Publication mensuelle
N°20
Mars 1946 André Fontanier |
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L'histoire vivante Troupe de mulets transportant les sacs de charbon de bois aux forges de Tronçais (Allier) en 1830
La présente
brochure était prête pour l'édition à la rentrée d'octobre 1939. Mais la guerre
était déclarée et tout ce qui sortait de chez nous se trouvait de ce fait
particulièrement suspect. En novembre
1939, donc, nous soumettions à la censure les épreuves de la brochure de Fontanier. Les
chiffres, les dates, les tableaux, les reproductions de textes anciens, tout fut barré au
crayon rouge, à tel point que la publication elle-même n'avait plus aucun sens. Et, à mon arrestation, AEGITNA fut contrainte d'en détruire les plombs. Par un « hasard » extraordinaire, les épreuves ont survécu à l'aventure. Nous les avons soumises à notre ami Fontanier qui n'a pas vu grand'chose à y changer. |
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Nous publions donc cette brochure qui
rendra les plus grands services à tous les éducateurs de notre groupe en les orientant
et les aidant sur une voie où ils trouveront intérêt et profit. Ajoutons qu'à partir
d'octobre prochain, LA GERBE, qui reparaîtra, ainsi que
la nouvelle publication mensuelle « ENCYCLOPÉDIE SCOLAIRE
COOPERATIVE », s'appliquera à dégager des recherches, à la base, de tous nos
camarades, les éléments qui ont une portée nationale et sur lesquels nous bâtirons
plus tard la véritable Histoire de France, l'histoire vivante du peuple de France. Nous le
pouvons d'autant plus que nos conditions de travail ont, depuis dix ans, sérieusement
évolué. Et nous pouvons avoir la fierté de dire que le grain que nous avons semé dans
des temps difficiles commence à lever. Les
recommandations contenues dans la présente brochure de Fontanier, naguère hardies et
timidement tolérées dans nos classes, ont aujourd'hui l'investiture officielle. Les
Institutions Ministérielles du 7 décembre 1945 sont catégoriques à ce sujet
puisqu'elles vous disent : « Depuis
1887, l'enseignement élémentaire de l'Histoire a pris peu à peu une forme savante,
abstraite ; de plus en plus, il s'est encombré de termes techniques, dont les élèves ne
comprennent pas le sens. Aussi donne-t-il souvent de maigres résultats. Il a semblé
qu'il y aurait avantage à le rendre moins ambitieux et à le rattacher, autant que
possible, à l'histoire locale, si riche et si variée en France ; car ainsi l'enfant
pourrait prendre contact avec la réalité historique... Il n'y aura plus d'enseignement
suivi de l'Histoire. » On ne
saurait mieux résumer les préoccupations qui ont été les nôtres quand nous avons
commencé la réalisation dans nos classes de l'École vivante. Les
Instructions Ministérielles, reprenant quinze ans après son émission notre mot d'ordre
alors iconoclaste : PLUS DE MANUELS SCOLAIRES, les Instructions Ministérielles vous
disent avec nous : Abandonnez définitivement le manuel scolaire sur lequel vous avez
peiné à enseigner avec si peu de succès « l'Histoire suivie », l'Histoire
savante qui n'est pas la mesure de l'enfant. Puisez dans le milieu, dans les pierres, dans
la mémoire des vieux, dans les archives, les éléments de la véritable histoire, de
cette histoire de France, celle qu'on comprend, qu'on sent et qu'on aime, celle qui nous
apprendra à mieux connaître notre pays, et à le mieux servir. Cette
brochure est la première pierre sur la voie nouvelle. Tous ensemble, maintenant, nous
réaliserons dans nos classes L'HISTOIRE
VIVANTE DU PEUPLE DE FRANCE |
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Nécessité de mettre au point cette
technique La critique
de l'enseignement de l'histoire actuelle serait un sujet facile où chacun de nous
apporterait un tribut important. Nous ne nous
placerons qu'à quelques points de vue généraux que nous jugeons essentiels. -Les classes
dirigeantes semblent remplir le monde passé. Les heurs ou malheurs d'un roi, d'un prince
caractérisent une longue période. Les traités et les guerres semblent alors régir la
vie des peuples. C'est un enseignement politique et dynamique, un simple compromis avec
l'esprit scientifique, l'amour du vrai qui doit animer notre travail. -Les thèses
que développe cette technique planent au-dessus de nos classes sans aucune attache avec
la vie courante. Ce ne sont qu'idées générales qui s'entre-croisent, accrochées, çà
et là, à des noms et des dates, ayant surtout comme valeur éducatrice l'habitude de les
voir enseignées. Cet enseignement ne peut être que livresque puisque, dans la plupart
des cas, aucune concordance n'est perceptible dans le milieu où nous évoluons. -Ces
conditions d'enseignement déterminent son efficience. Avons-nous besoin de dire le maigre
résultat que l'on obtient après des efforts sans nombre ? Faut-il parler de la valeur
moyenne des réponses aux examens du C.E.P.E. ? Peut-on demander aux conscrits la moindre
notion sans être atterré de la faiblesse du rendement ? Demandez à vos voisins,
paysans, commerçants, récités, rabâchés ? Ce qui est
appris sans compréhension profonde, ce qui ne s'intègre point à l'être, ce qui ne sert
aucun de ses actes, aucune de ses pensées, s'oublie vite et, en définitive, est plus
nuisible qu'utile à l'individu. Aussi concevons-nous que pour donner à cet enseignement
l'efficience que nous voudrions sienne, un travail de rénovation s'impose sans le sens de
l'effort personnel et humain. Intérêt de cet enseignement rénové La lente et
pénible progression vers la vie plus sûre, plus sereine est une magnifique fresque. Qu'importe
celui qui a créé le premier ! L'effort est multiple, varié, humain. Il importe que
l'homme revive ces étapes, qu'il ait confiance dans l'évolution, dans le progrès. Il
gagnera, en outre, en éducation pratique : chaque objet a son histoire et explique par
son évolution des problèmes qui se posent chaque jour dans la technique de tout travail. L'observation
de la Nature permet de concevoir son immuable harmonie. Son étude scientifique décèle
des merveilles mais n'exerce pas l'ESPRIT CRITIQUE au même degré que l'Histoire Vivante
qui est la recherche du Vrai à travers un amas de préjugés. Nous ne citerons qu'un
exemple ; nous étudions la société de notre village à la période classique d'avant
1789 : État civil, livre terrien, lettres et contrats de l'époque nous avaient fourni
une bonne documentation. Un élève cherchant un complément d'information sur ce sujet
mit la main sur un manuel. Il nous montra, saisi par la gravure, une scène représentant
des paysans en train de moissonner, chapeau bas, devant des seigneurs à cheval chassant
à travers les blés. Il suffisait de regarder les élèves : le doute sur la véracité
du tableau était général parce que cela ne correspondait en rien à 'idée que nous
pouvions nous faire de la vie paysanne de l'époque. L'esprit critique avait joué et
éliminé un document dont la partialité nous paraissait évidente. Fouiller le
monde passé, confronter des croyances, juger des choses bien humaines, c'est un terrain
de choix pour aiguiser l'esprit des futurs citoyens. Dans une démocratie il n'est pas de
problème plus impérieux : FAIRE DES CITOYENS ACTIFS ayant des possibilités de critique
et d'action suffisantes ; voilà une tâche où l'histoire Vivante ne doit pas faillir. En plus des
avantages qu'elle offre pour les élèves, pour eux encore, mais au-dessus su cadre de la
classe, il est un intérêt collectif que nous voulons développer. L'enseignement actuel
de l'histoire, l'Histoire elle-même ne sont guère scientifiques puisqu'ils sont basés
sur des documents partiaux et rarement généraux. Partir du fait, du document, de la
réalité et non d'une spéculation philosophique, c'est réaliser le véritable
enseignement scientifique dans le sens de la véritable éducation. Quand des camarades
très nombreux travailleront comme nous et je crois ce jour prochain nous
réunirons une masse énorme de documents inédits et indiscutables. De leur groupement se
dégagera, avec un maximum de vérité, un enseignement concret et dans le cadre de notre
pays, nous pourrons alors faire UNE VRAIE HISTOIRE DU PEUPLE FRANCAIS, par le peuple, pour
le peuple. Berline de ville 1806 (Musée de
Compiègne) |
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Comment diriger cet enseignement ______________________________ Bases pédagogiques de la nouvelle
méthode ______________ |
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Nous affirmons sans crainte d'être
contredit que le passé passionne la curiosité de l'enfant. Il suffit d'évoquer la
formule magique : « Il était une fois... » Le charme allume le désir de
connaître. Tout le passé a, en lui, un goût de merveilleux. Et cela point seulement
pour les contes ; la véritable Vie reconstruite par l'Histoire, à un degré égal,
subjugue les jeunes cerveaux. Reconstituer
et expliquer comment ont pu vivre les aïeux dans le milieu qui est le nôtre et qu'ils
ont façonné possède un dynamisme qui, ajouté à la magie des vieilles choses, motive
puissamment l'effort. Et beaucoup seront surpris de la volonté créatrice dont fera
preuve l'élève. Il sentira son travail utile dès que la
« collectivité-classe » se sera donnée comme but l'exploration du passé. Il
fouillera et, de toutes ses forces, cherchera à déchirer le voile qui couvre ce qui
était. La base des recherches, étroite peut-être mais très sûre, sera le milieu
local. Nos méthodes de travail permettent de l'élargir. Les «échanges avec des classes
faisant chez elles le même travail multiplient les documents. La collaboration ouvre des
horizons. La richesse acquise donne un surcroît de joie dans l'effort volontairement
poursuivi. Elle sera classée avec soin pour servir et se survivre ; elle s'intégrera au fichier.
