Publication Mensuelle n° 48 - Novembre 1949

Brochures d’Education Nouvelle Populaire

Barboteu – Guillou – Le Guillou – Olivier – Postollec – Thomas

Caravanes d’enfants

La caravane Freinet à travers le Finistère

Editions de l’Ecole Moderne Française

Cannes (Alpes-Maritimes)

   

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PRÉPARATION DE LA CARAVANE

Comment sont nés ces projets

1° L’ÉCHANGE D’ÉLÈVES LAGRASSE-SAINT-EVARZEC
Le principe a été décidé par correspondance dès octobre, sur proposition de Barboteu (Lagrasse), Olivier (St Evarzec) acceptant de devenir son correspondant régulier.
Au Congrès d’Angers, Barboteu et Olivier se sont rencontrés et ont discuté ferme du projet d’échange.
Les détails ont été arrêtés ensuite par correspondance.

2° LA RANDONNÉE DES PETITS IMPRIMEURS AUTOUR DU FINISTÈRE
Thomas de Kergloff en a eu l’idée.
Au Congrès d’Angers, au cours d’une conversation à la table des Bretons, au lycée Joachim du Bellay, le principe de cette caravane a été discuté et adopté par Thomas, Le Guillou, Olivier et Barboteu.
Deux mois (mai-juin) ont été nécessaires pour la mise au point de l’itinéraire, par correspondance et après une rencontre Thomas-Olivier à Quimper.
Chacun de son côté a fait les démarches indispensables.

Financement

a) DE L’ÉCHANGE D’ÉLÈVES
TEXTE D’ENFANT
Texte de Ginette CHAPPERT,
De Lagrasse (Aude).

NOS SOUCIS D’ARGENT
Quel travail il nous a fallu mener pour mettre sur pied le voyage en Bretagne. Il fallait recueillir beaucoup d'argent. Il n'y en avait jamais assez.
Nous avons fait tout ce que nous avons pu pour réunir la somme nécessaire.
Durant toute l'année scolaire, nous avons effectué la vente des journaux scolaires (La Roche Galière) qui nous a rapporté 5.300 fr. Puis nous avons donné des séances de cinéma muet. M. Pauc, instituteur à Azille, est venu nous faire du cinéma parlant deux fois, au profit de notre Coopé.
Une tombola a été aussitôt organisée.
Une vente-exposition d'objets que M. le Directeur du Centre d'apprentissage de Castelnaudary a bien voulu nous envoyer sans aucun frais, nous a rapporté une coquette somme. Enfin, avant de partir, chacun a versé 1.200 fr. Nous avons ainsi réuni la somme de 52.275 fr. Nous étions certains de réaliser le voyage en Bretagne, tant désiré.
Avec cette somme, les Lagrassiens ont payé leur voyage Lagrasse-St Evarzec (2.000 km. aller et retour) et une bonne partie de la randonnée autour du Finistère.
Le séjour à St Evarzec : Les Lagrassiens ont été hébergés, c'est-à-dire logés, nourris et blanchis gratuitement chez leurs correspondants.
Certains parents avaient jusqu'à 3 élèves chez eux.
Pour l'échange d'élèves, il n'y a donc à prévoir que les frais du voyage.

b) DE LA RANDONNÉE AUTOUR DU FINISTÈRE
1° Avec le boni de la Caisse de la Coopérative ; le texte de Ginette Chappert indique déjà des moyens pratiques pour alimenter cette Caisse.
2° Chaque élève a versé le complément nécessaire, avec l'assentiment unanime des familles qui trouvaient très bien l'initiative de ce voyage d'études.

c) Organismes à solliciter

1° L'Amicale laïque, si elle est florissante, peut subvenir.
2° La Municipalité, si elle est laïque, peut voter une subvention ou verser un crédit inutilisé (prévu pour les sports, par exemple).
3° L'Œuvre des Pupilles de l'Ecole publique, la Fédération des Œuvres laïques, les Mouvements de Jeunesse, la Section départementale des Coopératives scolaires peuvent être touchés.
4° En outre, si votre séjour dépasse 2 semaines, votre déplacement peut être agréé comme colonie de vacances et vous bénéficierez ainsi de certains avantages dont :
1 ° le 50 % de réduction en chemin de fer, en attendant le 75 % pour lequel il faudra batailler;
2° l'indemnité journalière de 85 fr. par enfant, de la Sécurité Sociale.

d) DE PLUS

 ...Réunir dès octobre les parents d'élèves et leur soumettre vos projets d'échange et de voyage d'études, de fin d'année scolaire ;
leur faire décider la création d'une caisse de voyage alimentée par :
une cotisation hebdomadaire des enfants ;
un bal, une kermesse, une tombola, etc.., dont on fixe d'avance les dates.

