage l'observation, l'expérimentation et l'expression et modifie
profondément, en définitive, l'atmosphère de la classe.
Il est
des poètes qui, après avoir longuement poli leurs chefs-duvre, les impriment
eux-mêmes, pour leur satisfaction personnelle d'abord, pour les montrer à leurs amis
ensuite. Mais un moment arrive où cette satisfaction risque de s'émousser. Le poète,
comme l'élève, se dit : « A quoi bon, après tout, se donner tant de peine.
Je raconterai aussi bien, ou je lirai à mes amis mon texte ou mon poème... Je vais
seulement le calligraphier artistement ; cela suffira... »
Imprimer
pour le seul plaisir d'imprimer c'est un peu comme lorsqu'on offre une bêche à l'enfant
pour gratter le sable ou la terre sans lui donner la possibilité élémentaire de semer
et de faire produire l'espace remué. L'enfant s'amusera à gratter, puis jettera sa
bêche parce qu'il aura une vague conscience de l'inutilité fondamentale de son
activité.
L'Imprimerie
à l'Ecole c'est la bêche, outil déjà perfectionné et qui permet des réalisations
enthousiasmantes. Mais la correspondance interscolaire c'est la semence qui devient herbe
tendre et moisson blonde, et pour laquelle lan prochain, et toutes les années à
venir nous saurons, avec la même ferveur, consentir la fatigue et les sacrifices sans
lesquels la graine lancée au vent ne saurait fructifier.
C'est
dans ce sens que nous affirmons toujours : La correspondance interscolaire est le
complément indispensable de l'Imprimerie à l'Ecole. C'est elle qui lui accorde raison
d'être et permanence, qui motive pédagogiquement, fonctionnellement, toute notre
activité en lui apportant le sens social qui déborde la scolastique et hausse notre
effort jusqu'à la compréhension et à l'efficience de l'humain.
Si vous
employez l'imprimerie pour elle-même vous risquez désillusion et lassitude. Avec la
correspondance interscolaire vous touchez une corde nouvelle dont les vibrations ne feront
que s'amplifier et dont les conséquences scolaires, intellectuelles, affectives et
sociales sont incalculables.
***
Mais
alors, direz-vous, pourquoi ne pas réaliser ces échanges sans cette complication
peut-être superflue de l'imprimerie et du journal ?
C'est
justement dans cette modernisation technique des Echanges interscolaires que réside notre
vraie trouvaille pédagogique.
D'autre avant nous ont tâté de la correspondance interscolaire dont ils pressentaient la portée éducative. Ils étaient comme l'enfant qui voudrait bien semer un carré de jardin, mais qui ne possède pour bêcher qu'un jouet de tôle tout juste apte à rayer le sable. Ils entraient en liaison avec d'autres classes ou d'autres élèves. L'échange se faisait par lettres, ce qui est fort acceptable pour des enfants de 14-15 ans au moins qui écrivent lisiblement et correctement et savent déjà jeter sur le monde un regard objectif qui dépasse leur personnalité. Mais nos élèves au-dessous de cet âge vivent trop encore dans le présent et n'ont pas une maîtrise suffisante de l'écriture pour affronter le récit. D'où l'extrême indigence des lettres qu'ils écrivent et la peine qu'ils éprouvent à remplir leur page.
Le
correspondant qui reçoit une telle lettre sent d'instinct cette indigence. L'impression
de l'écriture et l'incorrection du texte le lassent. L'enthousiasme s'évanouit.
Par
suite de cette insuffisance de moyens techniques, d'expression et de transmission, la
correspondance par lettre ne saurait devenir une pratique efficiente et permanente de nos
classes primaires. Les initiatives les plus généreuses dans ce domaine n'ont, de ce
fait, jamais dépassé le stade des essais. Il faut trouver d'autres possibilités.
Avant
guerre déjà, la Croix-Rouge de la Jeunesse et les associations espérantistes
organisaient la correspondance internationale par échange d'albums réalisés par les
enfants eux-mêmes.
Là, l'outil est meilleur et nous en userons d'ailleurs, même dans l'échange national. Mais il n'a pas encore cet élément die périodicité et de permanence dont nous avons besoin. Il faut des semaines et des mois pour réaliser l'album. On lexpédie ensuite. L'album que les correspondants enverront en retour mettra des semaines et des mois pour nous parvenir. Pendant ce temps l'intérêt un instant éveillé, est caduc. L'échange par albums peut être un, complément utile et recommandé de nos échanges. Il ne saurait en être l'élément essentiel.
Nous
avons découvert un outil et une technique qui ont fait leurs preuves : ils
permettent à l'enthousiasme initial de se renouveler sans cesse, toujours aussi
efficient, et cela, non seulement pendant un mois ou six mois, mais pendant toute la,
scolarité, et même au-delà de cette scolarité. Cette correspondance devient alors un
levier pédagogique d'une puissance insoupçonnée qui est en train de donner à notre
École publique la figure moderne que nous lui désirons.
***
C'est pour expliquer ce que sont cet outil et cette technique, pour permettre à tous les éducateurs de s'en servir avec profit que nous avons réalisé cette brochure, résultat d'une expérience de vingt années, qui s ' étend aujourd'hui à des milliers d'écoles, à des centaines de milliers d'enfants, et dont nous dirons aussi les incomparables avantages pédagogiques et sociaux.
Nous
avons demandé à notre ami Alziary de réunir les éléments de cette brochure. Il a pu
le faire avec compétence puisque depuis quinze ans il est le responsable de
l'organisation, de notre service d'échanges interscolaires et, qu'à ce titre, il a pu
mesurer plus que quiconque les conquêtes à promouvoir et les imperfections à corriger
d'une pratique qui gagnera bien vite toutes les écoles de France parce qu'elle est une
éclatante illustration de cette modernisation pédagogique inscrite désormais sur les
frontons de la C.E.L.
UN PEU D'HISTORIQUE
Les
indications qui précèdent sur la place et la portée respectives de l'Imprimerie à
l'Ecole et des échanges interscolaires ne sont nullement des considérations à
posteriori, nées de ces vingt ans d'expériences.
Dès mes
premiers essais à Bar-sur-Loup, en 1925, j'ai compris que nos imprimés étaient avant
tout un moyen nouveau de correspondance entre écoles. Dès la deuxième année de notre
travail, en 1926, ma petite classe entreprit un échange très régulier avec l'Ecole de
Trégunc (Finistère), où notre vieil ami Daniel venait d'introduire l'Imprimerie.
L'expérience fut décisive et je n'ai plus guère, depuis, réalisé d'échanges plus
suivis ni plus enthousiastes,
Nous
imprimions encore, à ce moment-là, faute de matériel suffisamment perfectionné, sur
format 1/4 de commercial (10,5 x 13,5) et nous utilisions, faute de fonds, toutes les
qualités de papier dont nous pouvions disposer, y compris les bulletins de vote.
Tous les
deux jours, un envoi de trente exemplaires de chacun de nos imprimés partait pour
Trégunc Et tous les deux jours, le facteur nous apportait un stock semblable d'imprimés
de nos correspondants.
J'ai senti
là, tout de suite, les possibilités considérables d'un tel échange : les enfants
n'écrivaient plus pour eux-mêmes mais pour leurs correspondants ; les devoirs
scolaires changeaient alors de sens, et bientôt de nature. Quel entrain, et quel
enthousiasme pour la lecture, à leur arrivée, des imprimés de nos petits amis !
Nous vivions avec les paysans pêcheurs de Trégunc ; nous connaissions leurs
travaux, leurs jeux, leurs préoccupations. Il ne s'agissait plus là d'un de ces
vulgaires procédés pédagogiques prétentieusement qualifiés de
« méthodes », mais d'une forme nouvelle de vie à l'Ecole, âme et instrument
de l'effort scolastique, auquel j'aspirais.
A partir de
ce moment-là notre voie pédagogique était toute tracée et l'expérience qui a suivi
n'a pas apporté d'élément essentiel qui n'ait été en germe déjà dans notre
mémorable échange avec Trégunc : l'échange de colis, l'envoi de crêpes bretonnes
d'un côté, d'oranges et d'olives de l'autre, l'expédition de jouets et de photos, le
concours des parents eux-mêmes à cette forme nouvelle d'activité scolaire, nous avaient
montré déjà tout ce que nous pouvions attendre d'une telle technique.
C'est donc
en toute certitude de succès que nous pouvions, à l'aube de notre mouvement, recommander
les échanges interscolaires, tels que nous les avions expérimentés avec un si total
succès.
Dès le 27
juillet 1926, dans notre première circulaire de l'Imprimerie à l'Ecole, nous
remarquions : « L'organisation des échanges d'imprimés entre écoles doit
être notre première préoccupation ».
Dès que
notre groupe a compté 4, 8, 12 écoles travaillant à l'imprimerie, nous avons organisé
des échanges réguliers. Quand ce nombre est devenu plus important, nous avons établi le
système d'échanges par groupes de six à huit écoles. C'est ce système qui continue
encore aujourd'hui et dont nous allons expliquer le fonctionnement.
LE JOURNAL SCOLAIRE, BASE DES ECHANGES
Pour être
permanents et efficaces, les échanges doivent donc être basés sur le journal
scolaire.
Nous
verrons tout à l'heure les qualités que doit présenter ce journal pour être un outil
excellent pour l'échange. Envisageons d'abord sa réalisation technique.
1° Le
vrai journal scolaire doit être imprimé. Nous ne disons pas cela par amour-propre
d'inventeur, mais parce qu'il est incontestable :
- que seule
l'imprimerie donne au journal la majesté qui l'impose et en fait le succès ;
- que seule
parmi les techniques graphiques actuelles, l'imprimerie permet un texte net, noir,
parfaitement lisible, qui fait impression et marque dans l'esprit du lecteur;
- que,
toutes autres considérations égales d'autre part, les enfants de nos classes sont
spontanément attirés par le journal imprimé et se refusent parfois à lire des pages
polygraphiées, même si les textes en sont intéressants.
L'expérience
de toutes les écoles pratiquant l'échange est nette sur ce point.
2° Le
journal sera illustré : par gravures de linoléum, par dessins au limographe ou à
la polycopie rehaussés si possible de couleurs, car les enfants sont
particulièrement attirés par les dessins et la couleur.
Toutes
autres considérations égales d'autre, part les enfants vont d'abord vers les journaux
illustrés et parmi eux vers ceux qui sont agrémentés de couleurs.
3° A
défaut d'imprimerie, le tirage au limographe C.E.L. est la technique qui permet,
dans des conditions à la portée de la majorité des écoles, la réalisation d'un
journal acceptable, surtout s'il est agréablement illustré et si la couverture surtout
est bien présentée, avec un beau lino par exemple.
4° Dans la
période actuelle du moins, le tirage aux pâtes à polycopier ou rotatifs à l'alcool,
n'est guère recommandé. Les quelques journaux, qui sont tirés avec ce procédé sont
presque illisibles et toujours accueillis sans grande sympathie par les jeunes lecteurs.
5° La
réalisation d'un journal manuscrit, tout comme le journal tiré à la polycopie, n'est
qu'un pis-aller qu'il faudra tâcher de dépasser si l'on ne veut pas encourir de
désillusions décourageantes.
Nous
rappelons le procédé. Nous chargeons cinq à six élèves, parmi ceux qui écrivent le
plus lisiblement, de copier sur des cahiers spéciaux les textes libres mis au net au
tableau. Si les élèves emploient un joli script ; si l'on peut illuminer ou
illustrer les pages en couleurs, de tels journaux peuvent être assez appréciés des
enfants, sans égaler jamais cependant à leurs yeux, le plus vulgaire des journaux
imprimés.