La Bibliothèque de Travail poursuivant de son côté l'édition d'études
synthétiques de sujets d'histoire, complétera la masse de documents avec laquelle
l'oeuvre d'initiation sera féconde. Agir et
créer est le mot d'ordre : enseignement doit être une activité dirigée. Son caractère
concret et documentaire prime tute autre considération et lui donne toute son efficience
pour motiver l'effort pour l'éducation rationnelle. Pour l'acquisition des notions que
nous jugeons utiles de connaître. Celles-ci
définies par les programmes officiels nous semblent sujettes à un classement et
peut-être à quelques renversements de valeur. L'Histoire
traditionnelle a hérité des récits des chroniqueurs, des puissants. Les sociétés
d'histoire locale des familles puissantes : seigneurs, gouverneurs, riches et de vieilles
souches dont le nom seul évoque, bien sûr, le passé. Le peuple n'apparaît que de loin
en loin. Masqué, inerte, guère plus intéressant qu'une colonie de fourmis, propre à
suer et à gagner le pain de ces ci-devant princes d'importance. Ses oeuvres à lui sont
anonymes et on n'en parle pas. Ses traces ne frappent nullement ; elles ne s'imposent ni
par leur masse, ni par leur éclat. On les laisse dans l'ombre. Et pourtant, Il vivait, Il
oeuvrait seul pour tous bien souvent. Le Peuple a toujours été dépositaire de la
civilisation : c'est lui qui l'a faite, c'est lui qui l'a conduite. C'est le personnage
qui écrase les autres de sa masse, de sa continuité. La place qui lui revient ? La
première indiscutablement. Le temps où l'Histoire n'était à peu près que l'histoire
des rois, des princes, des guerres et des dates est passé. Nous, en bons historiens, nous
disons : ce n'est pas là toute l'histoire. Nous donnerons à ces faits l'importance
véritable qu'ils ont dans le développement humain. D'ailleurs,
là est notre devoir d'éducateurs du peuple. Nos classes sont pleines de fils de
travailleurs, de futurs travailleurs. Devra-t-on, pour eux, faire la même besogne
éducative que le précepteur des enfants d'un comte de notre voisinage ? Nous ne pouvons
certainement pas hésiter dans notre réponse car nous savons bien que de nombreuses gens
n'ont pas encore réalisé en elles l'égalité de naissance. Notre éducation sociale et
libératrice doit se tourner vers l'avenir : la lutte humaine vers un avenir meilleur est
celle de tous les travailleurs. En eux est la force. Qu'ils la dirigent donc avec volonté
et que chacun soit capable de replir son rôle dans la grande marche collective vers le
Progrès. Il faut inlassablement et sans peur montrer la puissance humaine de libération
: l'Histoire Vivante retraçant les étapes de cette civilisation qui avance toujours, qui
toujours crée, toujours améliore malgré des heurts et des reculs, est propre par
excellence à donner au futur travailleur la confiance et l'élan nécessaires pour
continuer de pousser à la roue. Technique de travail Les quelques
considérations qui précèdent ne seraient que des mots si nous ne nous efforcions pas de
réaliser dans nos classes les idées qui y sont exprimées. Nous allons successivement
étudier les aspects qu'offre la pratique de cette pédagogie active : la technique de
notre travail. D'abord
entendons-nous ; enseigner l'histoire ne peut jamais nous apparaître comme une
gymnastique spirituelle ayant pour but de gaver les esprits de dates ou de faits (même si
cela devenait nécessaire en vue d'un examen mal conçu). Par cet enseignement nous
voulons, en dernier ressort, donner connaissance et confiance dans le devenir humain :
c'est une affirmation prouvée du Progrès, non d'un progrés facile que sa force
guiderait sans à-coup mais d'un terrible combat où la puissance humaine crée et
détruit presque autant. C'est une affirmation du pouvoir infus qu'à l'humanité de se
libérer d'autant plus facilement que le nombre de ceux qui en seraient conscients sera
plus grand. C'est la négation de toute résignation paralysante : l'effort, l'action
exigent des volontés bien trempées. L'injustice ne doit pas faire courber l'échine mais
crisper le désir de lutter. Comment allons-nous graduer notre travail ? Nous avons, dans notre école, deux classes (5 à 9 et 9 à 14) garçons et filles. C'est le cas de nombreux instituteurs et nous ne sommes nullement placés dans des conditions plus favorables d'autre part : il nous serait difficile de croire que ce qui est possible ici, ne l'est pas ailleurs sauf rares exceptions. CLASSE
PREPARATOIRE L'enfant
doit prendre connaissance du passé ; comment le lui faire concevoir ? Conserverons-nous
les clichés qui nous font sourire et qui sont la substance même de l'enseignement
traditionnel de ces classes : « Le Gaulois aux longues moustaches, le vase de
Soissons, le bûcher de Jeanne d'Arc, la poule au pot d'Henri IV » et bien
d'autres... se déroulant sur un même plan. Plaçons-nous devant ces jeunes êtres
ignorant même beaucoup de leur personne ! Quelle valeur a pour eux cette méthode ? Sur
un plan égal et peut-être supérieur, Peau d'Ane, la Belle au Bois Dormant, les fables
du Bonhomme peuvent remplir le même rôle, la déformation de ce que doit être la notion
du passé en moins. Nous nous écarterons de cette voie. Il importe
de faire l'éducation sur laquelle se construira la trame des faits déjà lointains,
l'Histoire. L'enfant prend connaissance du milieu qui l'entoure, intuitivement.
Intuitivement, aussi, nous le conduirons dans le milieu déjà révolu mais dont on sent
encore les traces. De proche en proche, on élargira le cadre des investigations, sans
perdre de vue que l'essentiel est de bien donner la notion de déroulement des ans, de ce
passé progressif dont nous nous éloignons chaque jour. L'enfant a un cadre naturel où
l'image du passé s'impose à son attention. Dans la famille, parents, grands-parents,
arrières grands-parents quelquefois, montrent ce que les ans ont modelé. Les souvenirs
que chacun porte en lui, racontés à l'enfant, créent déjà une notion intuitive d'une
solidité que rien ne peut plus entamer. C'est dans ce sens que se porteront nos efforts.