Demande d’autorisation d’absence aux autorités académiques

a) ARGUMENTS

Il s'agissait de 3 journées d'absence. Le mot « absence » est d'ailleurs impropre, puisque l'instituteur emmène ses élèves, que l'esprit de ceux-ci « travaille» certainement davantage qu'entre les 4 murs de la classe.
Les enfants ont questionné des marins, des ouvriers, des employés au travail, écrit librement des textes, organisé des soirées avec chants, danses, marionnettes.
LA CARAVANE N'ÉTAIT PAS EN PROMENADE MAIS EN VOYAGE D'ÉTUDES.

b) RÉPONSES FAITES AUX DIVERSES DEMANDES

1° MM. Le Guillou et Thomas, de St-Nic et Kergloff (Finistère), ont obtenu l'autorisation de leur inspecteur primaire, avec sympathie.
2° M. Olivier, de St Evarzec (Finistère) a vu sa demande retournée par l'Inspecteur primaire avec prière de l'adresser à l'Inspecteur d'Académie par la voie hiérarchique.
L'Inspecteur d'Académie a répondu favorablement.
3° M. Barboteu, de Lagrasse (Aude), dont l'absence était de 15 jours, a obtenu par retour du courrier, une réponse en une seule phrase, où M. l'Inspecteur d'Académie de l'Aude lui fait connaître qu'il ne lui est pas possible d'accorder l'autorisation demandée, « le voyage étant prévu pour une époque où les classes doivent fonctionner normalement. »

Texte d’enfant :
Texte de Daniel BABDOR, de Lagrasse.

DECEPTION ... GRANDE JOIE
En rentrant de récréation, Monsieur nous dit :
« J'ai une grande nouvelle à vous annoncer : le voyage dans le Finistère est réalisable. »
Des cris de joie s'élèvent dans la classe.
Le Maître sourit, appelle Colette Déramond, présidente de la Coopérative.
« Lis ça », lui dit-il.
C'était une courte lettre de M. l'Inspecteur d'Académie, refusant l'autorisation d'aller à Saint-Evarzec
Silence total dans la classe. Nous sommes tous déçus. Nous y tenons tant à ce voyage !
« Lis ça, maintenant, répète Monsieur. »
C'était une seconde lettre de M. l'Inspecteur d'Académie qui, revenu sur sa décision, nous permet d'effectuer le voyage.
Monsieur nous explique alors que, ne voulant pas nous décevoir, à la réception de la première lettre, il était allé à Carcassonne, prier M. l'Inspecteur d'Académie de bien vouloir nous accorder son autorisation.
Un soupir de soulagement sort de toutes les bouches. Pendant toute la journée, nous ne songeons plus qu'à Saint-Evarzec !

c) CONCLUSION
1° Pour éviter de tels « accidents », il faudrait arriver à obtenir un texte ministériel autorisant les échanges d'élèves en période de classe.
2° Avant l'organisation détaillée du voyage, il serait bon de demander une autorisation de principe aux autorités académiques, en leur soumettant vos projets.
Profiter de cette demande pour s'enquérir des organismes qui pourraient vous aider financièrement.

Autres démarches à envisager
1° Prévenir la Mutuelle-accidents-élèves, ou l'assurance scolaire municipale de votre déplacement ;
2° Faire, à l'avance, la demande de billet collectif, s'il s'agit de voyage par chemin de fer ;
3° Dresser la liste du minimum de vêtement et objets à emporter, suivant l'organisation prévue pour les repas et le couchage ;
4° Faire signer par les parents une autorisation du modèle ci-dessous ;
5° Préparation détaillée du circuit : a) demandes diverses pour s'assurer du couchage, des repas, auprès des directeurs d'écoles, des présidents d'Amicale laïque, etc… b).demande d'autorisations, de visites d'usines, d'établissements divers.

** VOYAGE D'ETUDES LAGRASSE - ST EVARZEC **

Je soussigné ……………………. à Lagrasse, autorise mon fils – ma fille (1) ……………………….  à prendre part au voyage d'études organisé par la Coopérative scolaire « La Roche Galière », à Evarzec (Finistère).

Je m'engage à verser à la Caisse de la Coopérative la somme de mille francs (1000 francs), montant de la participation de mon fils – ma fille (1) aux frais de transport. J’effectuerai ce versement avant le 15 juin et je n'en demanderai le remboursement que dans le seul cas ou mon fils – ma fille (1) serait empêché de faire le voyage par une maladie, un accident ou tout autre raison majeure.

En ce qui concerne le voyage, pendant lequel mon fils - ma fille (1) sera couvert (e) par l'assurance scolaire municipale, persuadé de ce que mon enfant, que je confie en toute quiétude à son instituteur, sera l'objet de soins attentifs et d'une surveillance constante de jour et de nuit.

JE DÉCLARE DÉGAGER LA RESPONSABILITÉ DE M. BARBOTEU au sujet des accidents imprévisibles qui pourraient arriver à mon fils - ma fille (1), et qui proviendraient de son fait et non d'un défaut de surveillance.

J'autorise (1)                 mon fils (1)  à se baigner en groupe sous la surveillance de cinq instituteurs.

Je n'autorise pas (1)      ma fille (1)

 
Lagrasse, le …………………………………

Signature :

(1) Rayer la mention inutile.

 

Comment nous avons préparé le circuit

L'itinéraire et l'horaire ont été mis au point après plusieurs tâtonnements pour trouver le moyen de transport le plus économique et le plus pratique, et aussi en fonction des visites intéressantes prévues. (Consulter la carte jointe.)

 

a) TRANSPORT

Nous avons1oué un car « Chausson » au prix global de 30.000 fr.. (65 fr.. du km.) pour un parcours de plus de 450 km, hébergement et nourriture du chauffeur à notre charge. (Avec le pourboire, le car nous est revenu à 32.000 fr.. environ.)

La traversée de la rade par le bateau qui fait le service régulier entre Brest et Le Fret, nous a coûté 65 fr. par gosse au lieu de 130 fr. tarif plein.