***
Mais il ne
suffit pas que le journal soit imprimé. Encore faut-il qu'il soit bien imprimé, très
lisiblement, que la mise en pages notamment en soit particulièrement soignée, et que la
disposition des textes et des blancs fasse valoir l'intérêt même du texte.
Au cours de
ces dernières années, nous avons fait un très gros effort pour cette perfection
technique de nos journaux scolaires. Le matériel d'une part, a été poussé à un haut
degré de perfection dans sa simplicité. Nous avons d'autre part, donné des conseils
précis pour l'amélioration du rendement. Dès leur premier numéro, nos nouveaux
adhérents réalisent d'emblée des pages qui nous auraient émerveillés il y a quinze
ans et nombreux sont les journaux scolaires réalisés de mains de maîtres qui
rivaliseraient avec bien des imprimés de professionnels.
Nous sommes
cependant encore obligés de rappeler aux adhérents, notamment aux débutants, que ce
n'est pas la quantité de matière seule qui compte dans un journal. Il ne suffit pas
d'entasser dans une page 30 composteurs, parce qu'ils peuvent y tenir, et qu'on ne
voudrait rien perdre. On arrive ainsi à produire des pages illisibles, sans air, sans
blancs qui reposent l'esprit, et engagent à continuer.
Il faut
qu'une page de journal soit autant que possible une oeuvre d'art et que tout concoure à
cet heureux résultat : disposition de la page, répartition des blancs,
justification, emploi des clichés et des dessins, netteté de l'impression.
Il faut
parvenir à ce résultat que, en ouvrant le journal, les correspondants s'écrient :
« Ah ! qu'il est bien » Et, avant d'avoir lu, ils concluront « Ça
c'est un journal intéressant ».
Les grandes
firmes éditrices savent bien que les réactions des adultes sont sur ce point exactement
semblables à celles des enfants. Aussi voyez avec quel soin elles disposent en première
page les gros titres en noir et les belles illustrations souvent sans rapports avec le
texte mais dont on a besoin pour éclairer et aérer un texte.
Tenez donc
le plus grand compte de ces observations dans la rédaction et le tirage de votre journal.
Autre chose
enfin : la qualité essentielle d'un journal - et nous en dirons tout à l'heure
autant des échanges en général - c'est la régularité de parution. Que votre journal
sorte à jour fixe en fin de mois. Ne le retardez pas de huit à dix jours sous prétexte
de terminer une étude commencée. Vous la continuerez dans le prochain numéro. Ce qui
est aujourd'hui indispensable, c'est de sortir le journal, même maigre. Vous le
complèterez, si nécessaire, comme nous l'indiquerons au chapitre suivant.
***
(Voir sur
notre brochure mode d'emploi : L'Imprimerie à l'Ecole, n° 46 de notre collection de
B.E.N.P., toutes indications techniques pour la composition, l'impression, le tirage,
l'agrafage et l'expédition des journaux scolaires).
***
Nous
n'organisons pas la correspondance de classe à classe par simple échange de lettres ou
de documents, dans le genre de celles qu'on pourrait voir sur certains journaux :
« l'Ecole de X... désirerait correspondre avec école de telle région ».
Non pas que cet échange ne puisse pas comporter des avantages, mais parce que nous
estimons que, faute de supports et d'outils il ne suscitera ni les avantages pédagogiques
ni l'enthousiasme qui sont susceptibles de marquer tout un système éducatif. Nous disons
aux éducateurs : rédigez un journal scolaire, même manuscrit - selon les
indications ci-dessus - et toute école le peut, quels que soient les ressources ou le
nombre d'élèves. Quand vous aurez cet outil indispensable qu'est le journal scolaire,
nos services seront à votre disposition.
Voici ce
que nous réalisons :
1° Les
écoles qui désirent participer aux échanges sont incorporées dans une ou plusieurs
équipes de huit classes (ou de six, ou même de quatre pour les écoles à faible
effectif).
La
constitution de ces équipes, qui est la chose la plus délicate, est basée sur les
besoins et les désirs des écoles qui la composent. Ces écoles sont, le plus possible,
de même niveau et d'intérêt, au contraire, complémentaire : éco1es de plaines
avec écoles de montagnes, écoles du continent avec écoles de la côte, Nord avec Centre
ou Midi.
Nous
demandons aux futurs usagers de ce service de remplir la fiche de correspondance que nous
leur enverrons sur demande. Notre service tiendra le plus grand compte des indications qui
y seront portées, dans toute la mesure du possible du moins.
D'ailleurs
toute école pourra compléter elle-même cette équipe par la correspondance avec des
écoles qu'elle aura librement choisies, ou avec une deuxième équipe. La chose est
parfois difficile la première année. L'annuaire que nous pensons publier y aidera, mais
certaines écoles recevront bien souvent de trop nombreuses demandes qu'elles ne pourront
satisfaire. C'est d'ailleurs pour éviter ce danger que nous avons eu recours au système
des équipes.
Dès la
deuxième année de travail, vous pourrez - et vos élèves vous le demanderont
d'ailleurs, -conserver, en plus de la nouvelle équipe à laquelle vous serez intégré,
quelques-uns de vos anciens et fidèles correspondants. Au cours des congrès et des
stages, au hasard des collaborations aux journaux, vous ferez connaissance avec des
camarades qui deviendront pour vous des correspondants quasi-permanents.
2° Mais
notre échange, même au sein de l'équipe, a un double aspect que tous les adhérents
doivent bien comprendre.
a)
Echange mensuel :
Votre Ecole
est donc mise en relations par nos services avec des écoles (voir croquis), réparties
dans diverses régions de France. L'échange du journal scolaire mensuel est obligatoire
avec ces huit classes. Chaque fois que vous tirez ou imprimez un de vos textes ou de vos
dessins, vous en produisez un de plus pour chacune de vos écoles correspondantes. Si vous
avez dix à douze écoles correspondantes, - ce qui nous paraît être un nombre très
normal - vous tirez de chaque texte dix à douze pages supplémentaires que vous
conserverez soigneusement dans des dossiers spéciaux.
En fin de
mois vous agrafez les journaux sous belle couverture et vous procédez à l'expédition.
Pour chaque école, vous désignerez un élève responsable :
- qui sera
chargé de préparer la bande et de faire l'envoi pour son école ;
- qui
recevra et lira le premier le journal de l'école correspondante ;
- qui
écrira à cette école ou lui enverra documents ou colis, selon les conseils que nous
donnerons plus loin.
Une bonne
organisation de ces services au début de l'année, rend le fonctionnement des échanges
automatiques. Le travail qu'ils nécessitent est d'ailleurs profondément éducatif.
b)
Correspondant régulier
Mais cet
échange mensuel, par le truchement du journal scolaire, même complété par quelques
lettres ou envois de colis, est insuffisant à apporter l'enthousiasme permanent que nous
attendons de cette technique : une correspondance par mois est insuffisante à
maintenir l'intimité. D'ailleurs la correspondance impersonnelle de classe à classe ne
satisfait pas le besoin évident des enfants de connaître non l'école et le milieu, mais
les enfants eux-mêmes.
C'est
pourquoi nous avons prévu un deuxième genre d'échanges que nous appelons régulier
Une des
écoles de votre équipe (voir croquis), est désignée comme votre correspondant
régulier.
Vous
entrerez immédiatement en relations avec l'instituteur ou l'institutrice de cette école.
Vous lui communiquerez le nombre d'élèves de votre classe, la composition de cette
classe, et vous lui donnerez dès que possible les nom, prénom et âge de chacun de vos
élèves.
Votre
correspondant en fera autant.
Mais ne
comptez pas sur les lettres que pourraient échanger vos élèves pour maintenir une
excellente correspondance. Les lettres d'enfants au-dessous de 13-14 ans sont toujours,
nous l'avons dit, trop subjectives ; elles n'apportent aucun des éléments profonds
de vie dont nous avons besoin. L'imperfection du graphisme et de la présentation risque
d'ailleurs de lasser les petits correspondants.
Voici la
technique que nous recommandons :
Votre
école correspondante compte 27 élèves ; la vôtre 24 élèves. Vous avez dix
correspondants mensuels. Vous voulez disposer de 20 exemplaires pour servir les
abonnements. Votre tirage journalier sera de 27+24+10+20=81 exemplaires.
Quand une
page est tirée recto verso :
1° Vos
élèves prennent leur livre de vie (nous recommandons l'emploi de nos reliures à anneaux
qui permet aux enfants de se confectionner ainsi, au jour le jour, un véritable livre,
qui sera imposant en fin d'année.)
Vous
perforez les feuilles imprimées et vous en donnez une à chacun de vos élèves. Après
lecture individuelle, muette ou à haute voix (les enfants aiment relire le texte au net),
la page est ajoutée au livre de vie.
Ce livre de
vie pourra d'ailleurs s'enrichir de pages polygraphiées, de dessins, et même de fiches
de notre F.S.C.
2° Nous préparons 27 feuilles que nous mettons sous enveloppes et que nous expédions à notre école correspondante. Cette école reçoit l'envoi, distribue une feuille à chaque élève. On lit les textes, silencieusement ou à haute voix, on les commente, on les explique, on note les réactions, on prépare questions ou réponses, chaque élève place la feuille reçue dans un deuxième livre de vie, le livre de vie de l'Ecole correspondante. Chacun des élèves de nos classes aura deux livres de vie, celui de notre école et celui de l'école correspondante, livres de vie qui se complètent merveilleusement (l'envoi à l'Ecole correspondante peut, par mesure d'économie, n'être fait qu'à la fin de la semaine, par exemple).
La
correspondance ainsi comprise cesse alors d'être impersonnelle. Les textes journaliers
nous apportent les échos de la vie intime de nos correspondants, de leurs réactions dans
leur milieu. Nous connaissons chacun des élèves comme s'ils étaient là à côté de
nous.
Nous
complétons cet échange par l'envoi régulier de lettres à nos correspondants. Tous les
quinze jours chaque élève écrit au petit ami dont il a le nom : Mon cher petit
camarade... Il joint à sa lettre sa photo, des images, des timbres, des photos de sa
famille.
Les lettres
ainsi écrites, lues par l'instituteur - qui explique loyalement qu'il doit les lire pour
éviter les bêtises -, sont expédiées en paquet, accompagnées d'une lettre de
l'instituteur à son collègue pour tous renseignements complémentaires. Cet envoi est
fait en colis non fermé.
Il faut
voir la classe à la réception de ces envois ! L'intérêt est à son comble. Chacun
reçoit comme une relique la lettre de son correspondant, il la range soigneusement, il
l'emporte à la maison et la conserve jalousement, Il n'y a qu'un ennui à cela : il
arrive que quelques élèves n'ont pas leur lettre parce que leur correspondant est malade
et n'a pas écrit C'est alors un véritable désespoir, qui nous montre le, prix que nos
élèves attachent à ces échanges. Il faudra même que les instituteurs s'arrangent
entre eux pour éviter coûte que coûte de tels déboires, quittes même à faire faire
une lettre supplémentaire par quelques élèves plus expéditifs pour atténuer au moins
la peine des mal partagés.
Les parents
se passionnent eux-mêmes à ces échanges et correspondent parfois entre eux. Inutile de
dire les avantages considérables que notre école peut retirer d'une telle intégration
de ses techniques dans la vie de la famille et du village.