Nous étudierons tout ce qui peut être recueilli de la bouche d'amis déjà plus vieux,
dans des maisons aux galeries riches et encombrés, dans des circonstances variées,
imprévues ou créées. Ne pensez
pas que nous allons laisser régner dans nos écoles une anarchique confusion où
l'organisation serait seulement confiée au hasard ! Nous en sommes loin. L'oeuvre déjà
réalisée dans ce sens montre l'utilité d'un ordre général imposé à la classe par la
nature même de cet enseignement. Tous, maîtres et élèves, doivent connaître le cadre
de cette activité, les grandes lignes où la recherche doit s'exercer. Cette orientation
initiale nous l'appelons : plan de travail annuel. Chaque classe dressant le sien (c'est
ici l'oeuvre du maître), peut le faire varier dans tous sens et l'adapter à tous usages.
Il contiendra les sujets d'étude que l'on aura choisis, portant un numéro de classement.
Chacun d'eux sera étudié collectivement suivant les mêmes pratiques que nous exposons
en détail pour la grande classe. Pour mieux
préciser, nous donnerons à titre indicatif, mais non comme modèle, celui que nous avons
réalisé cette année. Il est d'inspiration locale, car nous pensons que, là comme
ailleurs, il faut d'abord connaître son horizon avant d'aller chercher plus loin. Il peut
peut apparaître assez peu substanciel. Qu'on ne s'y trompe pas ; nous voulons un
enseignement efficient. Il est nécessaire de faire un travail approfondi et les articles
qui nous paraissent faciles se révèlent les plus éducatifs. Enquêtes, interview,
documentation constituent la base de ce travail d'initiation au Passé pour nos jeunes
écoliers. GRANDE
CLASSE Les mêmes
principes guident notre action dans la classe des grands. Nous prendrons une échelle plus
grande où nous nous efforcerons de réaliser une observation plus pénétrante des
documents du passé « historique ». La nécéssité d'un plan s'avère la
même. Comment allons-nous classer les sujets que nous nous proposons d'étudier ? Voici
le tableau général que nous avons adopté. D'abord nous allons suivre l'histoire des éléments de la Civilisation : Eléments d'ordre matériel (nourriture, vêtements, outils, transports, armes, etc...) ;Eléments d'ordre intellectuel (langage, écriture, imprimerie, transmission de la pensée, arts, etc...) ;Eléments d'ordre social (histoire de la famille, des religions, du travail et des travailleurs, etc., etc...).Suit
l'enchaînement de ces éléments à la grande trame historique. Nous constituons un
tableau d'histoire. Nous prenons comme base de ce travail la série de fiches (Fichier
Scolaire Coopératif) Chronologie d'Histoire de France. Les élèves ont une initiation
solide. Ils savent l'évolution des faits, le nom des époques, des siècles. On étale le
travail accompli ; on apporte des notions acquises sur le tableau : il faut encore
compléter en y marquant les grandes étapes de l'évolution de la civilisation
française. Partant de la préhistoire, des premières civilisations, on déroule
l'histoire dont l'acquisition ne sera plus formelle ni superficielle : les dates prennent
leur sens précis, le nom des chefs, des savants ou autres, leur valeur réelle. Cela
n'est plus toute l'histoire. Nous nous garderons bien d'oublier que peuple et gouvernement
vivant de pair n'ont pas souvent le même caractère
; l'un est saturé de lassitude et de misère pendant que l'autre est ivre de gloire. La
France, la multitude vivant loin des palais, continue son train de vie sans trop de
heurts, ignorant bien souvent quoique contemporains, les hauts faits de ses chefs.
Arrivés à la période contemporaine, nous ne jugerons point avoir terminé. Il sera
nécessaire de faire le point. L'enfant va rentrer dans la vie économique, sociale,
politique du milieu qui jusque là le tenait à l'écart. Des notions générales
dégagées des faits étudiés ont créé un état d'esprit apte à concevoir les grands
problèmes qui agitent le monde moderne : il est de notre devoir de les lui présenter non
pas suivant un point de vue sectaire, bien sûr, mais scientifiquement autant que nous
pourrons le faire. La
véritable « Instruction Civique » a sa place là plus que partout ailleurs. Ce plan aux
nombreux sujets appelle quelques commentaires. C'est celui de notre classe. Il est loin
d'être parfait. Chaque sujet
doit être réalisé comme conférence par un élève ou une équipe comme nous
l'expliquerons plus loin. Beaucoup sont réclamés avec enthousiasme : Histoire de
l'avion, de l'auto, des jeux et sports, des superstitions, de l'écriture, la
préhistoire.
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Certains, nous l'avouons, sont
acceptés avec une sérieuse poussée du maître et sont réservés aux plus grands : la
Réforme, les Rois absolus, Histoire de la littérature, de la langue française et
quelques autres, peu nombreux à notre avis. L'intérêt qu'y prend l'enfant en compte
pour beaucoup dans la réalisation, dans l'efficience qu'elle entraîne. Nous devons en
tenir compte tout autant que du désir que nous pouvons avoir de leur enseigner ce que
nous jugeons indispensable. Pour ceci, une bonne documentation bien pr&parée est le
meilleur attrait. On nous reprochera peut-être l'amplitude de notre plan qui semble déborder les programmes. Remarquons que, grâce à la division du travail, plusieurs conférences marchent à la fois ; le rythme de deux comptes-rendus par semaine peut devenir coutumier. En outre, il n'est pas indispensable de le réaliser entièrement chaque année. Nos élèves demeurent quatre à cinq années dans notre classe. Une progression s'avérera nécessaire : les possibilités de rechercheet le degré de l'élan des élèves croissent avec l'habitude de ce genre de travail que nous caractérisons en peu de mots : chaque sujet est bâti sur des documents. Il faut les trouver et les mettre en valeur. Telle est l'activité que la classe doit réaliser. La voiture d'Ozanam (1696) |
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Cisum Postal Romain (Chariots et Carrosses, Edition de l'Imprimerie à l'Ecole) Où trouver des documents ? L'école vit
dans un milieu où les documents du passé abondent : il ne s'agit que de s'en emparer et
de réaliser son étude concrète dans le temps. 1-Les
archives de la Mairie I-Voyons
l'ETAT CIVIL : Dans la
très grande majorité des communes, les registres sont conservés depuis l'an 1600
environ. Nous en avons tiré de précieux documents dont voici quelques-uns : -Pour le n°
15 du plan de travail, L'Ecriture : a) Morceau
de plain-chant servant de couverture, musique du moyen âge et écriture gothique. b)Comparaison
des écritures relevées en 1604, 1654, 1704, 1754... (nous avons choisi pour le
relever ce qui est le plus lisiblement écrit). -Pour le n°
18 du plan, Histoire des Monnaies : a) Le
prix du panier timbré de 1600 à 1939. b) Les
vieiles monnaies : la valeur exprimée en livres, sols, deniers, etc... Pour le n°
27 du plan, Histoire des Métiers : a) Relevé
des métiers qui figurent sur les actes et étude de la variation de leur proportion
tous les 50 ans. b) Les
métiers qui ont disparu (meunier de
moulin à vent, cardeur, tisserand, chirurgien-barbier, peigneur de laine, etc...) et à
quelle époque on n'entrouve plus trace. c) L'apparition
des nouveaux métiers (boulanger, mécanicien, coiffeur, etc...) et à quelle époque. d) Combien
de temps (environ) restaient les métayers dans une ferme. XVIIe siècle, XVIIIe siècle,
XIXe siècle.