REMARQUES

1° Le voyage en autocar est l'idéal
Il permet, en effet :
a) de vous arrêter aussi fréquemment que vous le désirez ;
b) de circuler facilement dans les villes étapes : joindre le point d'hébergement, à la cantine, ou au lieu de visite.
Par exemple, à Douarnenez et à Morlaix, le car nous a rendu de précieux services. Par contre, à Brest, où nous n'avions pas notre car, les gosses étaient fourbus par la marche sous un soleil ardent. Nous avons emprunté l'autobus pour regagner notre baraque au Bouguen ; coût : 800 fr. (de dépense supplémentaire).

2° Voyage en chemin de fer
Le billet de 75 % pour promenades d'enfants, valable 24 h. seulement, peut présenter des avantages si vous êtes obligés d'effectuer un tronçon d'un circuit en chemin de fer. Payez l'aller et retour, vous ferez encore un boni sur un aller à tarif plein.

b) LES REPAS
...ont lieu dans les cantines scolaires ou ouvrières, pour un prix variant de 50 à 70 fr. Repas tous copieux (viande, poisson, langoustines, frites, potage, pain à discrétion, beurre ou confiture le matin.)
à DOUARNENEZ : cantine de Ploaré. M. Thomas de Kergloff est entré en relation avec M. Roy, Directeur de l'école publique de Ploaré, qui a mis sa cantine et son personnel à notre disposition. Ami- cale réception.
à BREST : au Foyer ouvrier de l'O.N.C.O.R. (au Bouguen), les démarches ont été réalisées par M. Ch. Drapier, Président de la Fédération des Œuvres laïques : Réception très sympathique.
à MORLAIX : cantine scolaire de St Martin des Champs, tout près de Morlaix (utilité du car), démarche faite par M.Thomas, par lettre. Cordiale réception de M. Thomas, directeur de l'école de St Martin des Champs.

c) LE COUCHAGE

à DOUARNENEZ, M. Roy, directeur à Plooré, a fait les démarches nécessaires, sur la demande de M. Thomas.
Nous avons été bien logés dans le vaste local municipal réservé aux colonies de vacances, gratuitement.
à BREST, M. Ch. Drapier, président de la Fédération des Œuvres laïques, a fait les démarches.
Nous avons passé deux bonnes nuits dans une grande baraque divisée en chambres à 4 lits, avec armoires et tables, munie d'électricité, de w.c., de lavabos, donc très pratique. - C'était payant.

d) LES VISITES

à PENMARC'H : M. Le Pape, président de l'Amicale laïque de St Guénolé, s'est chargé des démarches.
Nous avons visité le phare d'Eckmühl, une usine d'algine, le musée préhistorique.
à BREST : démarches faites par M. Ch. Drapier.
Nous avons visité l’Arsenal.
à MORLAIX : demandes faites par lettres par M. Thomas.
Nous avons visité la Manufacture de Tabacs; le journal « Le Télégramme ».
Prévoir les pourboires dans le calcul du prix de revient du voyage.

Préparation pédagogique du voyage d’études

SUGGESTIONS PERSONNELLES
- Avant le voyage -
1° Tirer au limographe ou mieux, faire tracer par chaque enfant un croquis de l'itinéraire du voyage avec l'indication succincte des arrêts et des visites prévues (voir carte ci-jointe). 
2° Prévoir ensemble (élèves et maître), en classe, un questionnaire assez précis - qui, d'ailleurs, ne sera pas suivi à la lettre, fatalement - pour tirer un maximum de profit de chaque visite projetée.
Une équipe peut se charger d'un questionnaire et, par la suite, du compte rendu d'une des visites.
3° Les maîtres arrêtent une liste de photos intéressantes à prendre, photos indispensables à l'illustration typique du compte-rendu du voyage. Naturellement, des photos « sur le vif » s'offriront au cours de la randonnée.
En outre, ces photos peuvent rendre service à la C.E.L. pour l'édition de fiches ou de B.T.
4° Doter chaque élève d'un « journal de bord », simple demi cahier ou carnet où papier ligné et papier à dessin s'intercalent.
L'enfant y notera ses textes libres, ses impressions, ses croquis, ses dessins, les menus, ses aventures, etc.
5° Prévoir l'apprentissage de chants, de danses pour l'organisation de soirées en plein air.
6° Ecrire aux syndicats d'initiative des villes-étapes pour avoir des précisions sur ce qui vaut la peine d'être visité.

- Au cours du voyage -
1° Encourager les enfants à acheter des cartes postales des lieux traversés, ou mieux : prévoir une certaine somme dans le calcul global de la randonnée, pour l'achat coopératif de ces cartes (ou, de films pour les photos.)
2° Le soir ou le matin, inviter les enfants à rédiger textes libres, à dessiner tout ce qui a pu les frapper.  
Nous l'avons fait deux matins de suite, à Brest, et cela a donné des résultats très intéressants. En effet, dans certaines chambrées, les enfants ont lu leurs textes, choisi et mis au point le plus intéressant, sans aucune aide.
3° Organiser la chasse aux documents utilisables pour le F.S.C. ou le musée scolaire (roches, échantillons, dépliants. touristiques, etc…)
- Pendant le séjour dans la commune qui reçoit ses correspondants -
- Prévoir des visites de fermes, d'artisans, de restes historiques, des sites (lacs, étangs, bois) ;  
- Des distractions : projection fixe, jeux de plein air, soirées de chants, marionnettes, disques ;
- Du travail en commun, le matin surtout.