Tous les
mois, nous préparons un colis à nos correspondants : chaque élève apporte un
petit colis pour son correspondant particulier, avec nom et adresse. Ce qu'il y met :
des journaux, des images, des jouets, des photos, un couteau, parfois même des cadeaux de
valeur.
En plus de
ces paquets particuliers, notre envoi doit comporter une part communautaire :
châtaignes, noix, billes, amandes, oranges, pommes, dont tout le monde profite.
Le colis
est solennellement expédié et l'expédition en sera faite par les élèves qui en
suivront le trajet et attendront anxieusement les réactions, aux accusés de réception.
L'arrivée
de ces colis soulève dans nos classes un enthousiasme indescriptible. Aucun événement
pédagogique ne peut égaler l'animation qu'elle suscite. Il faut avoir vécu de tels
moments pour comprendre tout le sens de cette affirmation. Scènes inoubliables !
Après vingt ans, je me souviens encore du jour où nous avons reçu de nos correspondants
de Trégunc un petit colis poste qui contenait des crêpes bretonnes soigneusement
pliées, fines comme de la mousseline, délicieusement beurrées. Le partage fut
fait : trois crêpes à chacun, le maître compris, bien sûr. Et si vous aviez vu
les enfants partir chez eux, en emportant pour leurs frères ou leurs parents le reliquat
de leur petite part ! Le soir, les enfants arrivaient en disant : « Mon
papa a dit qu'il faut « leur » envoyer des oranges, des figues.»
Et un colis
reçu un jour d'une école de l'Ardèche avec une provision de châtaignes qui se mirent
à cuire tout de suite sur le poêle !... Et les petits élèves de l'Ecole Freinet
recevant, en janvier dernier, de leurs correspondants de la Marne, outre diverses
friandises, deux bouteilles de vrai champagne !
Vous
comprenez alors que la correspondance ainsi pratiquée apporte vraiment un élément
nouveau dans la vie et le travail de votre classe. Alors oui, votre activité sera
motivée. Quand ils écriront, vos élèves penseront à leurs correspondants ;
lorsqu'ils feront des enquêtes d'histoire ou de calcul, ce sera pour renseigner leurs
correspondants ; lorsqu'ils décriront leur village et leur région, avec cartes à,
l'appui ils ne s'acquitteront pas d'une vulgaire tâche scolaire : ils répondront
aux demandes ou aux désirs de leurs camarades.
Nous
verrons, dans un autre chapitre, comment ces considérations nouvelles influeront sur le
travail scolaire lui-même, sur la mise au point du texte libre et en général, sur le
choix et l'exploitation des centres d'intérêt.
Notre
enseignement ne sera plus axé sur la théorie intellectuelle scolastique, mais sur le
travail et la vie. Là, réside justement la grande conquête pédagogique et humaine de
nos techniques.
***
Je sais
que, dans les périodes difficiles que nous traversons, avec la cherté croissante du
papier, des timbres et des transports, la pratique ci-dessus risque de devenir onéreuse.
Nombre
d'écoles trouveront trop coûteuse l'expédition régulière de 20 à. 30 feuilles qui
permettraient d'avoir 30 journaux de plus à servir à des abonnés éventuels ou à
vendre à bon prix. Et l'on jugera parfois que l'envoi de lettres et de colis peut se
faire aussi bien en complément de la correspondance mensuelle par le journal scolaire, ce
qui représentera une sérieuse économie.
Certes,
chacun fait comme il peut. Mais nous avons tenu à. montrer la vraie ligne de l'efficience
pédagogique, sociale et humaine des échanges interscolaires, pour que ceux des nôtres,
qui, à cause des contingences défavorables, ne peuvent appliquer intégralement nos
techniques, ne soient pas étonnés si le rendement n'est pas lui-même à 100 % et,
qu'ils se préparent à améliorer et compléter leurs techniques au, fur et à mesure des
possibilités.
Plutôt que
la suppression du correspondant régulier, nous pensons qu'il serait peut-être
préférable que les intéressés eux-mêmes se mettent d'accord pour réduire
provisoirement, dans une certaine mesure, le rythme de leurs envois d'imprimés. Au lieu
d'envoyer 27 exemplaires de chaque imprimé, soit à 4 à 5, pages par semaine, on
pourrait se contenter, par exemple, d'un envoi d'une feuille de deux pages par semaine. On
choisirait le texte au mieux pour l'intérêt réciproque des échanges.
ÉCHANGES DÉLÈVES
L'intérêt
suscité par ces échanges interscolaires au cours de ces dernières années, a donné
naissance au complément idéa1 de notre interconnaissance, à l'échange d'élèves en
cours d'année.
Le
mouvement a été assez sérieusement amorcé cette année et plusieurs écoles ont ainsi
organisé, en juillet, l'échange de leurs élèves (1).
Les
élèves de l'école de X... sont partis avec leurs instituteurs chez leurs correspondants
qui leur avaient minutieusement préparé une émouvante réception ; l'instituteur
a, naturellement, été accueilli par son collègue ; à la descente du train ou de
l'autobus, les correspondants qui se connaissaient, et qui avaient échange des photos, se
sont retrouvés. Chacun part avec son correspondant.
L'expérience
a montré que cette pratique présente nombre d'avantages essentiels et fort peu
d'inconvénients. Inutile de dire que les conséquences pédagogiques de ces échanges
d'élèves sont décisives pour le succès de nos techniques.
La
révélation principale de tels échanges est que les parents en sont les plus satisfaits,
contrairement à ce qu'on aurait pu redouter. Aucune réserve. Enthousiasme sur toute la
ligne.
Un de nos
camarades avait, l'an dernier, conduit ses élèves chez ses correspondants
d'outre-frontière en Belgique. Il s'agissait d'un milieu essentiellement populaire de
mineurs et d'ouvriers d'usine. Au bout de huit jours, date à laquelle l'instituteur avait
promis de ramener les enfants, les parents insistent pour garder un peu plus longtemps
leurs hôtes. Ils ramèneront eux-mêmes les enfants Et l'instituteur rentre seul avertir
les familles.
Avec la
tendance actuelle à multiplier chaque été les excursions, les sorties, les colonies de
vacances, les échanges interscolaires pourraient prendre un très grand développement.
Mais il y aurait avantage alors à choisir les correspondants réguliers en fonction de
cette possibilité, en tenant compte de la distance. Nous invitons nos adhérents à
penser, en cours d'année, à ces possibilités de façon à réaliser l'an prochain cette
expérience à une bien plus grande échelle, à une échelle concluante.
(1) Voir B.E.N.P. 55 : Echanges d'élèves
et
59 : Voyage échange international.
TARIF DES.ÉCHANGES
Cette
organisation technique des échanges entraîne nécessairement des frais nouveaux. Il y
faut, certes, une économie différente du système scolaire. La forme individualiste des
manuels scolaires et des outils de travail strictement personnels doit peu à peu céder
la place à l'organisation collective, dont la coopérative scolaire sera tout à la fois
lâme et l'instrument..
L'envoi des journaux scolaires grève fort peu le budget puisque les envois de journaux régulièrement déclarés circulent au tarif des périodiques. Les envois groupés peuvent, être expédiés comme échantillons sans valeur. Dans certains départements on a même réduit ces frais en organisant les échanges au sein du département les envois pouvant circuler alors gratuitement, sous le couvert bienveillant de l'Inspecteur Primaire, Ce système n'a que l'inconvénient de réduire le rayon des correspondances au cadre du département, cadre trop étroit pour l'intérêt habituel des enfants.
ÉCHANGE DE DOCUMENTS
POUR LE F.S.C.
ET DE PIÈCES
POUR LE MUSÉE SCOLAIRE
Les
techniques de travail que nous recommandons nécessitent on le sait, une abondante
documentation (F.S.C. - Bibliothèque de Travail, musée). Mais elles supposent surtout la
participation active des enfants à, la constitution des collections et à
l'enrichissement du musée.
Au lieu de laisser les enfants échanger n'importe quoi, nous les
mettrons sur la piste pédagogique : ils demanderont à leurs correspondants des
documents graphiques (textes livres, photos, dessins, cartes) sur le milieu qui leur est
familier et que nous aurons tant d'avantages à comparer, au nôtre.
Par
l'échange de minéraux, d'animaux,
de végétaux, d'objets divers, nous comparerons de même leur pays, leur
constitution géologique et géographique, leur flore et leur faune aux mêmes éléments
de notre village. La recherche des roches, la chasse aux animaux, aux insectes,
l'observation permanente de la nature, prennent un sens. Ils ne sont plus des devoirs, ils
sont des nécessités nouvelles de notre nouvelle vie. Qu'on ne s'étonne point si, à la
suite de nos techniques, les écoles de notre groupe se passionnent d'une façon nouvelle,
profonde et dynamique, aux recherchés d'histoire, à l'étude des animaux, au vivarium et
à l'aquarium, au musée pédagogique.
C'est que
nous animons enfin ces momies que les professeurs avaient ensevelies dans les livres ou
dans les armoires. Et la vie produit des miracles d'intérêt et de connaissances.
LES PHOTOS - LES FILMS
LE CINÉMA - LE DISQUE
COMME COMPLÉMENTS
DE L'ÉCHANGE
Tout ce qui
ajoute à l'interconnaissance des écoles et des enfants correspondants est à
recommander.
Si vous avez un appareil photographique, photographiez vos élèves au travail, en sortie, à l'imprimerie, en tournée d'enquêtes, dans le village. Echangez ces documents qui apporteront dans les classes cette atmosphère de curiosité enthousiaste si favorable à, nos techniques.
Le film
serait encore supérieur naturellement à la photographie. Voici ce que nous avions
réalisé avant guerre et ce que nous devrons entreprendre à nouveau dès que les
conditions commerciales le permettront.
Notre
coopérative avait acheté des caméras Pathé Baby 9mm,5 qui circulaient entre
les écoles pratiquant l'imprimerie et qui possédaient, d'autre part, un projecteur 9mm,5.
Nous filmions nos élèves en récréation, en promenade dans leurs jeux un jour de neige
et de glissade, au cours de travaux familiers.
Nous
expédiions à nos correspondants les films ainsi réalisés. C'était un peu de notre vie
qui parvenait, à l'Ecole correspondante dont les élèves nous voyaient courir, rire et
jouer.
- Regarde-le !... Ça, c'est Pierre... et lui, là, Jacques, c'est mon correspondant.
Et vous
pouvez être assurés qu'un cinéma scolaire qui s'appuierait ainsi sur des films
familiers serait tout à la fois d'un intérêt majeur pour les enfants et d'un profit
pédagogique à 100 %.
Le disque,
comme le film, pourrait être un complément idéal des échanges interscolaires. Si nous
pouvions enregistrer sur disque le texte lu par un élève, ou la discussion qui s'amorce
en classe sur un sujet d'actualité, nos correspondants entendraient alors, à des
centaines de km de distance, la voix de ceux dont ils ont lu les travaux ou admiré les
dessins.
Radio et
télévision complèteraient encore techniquement le journal, le film ou les disques.
Tout cela
est du domaine de l'avenir, bien sûr, mais d'un avenir qui pourrait n'être pas éloigné
puisqu'il serait techniquement réalisable aujourd'hui même. Il est bon, en tous cas, que
nous montrions comment nos techniques, fondées psychologiquement, pédagogiquement et
socialement, restent tournées vers l'éducation de demain, sans rien négliger pourtant
des contingences de l'heure, dans le milieu difficile où évolue l'école populaire.