-Pour le
n°19 du plan, Histoire de la langue : a) Relevé
des tournures qu'on n'emploie plus (le vingt-deuxième jour du mois de mars, l'an de
grâce 1712 au lieu de l'an 1712, le vicaire d'icelle au lieu du vicaire de cet endroit,
etc...). b) L'orthographe
a varié (tiseran, marreine, parens,
françois, caier, sçavoirs, etc...) c) Les
prénoms d'autrefois (Bideau, Guillem, Jacquette, Guiraute, Guillaumet, Toinette,
etc...) -Pour le
n°25 du plan, Histoire de la famille : a) Recherche
de généalogies de familles d'élèves. b) Une
famille fixée depuis longtemps. c) Le nombre
des enfants. (Nous prenons dix mariages qui se suivent et donnant un ménage dans la
commune et nous cherchons les enfants qui en sont issus, cela à chaque siècle. La
moyenne nous donne une idée du nombre d'enfants). -Pour le
n°33 du plan, Histoire de l'Ecole : a) Essai
de statistique : compter les signatures possibles et celles qui ont été données par
période de dix ans. b) Quels ont
été ceux qui savaient signer au XVIIe, XVIIIe, XIXe siècle. c) Quand trouve-t-on
trace d'un instituteur ? -Pour le
n°34 du plan, Histoire de la médecine :
a) La
profession de maître en chirurgie et barberie, apothicaire, médecin (s'il n'en
existait point au village, on en trouve souvent quelqu'un de mentionné aux
mariages ou baptêmes de bourgeois du XVIIIe siècle). b) Les
traces d'épidémies (nombre anormal de sépultures) ; à Béraut, en 1693, 84 décès
; en 1694, 76 ; moyenne ordinaire, 19. c) Essai de
statistique donnant la moyenne (approximativement) de la durée de la vie à quelques
époques (1630 à 1640, 1730 à 1740, 1830 à 1840, 1930 à 1939 ; nous relevons l'âge
des décédés et nous faisons la moyenne. -Pour le
n°50 du plan, Histoire de notre commune : a)
Comparaison des noms des exploitations agricoles au XVIIe siècle et aujourd'hui. b) Carte des
métairies de la commune et nom des exploitants à chaque siècle en indiquant aussi leur
état social. c) Liste des
maires, etc... -Pour le
n°43 du plan, Les Rois absolus : a) Le sceau
du papier timbré (fleur de lys, généralité de ...) b) La
révocation de l'Edit de Nantes (baptême des nouveaux convertis en 1685). c) La
société d'avant 1789. (La population, les classes sociales, l'organisation du travail,
l'instruction). -Pour le
n°44 du plan, La révolution française : a) Les
étapes de la laïcisation de l'état civil. b) Le
calendrier républicain. c) Les
réformes constitutionnelleq, adminidtratives et des monnaies de 1789 à 1804 d'après le
sceau du timbre. d)
Comparaison des différentes rédactions des actes de l'état civil (on prend un soin bien
plus grand de la personne humaine). -Pour les
numéros du plan de la Période contemporaine, où l'écriture est plus lisible, les
données plus précises, où les souvenirs des vivants sont encore faciles à recueillir,
l'état civil offre de nombreux sujets d'étude : changements de régime, extension du
nombre de propriétaires, morcellement, etc. Que chacun veuille bien y regarder et il
s'apercevra que la besogne intéressante n'y manque pas. -
ARCHIVES DIVERSES. Nous
possédons : A) De
vieux budgets : Le plus
ancien que nous possédons date de 1728. Nous trouvons des notions très diversues sur les
impôts de tous les régimes (taille, droit de sceau, loi d'enregistrement, impôt
foncier, mobilier, des portes et fenêtres et la patente), sur la manière de les
percevoir et de les contrôler (collecteur, auditeur, vérificateur jusqu'au percepteur),
sur les dépenses d'une commune. Une continuité très nette lie ces deux siècles
d'administration locale. B) Des
registres de délibérations municipales : A partir du
jour où on eut connaissance des décrets du 22 décembre 1789 de l'Assemblée Nationale
ordonnant « aux villes, bourgs, paroisses et communautés de campagne de se
constituer en corps de municipalité », notre commune tint un registre des
délibérations municipales. Plus ou moins bien garni suivant les époques, il offre une
abondante moisson : a) Période
révolutionnaire. - Nous avons la répercussion de toutes les réformes :
Nationalisation des biens du clergé, les prêtres réfractaires, la suppression des
privilèges, lutte contre les suspects (les ci-devant féodalistes), la réforme
financière (création d'impôts, affermage communal pour leur rentrée), essai de
création d'école, les engagements volontaires, la garde nationale, la levée en masse,
les réquisitions, le projet de partage des biens nationaux aux indigents patriotes, etc.,
etc... Toutes les pages d'Histoire vivante de notre journal de cette année cent
cinquantenaire de la Révolution furent tirées de ce registre : (1. La Naissance de notre
Commune, la 1ère municipalité de Béraut, Un Prêtre réfractaire et un impôt créé
par la Constituante (patente), Contrôle des suspects par les patriotes, An 2 : La
Révolution en danger, Un volontaire qui ne l'était pas, Les débuts du Service Militaire
obligatoire : l'organisation de la garde nationale de Béraut : 1793, règlement de la
garde nationale »). b) Le
XIXe siècle. - Il est facile de suivre les événements intérieurs de la dictature
de Napoléon Bonaparte à la IIIe République. Les grandes lois, telles celles sur
l'enseignement primaire 1833 et 1881-82 ont eu des échos dans les discussions de
l'assemblée municipale : construire l'école, nommer et payer l'instituteur, le loger.
Nous trouvons toutes les transformations constitutionnelles, les serments à prêter, les
maires élus et ceux qui sont imposés par le pouvoir central. Les découvertes les plus
imprévues surprendront le chercheur : Personne aujourd'hui ne parle d'exploitation de
carrière de plâtre dans notre commune. Le souvenir en est éteint. Or, au lieu dit
« à la Bescat », voici 100 ans, un ouvrier se tuait. Le maire, appelé pour
constater l'accident, écrit en toutes lettres : « à la mine de plâtre de la
Bescat »... Voilà de quoi orienter de nouvelles recherches et pousser plus loin la
connaissance de notre milieu dans le temps. c) Publications
auxquelles la mairie a été abonnée. -L'abondance de ces reliures des « bulletins
des lois » a de quoi effrayer notre activité, car bien peu de choses utiles
pour nous y sont contenues. Cependant étudions-nous une constitution ? Il sera bon
d'aller chercher à l'an voulu le texte officiel. D'autres textes peuvent nous servir. Souvent se
trouvent des « Moniteurs des communes » du IIe Empire. Nous y avons
découvert des documents sur le canal de Suez, les guerres de Napoléon III et ...
« Comment combattre l'oïdium par la poussière des rues » ! Toutes les choses
qui ont leur intérêt. Les
annuaires départementaux et les recueils des actes
administratifs du département nous offrent des sujets plus variés et plus
intéressants sur le siècle dernier. Des notions se rapportant à l'agriculture locale et
aux innovations souhaitées y abondent. L'organisation locale des postes et des tournées
des facteurs, les courriers d'une ville à l'autre par des voitures à chevaux, les
statistiques sur la population, la création des lignes de chemin de fer, les croyances à
l'influence des astres sur la météorologie, etc., s'y trouvent relatées en leur temps.