ON FAIT CONNAISSANCE AVEC LE MILIEU

a) DURANT LA RANDONNÉE À TRAVERS LE FINISTÈRE
1° Journellement, toute la presse du département a publié nos articles, auxquels les parents se sont vivement intéressés.
Une photo de la caravane a également paru.
Tous les articles ont été reproduits dans la presse de l'Aude, département de nos correspondants.

QUELQUES EXTRAITS DE JOURNAUX

Des petits Lagrassiens à St-Evarzec
C'est par un soleil éclatant que les élèves de M. Barboteu, directeur d'école publique à Lagrasse (Aude), ont débarqué samedi à 15 heures dans notre commune.
Leurs correspondants de l'école publique du bourg les attendaient avec impatience et les ont accueillis avec enthousiasme.
Et tout de suite les conversations engagées ont été la suite naturelle de celles entretenues durant l'année scolaire grâce à la correspondance interscolaire et à l'échange régulier de lettres personnelles et de colis.
Avant-hier dimanche, leurs camarades leur ont fait goûter les joies de la plage et de la mer et, hier matin, Languedociens et Bretons ont commencé avec leurs maîtres, un voyage d'études autour du Finistère.
Souhaitons que les petits Lagrassiens emportent de bons souvenirs des beaux sites de l' Armor comme de l'Argoat.

Première journée d'un voyage d'études à travers le Finistère
A 10 h., lundi, Languedociens et Bretons quittaient Quimper, en car, en direction de Penmarc'h. A St Pierre, la visite du phare d'Eckmühl enthousiasma les enfants, heureux de découvrir la signification réelle de tous les mots lus dans leur livre de géographie : pointe, récifs, baie, presqu'île, etc...
L'usine de la société Alga, à St-Pierre, les a étonnés ; ils ne se doutaient pas de la richesse incluse dans les algues qui, traitées par des procédés tout nouveaux, donnent des produits utilisés dans l'alimentation, la parfumerie, la pharmacie, l'industrie textile et, bientôt, pour obtenir de la pâte à papier.
Après un bon bain à la plage de la Joie, ce fut le pont de St-Guénolé, en pleine transformation, la pointe rocheuse, le tumulus de Romeur et le musée préhistorique, toutes leçons de choses vivantes pour ces esprits curieux.
A 17 h., nous quittions la grosse bourgade de Penmarc'h, si florissante au 16e siècle, pour gagner le port d'Audierne et ses langoustiers en plein travail de départ pour la pêche.
Le soir, à Douarnenez, un feu de camp bien réussi, vit les coiffes douarnenistes se mêler aux enfants, dans la danse du Limousin, après des chants divers et des danses languedociennes produites par les élèves de M. Barboteu, de l'Aude.
Nous remercions de ce chaleureux accueil, M. Roy, directeur d'école à Ploaré, et aussi tous ceux qui ont aidé à rendre agréable aux enfants de la caravane, leur trop court séjour à Douarnenez.

La caravane Freinet à Brest

Venant de Douarnenez où ils avaient passé la journée, les jeunes colons de la caravane Freinet sont arrivés mardi soir à Brest après avoir traversé la rade.
Cette caravane se compose de 60 élèves et de 6 instituteurs des écoles de Lagrasse (Aude), Saint-Evarzec, Saint-Nic et Kergloff (Finistère).
Elles ont ceci de commun, c'est que, toutes, elles pratiquent l'imprimerie à l'école et la correspondance interscolaire. Durant cette année, elles ont échangé lettres et colis et inutile de dire que ce fut une joie pour eux de se connaître et de parcourir ensemble les routes du Finistère.
La caravane a quitté Quimper lundi matin, a passé par Penmarc'h où elle a visité le phare d'Ekmuhl, l'usine d'algine et le musée préhistorique. Puis ce fut Audierne et Douarnenez où elle donna un superbe feu de camp.
A Brest, les colons furent pilotés par M. Ch. Drapier, mangèrent à 1a cantine de la rue Vauban et visitèrent l’arsenal.
Le soir, au Bouguen, où ils sont hébergés, grâce à l'amabilité du directeur de l'O.N.C.O.R., ils ont donné un feu de camp.
Aujourd'hui, la caravane Freinet part pour Morlaix avant de continuer sur Huelgoat.
Un beau voyage sous le signe de l'école moderne.
Jeudi, après la visite enchanteresse de la vallée glaciaire du Huelgoat, commença la dislocation de la caravane de l'école moderne.

Dislocation de la caravane Freinet

Ce n'est pas sans émotion que les enfants se dirent au revoir, tous au regret de se quitter après quatre grandes journées de vie commune.
Les petits Languedociens rentrèrent à Saint- Evarzec. Il fallait les voir raconter leurs multiples impressions aux parents de leurs camarades.
Ils emportent chez eux des idées nouvelles sur la Bretagne, qui dissiperont tous les racontars répandus encore dans nos manuels scolaires et il est déjà question d'un projet pour l'an prochain: A leur tour, les Bretons rendraient visite à leurs correspondants du Languedoc afin de resserrer ces amitiés enfantines et d'enrichir sur place leurs connaissances.
Ce soir, à 21 heures, les élèves de M. Barboteu, directeur d'école à Lagrasse (Aude), organisent une veillée d'adieu à l'école publique du bourg. Ils invitent à cette petite soirée les parents et amis de leurs camarades.