***
On nous a
demandé parfois s'il y avait avantage à conserver plusieurs années les mêmes
correspondants, ou s'il valait mieux en changer tous les ans.
Question
pour ainsi dire subsidiaire que chacun résoudra à sa convenance.
Lorsqu'on a
correspondu si intimement pendant toute une année avec les élèves d'une école, on ne
peut pas les abandonner ainsi, et, habituellement, on continue avec eux, quoiqu'il arrive,
et pendant longtemps, l'échange mensuel.
Il n'en est
pas de même pour l'échange régulier. Au cours de l'année, on a suffisamment fouillé
le village, les murs, les travaux de l'école correspondante. La deuxième année,
il y aurait inévitablement une part importante de redites un peu fastidieuses. Il est
préférable, en général de changer chaque année de correspondants réguliers.
Le
rendement normal et optimum des échanges suppose le respect par tous les usagers d'un
règlement qui ne vise point à brimer qui que ce soit, mais à garantir les droits de
chacun.
Nous
publierons ce règlement en fin de cet opuscule.
***
CE QUE DOIT ETRE UN BON JOURNAL SCOLAIRE
POUR ANIMER ET SERVIR
LES ECHANGES INTERSCOLAIRES
Le journal
scolaire est, avons-nous dit, l'outil essentiel de la correspondance. Il y a donc avantage
à en définir et à en préciser - à la lumière de notre longue expérience - la
conception, la réalisation et l'utilisation pour les fins particulières que nous nous
proposons.
Nous ne
visons certes pas à établir des normes définitives. Nous tenons bien trop à
l'originale diversité des centaines de journaux que nous recevons, diversité qui est à
l'image de la diversité des milieux et des maîtres, s'adaptant au mieux aux nécessités
locales, sociales, individuelles, subjectives et émotionnelles. Il est cependant de notre
devoir de dire à nos adhérents, aux nouveaux-venus plus particulièrement : telle
rubrique est toujours appréciée des correspondants, telle autre leur apparaît
fastidieuse... Voici les sujets à soigner ou à éviter...
TEXTE LIBRE OU TEXTE MOTIVE
Le texte
libre est notre création. Nous avons dû marquer cependant, dans la brochure que nous lui
avons consacrée l'an dernier, les réserves graves que nous faisons sur l'emploi courant
de ce texte libre.
Les
premiers journaux qui paraissent ont habituellement l'un des deux travers extrêmes :
ou bien ils
sont tout simplement des recueils de textes libres, choisis régulièrement par un vote
totalement libre, et qui, ont, de ce fait, certaines qualités. Mais, à la lecture ces
journaux manquent d'âme. Le petit correspondant lit un récit ; il ne le vit pas
suffisamment, parce que le journal n'a pas été fait pour lui ;
ou bien le
journal est trop artificiellement ordonné sur des centres d'intérêt.
On voit que
l'instituteur avait préparé depuis longtemps la matière à imprimer. Il en est qui ont
placé dans leurs premiers numéros des textes écrits un an auparavant et qu'on avait, à
ce moment-là, jugés dignes du futur journal.
L'enfant
sent là le scolaire, l'artificiel. Cela ne l'intéresse pas non plus.
Nous serons
à mi-chemin de cette entière liberté et de cette moderne scolastique. Non pas que nous
préparions une censure nouvelle. Il suffira d'axer nos journaux sur la correspondance
dont ils sont l'instrument, et d'écrire et d'imprimer, non pour nous mais pour nos
lecteurs, qui sont tout spécialement nos correspondants.
Encore une
fois, nous chercherons nos modèles et nos directives non dans la scolastique, mais dans
la vie. Un journal d'adultes ne risque pas d'imprimer ce qui intéresse d'abord les
rédacteurs. Le critère primordial est : que veulent, que désirent, que repoussent
nos lecteurs ? Seulement, l'asservissement au lecteur qui fait le succès commercial
est ici si total que les rédacteurs sont souvent contraints de rengainer ce qui les
aurait passionnés et d'écrire des « papiers » qui ne sont pour eux que des
pensums.
Il nous
faudra réaliser la conjonction de ces deux nécessités : textes intéressant la
classe éditrice, exprimant fonctionnellement leur milieu et leur personnalité, et
cependant particulièrement intéressants pour les correspondants.
Nous avons
la chance de pouvoir affirmer qu'en général l'expression libre de nos enfants est 90
fois sur 100 profondément intéressante pour les lecteurs qui réagissent selon les
mêmes processus de pensée et de vie. Je crois que les erreurs ou les faiblesses
viennent justement :
ou de ce
que certaines écoles n'ont pas encore de correspondants parce qu'elles n'en ont pas
compris cette nécessité que nous venons d'exposer ;
ou de ce
que le maître asservit trop le journal à sa pédagogie non encore modernisée.
CONTENU DU JOURNAL
Que
désirent nos lecteurs ?
N'oublions
pas que dans « journal »il y a « jour », et que le journal doit
donc grosso-modo nous apporter les nouvelles du jour. Non pas exclusivement ce que les
journalistes appellent « les chiens écrasés » : un enfant tombe ; un
incident à l'Ecole ou dans la rue ; le vent ou la pluie. L'enfant est beaucoup plus
profond philosophe. Pour lui, les nouvelles du jour c'est. d'abord la vie de ses camarades
dans leur milieu.
Il nous
faudra donc nous méfier :
- Des
centres d'intérêt trop longs, qui pendant une semaine ou davantage gravitent autour d'un
sujet quel qu'il soit. L'enfant veut connaître la vie quotidienne, et la vie n'est jamais
simple.
Dans nos
classes, deux, trois pages sur un même sujet sont un maximum.
Et si nos
enfants s'y passionnent pourtant, et cela arrive ; si un sujet les tient pendant de
longs jours ! Même dans ce cas il faudra leur faire observer que leurs
correspondants, qui ne sont pas dans la même atmosphère, se lasseront de leurs écrits.
- Des
longues études sur un sujet et plus particulièrement des monographies. ,C'est pour la
réalisation de ces monographies notamment que se commettent de lourdes erreurs
pédagogiques. Pendant de longues semaines, certaines classes ne travaillent qu'à leur
monographie.
Une étude
monographique bien conduite, avec enquêtes, recherches, documentation, peut, certes
intéresser longuement des enfants. Mais même dans ce cas il se produit quelque chose
d'anormal : la vie est suspendue. Et les correspondants sont particulièrement sensibles
à cette suspension.
Il est, en
tout cas, un fait certain les correspondants ne s'intéressent d'ordinaire que très
relativement à ces numéros spéciaux de monographie que l'instituteur, à vrai dire, a
réalisé la plupart du temps pour d'autres fins que la correspondance.
Mais voici
ce que nous recommandons - et vous sentirez alors la différence de conception :
Cette monographie, dont vous voyez la nécessité, vous la réaliserez progressivement,
lentement, au rythme de deux pages par mois, particulièrement soignées. Au bout d'un an
vous aurez 20 pages, ce qui commence à compter. Il vous suffira de prévoir chaque fois
un tirage supplémentaire spécial pour la monographie. Quand tout sera terminé, vous
agraferez ensemble sous belle couverture.
Pour les
mêmes raisons, nous recommandons une technique identique pour les enquêtes : étude
de la noix, du blé, des betteraves, des olives, etc...
Ce n'est
que très exceptionnellement que vous consacrerez des numéros spéciaux à ces sujets,
parce que, nous le répétons, ils risquent de suspendre la vie. Mais répartissez sur
plusieurs mois, sur plusieurs années même. Et vous aurez alors un beau recueil qui vous
donnera satisfaction.
Le
limographe vous offre peut-être aujourd'hui d'autres possibilités. Si le tirage au
limographe vous permet de réaliser ces enquêtes en suppléments pour ainsi dire, sans
interrompre les autres textes vivants, alors ce sera parfait.
Il en est
de même pour les conte : Il y a, dans nos classes, des vogues, des
manies : pendant de nombreux jours, pendant des semaines parfois, tous les élèves
apportent des contes. Et vous imprimez des contes. Seulement, attention : vos
correspondants diront sûrement : Ils ne font que dire, écrire ou écouter des
contes, alors... C'est tout leur travail, toute leur vie !...
Ce n'est pas non plus parce que vous avez réussi une scène de
théâtre ou de guignol que vous devez l'imprimer tout au long pendant une dizaine de
pages. D'abord, il n'est pas très sûr que vos enfants soient tellement emballés par
cette besogne. Et les lecteurs regretteront les autres rubriques.
Un bon
journal, intéressant pour les lecteurs doit comporter :
- D'abord
la vie au jour le jour des enfants dans leur milieu. Non pas le récit de tout ce qui se
passe dans notre école ou dans le village, mais la transcription ou la transposition de
tout ce qui s'y passe d'intéressant. Faisons comme le cinéaste qui filmerait cette
vie : il ne reproduirait point la vie quotidienne, du matin jusqu'au soir, la
régularité et même l'extrême fidélité l'exaspèrent. Mais il met en valeur ce qu'il
y a d'exaltant, d'émouvant, de significatif dans cette vie. Et il a raison : le
reste, le menu fretin de la journée s'évanouit très vite. Il est des moments, par
contre, qu'on n'oubliera jamais. Ce sont ceux-là qu'il faut faire sortir de l'ombre.
Cette vie
au jour le jour ne doit prendre qu'exceptionnellement la forme « Nouvelles ».
Il faut chercher le vivant, le beau, l'émouvant.
Nous
conseillons la pratique suivante : Le lundi matin, partiellement occupé par la mise
en train du travail et la préparation des plans, sera consacré à une page de Nouvelles
avec :
Compte
rendu de la réunion coopérative dit samedi précédent (coup dil sur le
passé). Rapides nouvelles du pays et de l'école. Réponses aux correspondants. Projets
pour la semaine. Et cette page est polygraphiée au limographe. Elle fait le lien entre
les divers textes du journal.
Au cours du
mois, nous tâcherons de varier les genres, ainsi que la présentation des textes. Nous
terminerons par une page d'observations météorologiques du mois et des jeux.
En somme,
nous devrons avoir la préoccupation, comme pour un grand journal, d'intéresser nos
lecteurs, et plus spécialement nos correspondants.
***
Mais alors,
diront les profanes, cen est fini du texte libre. Vous en reviendrez peu à peu au
sujet imposé, non plus cette fois pour les exigences de la scolastique, mais pour le
journal.
Il ne
s'agit point de cela, mais de motiver ces textes libres par les échanges interscolaires.
Le texte imprimé ne sera pas obligatoirement celui qui, par lui-même, paraît le plus
intéressant, mais celui qui, fonctionnellement, dans la vie nouvelle de notre classe dont
les échanges sont partie intégrante, répond le mieux à nos besoins communs. Nous
n'avons pas l'intention, en effet, de faire de la pure littérature ou des sciences
abstraites, mais de suivre et d'exploiter la vie.
La plupart du temps un beau texte
d'enfant, qui est l'expression vivante de la classe et du milieu, sera parfaitement à sa
place dans le journal. Mais si la mode vient par exemple des poèmes, quand vous en aurez
imprimé un, deux, dites seulement : Croyez-vous que vos
camarades seront satisfaits de ne lire que vos poèmes ? Ne vous ont-ils pas
posé des questions pressantes ? Ne voulaient-ils pas savoir telle ou telle
chose ?