Nous avons même la bonne fortune de voir dans l'annuaire Gersois une chronique à peu
près annuelle sur les archives départementales. Les quelques titres suivants montrent
l'intérêt de cette source : Les nouveaux poids et mesures (Annuaire de 1840), Abrégé
du système Toaldo, professeur de Géographie physique et astronomique (1819), Les
produits du Gers à l'Exposition de 1855. la fondation et les coutumes de Gimont (1872),
Procès-verbal sur l'état des villes du haut-Armagnac après les guerres de religion
(1882), l'Instruction à Fleurance avant 1789 (1887). Statuts de la confrérie des
tailleurs d'Auch, de la confrérie des cordonniers, de la confrérie des tisserands,
Nomenclature des « biens nationaux » dans le Gers. Notes sur quelques
récoltes au XVIIIe siècle, etc... d) Statistiques
municipales. -Nous avons les registres des recensements depuis 1836. Nombre d'habitants, lieux
d'habitation, âge, situation sociale s'y révèlent avec facilité. Nous possédons là
le panorama complet de ce qu'était la commune à des périodes régulières depuis 100
ans. Pour compléter les recherches, pour les rendre plus aisées, nous nous y rapportons
souvent. Nous pouvons établir d'une façon certaine l'évolution des professions , du
nombre des propriétaires, etc... La
statistique agricole peut
nous aider aussi pour étudier en gros l'évolution récente des cultures et de
l'élevage. Pour cette dernière, en ce qui concerne le cheval, on trouve les tableaux du
recensement militaire. e) Le
cadastre (livre terrien). Les matrices du rôle des impositions. - La vie de la
propriété rurale se lit sur le cadastre. L'examen de ces livres permet de suivre le
devenir de quelque grand domaine, son progressif démembrement. Parallèlement, on peut
voir la croissance de quelques petites propriétés. Ce sont des faits sociaux dont nous
avons des exemples typiques. Et si, dans notre commune, ces éléments se présentent
assez mal, nous avons rencontré dans les archives de la mairie de Puycasquier un volume
remarquable datant de quelques ans avant la Révolution où nous avons puisé beaucoup de
faits intéressants : « l'organisation municipale sous l'Ancien régime (corps
municipal et assemblée générale de tous les chefs de famille), la manière dont
s'attribuait ce travail de confection du cadastre au maître-géomètre de la région,
demandant le plus faible prix (système de sous enchères) ; la valeur relative des
anciennes mesures de surface, la place des anciens fossés ou mares, le système de
classification des biens « notable », « ruraux »... quant à leur
part d'impôt, etc... » f) Des
actes divers. Des papiers où sont notés des travaux, des rapports, des plans, des
menus objets qui dorment dans des coins poussiéreux existent dans toutes nos mairies. Des
recherches peuvent faire découvrir quelque fait intéressant, utile à cette
reconstitution du passé que nous nous sommes attachés à mettre en action. Que chacun
explore bien sa mairie et même s'il a déclaré que, chez lui, il n'y avait rien de bon,
je doute qu'après il soit du même avis. C'est notre but essentiel en citant ces
exemples. 2.- Autres sources communales ou
péricommunales A) Châteaux.
-Dans la plupart de nos milieux existent des châteaux. Nous en avons de nombreux dans
notre région. Châteaux-forts du moyen âge (château du tauzia qui est en ruines, celui
du village transformé en exploitation agricole, celui des villages limitrophes, à 4 km.
Environ). Saint-Orens où le village s'est bâti dans l'ancienne cour où l'école est
dans le château lui-même. Un mur de la classe est à demi constitué par une immense
cheminée murée portant à son fronton les armoiries très bien conservées. Celui du
Pouy Petit, celui d' »En Soulès » où, malgré des créneaux destinés
davantage à l'effet architectural, on trouve les caractères du style Renaissance. La
visite méthodique de ces lieux permet de créer une documentation utile. La maison
bourgeoise du XVIIe-XVIIIe siècle (Basté, Tuco, Saint-Sé), mi-château, mi-exploitation
agricole, contribue aussi à se faire une idée de l'histoire de l'architecture et de la
richesse des puissants. B) Vieilles
maisons. -Presque tous nos villages de campagne, décadents du fait de la
dépopulation, offrent l'image de vieilles maisons abandonnées dans un état bien voisin
de celui qu'elles avaient des siècles passés. Les progrès sont lents dans
l'aménagement de nos habitations. Voici au centre de notre village un type de maison qui
nous paraît bien vieux. Mesurons les fenêtres, les carreaux, la cheminée, les
différentes pièces, dont seule la cuisine nous paraît suffisante. Là, d'un côté du
foyer, est le four ; de l'autre voici encore la pointe où s'accrochait « le
careil ». C'est un cadre merveilleux pour placer les ancêtres, dont nous savons les
nopms, l'activité, l'habillement. Où travaillaient-ils ? Quels étaient leurs outils ?
Où logeaient-ils leurs bêtes, poules et cochons ? Etc. Etablissons
des documents avec ce qui est là sous nos yeux. Comparons avec ce qui existe à côté,
ce qui sert, ce qui ne sert plus, ce que nous avons conservé, perfectionné. C) Vieux
habits, vieux outils. -C'est une chasse qu'il nous faut organiser, car ce qui reste
est souvent caché, relégué en un coin obscur de l'armoire ou du galetas. Mais
l'arrière-grand'mère qui ne peut plus sortir, a plié avec un soin jaloux ses beaux
habits de fête ; elle les montrera avec plaisir si elle sait qu'ils seront respectés :
la coiffe de dentelle de lin, le corsage, la longue et si ample robe, les jupons à
volants qu'elle avait pour son mariage, la noire « capéto » de drap fin qui
la recouvrait toute pour aller aux offices. Les ciels de lit, les étoffes à carreaux ou
à grosses fleurs, le vieux linge « inutilisable » fait avec le lin de la
ferme. Pour les
outils, la recherche sera plus délicate, car souvent en bois, beaucoup auront servi à
faire une flambée. Nous trouvons des faux, des faucilles, des fléaux, des rouleaux pour
battre le blé ; des tamis qui servirent à avoir de la fleur de farine des vans, des
assiettes en terre cuite, des cruches aux formes délaissées, des rouets, des fuseaux,
etc... Nous rechercherons de vieux systèmes d'éclairage. Nous irons voir, dans une
remise, des « calèches », « break », »coupés », qui
servaient, il y a peu de temps, aux voyages. Les moulins à vent si délaissés peuvent
aussi nous instruire et nous permettre de confectionner des documents. Pour
compléter nos trouvailles, nous nous appliquerons à recueillir des interviews. Que l'on
se rapporte au plan de travail de la petite classe et que l'on veuille y voir nombre de
sujets propres à être étudiés par enquêtes. La grande classe ne doit pas négliger
cette source de richesse qui va en diminuant... D) Autres
ressources possibles. -Quelques familles gardent des actes de ventes, d'achats, des
contrats de mariage qui peuvent nous servir. Il est souvent délicat de les demander. Des
circonstances favorables existent parfois : à nous d'en profiter. Les archives
des notaires à cet égard seraient précieuses. Dans les minutes et les inventaires
qu'elles contiennent parfois, nous trouverions beaucoup de faits importants pour
l'histoire des éléments de la civilisation. Nous n'osons trop espérer de ce côté. Des vieux
journaux, des vieilles revues existent. Nous devons faire effort pour les rassembler
dans nos classes. Le folklore,
si marqué par les conditions locales du développement de la civilisation. Doit être
étudié. Les traditions de Noël et du jour de l'an, la mort du cochon, la Chandeleur,
Carnaval, Pâques, les feux de la Saint-Jean, la fête patronale, les foires constituaient
la grosse part des réjouissances populaires. Les chants, les traditions religieuses
(bénédiction du bétail, rogations), les légendes sur les églises, les sources, les
lieux hantés ou autres, les superstitions qui s'estompent sont utiles pour concevoir la
mentalité de nos aïeux. Les restes
de la civilisation romaine offrent un grand intérêt. Pour notre part, nous n'en
avons pas trouvé trace. Musées. -La
visite des musées a tendance à être rationnellement organisée, du moins pour ceux qui
habitent une commune qui en possède un. Comment donner le maximum d'efficacité
pédagogique à ces excursions ? L'histoire
des arts y occupe une très grande place. Peinture et sculptures sont les ornements les
plus courants. A notre point de vue, nous souhaiterions pour beaucoup une réorganisation