La caravane est de retour

Les 21 élèves de l'Ecole de garçons qui, avec leurs camarades de St-Nic, St-Evarzec et Lagrasse (Aude), ont, durant 4 jours, arpenté les routes finistériennes, viennent de rentrer, les yeux pleins d'images neuves. Jugez plutôt : départ lundi matin de Port de Carhaix sur Quimper, visite de Penmarc'h avec son phare, son musée préhistorique, l'usine d'algine ; arrêt à Audierne pour assister au départ des langoustiers.
A Ploaré, grâce à l'amabilité de M. Roy, ancien directeur d'école à Kergloff, les enfants furent hébergés au mieux et donnèrent un feu de camp dans la cour de l'école.
Le mardi, ce fut la visite de Douarnenez, le bain à Tréboul et le départ par Locronan pour Le Fret. Inutile de dire que la traversée de la rade en bateau fut un ravissement pour nos petits terriens. Ce ravissement se mêla, le lendemain, à de l'étonnement, quand il s'agit de visiter l'arsenal, d’assister au départ de l'escadre et de voir la construction d'un paquebot de 22.000 tonnes.
Et le film se continue pour eux par Landerneau, La Roche et son château féodal ; Brézal, dans son- cadre sylvestre.
A Morlaix, nos colons furent reçus par M. Thomas, directeur de l'école de St-Martin-des-Champs. Ils visitèrent la ville, la manufacture et longuement, ils visitèrent le " Télégramme ", vivant ainsi la vie d'un grand journal.
Pour l'an prochain, les projets vont déjà leur train : les petits imprimeurs du Finistère et de l'Aude, travaillant selon les techniques Freinet, le père de « l'Ecole Buissonnière », que nous verrons bientôt sur nos écrans, ne rêvent-ils pas de se revoir l'an prochain... en Espagne ? 

Excursions scolaires

La chanson aux lèvres, le lundi 27 juin, un groupe d'élèves de notre école publique de garçons (16) filait vers Quimper où il rejoignait trois autres groupes (un de l'Aude, un de St- Evarzec, un 3e de Kergloff). Ensemble, durant 6 jours, ils firent le « circuit du Finistère » et visitèrent successivement : Quimper, Penmarc'h (phare d'Eckmuhl, usine d'algine, musée préhistorique) ; Audierne (le port) ; Douarnenez (le port) ; Le Fret (construction de bateaux). Ils traversèrent la rade de Brest, visitèrent la ville sinistrée, l'arsenal.
Le jeudi 20, ils étaient à Morlaix, visitaient la manufacture, l'imprimerie du « Télégramme ». Dans l'après-midi, ils rejoignaient Huelgoat et y passaient 2 heures dans les chaos de roches, avant de rejoindre 1eur point de départ.
Voyage instructif pour tous.

2° Les enfants ont communiqué presque chaque jour leur enthousiasme à leurs parents par l'envoi de cartes postales et de lettres.
Pour beaucoup d'enfants, c'était la première fois qu'ils écrivaient « chers parents ».
Jugez l'émotion et la fierté des parents !
3° Deux feux de camps ont été organisés :
l'un à Ploaré (Douarnenez),
l'autre à Brest (au Bouguen).
C’est avec sympathie que les gosses ont été applaudis.
De plus, les adultes et les enfants de ces quartiers, se sont mêlés à nous au cours des chœurs, des rondes, des danses.
4° Nous avons discuté avec des collègues, étonnés et curieux de ce déplacement peu ordinaire; avec certains parents, également surpris à l'énoncé de nos nouvelles méthodes d'éducation.
5° Des marins, des ouvriers, des employés au travail, ont été questionnés sans arrêt, par les enfants. Cela a peut être été la meilleure propagande, car ces enfants à l'esprit curieux ont donné à réfléchir à ces hommes mûrs.
La réception a toujours été très cordiale de la part des collègues.

b) PENDANT LE SÉJOUR DES LAGRASSIENS A SAINT-EVARZEC

Nous avons organisé :
1° Une visite de ferme bretonne moderne ;
2° La visite chez un artisan du village : un tailleur de pierre au travail.
3° Une soirée d'au revoir qui réunit parents d'élèves et amis de l’école. Cette soirée vit les Lagrassiens mêlés à leurs camarades de St-Evarzec dans des chœurs et des saynètes de marionnettes.
Le programme rapidement improvisé, presque entièrement par les enfants eux- mêmes, comportait : 1. Au devant de la vie. – 2. Chanson de la mariée. - 3. Rossignolet. - 4. Chanson du muguet. -  5. Qu'on m'apporte ma flûte. - 6. Ronde du canard blanc. - 7. Le chameau. - 8. A la claire fontaine. - 9. Marionnettes par 3 équipes différentes. - 10. Romance à Hélène. – 11. Plaine, ma plaine. - 12. Margoton va t'a l'iau.. - 13. Colchique. - 14. J'ai lié ma botte. - 15. Danses du Languedoc. - 16. La danse du Limousin.

LES PARENTS ÉTAIENT RAVIS.