Cela ne s'appelle pas faire
pression sur les enfants mais leur rappeler une nécessité de leur vie et de leur
travail : ils comprendront et ils décideront d'ailleurs librement, quittes à
recevoir les remontrances de leurs camarades.
Il en sera de même pour tous les genres qui se répètent :
enquêtes, contes même. Et aussi pour certains sujets délicats ou vulgaires :
Pensez vous que vos correspondants
seront heureux de voir un tel texte sur votre journal ? Ils n'oseront même
pas le montrer à leurs parents ?
Cela suffira.
Comme on
le voit, il ne s'agit ni de la liberté, totale ni de la censure du maître, mais de la
vie et de ses nécessités impérieuses. Vous éviterez ainsi les travers de réaliser un
journal trop scolastique, trop à l'écart de la vie, ou de sombrer au contraire dans le
subjectif excessif et le vulgaire. La vie et le travail nous commandent.
Cette
motivation par les échanges sera encore facilitée si les écoles qui reçoivent les
journaux ne craignent pas de formuler les critiques spontanées des jeunes lecteurs. Une
page mensuelle polycopiée serait utile pour passer en revue les journaux reçus vanter
les pages intéressantes, critiquer les insuffisances, aidant les auteurs à améliorer
leur technique, en axant toujours davantage leur travail sur la correspondance.
AUTRES ASPECTS
DES ÉCHANGES
Les
possibilités psychiques, intellectuelles, pédagogiques et sociales des échanges ainsi
organisés sont infinies.
Nous
signalerons seulement le développement de la philatélie, qui a une vogue hélas !
trop spéculative et qui pourrait pourtant être exploitée pédagogiquement de façon si
productive. Parmi tous les objets d'échange, les images, les photos et les timbres sont
les plus prisés. Cet attrait de la collection poussera notamment aux échanges
internationaux dont nous parlerons plus loin.
Nous avons,
au sein de notre mouvement, entrepris d'autre part certaines réalisations qui aident et
soutiennent la correspondance interscolaire :
Dans le
cadre départemental, les écoles travaillant selon nos techniques éditent des Gerbes départementales
qui sont les plus originaux des journaux. Chaque école adhérente tire à 80 ex. une
feuille particulièrement soignée (texte et dessins en linos). Elle les envoie à un
camarade chargé du groupage qui relie les feuilles reçues sous couverture spéciale. On
a ainsi une brochure tirée à 80 ex., dont une partie des exemplaires est répartie entre
les adhérents coopérateurs, dont le reste est le meilleur document de propagande qu'on
puisse imaginer.
Par ce
procédé, chaque école se trouve comme englobée dans une oeuvre commune. Elle se mesure
ainsi avec les autres écoles et est poussée de ce fait à se dépasser - ce qui est
toujours excellent.
Notre revue
nationale La Gerbe rend un peu le même office. Les plus belles pages, les
plus beaux linos produits par les écoles de notre mouvement sont imprimés dans La
Gerbe qui est ainsi un instrument permanent de collaboration et de progrès.
CIRCULATION
DES JOURNAUX SCOLAIRES
EN PÉRIODIQUES
Une loi
récente autorise les journaux scolaires imprimés selon les Techniques Freinet à
circuler au tarif réduit des périodiques.
Il suffit
que les éditeurs de journaux, scolaires se fassent inscrire auprès de Freinet, à Cannes
qui, en accord avec les P.T.T. d'une part, la Commission Paritaire des Papiers de Presse
d'autre part, attribuera un n° d'inscription donnant le droit de circulation.
Ecrire à
Freinet, Cannes, dès parution de votre journal.
AVANTAGES PEDAGOGIQUES
DES ECHANGES INTERSCOLAIRES
Quiconque a
lu attentivement ce qui précède et a compris le sens profond des échanges que nous
recommandons, se rend compte des avantages considérables de ces pratiques : elles
motivent toute notre activité ce qui est une de nos grandes conquêtes
pédagogiques ; elles socialiseront notre effort en le plaçant dans les normes
habituelles de la vie ; elles sont une des meilleures préparations qu'on puisse
souhaiter pour l'homme de demain.
Nous nous
contenterons dans ce chapitre de reproduire quelques passages des nombreuses études qui
ont paru dans nos revues depuis vingt ans. Elles n'épuisent certes pas le sujet dont nous
continuerons l'étude dans l'espoir de publier un jour un véritable livre sur
l'exploitation pédagogique des échanges interscolaires.
DE L'ÉMOTIONNEL AU FONCTIONNEL
Dans la
curiosité et l'empressement des, néophytes, dans l'engouement de la nouveauté, dans la
tendance latente à la solution de continuité de la besogne plus ou moins pénible,
l'émotion domine dans l'attitude des correspondants à la réception des échanges.
Il faut
respecter ce premier état de grâce qui se prolongera assez longtemps tout au moins sous
forme sporadique.
Mais à cet
élan émotionnel, succédera l'attitude fonctionnelle.
C'est alors
que la technique d'échange s'intègrera sûrement, profondément au centre de la vie
scolaire. L'intention, la préoccupation de connaître, de savoir, de répondre, de
correspondre, affecteront le subconscient scolaire de l'élève. Il durera, il mûrira, il
s'épanouira et il se réalisera non pas hâtivement et superficiellement souvent, mais
nourri de réflexion, complètement, pleinement pour le plus grand profit du sujet et de
l'objet.
Cette
évolution se remarque nettement avec la différenciation des âges, des degrés
scolaires.
Avec les
grands des C.C. et autres cours similaires, l'attitude fonctionnelle sera de règle
générale et nécessaire étant données l'ampleur et l'importance des travaux.
Avec les moyens, quelques concessions occasionnelles,
temporaires, à l'émotionnel, tout juste pour amorcer, pour laisser
l'appât en suspens. Après avoir exprimé et fixé les
intentions, - au besoin même par écrit dans un calendrier des activités - laisser
décanter, puis réaliser.
Enfin, avec
les tout-petits, avec les spéciaux, anormaux en particulier, c'est l'émotionnel qui
prédominera, il faudra y souscrire sous peine d'oubli, de stérilité. (Contribution
à la psychologie de l'échange, par Alziary)
L'ÉCHANGE
INSPIRE L'EXPRESSION
« M'sieu,
j'ai une jolie rédaction pour Albi ! »
C'est là
une exclamation courante qui tient lieu de salut entre le maître et l'élève au moment
où ils se retrouvent le matin.
Une
conversation s'engage : le maître, naturellement, veut savoir. Il s'intéresse comme
tout autre membre de la communauté à ce qui a touché l'un d'eux. C'est la plus proche
communication qui se recueille dans l'entourage. La forme parlée amorce, prépare,
complète l'expression écrite destinée au correspondant.
Et
l'élève va déployer tous ses talents, tous ses efforts pour se manifester aussi à de
lointains camarades. Il va s'exprimer par l'écriture, par le dessin pour ses semblables.
Ce n'est pas une activité formelle mais bien fonctionnelle. Il n'accomplit pas un
exercice ; il ne remplit pas un devoir ; il s'intègre dans une oeuvre. Il se libère, et
pas en vain, mais pour d'autres.
Et cette
activité fonctionnelle prend toutes sortes de formes eu égard aux tempéraments, aux
circonstances, aux besoins, aux réactions.
Dans la
forme écrite d'abord on se raconte, puis on essaye de placer les correspondants dans
l'ambiance, dans le cadre où l'on évolue - l'étude du milieu ne se poursuit pas
méthodiquement et invariablement selon des prescriptions et normes administratives, mais
sous l'empire de la vie propre au milieu considéré. - Alors on répond, on demande, on
communique des documents. Des enquêtes soffrent. Et elles requièrent alors à
leurs services tous éléments d'échanges : écrits, graphiques, matériels.
On écrit
pour dire ou pour demander quelque chose. L'échange foncier réside dans la lettre. Toute
une gerbe de lettres individuelles accompagne l'échange général de journaux scolaires
ou autres. C'est le plus naturel et le plus indéfectible, surtout quand les enfants
prennent de l'âge.
L'ÉCHANGE
ANIME LA RÉALISATION
Par
l'échange, l'élément qu'on va envoyer prend une vie anticipée dans un cadre familier,
dans un milieu sympathique. Il ne faut pas qu'il y détone, bien plus il faut qu'il
l'enrichisse.
En corsant
un dessin spontané d'illustration, de belles formes, de couleurs fraîches, combien
d'élèves s'écrient en substance dans leur argot : « Pige un peu dis, quand
ils recevront ça ! »
Et impitoyables critiques, ils expriment et dénoncent véhémentement les erreurs, les insuffisances des envois reçus. Ils tâchent de ne pas s'exposer au même verdict ou de tenir compte des avis formulés. Le jugement de leurs pairs pèse inconsciemment, incorruptiblement sur leur oeuvre en cours. Par l'échange, celui qui réalise - groupe ou individualité veut satisfaire, insister et surtout dépasser. C'est de la meilleure émulation. La volonté y retrouve son moteur foncièrement sentimental. L'effort prend son véritable sens, sa partie naturelle, et ce n'est pas parce qu'il est sollicité, voulu, joyeux qu'il n'existe pas !
Ainsi, dans
la réalisation s'épanouissent les tenants éminemment éducatifs : initiation
personnelle, éclectisme des moyens constance de l'effort, goût du fini, du bien fait...
Tout cela rejoint la grande loi psychologique : on travaille toujours pour quelqu'un.
L'ÉCHANGE
ORIENTE L'ASSOCIATION
L'intérêt se révèle naturellement,
spontanément.
« La rivière d'ici (T dans le
Var) passe à Niederroedern (dans le Bas - Rhin) Msieu ? »
L'élève poursuit :
« Et où elle va la rivière
d'ici ? »
Intérêt d'association à exploiter
sur-le-champ.
Léon, le 14 Mai, lit un texte de
Trégunc intitulé « Avril ».
T demande :
« 'sien, c'est Avril à
Trégunc ? »
Le maître explique que c'est le 14
Mai partout. Universalité du temps.
Un exemple de question
d'association... sociale.
« - C'est vrai, M'sieu,
ça ?
- Est-ce que les histoires que nous
envoyons sont vraies ?
- Oui, Msieu !
- Eh bien, celles que nous recevons
aussi ! »
LES ÉCHANGES INTERSCOLAIRES
SOURCES DE DOCUMENTS
Nos
méthodes nous permettent d'élargir le cadre de nos investigations. Toutes les classes de
notre groupe ont des correspondants variés et nombreux. Chacune à son journal doit
ajouter sa page d'Histoire Vivante. Chaque mois, tirée du milieu local, une documentation
précise sur un sujet courant est reproduite. Quelques-uns de nos correspondants le font
déjà. Supposons que nous recevions chaque mois dix feuilles de documentation historique,
de dix classes situées à travers la France, de la Bretagne au Rhin et du Nord aux
Pyrénées. Ce chiffre n'a rien d'excessif. Les dix mois scolaires nous donneraient par an
cent documents d'une incontestable valeur. La création de cette page d'Histoire (locale
ou non), offre de nombreux avantages. Elle permet la création d'une masse de richesse
documentaire qui progresse, constamment. Elle motive la recherche des sujets et entraîne
par-là la classe à l'action dans le sens désiré. Les écoles qui n'ont jamais eu
l'occasion d'étudier des archives trouvent un amorçage parfait du travail d'histoire
rénové.