faisant une part plus large à l'histoire de la civilisation, réforme que poursuivent par
exemple les musées de Grenoble. Les visites
doivent être soigneusement préparées. Rester quelques heures, tourner autour de ces
richesses accumulées, entendre une succession de petites causeries sur des sujets très
divers, ne peut être efficient. Voici comment procède notre camarade Mawet, de
Braine-l'Alleud (Belgique) : « Chaque
enfant ayant en main un questionnaire, s'en va librement après avoir pendant cinq à six
minutes, au début, fait le tour des salles pour assouvir sa curiosité. L'objet cherché
d'après le questionnaire est marqué d'une croix. L'élève est amené à chercher et
découvre un tas de choses qu'on ne lui demande pas. Il les notes à mesure ». Exemple de
questionnaire (Musée d'histoire de Bruxelles, salle de la Préhistoire) : -Cherchez
une hache de pierre emmanchée et dessinez-la. -Cherchez :
1° des lames non polies ; 2° des lames polies. Dessinez. -Cherchez un
peigne dans le même cadre et dessinez-le. -Cherchez
une aiguille et dites en quoi elle est faite. Cherchez un
harpon et dites en quoi il est fait. -Voyez un
crâne humain à l'indication « race de Stpy » et dessinez le profil. -Dessinez la
grosse molaire supérieure (cadre 8) de l'éléphant de cette époque. -Que
remarquez-vous au « boeuf musqué » (gravure 6) ? -Qu'est-ce
que le musc ? -Dessinez la
grotte de Spy (n°34). Quelle était la longueur de cette grotte (v. échelle) ? -Lisez et
écrivez le tableau n°IV à la partie « Age de la pierre » (pour coller). -Cherchez
« Grotte de Remonchamp » etvoyez un collier sur une étoffe verte. En quoi
est-il fait ? (notez). -Lisez et
écrivez tout le tableau n°III (grottes). -dessinez
une hutte (n°24) et dites en quoi elle est construite. -Voyez un
village lacustre (tableau 66) et venez me dire ce que vous remarquez. -Dessinez ce
qu'ils fabriquaient couramment (voir tableau VI, le lire). -Cherchez un
« Menhir ». A quoi cela servirait-il ? (me le signaler). -Dessinez un
dolmen (n°54). Qu'est-ce que c'est ? -Cherchez
une sépulture au pied d'un rocher. -Cherchez un
polissoir. Que polissaient les anciens ? -Voyez une
meule en grès (14). -Signalez-moi
un puits pour l'extraction du silex (70). -Lisez le
tableau n°VII et écrivez les deux prelmièrs paragraphes. -Quels
objets voyez-vous en bronze ? (à noter) -Voyez (32)
une place où les anciens brûlaient leurs morts. -Que
contiennent les vases ? (à noter). Tous les
enfants n'ont pas le même questionnaire. Cette technique particulière satisfait notre
camarade ; à chacun de l'essayer, de l'adapter. Nous pensons que les Musées doivent
offrir à nos classes des enseignements concrets d'une grande valeur ; nous devons nous
organiser pour en profiter au maximum toutes les fois que cela est possible. 3- Les échanges interscolaires, source
de documents Nos
méthodes nous permettent d'élargir le cadre de nos investigations. Toutes les classes de
notre groupe ont des correspondants variés et nombreux. Chacune à son journal doit
ajouter sa page d'Histoire Vivante. Chaque mois, tirée du milieu local, une documentation
précise sur un sujet courant est reproduite. Quelques-uns de nos correspondants le font
déjà. Supposons que nous recevions chaque mois dix feuilles de documentation historique,
de dix classes situées à travers la France, de la Bretagne au Rhin, et du Nord aux
Pyrennées. Ce chiffre n'a rien d'excessif. Les dix mois scolaires nous donneraient par an
cent documents d'une incontestable valeur. La création de cette page d'Histoire (locale
ou non) offre de nombreux avantages. Elle permet la création d'une masse de richesse
documentaire qui progresse constamment. Elle motive la recherche des sujets et entraîne
par là la classe à l'action dans le sens désiré. Les écoles qui n'ont jamais eu
l'occasion d'étudier des archives trouvent un amorçage parfait du travail d'histoire
rénové. Elle donne
plus de variété et d'intérêt au journal scolaire. L'enfant tiendra à cette rubrique
et c'est tout l'enseignement historique qui en bénéficiera. L'esprit
scientifique de l'histoire commande de comparer les événements. Quand chacun dans son
milieu prospecte et soumet à la réflexion des autres les fruits de ses recherches, c'est
à notre avis le meilleur travail que l'on peut faire dans nos classes. Nous citerons un
exemple montrant la valeur complémentaire de ce sdocuments. Durant la Révolution, dans
notre commune, le curé ne voulut point prêter serment et nous avons publié dans notre
journal, rubrique histoire vivante : « Un prêtre réfractaire ». Nos
correspondants de Digny La Salle (Meuse), dans la même rubrique, par un article à peu
près semblable et sur la même époque, nous apprenaient, par leur journal, que, chez
eux, tous les prêtres avaient été « jureurs ». Mêmes textes de lois, même
serment à faire, résultats totalement opposés avec des raisons justifiant chacune des
situations. Nous estimons que, sans avoir à intervenir, sans chercher à faire
« apprendre » nos élèves auront été intéressés et auront compris
naturellement. Cette comparaison des différents milieux soutient la curiosité. Voilà ce
qu'ont trouvé des camarades ! Y a-t-il quelque chose de correspondant chez nous ?... Le travail
ainsi peut s'amorcer tout seul. Dans le sens opposé, lorsque le besoin s'en fait sentir,
il est d'une bonne pratique de questionner les amis lointains. Croyez-vous que nous, qui
n'avaons ni traces de Préhistoire, ni de Musée, nous ne serions pas heureux et très
intéressés par le compte-rendu que feront les élèves de Mawet sur le questionnaire
reproduit plus haut ? La question
de ces échanges et de cette fraternelle entr'aide est susceptible d'un grand
développement. Nous souhaitons voir se former, au sein de notre groupe, des équilibres
résolues et actives quant au travail d'histoire, dirigées dans une voie de coopération
toujours plus intégrale.
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4-Sources d'éditions diverses
A) Documentation
occasionnelle. - Les journaux et les revues pénètrent aujourd'hui un peu dans toutes
les familles. Souvent des articles peuvent servir à notre documentation : Les grands
événements (incendie du « Paris », disparition du « Phénix »,
les diverses commémorations (cent cinquantenaire de la Révolution française), des
exploits (records d'aviation), des trouvailles sur le passé (tombeaux mérovingiens),
etc., emplissent les journaux d'actualité de nombreuses colonnes. Découper les textes,
les images, les porter à l'école, les coller sur un carton et voilà des documents
prêts à servir. Nous
recueillerons avec soin toutes les gravures comme celles que publiait la
« Documentation Scolaire par l'image » surtout au temps où Carlier y
collaborait ( Nathan édit) et les pochettes de Beau. Si nous le pouvons et si le bulletin
fourni en vaut la peine, nous nous abonnerons au périodique édité par la société qui
s'occupe des recherches historiques dans le département. Les enfants
ont encore une autre voie pour chercher et trouver des documents : les textes des grands
écrivains, des poètes doivent être recueillis, recopiés, transformés en fiche qui
iront grossir la masse de notre fortune historique. B) Documentation par les livres. -Si nous ne préconisons pas l'emploi d'un manuel parce qu'en histoire, comme en toute autre discipline, il laisse l'élève passif, nous savons qu'il y a souvent des explications, des gravures bonnes à connaître. D'ailleurs, l'enfant le sait et de lui-même quand il trouve peu de chose ou que l'idée lui en vient, il va vers les livres. Nous en avons rassemblé le plus possible, reçus au titre de « spécimens à prix réduits ». Certains nous paraissent plaire et seconder davantage nos efforts : « Petites lectures sur l'histoire de la Civilisation Française » par Rogie et Despiques (reider), « Histoire du Travail et de la Civilisation » par Coonaert et Suzeau (Bourrelier), et d'autres...Nous les
gardons au même titre que nos brochures « Bibliothèque de Travail » : ils
sont à la disposition de tous. C) Brochures
et fiches de notre Coopérative E. L. - Du travail préparé, adapté, créé dans le
sens voulu nous est offert par notre coopérative : la C.E.L. Nous avons déjà :
« Histoire du pain », « Histoire du Livre », « Histoire de
l'Aviation », « Histoire de la Navigation, « Histoire de la Locomotion
(chariots et carrosses, diligences et malles-postes, dernier progrès) »,
« Les anciennes mesures », « Chronologie d'Histoire de France ».