En outre, une exposition de travaux d'élèves, réalisée la semaine suivante, comprenait un vaste panneau sur le voyage à travers le Finistère, intitulé :

« CE QUE NOUS AVONS VU ».

INOUBLIABLE ACCUEIL

TEXTE D'ENFANT :

 CHEZ MON CORRESPONDANT
par MARCEL SIEURAC, de Lagrasse

Dès mon arrivée chez André Jourdain, je suis reçu joyeusement, car ses parents m'attendaient avec impatience. Tout de suite, Madame et Monsieur Jourdain me débarrassent de mes bagages. Je les suis au 1er étage où ils me montrent mon lit.
La grand'mère a préparé un goûter délicieux... Dédé et moi retrouvons Paul Faure et Maurice. Nous jouons et discutons...
Bientôt, Madame Jourdain nous appelle pour souper.
C'est avec plaisir que je me couche ensuite, car je suis fatigué de ce long voyage.
En général, les Lagrassiens ont été gâtés au cours de leur séjour : les parents leur ont fait goûter les spécialités bretonnes ; les parents les ont promené les deux dimanches qu'ils ont passés en famille, sur les plages voisines.
Les Lagrassiens se sont tout de suite familiarisés, car les parents les connaissaient déjà un peu pour avoir lu les lettres reçues de Lagrasse.
Les parents auraient aimé garder plus longtemps les enfants.
Lors de la séparation, la peine a été visible de part et d'autre, il y a eu des larmes. Les enfants de St Evarzec ont éprouvé le besoin d'écrire le jour même du départ de leurs camarades.
Les liens de camaraderie se sont donc resserrés.

CE QU'ON A PENSÉ DE CE VOYAGE A LAGRASSE
Extrait de la lettre de M. BARBOTEU, instituteur à Lagrasse

…« Tous mes gosses ont le cafard et les parents écoutent, bouche bée, les récits de nos aventures dans cette région inexplorée et lointaine, d'où nous sommes revenus avec des mines superbes, sans que le moindre indigène ne nous ait fait le moindre tort.
Qui plus est, on est charmé d'apprendre que les Bretons sont si hospitaliers, si chics, si prévenants, et tout, et tout... », et plus loin :
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti tes aïeux
Que du Lagrasse audois le ciel toujours venteux
Plus que la tuile ocrée me plaît l'ardoise fine...

PROFITS PÉDAGOGIQUES TIRÉS DE CET ÉCHANGE D’ÉLÈVES

1° La Coopé de St Evarzec tirait jusqu’à ce jour son journal au limographe.
La Coopé de Lagrasse lui prête une de ses presses.
L'instituteur de St Evarzec acquiert le complément de matériel d'imprimerie nécessaire, qui arrive de la C.E.L., quelques jours avant la venue des Lagrassiens : les élèves de St Evarzec avaient juste appris à trier les caractères.
Les petits Lagrassiens ont initié, sans aucune intervention du maître, leurs camarades à la technique de l'imprimerie, en composant devant eux un texte, le vendredi matin 1er juillet 1949.
Trois jours après, le lundi matin 4 juillet (les Lagrassiens venaient de partir), l'équipe du « Joyeux » a composé, SEULE, son premier texte : « Nous arrivons à Brest », et cela devant deux collègues du Morbihan, venu voir la classe au travail.
Deux jours après, le mercredi 6 juillet, alors que leur maître était absent, ils choisissaient, mettaient au point, composaient et tiraient leur deuxième texte : « Sur les roches ». (V. ces deux textes ci-dessous
Les résultats sont, je crois, concluants.

 1ère feuille tirée par l'équipe du Joyeux, le 4 juillet 1949 :

Nous arrivons à Brest

Je vois les ruines des maisons et je pense : « Où dormiront les sinistrés maintenant. A l'arsenal le Montcalm appareillait.
Que de milliards a dû coûter ce croiseur ! Nous nous dirigeons vers la passerelle de ce navire.
Plus loin un homme manie une perforatrice.
Nous questionnons l'ouvrier.
Nous pénétrons dans un tunnel qu'on a grandit.
Je touche le mur d'un autre tunnel recouvert de poussières noires.
Près d'un chantier de construction navale, les hommes travaillaient avec ardeur.

L. Michelet.

2e texte, tiré le 6 juillet 1949 :

Sur les rochers

Ginette Chappert et moi, partons sur les rochers.
Nous sommes pieds nus, et avons un peu mal en sautant.
Nous ramassons de beaux coquillages jaunes.
Ginette me dit: « Je vais les garder pour en faire un collier. » Je lui donne les miens. Tout à coup, je glisse sur les goémons et tombe dans une flaque d'eau. J'ai eu peur.
Je me suis mouillé les mains et les pieds. Nous nous esclaffons.
Nous allons manger en riant encore.

2° Le samedi 2 juillet, les Lagrassiens ont initié leurs camarades
- à la gravure à la patate,
- aux marionnettes improvisées, taillées dans divers légumes (pommes de terre, carottes, oignons, etc.), habillées de vieux chiffons de couleur.
Ils ont réussi à mettre sur pied trois scénarios, monté rapidement un castelet, et participé à la soirée d'adieu qu'ils offraient à leurs parents le soir même.
Tous ont regretté de n'être réunis en classe que deux jours seulement.