Elle donne
plus de variété et d'intérêt au journal scolaire. L'enfant tiendra à cette rubrique
et c'est tout l'enseignement historique qui en bénéficiera.
L'esprit
scientifique de l'histoire commande de comparer les événements. Quand chacun dans son
milieu prospecte et soumet à la réflexion des autres les fruits de ses recherches c'est,
à notre avis, le meilleur travail que l'on peut faire dans nos classes. Nous citerons un
exemple montrant la valeur complémentaire de ces documents. Durant la Révolution, dans
notre commune, le curé ne voulut point prêter serment et nous avons publié dans notre
journal, rubrique Histoire vivante : « Un prêtre réfractaire ».
Nos correspondants de Rigny La
Salle (Meuse), dans la même rubrique, par un article à peu près semblable et à la
même époque, nous apprenaient, par leur journal, que chez eux tous les prêtres avaient
été « jureurs » Mêmes textes de lois, même serment à faire, résultats
totalement opposés avec des raisons justifiant chacune des situations. Nous estimons que,
sans avoir à intervenir, sans chercher à faire « apprendre », nos élèves auront
été intéressés et auront compris naturellement. Cette comparaison des différents
milieux soutient la curiosité. Voilà ce qu'ont trouvé des camarades ! Y a-t-il
quelque chose de correspondant chez nous ?
La question
de ces échanges et de cette fraternelle entr'aide est susceptible d'un grand
développement. Nous souhaitons voir se former au sein de notre groupe des équipes
résolues et actives quant au travail d'Histoire, dirigées dans une voie de coopération
toujours plus intégrale.
***
LES ÉCHANGES INTERSCOLAIRES
NOS CONNAISSANCES
GÉOGRAPHIQUES
ET SCIENTIFIQUES
Ce qui est dit ci-dessus au sujet
de l'Histoire est, encore plus réel lorsqu'il s'agit de Géographie.
La lecture
de petits journaux venant de tous les coins de France ouvre aux enfants des horizons
nouveaux et leur permet d'acquérir des tas de connaissances.
Voici
comment nous procédons : au journal mural, nous avons 2 cartes format 45x50 environ,
l'une représentant notre département, l'autre représentant la France. Au début de
l'année scolaire, nous marquons sur chacune d'elles les endroits où sont nos
correspondants et nous les relions au point qui indique notre commune ; celle-ci,
pour la circonstance, semble devenir le centre du monde.
Au moins
une fois par jour, nous consacrons un moment à la lecture des journaux scolaires. Chaque
« responsable », lit un texte il haute voix à ses camarades écoutent et il a
été bien entendu une fois pour toutes que nous ne laissons jamais passer un nom de ville
ou de pays sans chercher à le situer.
Exemple :
I. - Un camarade de Loulay ,(Charente Maritime) est allé à Royan en traversant la
Charente sur le pont de Saintes. Nous allons à la carte du département, nous montrons
Saintes, Royan ; si ces villes ne sont pas marquées, nous les marquons. Une
recherche dans le fichier, et voilà des vues de Saintes avec la Charente, des vues de
Royan et de sa plage qui illustrent joliment la lecture,; nous les fixons au journal mural
où elles recevront de nombreuses visites.
2. Nos
camarades de Simiane (Basses-Alpes) sont allés à Marseille. « C'est-y loin
d'ici ? » Allons voir. Marseille n'est pas indiquée sur notre carte. Vite,
faisons un point rouge à la place qu'elle doit occuper. Ah ! nous ne sommes pas tout
près de Marseille, mais nos camarades de Simiane n'en sont pas aussi éloignés.
(Essayons d'évaluer les distances.) Ils se sont arrêtés à Marignane où ils ont vu des
avions, hydravions, etc... Avec le secours du fichier (toujours lui) nous allons faire
comme nos petits amis. Et voilà affichées de belles photos d'un aéroport, d'un
hydravion en plein vol, de l'intérieur d'un avion de transport, etc...
Ils ont traversé un bois de pins
et vu les petits pots où coulait la résine. Nous, nous avons bien vu des pins, mais
jamais de pins qui donnent de la résine. Et d'abord, qu'est-ce que c'est que cette
résine ? Voilà un tout petit bout de phrase sur lequel nous allons travailler
plusieurs jours, car justement grâce à une école des Landes, nous avons pas mal de
documents sur l'exploitation du pin : textes d'enfants, dessins des outils du
gemmeur, renseignements sur le pin, son rendement, sa durée, etc... Nous possédons aussi
deux grandes vues (dont une photo prise au cours d'un séjour dans la région),
représentant un gemmeur au travail. Tout cela est affiché, lu, commenté, et donne lieu
à mille questions que nous tâchons de satisfaire.
Nous
n'oublions pas, non plus, de situer la région des Landes sur la carte de France et de
marquer sur celle de notre département les endroits où se trouvent des forêts de pins.
Ces rapides
exemples donnent une idée de ce qu'il est possible de tirer de la lecture des journaux
scolaires, surtout si l'on possède un fichier assez riche.
Aussi fructueux est l'échange de lettres et documents. Nous avons correspondu deux années de suite avec une école de la Vendée et le marais vendéen n'avait plus de secrets pour nous ; nous connaissions les fameuses « bourrines », les canaux, les « nioles » et leur « nigle » ; nous avons même conservé une petite niole en bois confectionnée par nos amis vendéens, et nous allons souvent la faire flotter sur la Brédoire.
Grâce à
nos correspondants de Vendée, nous connaissons le littoral et ses ports : St Gille,
les Sables, etc... et nous avons fait avec les lettres et les cartes qu'ils nous ont,
envoyés un joli panneau sur leur, région. L'an dernier, ce sont ceux de Touraine qui
nous ont adressé photos et dépliants sur la vallée de la Loire. Ceux du Tarn, dans un
colis, nous ont envoyé un morceau de granit du Sidobre de Castres. Cette pierre en mains,
les enfants ont compris facilement que tous les terrains ne se ressemblent pas.
L'échange
de lettres collectives amène les enfants à poser des tas de questions à leurs
correspondants sur leur pays , sur leur façon de vivre, etc... L'an dernier, les miens
ayant demandé à ceux du Tarn si une rivière passait chez eux et ceux-ci ayant répondu
que la Durenque arrosait leur commune, nous avons découvert en regardant la carte que si
la Brédoire était navigable nous pourrions, en bateau, aller jusqu'à Noailhac en
descendant la Buosonne, la Charente, en suivant la côte jusqu'à la Gironde et en
remontant la Gironde, la Garonne, le Tarn, l'Agout et enfin la Durenque. Quel beau
voyage !!
En
résumé, les échanges interscolaires (journaux, lettres, documents) mettent de la vie
dans la classe et permettent aux enfants d'acquérir, dans la joie, de nombreuses
connaissances, surtout si elles sont complétées par un fichier bien garni.
Peut-être,
diront certains, ces acquisitions sont-elles un peu chaotiques. Je ne crois pas que ce
soit une critique grave et je peux affirmer que ce que les enfants apprennent ainsi, ils
ne l'oublient pas de sitôt.
***
DANS UN C.E. INDIGÈNE
...Lorsque
je décidai l'achat d'une imprimerie pour ma classe, je ne pensais, je l'avoue, qu'au
profit immédiat que nous en retirerions, mes filles et moi : atmosphère de travail
joyeux et fécond animée d'un formidable souffle de vie jeune, fraîche, naïve.
Néanmoins, comme tous les imprimeurs, je demandai à notre service d'échanges de vouloir
bien m'incorporer dans deux équipes de 8 imprimeurs. De sorte que, bientôt, nous fûmes
abondamment pourvues de petits journaux scolaires, venant de tous les coins de France et
d'Afrique et qui firent la joie de toutes. Ils furent lus, soit individuellement, soit
collectivement, à voix haute. Et questions et remarques de fuser
partout : »M'selle, qu'est-ce que c'est, les truffes ? » « M'selle,
ils disent que leur papa sème le blé : il y a longtemps qu'il est semé,
ici ! » « M'selle ! les hirondelles de Cormicy sont parties, et les
petites, filles demandent si elles sont arrivées à Tlemcen ?! » Eh
bien ! que leur dirons-nous ? Elles quittent aussi Tlemcen :
pourquoi ? Peut-être répondrons-nous par une lettre collective ou par le journal...
Mais, décidément, ces petites filles de Cormicv écrivent de bien jolies choses dans
leurs journaux et font de beaux et frais dessins. De là à penser : « Si nous
leur écrivions régulièrement », il n'y a qu'un tout petit pas que vous pouvez,
d'un mot, aider à franchir.
Et, bien
vite, des lettres adressées à toutes les petites camarades lointaines partent,
avec des appréciations sur le beau journal, ses textes amusants, ses beaux dessins
accompagnés de cartes du pays. Là, le château de Cormicy, la cathédrale de Reims,
etc... des caves vinicoles ; ici, des paysages tlemcéniens si variés, si colorés.
Quelle avidité de lire ces premières lettres !
C'est alors
que jaillit une gerbe de lettres fraîches et naïves, purs reflets de, l'âme de
l'enfant. Que racontent-elles ? Tout ce qui se passe dans leur vie d'enfant et
qu'elles racontaient déjà à la maîtresse pour le journal scolaire : leurs joies,
leurs petites peines, leur étonnement devant les choses de la vie : une floraison de
pensées charmantes s'échappent du cur de l'enfant vers l'ami choisi, floraison
sans cesse renouvelée par cela même que l'enfant est avide de donner, de connaître et
de recevoir. C'est pourquoi très vite aussi nous vint l'idée de faire suivre nos lettres
de colis. Pour envoyer quoi ? Du couscous, de la bonne galette, des gâteaux
confectionnés par les mamans ou les grandes surs et que nos amis de France
trouveront délicieux malgré la longueur du voyage ; colis de dattes et de nougat et
enfin produits de l'industrie locale : petits tapis en haute laine, cuirs. En
échange, nous recevions des spécialités de là-bas... et deux beaux livres de
contes de France. Car nous profitons de ces envois personnels pour y glisser des documents
d'intérêt collectif pour les unes comme pour les autres ; il suffit d'un mot de
le suggérer aux enfants ; et les journaux échangés nous, sont d'un précieux
secours pour cela. C'est ainsi que nous avons été amenés à parler du travail de la
laine, de la préparation des olives, à préciser les coutumes de notre pays, etc...
L'arrivée
et l'envoi des lettres, colis et journaux, sont un enchantement de part et d'autres.
Ecoutez plutôt Ginette écrivant à son amie Mina :
« J'étais
bien contente quand j'ai reçu ton paquet. Quand j'ai vu le petit nègre, j'ai bien
ri ; les gâteaux et les friandises étaient appétissants ; les petits
baigneurs, on les a accrochés à la lampe ; tous les soirs, en mangeant la soupe, je
les regarde, et je dis : Ils ont fait un grand voyage ! Ah ! je voudrais en
faire un aussi long ! - Je te remercie de tes beaux trésors ; tu es bien
gentille. Le printemps est revenu ; les arbres sont fleuris ; les pêchers et quelques
cerisiers sont défleuris. Je t'embrasse bien fort ainsi que ta maîtresse. »
Et il faut voir comme on s'applique pour ces lettres ! Avec une persévérance et un plaisir rares ! pas de tache, bien sûr ! et une écriture presque parfaite ! Enfin, de beaux dessins et des découpages savants agrémentent la lettre. Point n'est besoin de se gendarmer pour obtenir cela d'elles toutes ! Elles le font naturellement : dès qu'un enfant se lie avec un autre par des échanges incessants de lettres et de colis, il trouve naturellement en lui des ressources pour faire plaisir à son nouvel ami et se montrer digne de lui. Rien ne le rebute. Les poésies mêmes le tentent, et il y réussit. Voici la marguerite :
Dans la prairie,
Comme
elle rit !