Ces éditions doivent faire la seconde base de notre travail. Les moins chercheurs de nos
élèves usent avec plaisir de ces brochures de la Bibliothèque du travail. Leur nombre
ira croissant à mesure que nos recherches seront plus poussées, plus complètes, plus
nombreuses. Elles seront leur émanation. L'abondance de nos documents leur donnera une
valeur scientifique incontestable et leur création par commissions pédagogiques donnera
la certitude de leur parfaite adaptation aux buts que nous poursuivons. Cliché extrait de "l'Histoire du Livre" (Edition de l'Imprmerie à l'Ecole) |
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Comment utiliser les documents ?
I. -Technique
du Travail. - Le travail de la classe est basé sur le plan de travail dont nous avons
déjà parlé. Nous savons ce que nous voulons étudier. Les différents sujets sont
classés et chaque élève possède une reproduction du plan au limographe. Il n'est
nullement indispensable de suivre, pour l'étudier, les numéros successifs indiqués. Le
numéro est nécessaire pour l'ordre : il n'implique pas forcément une chronologie
impérative. Le premier
travail consiste dans la répartition du travail : la classe fixe, en commun, la tâche
qui incombera à chacun. Maître et élèves décident : le n°7 sera préparé par Paul
(qui consent avec plaisir : tous les élèves veulent faire plus qu'ils ne pourront
réaliser par la suite). - Le n°2 à Jean. Le n°26 à Louis. Le n°24 sera réalisé par
une équipe de 6 élèves. Le n°20 sera étudié en commun, etc... Certains
numéros supposent de nombreuses sous-divisions. On fixe l'échéance où le travail devra
être fini et la période pour laquelle est faite la répartition. Il est prudent de
prévoir quelques travaux retardés et de tenir prêts quelques sujets pour parer à toute
défaillance. A mesure que l'âge des élèves croîtra, le travail pourra être plus
individualisé. Alors que les petis de 7 à 8 ans doivent, tous à la fois, mener une
enquête, les grands de 12 ans doivent pouvoir se charger individuellement d'un travail
précis au cadre très limité et même dans une équipe où on doit éviter de laisser
faire à plusieurs le même travail. L'élève
responsable envers la collectivité-classe est face à la difficulté. Il doit agir :
rechercher tous les documents se rapportant à son sujet, les relever, les classer et
préparer un compte-rendu ordonné et intéressant. Pour lui se pose alors la question
déjà traitée ici :Où trouver des documents ? Nous nous sommes étendus sur ce qu'on
pourrait appeler des « documents neufs pour un sujet neuf ». Il en est
rarement ainsi dans la classe si ce n'est au début de la pratique de cette technique. Le
travail des années précédentes sert: une fois la conférence faite, les documents sont
rangés avec soin dans « le fichier », et chez nous, le fichier d'histoire a
ses divisions qui correspondent avec les numéros du plan de travail. L'élève a donc,
là, tout de suite, une masse de documents utilisables. Nous sommes là pour l'aider à
accroître par quelque document nouveau son travail qui est à l'image de celui des
générations : il n'est jamais fini mais il est toujours commencé. Prenons des
exemples précis : a) Travail n°10 : « Histoire de l'Avion ». Nous
avons une brochure Bibliothèque de Travail de Carlier ; des images de types très
nombreux d'avions anciens et modernes, du monument de C. Ader à Muret, des récits sur le
survol de la Manche par Blériot, l'exploit de Lindbergh, la mission Papanine au Pôle
Nord, Byrd au Pôle Sud, etc... Des documents nouveaux existent, à côté, en vrac :
l'élève devra en choisir parmi ceux-là ; tailler du carton souple ou du papier fort au
format fiche 13,5x21 et y coller ses trouvailles : le raid Angleterre Melbourne, le
graphique des records de distance et de vitesse, etc... b) N° 28 du Plan du travail : « Histoire du Salariat ». En plus des documents existants, nous avons trouvé une vieille feuille qui est marquée : Arrêt de la Cour du Parlement de Toulouse pour le règlement des domestiques (29 juillet 1722). Elle est fragile, en mauvais état et ne nous appartient pas. Comment, malgré ces conditions défavorables, en tirer parti. L'élève recopie le document intégralement sur des feuilles format fiche. Il pourra userà volonté de la copie, la lire, la présenter. Mais il nous semble que le document est moins vivant, moins intéressant qque sur le papier jauni. Il va en reproduire les passages les plus intéressants dans leur physionomie exacte (la longueur du texte ne nous permet pas une reproduction intégrale, possible pour des documents plus petits). Trois appareils peuvent nous permettre d'arriver à nos fins : « Pierre hulide », « Nardigraphe », « Limographe ». Nous possédons actuellement un limographe, « Le Scolaire », vendu 10 fr. par la C.E.L. Il nous donne entière satisfaction.Reproduction
au limographe : a) L'élève
calque scrupuleusement le dessin du texte : sceau, écriture, signature... à l'aide d'un
bon papier transparent (papier pour brodeuse) et un crayon assez mou. b) Il
décalque le tracé obtenu sur un stencil grâce à du papier carbone. c) Il
perfore le stencil en suivant bien ce qui est marqué et en regardant l'original si des
endroits sont incomplets. d) Il tire
au limographe tous les exemples qu'il veut. e) Il
nettoie et conserve le stencil qui pourra resservir.
Reproduction à la pierre humide et au nardigraphe : Au lieu de
décalquer le premier tracé obtenu, on le passe à l'encre spéciale. Il suffit de le
rabattre, sitôt l'encre sèche, pour impressionner la pierre humide ou la surface de la
plaque du nardigraphe. Le tirage est sans difficulté. Le procédé déforme moins mais le
nombre de bonnes épreuves est trop limité pour la pierre humide. Toute la
classe et les correspondants peuvent ainsi avoir à eux le document qui est plus vivant,
plus pédagogique que la seule énumération des propositions recopiées. Travail
n°6 : « Histoire des outils ». - Ici la constitution progressive
d'un modeste « musée » ferait bien mieux l'affaire que toute documentation
écrite. Parler de l'histoire des charrues, voir des croquis, peut être édmirablement
complété par la reconstitution des charrues aux diverses époques. La brochure de
Carlier de la Bibliothèque de Travail n°24, « Histoire du Pain », en donne
des croquis précis très nets. Nous pouvons essayer de reconstruire en partant de ces
dessins. Nous les établirons non sur une grande échelle mais nous construirons des
maquettes en bois peint de 30 à 40 cm. De long, disposées sur des socles d'argile (on
pourrait peut-être moddeler l'attelage et le laboureur). (Outre les
charrues, des sujets variés se prêteraientà merveille à ces reconstructions : rouets,
quenouilles, râteaux, fléaux, fourches de bois, maisons, routes, avions. Glaise, bois,
bouts de fer et de l'adresse peuvent concrétiser force souvenirs. L'histoire du costume
peut se faire en habillant des poupées et notre camarade Guet a fait exécuter par ses
enfants, en réduction, toute l'histoire des « Chariots et carrosses »,
brochure B.T.; n°1, de la C.E.L.) Travail
n°44, « Période de la Révolution Française », sous-titre : « Les
armées de la Révolution », « La Garde Nationale ». - Les
règlements et autres documents que nous possédons sur la garde nationale de notre
village, en 1793, permettent de reconstituer des scènes de vie de cette organisation dans
leur cadre authentique. a)Les
exercices du dimanche matin : chaque élève a autant que possible le nom de celui qui
habitait sa maison, ainsi que son grade. On fait des piques, des fusils sommaires. On
évolue. On chante la « Carmagnole », « Ca ira », « La
Marseillaise ». b) Les
fouilles du château d' »En Soulès », 1er avril 1793 par la garde nationale.