Profits pédagogiques tirés du voyage d’études
Texte de Joseph Le Noach, 13 ans :

Avant ce voyage, je ne croyais pas tout ce que j’avais vu dans mes livres. Maintenant je sais ce que c’est :
Une baie, une pointe, un phare, la disposition des dolmens, les grandeurs étonnantes des cargos, des paquebots, un chantier de constructions navales, la pauvreté de l’Argoat, à côté de la richesse de l’Armor.
J’ai constaté aussi à Brest, les conséquences de la guerre.
Ce voyage m’a très intéressé et instruit.
Je voudrais y aller encore une autre fois.

Nous avons vu :
Tableau des connaissances acquises concrètement au cours du voyage d’étude

un phare, des dolmens, des menhirs, une pointe rocheuse, une baie, le flux, le reflux, des ports, différents bateaux de pêche, un bulldozer, des squelettes humains, des usines, des récifs, la côte déchiquetée, d'énormes échafaudages, un champ d'artichauts, une manufacture de tabacs, des rotatives, une rade, de l'algine, des haches préhistoriques, des grands ponts, des viaducs, des paquebots de 180 m. de long, des cargos, des bateaux de guerre dont : un croiseur, un porte-avion, deux contre-torpilleurs, des îles, les Montagnes noires, des linotypes, une grande roche tremblante, des canons, des tubes lance-torpilles, des appareils de radar, un train de très près, construire des grands bateaux métalliques, un terrain d'aviation, un avion s'y poser, des perforatrices à air comprimé, des bétonneuses, les bateaux : « Commandant Charcot », « l'Enez Eussa (B.T. sur Ouessant), agrandir un tunnel, une grande grue, les Montagnes d'Arrée, des téléscripteurs, un canal
Nous avons compris ce qui différencie l'Armor de l'Argoat :
et les Lagrassiens en particulier.
- les destructions dues à la guerre,
- un sculpteur sur bois au travail,
- des chaumières,
- des vieilles fermes bretonnes,
- des églises et des calvaires célèbres,
- les coiffes variées du Finistère,
- des écoles bretonnes bien délabrées,
- des fermes bretonnes modernes.

Et, pour terminer, la réflexion d'un parent au retour du voyage de son enfant :
- « Les enfants ont appris davantage au cours de ces quatre journées, qu'en trois mois de classe. »

LA CARAVANE RACONTÉE PAR DES ENFANTS
Texte de Colette DÉRAMOND, 14 ans,

mise au point par la chambre n° 5

DEPART DE LAGRASSE
VENDREDI 24 JUIN, 8 h. 30 :
Quel brouhaha sur la promenade du petit village de Lagrasse. Ce sont les élèves de la classe de fin d'études qui, sac au dos, vont entreprendre un voyage d'études en Bretagne, chez leurs correspondants réguliers.
Pensez, en Bretagne! dans le Finistère, c'est loin.
Notre groupe comprend 4 garçons et 6 filles accompagnés de M. Barboteu, notre instituteur, et de son fils Jean-Paul.
L'autobus a du retard.
« Il a dû prendre un autre chemin pour ne pas nous emmener », lance un garçon. Nous rions de cette plaisanterie.
Nos parents ont de la peine en pensant que leurs enfants vont aller si loin d'eux.
Nous, nous sommes  tous contents et émus à la fois.
Le voilà, notre car ; il stoppe.
M. Catala s'empare de nos sacs tyroliens et de nos valises.
Chacun embrasse ses parents. Quelques-uns ont les larmes aux yeux. La maman de Paul crie par la fenêtre ouverte :
« Fais bien attention de ne pas te noyer à la mer ! »
Le car démarre pendant que les mouchoirs s'agitent.
Nous sommes partis vers la Bretagne !

L'ARRIVÉE A SAINT-EVARZEC
par Paul FAURE
SAMEDI 25 JUIN, à 15 heures :

Le car file en direction de St Evarzec, situé à 9 km. au sud de Quimper. Des idées affluent :
- Comment sont nos correspondants ?
- Parlent-ils le breton, le français ?
Le car stoppe à un carrefour où des enfants trépignent d'impatience. Ce sont nos camarades. M. Olivier nous présente nos correspondants. Celui de Louis Rey tient une photo à la main pour mieux le reconnaître. Je retrouve le mien, Maurice, et lui pose des tas de questions auxquelles il répond gentiment. En chemin, tout le monde bavarde.
Nous ne nous comprenons pas trop au début avec nos accents si différents. Mais peu à peu nous devenons d'inséparables bons amis. Un peu plus tard, chacun gagne la maison de son correspondant.
UN MENU DE MARIN
Langoustines et poisson
A TABLE A DOUARNENEZ
Ginette Gloanec : On nous sert des langoustines avec du pain et du beurre. Odette dit :
- « Je n'ai jamais goûté de langoustines.
- C'est bon, tu sais. »
Mais Colette ne sait pas les manger et Ginette Chappert non plus. Elles essaient de les croquer avec leur coque !
Aucune d'elles n'a le coup de main pour les décortiquer. Moi, je me régale, car elles versent leur part dans mon assiette.
Josic : J'ai fini mon assiettée de langoustine.
- « Regarde ce qui se passe là-bas, dis-je à Fauchic mon voisin. Celui-ci se retourne. Vite, je remplis son assiette de mes coques vides.
- Tiens ! qui a rempli mon plat ?
- C'est le serviteur. »
Et le voilà qui s'escrime en vain sur les langoustines vides.
Il devine le tour que je lui ai joué et rit.
Après ce repas copieux, nous reprenons notre car pour Locronan.
KERGLOFF - SAINT-NIC - SAINT-EVARZEC
LA CARAVANE SE DISLOQUE
Nous filons sur Kergloff, où la caravane commence à se disloquer. Après s'être rafraîchis, les élèves de M. Thomas retrouvent leurs parents. Nous les quittons avec regret, car bien des amitiés s'étaient nouées.
Nous traversons alors tout le département d'est en ouest, longeant l'Aulne, la sinueuse, le canal de Nantes à Brest au trafic très réduit, par Châteauneuf-du-Faou, Pleyben, Châteaulin.
La route serpente le long des Montagnes noires et nous découvrons bientôt dans la brume, toute la baie de Douarnenez, avant d'atteindre St Nic.
Nous abandonnons là les élèves de M. Le Guillou.
C'est triste de quitter des camarades avec qui l'on vient de vivre quatre si belles journées.
Notre ardeur à chanter tombe brusquement : le cafard semble pénétrer en nous, le car paraît bien vide.
Maintenant que nous sommes au terme du voyage, la fatigue se fait sentir. Le corps bronzé du soleil, la tête pleine d'images, nous sommes sans ressort.
Ce n'est qu'à l'approche de St Evarzec que nous réunissons nos voix pour lancer une dernière fois :
« J'ai lié ma botte... »