Elle a
une collerette
Comme une
Pierrette,
Et un pied
Pour danser !...
Je pense,
par ces exemples, avoir suffisamment montré tout ce que les échanges interscolaires
apportent de vivifiant, d'éducatif et d'instructif à l'enfant : développement de l'altruisme
chez lui, éclosion de sa personnalité, enrichissement de son vocabulaire et de ses connaissances
géographiques, historiques et scientifiques. Car nos échanges ne se bornaient pas à
une seule école... une quinzaine de classes nous envoyaient leurs journaux comportant là
des détails précis sur la fabrication du pain d'épices, les plantations d'asperges, la
préparation du cidre, du marc ; là, des documents historiques vivants puisés dans les
archives communales, etc...
L'Ecole
devient ainsi une ruche où la Vie bourdonne et chante.
***
LA CORRESPONDANCE
INTERSCOLAIRE
AVEC LES PETITS
Ce que les
enfants cherchent dans leur courrier, c'est pour ainsi dire le prolongement d'eux-mêmes,
un écho de leur propre personnalité, c'est ce jaillissement de vie qu'ils y mettent. Et
plus nos textes seront spontanés, plus ils plairont à nos enfants, parce qu 'ils
répondent à leurs besoins psychologiques : les jeux de poupée, de ménage, plairont
irrésistiblement aux petites filles ; les histoires de bêtes charmeront toujours
les garçons. Lorsque nos élèves se ruent sur leur correspondance, c'est avec l'espoir
de se retrouver un peu eux-mêmes, c'est avec l'intention de passer un moment agréable,
tout comme nous lisons un beau livre pour y puiser des jouissances artistiques. Si, par
surcroît, ils y puisent aussi des connaissances scientifiques, profitons-en mais ne
recherchons pas ce but trop prématurément, au risque de diminuer le souffle de vie.
Outre
l'émotion que cette correspondance procure à nos petits élèves, elle est une source de
profits. Elle motive la perfection de nos textes à tous les points de vue. Il faut en
effet qu'ils soient bien imprimés ou bien écrits pour être lisibles, d'où application
du tirage, ou de l'écriture ; et je pourrais citer des petites filles qui ont totalement
changé leur écriture pour faire une jolie lettre àleur amie. Il faut ensuite que le
texte soit intelligible pour des étrangers, aussi au moment de la rédaction avons-nous
à préciser un détail, à compléter une idée. Et il faut encore, si l'on veut plaire
à, ses amis, que les enfants sentent bien qu'il y a des détails qui « font
joli » le devoir, et ils arrivent bien vite à choisir les incidents
caractéristiques d'une veillée, par exemple, ou d'une promenade en montagne.
Mais
surtout l'enfant apprend par cette correspondance à sortir de lui-même, à penser à
quelqu'un d'autre, et à faire quelque chose pour lui, avec la juste pensée de
réciprocité. Il faut remarquer qu'il y a chez lui une franchise de critique que les
adultes pourraient prendre en exemple :
- Je ne
fais pas d'aussi jolies lettres que toi, écrit Madeleine ; tu en fais de si jolies !
- Je ne
suis pas contente de toi, Huguette, écrit Mimine ; si tu ne m'envoies pas de lettre,
c'est bien fini, je ne t'écrirai plus.
Que de
sérieux vraiment dans toutes ces réflexions ! Recevoir une lettre, en écrire une
envoyer un livre ; ce sont là, des occupations importantes d'adultes : il
s'agit d'y mettre toute son application, tous ses moyens : et on l'illustre, et on la
relit, et on la corrige. Le lointain camarade devient quelqu'un de vivant, de qui l'on
attend des nouvelles, à qui l'on pense souvent, à qui l'on s'identifie. Y aurait-il
meilleur acheminement vers la compréhension duvres adultes que cette
compréhension d'enfants semblables à soi ?
***
DE GRACE,
UNE BONNE ÉCOLE
CORRESPONDANTE !
Nous
considérons comme absolument nécessaire au succès complet de l'Imprimerie à l'Ecole,
la désignation d'une bonne école correspondante.
Depuis
Octobre, notre classe est en relations avec celle de notre camarade Boissel, de
l'Ardèche..
Très
régulièrement, nous recevons les imprimés qu'il fait tirer. De plus, chaque élève de
Landrévarzec a son correspondant particulier ardéchois, auquel il écrit absolument en
toute liberté. Chaque semaine les envois sont groupés, et nos élèves reçoivent ainsi
lettres, cartes postales, bons-points, images, auxquels ils attachent le plus grand prix.
Un échange
de colis s'est activement pratiqué.
Mercuer
nous a adressé : du vin blanc, du vin rouge, du chasselas, des arbouses, des
marrons, des coings, des olives et un envoi fort généreux de friandises au Nouvel An.
Nous avons
expédié : du cidre, des pommes, une coiffe, une poupée bretonne, des crêpes, du
gâteau breton.
Naturellement,
expédition et réception de ces richesses sont un moment où la vie bout dans nos
classes.
Le profit
pédagogique d'une joie, d'une activité aussi fébriles, l'acquis géographique et
l'initiation à la vie pratique (fonctionnement de la poste, etc...) sont d'un intérêt
supérieur incontestable.
Nous avons
pratiqué l'imprimerie sans une bonne école correspondante. Nous voyons la
différence et c'est pour cela qu'en titre de ce petit article nous avons lancé notre
apostrophe-prière. Elle n'est point pour nous, cette année, mais elle est pour vous
tous, camarades, dont le correspondant ne « vit » pas ou qui n'en avez point.
CORRESPONDANCE INTERSCOLAIRE
INTERNATIONALE
La
technique de correspondances qui nous a si totalement réussi sur le plan national
présente naturellement les mêmes avantages pédagogiques, sociaux et humains à
l'échelle internationale.
Si la
correspondance individuelle, par lettres et documents est intéressante, pratique et
profitable avec des enfants au-delà de 14 ans, notamment pour l'apprentissage des
langues, il n'en est pas de même des élèves du niveau primaire pour lesquels la lettre
n'est qu'un outil encore bien trop imparfait pour cet usage.
C'est ce
qui explique quil existe des organismes nationaux et internationaux pour les
correspondances du 2e degré, mais que rien de pratique, n'ait été fait avant
nous pour le primaire.
Toujours le
même procédé : nous organisons l'échange de classe à classe, si possible par le
truchement d'un journal imprimé ou polygraphié, à défaut par l'échange d'albums.
Nous
étions déjà parvenus à des résultats intéressants avant guerre avec des centaines
d'adresses en tous pays et des équipes de traducteurs au service des écoles. Le succès
de ces réalisations était lié à l'effort de deux camarades dont le souvenir nous reste
particulièrement cher : Bourguignon qui, grâce à sa connaissance de plusieurs
langues, assurait les liaisons en partant des langues nationales ; Boubou, le grand
militant espérantiste qui avait des correspondants dévoués et des amis dans tous les
pays du monde. Tous deux sont morts en déportation, victimes de, la réaction
obscurantiste qu'ils sapaient non par des discours mais par des actes.
Hélas !
nous ne pouvons aujourd'hui qu'à grand peine marcher sur leurs traces. A l'ère de la
radio qui nous met à chaque minute en communication avec le monde entier ; alors que les
noms, les pays, les villes de l'univers deviennent familiers aux enfants par le
cinéma ;, quand l'avion semble se rire des poteaux frontières, les relations entre
pays sont plus difficiles que jamais. Disons qu'elles sont pratiquement impossibles.
Espérons que des jours meilleurs viennent bientôt. Ils seront comme le témoignage des
progrès effectifs de la vraie paix dont les éducateurs voudraient bien être les plus
actifs des artisans.
Pour l'instant donc, nous n'avons pas grand chose à offrir aux
nombreuses écoles qui demandent des correspondants à l'étranger : sauf la Suisse,
l'Italie et la Belgique où notre mouvement prend de l'extension et où s'éditent de
nombreux journaux scolaires en français.
Nous sommes
en train de nouer des relations qui nous laissent beaucoup d'espoir avec les écoles
d'Amérique, latine : Mexique, Cuba, République Argentine, Chili, Brésil, etc... Il
existe là-bas un important mouvement des Périodiques scolaires qui a même
convoqué, il y a deux ans, un grand congrès officiel. Nous ne sommes certes pas
étrangers à la naissance et au développement de ce mouvement, mais nous devons dire
qu'il répond insuffisamment à nos soucis pédagogiques. Ces journaux scolaires qui sont
édités par centaines, en général tirés au limographe, ne sont, la plupart du temps,
que des bulletins de liaison entre l'Ecole et la famille. Ils ne manquent certes pas
d'intérêt mais ils ne sont point intégrés comme les nôtres à toute l'activité
scolaire ; ils ne sont pas des outils scolaires.
Notre
mouvement s'étend cependant dans ces pays, notamment grâce à. un certain nombre de
camarades espagnols membres de notre Coopérative sur d'Espagne, aujourd'hui
exilés, surtout en Amérique centrale. Le livre de notre cher Almendros : La
Imprenta en la Escuela a été réédité et un de nos plus fidèles adhérents,
Patricio Redondo, a ouvert près de Mexico une Ecole expérimentale Freinet, dont
le journal scolaire fait pâlir par sa perfection les meilleures de nos productions. Nous
publierons d'ailleurs quelques-unes des réalisations de ces écoles.
La
correspondance avec toutes les écoles, dAmérique latine serait possible parce que
l'Espagnol serait facilement compris par la plupart d'entre nous. Mais le mouvement est
lent à démarrer.
Nous
pouvons offrir de nombreux correspondants d'Algérie et du Maroc, mais ils sont intégrés
dans nos équipes nationales et quelques rares correspondants des colonies. A part ces
possibilités les frontières restent encore presque partout infranchissables.
Elles
s'ajoutent d'ailleurs à la barrière des langues qui reste elle aussi un obstacle majeur.
Nous devons
reconnaître qu'avant-guerre les langues auxiliaires, espéranto notamment, nous avaient
rendu de très grands services. Aujourd'hui encore vous pouvez vous adresser aux
responsables des correspondances par l'espéranto et l'occidental, dont nous donnons
ci-dessous l'appel, en espérant en des jours meilleurs.
***
Pour
conserver une totale impartialité dans la concurrence que se font actuellement les
diverses langues internationales, nous nous abstenons radicalement d'intervenir
théoriquement en faveur de telle ou telle langue. Nous pensons d'ailleurs que les
considérations dont les partisans de ces langues nourrissent leur polémique restent pour
nous secondaires. C'est à l'usage, dans la perfection des échanges qu'elles permettent,
à l'abondance des correspondants en tous pays que se mesure pour nous la valeur pratique
d'une langue internationale.
Nous ne
disons donc pas à nos adhérents : « Faites de l'esperanto, ou faites de
l'occidental » mais pratiquez la correspondance internationale par le truchement des
langues internationales de votre choix, les militants responsables sont à votre
disposition, en accord total avec notre service national.