SAINT-EVARZEC
NOS CAMARADES DE LAGRASSE NOUS ONT QUITTÉS

Hier matin, très tôt, nos camarades ont pris le chemin du retour. La séparation fut touchante et nous montre combien ces enfants de régions si différentes s'étaient pris d'amitié.
Les dernières journées passées ensemble à Saint-Evarzec leur furent encore profitables. C'est ainsi que dans l'après-midi du vendredi, ils visitèrent la ferme de M. Le Gac, à Kérinou. Ils purent constater que les fermes bretonnes sont loin d'être aussi arriérées qu'on le dit. Les machines agricoles modernes, la variété des cultures les intéressèrent vivement.
Samedi, ils observèrent M. Rolland, tailleur de pierre, en plein travail. Ils emportèrent pour leur musée scolaire différentes variétés de granit breton.
Nous remercions M. Le Cac et M. Rolland de l’amabilité avec laquelle ils se mirent à la disposition des enfants.
Le soir, une veillée d'au revoir réunit parents d'élèves et amis de l’école. Tour à tour, les Lagrassiens et leurs camarades de Saint-Evarzec se produisirent dans des chants et des chœurs.
Une séance de mationettes, due à la seule initiative des enfants, prouva le bien-fondé de nos méthodes d'éducation nouvelle. Les danses du Languedoc furent très applaudies.
M. Barboteu, directeur d'école à Lagrasse (Aude), renouvelle aux parents, qui ont si bien accueilli ses élèves tous ses remerciements, en espérant que, l'an prochain, les petits Bretons, à leur tour, revivront ces journées si fructueuses sous le ciel bleu du Languedoc.

LE RETOUR
Texte de Colette Déramond, 14 ans

Il est 8 h. 34, le train s'ébranle.
Cette fois, la tristesse s'abat sur nous. Les larmes nous montent aux yeux. Nous ne faisons seulement pas attention au paysage qui défile. Bientôt la chaleur nous accable.
Nous traversons Vannes, Redon et d'autres villes avant d’arriver à Nantes où nous dînons après avoir changé de train. Nous n'avons pas faim.
Cependant les parties de rire commencent.
Dans le couloir, un gros monsieur nous regarde avec insistance. Ginette lui fait des grimaces quand il a le dos tourné. Quand il se retourne, nous faisons semblant de dormir.
Nous abaissons les rideaux, nous nous appuyons les uns sur les autres et petit à petit le sommeil nous emporte...
Nous dormons presque jusqu'à Bordeaux que nous atteignons à 20 h. 05.
Quelle fumée sur les quais !
Le train qui doit nous mener à Carcassonne est signalé. Il n'y a pas trop d'affluence et nous trouvons assez facilement de la place.
Cependant je me trouve seule au milieu de gens inconnus dans un compartiment. Je n'ose pas manger mon souper pour ne pas les déranger. Enfin, je me décide, car l'estomac réclame son dû.
Un peu plus tard, je réussis à rejoindre Annie et Ginette, leur compartiment s'étant un peu vidé. Nous éteignons les lumières et, tant bien que mal, nous nous endormons.
A chaque arrêt, l'une d'entre nous soulève le rideau pour lire : Agen, Montauban, Toulouse...
Et voici enfin Carcassonne !
Madame Barboteu, la mère de Lucette, mon amie Jeanine et sa sœur nous attendent. Ce sont des «Bonjour! Ça va toujours ? »
Puis les bavardages... nos aventures...
Nous n'avons plus sommeil. Installés dans le camion de M. Fraisse, qui a eu la gentillesse de venir nous prendre en pleine nuit, nous chantons, comme des fous.
Et c'est l'arrivée triomphale à Lagrasse. Toutes les mamans nous attendent. Il est plus d'une heure du matin.
Nous sommes tout de même fatigués.
Voilà notre voyage en Bretagne terminé ! Quel dommage ! Nous serions bien reparties le lendemain.

A l’année prochaine dans le Languedoc !

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