Pour l'espéranto,
veuillez vous adresser à ::
LENTAIGNE, Instituteur,
à Balaruc-les-Bains (Hérault)
Pour l'occidental,
écrire à :
ROUX, Instituteur, à Orbe (Deux-Sèvres)
Nous
donnons ci-dessous deux courts articles de ces camarades.
COMMENT PROCEDER
PRATIQUEMENT
Nous
déconseillons la correspondance individuelle par l'esperanto. Certes, les élèves
ont le plaisir de recevoir des lettres à leur nom ; mais l'expérience montre
qu'elles sont d'une grande naïveté et que les relations sont éphémères.
Les albums,
chers à certains collègues étrangers, sont très intéressants au point de vue
éducatif. Malheureusement ils nécessitent un très gros effort de préparation. Par
ailleurs, si l'intérêt est réel, à la réception il n'est malheureusement pas soutenu.
Le meilleur
système nous semble le suivant et c'est celui que nous préconisons tant en France qu'à
l'étranger.
Supposons
l'école française en relations avec 3 écoles étrangères, avec une équipe,
responsable pour chaque pays.
A un
rythme, régulier (tous les deux mois pour ne pas charger) les équipes préparent
un sujet donné. Soit « Paris ». On en fera le pian, on recherchera timbres,
cartes postales s'y rapportant,, etc., et on collera le tout sur le recto de feuilles d'un
format toujours semblable (30x40 cm par exemple, que l'on pourra d'ailleurs plier
pour l'envoi) et ceci en triple exemplaire (1 par pays).
Il est
d'ailleurs indispensable que chacun se rallie à un système unique, sinon
il est presque impossible de constituer des équipes.
Rien
n'empêchera, bien sûr, dans le cadre de ces échanges collectifs, de greffer des
échanges individuels. L'élève responsable recevra et expédiera le courrier, écrira
des lettres, posera des questions à ses correspondants.
Ainsi ce
système est simple, pratique ; il ne nécessitera pas beaucoup de temps.
L'intérêt est soutenu.
La
correspondance sera durable. C'est capital. Elle ne sera pas totalement anonyme.
Enfin, les
amateurs d'albums pourront s'en constituer un progressivement puisque le format employé
est toujours le même.
LENTAIGNE.
***
FORMULE
POUR UNE EDITION
DE JOURNAL SCOLAIRE
Je crois
intéressant d'indiquer aux collègues pratiquant une langue auxiliaire (Espéranto,
Occidental), comment j'ai réalisé l'édition de mon journal « Les Couches du
Marais » en Français Occidental.
Tout
d'abord nécessité d'adapter une mise en page unique.
1° Mise
en page : Elle est conçue de la manière suivante Entre les pages imprimées en
français et comportant l'illustration du texte j'intercale une feuille avec la traduction
imprimée (on peut aussi la polycopier) en Occidental, tout en réservant un espace qui
permet au destinataire d'y traduire le texte en sa langue maternelle.
2°
Traduction en langue auxiliaire : elle demande peu de temps, et avec la
composition et l'impression de 25 à 30 ex., demande au maximum 2 h., car je fais ce
travail seul, mes élèves étant trop petits. Elle a l'avantage d'obliger parfois à
modifier le texte français pour obtenir plus de précision, les enfants ayant l'habitude
d'employer des mots passe-partout. D'où nécessité d'effectuer cette traduction avant la
composition.
Pour le
maître, cette pratique a l'avantage de lui faire assimiler un vocabulaire peu usité
épistolairement, mais utile à l'étranger, puisqu'il a trait aux choses de la vie
quotidienne.
Pour les
enfants qui reçoivent des journaux de l'étranger, elle, élargit leur vision du monde,
elle les habitue à voir des langues diverses dans lesquelles ils peuvent découvrir des
mots qu'ils connaissent (ce qui n'est pas une petite joie), elle enrichit leur
vocabulaire, etc...
Evidemment,
l'idéal est d'avoir des élèves, beaucoup plus âgés que les miens, pour leur enseigner
l'Occidental et leur laisser faire un travail éminemment profitable.
Pour
répondre à certaines critiques, particulièrement celle contestant l'utilité d'un tel
travail pour les élèves du C.E. je répondrai que j'ai un quadruple but :
1° répandre à létranger les techniques Freinet
2° prouver
l'utilité d'une langue internationale, dont malheureusement le corps enseignant, dans sa
grande majorité, hélas ! se désintéresse, encore plus en France qu'à
l'étranger. (Sans doute, d'ailleurs, parce que tous les systèmes pratiqués
avantagent les Français !)
3° Prouver
par les expériences qui, j'espère, vont suivre, l'incontestable supériorité de
l'Occidental comme base d'étude des langues étrangères, et même du latin, dont il
pourrait avantageusement jouer le rôle à l'école primaire.
4° Prouver
qu'une simple imprimerie Freinet peut imprimer l'Occidental.
... Et
puis, il fallait bien que quelqu'un commence.
J. Roux.
EN GUISE DE CONCLUSION
L'expérience
que nous avons faite en France et dont nous venons de donner les éléments, est
aujourd'hui concluante à 100%.
De ce fait
- car tout se sait - elle tend à déborder le primaire, mais elle, suppose, nous l'avons
vu, l'organisation d'une vie communautaire, coopérative, dont le journal scolaire est
tout à la fois le ciment et le fruit. Et c'est cette vie coopérative qui peine à
s'instaurer au 2e degré et qui a manqué notamment pour la réussite totale de
l'expérience des 6e nouvelles.
Il nous
sera beaucoup plus facile de faire comprendre les avantages de nos techniques modernes aux
divers enseignements modernes qui ne traînent pas après eux, le poids d'une lourde
tradition scolastique.
Educateurs de l'enseignement professionnel et technique, des écoles de rééducation, d'anormaux ou d'arriérés, instituteurs qui tâchez d'animer des cours postscolaires, des foyers ruraux, des mouvements d'enfants, inspirez-vous des techniques d'échanges que nous venons d'exposer, vous ne le regretterez pas. Mais n'oubliez pas qu'elles ont pour base le journal réalisé selon nos techniques d'expression libre motivée. Vous atteindrez ainsi à une modernisation qui fera votre succès.
Un mot pour
terminer destiné plus spécialement aux éducateurs.
La
scolastique vous tue ; vous en avez ,assez de faire des leçons et de corriger des
devoirs en dehors de la vie : Vos élèves en sont excédés tout autant que vous
comme vous en étiez excédés déjà quand vous étiez élèves. Le journal scolaire et
les échanges vous apportent un moyen pratique, et dont les avantages sont aujourd'hui
reconnus officiellement de briser votre carcan et de lever vos bras vers le soleil, le
travail et la vie.
Essayez,
essayez seulement, et vous verrez si vous ne nous écrivez pas comme des milliers de ceux
qui vous ont précédé dans cette audace : ma classe est totalement transformée, et
je vis...
Et vous
serez vous aussi en relations intimes avec des dizaines de camarades comme vous, qui
connaîtront vos peines, votre travail, vos succès, avec qui vous correspondrez
régulièrement, qui vous accueilleront en fin d'année quand vous irez les visiter avec
vos élèves.
Nous le
marquions à l'ouverture de notre Congrès de Dijon : la C.E.L. est, avant tout, une
amitié et une famille, et cet esprit de compréhension et de cordialité, elle le doit
surtout aux relations permanentes liées entre les milliers d'écoles travaillant selon
nos techniques.
Quand nous
nous rencontrons dans nos Congrès pour la première fois, nous nous connaissons déjà,
et les liens noués par la correspondance ne font alors que se resserrer.
Notre
mouvement marquera dans la pédagogie parce qu'il a su mettre au point un outil de travail
- l'expression libre par l'imprimerie à l'Ecole, la polygraphie, la gravure et, le dessin
- qui a permis, grâce aux échanges interscolaires, de tisser sur notre pays un réseau
de culture et d'amitié dont les éducateurs sont les premiers bénéficiaires.
RÈGLEMENT GÉNÉRAL
DES ÉCHANGES
Qui dit échange dit réciprocité
d'avantages et de sacrifices qui se compensent et s'équilibrent.
L'échange
entre écoles ne saurait être permanent et profitable que si tous les usagers ont à
cur de donner le maximum, plus même qu'ils n'espèrent recevoir.
Comme la
pratique a montré que cette règle n'est pas toujours universellement comprise, nous
avons cru nécessaire d'établir le règlement suivant.
Les
échanges établis par la C.E.L. comportent deux zones :
A) Echanges
périodiques sur la base du journal scolaire mensuel
1° Les
adhérents sont répartis en équipes de six à huit classes, de niveau à peu près
identique, et situées de telle sorte que l'échange permette le maximum de rendement
pédagogique.
2°
L'échange mensuel du journal scolaire est obligatoire entre les écoles de l'équipe, à
raison d'un exemplaire mensuel par école.
Au cas où,
pour des raisons indépendantes de leur volonté, certaines écoles de l'équipe se
verraient dans l'impossibilité de servir un journal satisfaisant, elles devront compenser
cette insuffisance soit par lettres soit par envoi de documents complémentaires :
photos, cartes postales, etc...
Après,
libres accords entre une partie on la totalité des écoles de l'équipe, tous
arrangements supplémentaires pourront intervenir sous la seule responsabilité des
intéressés.
3° Les équipes sont constituées
pour l'année scolaire, Elles peuvent être reconduites pour une nouvelle année si
les échange seront réglés librement après membres de l'équipe le décident.
4° Au cas
où un ou plusieurs membres de l'équipe feraient défection dans l'envoi obligatoire des
journaux scolaires, la Direction des services pourra, sur plainte des intéressés,
procéder au remplacement des défaillants.
5° Les
classes qui ne seraient pas satisfaites de leur affectation sont priées d'en informer la
direction en donnant toutes précisions utiles. Il sera tenu compte de leurs demandes dans
la mesure du possible.
6° La
constitution des équipes en cours d'année sera faite selon la mesure du possible et des
disponibilités.
B) - Échanges réguliers
Indépendamment
de l'échange périodique, il est attribué à chaque classe qui en fait la demande un
correspondant régulier choisi dans les meilleurs conditions possible.
Le rythme
et les modalités de cet échange seront réglés librement après entente des
intéressés, selon les indications de la présente brochure.
Prière
d'adresser un exemplaire de votre journal :
1° à la
C.E.L., à Cannes, pour les archives ;
2° à
ALZIARY, Vieux chemin des Sablettes , La Seyne-sur-Mer (Var), pour la surveillance des
échanges.
(Prière de
n'insérer dans les envois ni lettres manuscrites, ni commande, ni texte non imprimé, car
vos envois risquent d'être taxés au tarif lettres).
Toutes
indications sont données dans notre brochure mode d'emploi L'lmprimerie à l'Ecole pour
la déclaration officielle du journal scolaire.
Les
journaux régulièrement déclarés sont autorisés à circuler au tarif normal des
périodiques (mais non en franchise).
***
CORRESPONDANCE SCOLAIRE INTERNATIONALE
Retourner : C.E.L., CANNES, avec une enveloppe timbrée
NOM :
ADRESSE :
Age scolaire des
élèves :
Nombre
d'élèves :
..:
Nombre de classes correspondantes
demandées :
.
a) correspondance
collective :
.
b) correspondance
individuelle :
.
Nationalité demandée par ordre de
préférence :
A
B
D
C
Editez-vous
un journal scolaire ? ................................................
Connaissez-vous une langue
étrangère ?
.
do
l'Espéranto ?
.
do l'Occidental ? ..