On reconstitue la scène. On fait agir les personnages cités et comme on ne peut aller au
château, on choisit une petite cabane qui le remplace. On se travestit un peu, et comme
l'enfant adore tout cela, nul doute que ces petites scènes ne vaillent toutes les leçons
d'histoire ex-cathedra. Nous ne
passerons à un autre sujet qu'après avoir signalé dans ce genre de travail l'excellente
réussite qu'est le n° 97 d' »Enfantines » : « Houillos ou la
découverte de la houille », par les enfants de l'école de Frameries (Belgique). La
série n'est pas close : la veine commence à peine d'être excploitée. Voilà
cités quelques exemples-types du travail que nous réclamons dans nos classes. La
variété ne manque pas et s'amplifiera par l'adaptation du cinéma, de la radio, de tous
les outils modernes qui n'en sont qu'à leur premier stade. Reste
à montrer l'usage de ces travaux pour la « collectivité classe ». L'élève
(ou les élèves) a fini son travail préparatoire, il doit généralement en faire part
à ses camarades. Pour faciliter la besogne, il est utile de disposer les documents sur un
grand tableau ; les fiches sont groupées méthodiquement, une courte explication
manuscrite sert de lien entre quelques-unes ou précise leur signification. Il faut
montrer, répondre aux questions posées, résumer les faits pour dégager l'essentiel. Le
maître doit veiller et apporter son aide qui sera même souvent sollicitée et
écoutée avec intérêt. La collectivité tout entière sera au travail devant cette
synthèse pleine de choses vivantes. La conférence ne peut avoir une durée uniforme : la
présentation peut être courte et la discussion qui suit fort longue ou réciproquement.
Lorsque l'intérêt faiblit, il est l'heure de passer à autre chose. Mais là ne
s'arrêtera pas le travail fourni. Individuellement, les traces de cette conférence
doivent être concrétisées. Chaque élève a un cahier, « recueil de documents
d'histoire », genre de classeur. Il est
divisé suivant le plan de travail : mêmes numéros, mêmes sujets. La conférence faite,
chacun la transpose pour lui sur ce cahier suivant sa force, sa capacité : il marque le
plan, l'illustrant par des croquis, reproduisant les documents les plus intéressants,
agrafant ou collant les fiches qu'a tirées pour lui le camarade conférencier. Il pourra
poursuivre tout le long de l'année son enrichissement suivant les occasions favorables
qui s'offriront. L'élève
aura là mieux qu'un livre, un petit trésor de souvenirs. Notre expérience nous permet
d'affirmer qu'il devient inutile de recommander le soin, l'ordre : l'enfant aime son
oeuvre et le plaisir d'avoir fait pour lui quelque chose de joli et d'utile, l'invite au
travail volontaire, soutenu et efficient. Il oeuvre de son mieux. Ayant vécu
son travail, connaissant bien ce qu'il a créé, le bagage acquis s'avère nettement
supérieur tant en qualité qu'en quantité à la moyenne résultant des techniques
anciennes. La classe au fil des ans sera elle-même plus riche. Son
fichier-musée-bibliothèque d'Histoire croîtra régulièrement. Après
chaque conférence, les documents seront méthodiquement classés. Nous ne conserverons
pas les tableaux. Leur matière ne doit pas resservir telle quelle : elle doit être
reconstruite et reconsidérée pour être vivante. La part du maître
Le maître
dans cette activité a, évidemment, un rôle très différent de celui qu'il a dans la
classe traditionnelle. Notre conception de la collectivité classe, basée sur les
principes de responsabilité sociale, où le devoir est commandé non par le chef mais par
la nécessité de l'oeuvre à accomplir, ne s'accommode pas des impératifs catégoriques
et des coercitions courantes qui s'ensuivent. La crainte ne commande que le faux respect.
Nous travaillons ensemble, unis par la vie du groupe. L'instituteur est celui qui aide,
qui se met au service de tous. C'est l'ami que l'on vient quérir pour aller, chaque fois,
un peu plus loin sur le chemin de la connaissance : c'est celui qui est toujours là, non
plus avec l'aiguillon, mais avec une humeur égale soutenant chaque effort comme la mère
soutient les premiers pas de son bébé. C'est que,
seul, il ne peut tout s'expliquer, or il a besoin de comprendre ; il ne peut juger,
coordonner. Il est nécessaire d'être dans le vrai et dans la logique et l'histoire
demande souvent de rattacher un document à la grande trame du passé. Le maître doit
être toujours prêt à aider. L'enseignement et le travail ainsi fourni est le fruit
d'une coopération. L'Histoire Vivante est une « activité dirigée » et ne
peut être que cela. Nous pensons
ainsi élever notre fonction même. Nous ne sommes plus à l'époque où la dignité se
mesurait parfois à l'uniforme, où le col dur était de rigueur. Nous croyons grandir
notre tâche non par l'extérieur mais par sa technique. En respectant davantage la
conscience de l'enfant, en laissant maîtresse de son rythme de développement, en ne
cherchant pas à faire de faux « savantins » rappelant le « Thomas
Diafoirus » de Molière, en faisant effort pour mettre à la base de notre société
l'amour du vrai et du rationnel, non par des paroles mais par des actes, nous poussons au
Progrès. Nous accroissons la part qui nous revient dans le travail social. Nous ne sommes
pas des machines à enseigner au cadre étroit et constamment semblable ; nous nous
intégrons davantage à la vie de la société qui nous entoure en étudiant sans cesse,
autour de nous, en y intégrant l'école qui nous échoit. Notre force intellectuelle et
le prestige de notre idéal ne peuvent qu'y gagner. Et comme
conséquence logique à cela, nous disons à nos camarades : « Vous concevez, comme
nous, l'immensité du chantier que nous avons à construire. Des efforts groupés sont
toujours plus efficients. Il faut que chacun travaille pour tous. L'Histoire Vivante
mettra au jour une multitude de travaux : les vôtres. Il faut les utiliser au mieux. Dans
le cadre national nous pourrons les grouper, les éditer. Déjà, dans ce sens, avec une
collaboration limitée, la Coopérative de l'Enseignement Laïc a créé une oeuvre
importante. Avec votre aide multiple, désintéressée et idéale, avec vous nous pourrons
entreprendre de grandiose synthèse qui sera la véritable Histoire de France adaptée à
nos enfants et à nos écoles, ne connaissant d'autre loi que l'amour désintéressé du
Vrai par la Science. » Programmes et examens
Nous savons
par expérience que des obstacles freinent l'adhésion à ces conceptions. C'est,
premièrement, leur non-conformisme avec les programmes. Nous
remarquerons qu'il est normal que nous ne soyons pas d'accord avec la lettre même des
textes officiels. Sans cela, à quoi servirait tout ceci ? Ils sont, si l'on veut,
l'expression de la loi. Une règle élémentaire de sociologie - que prouverait facilement
l'Histoire Vivante - montre que la loi est essentiellement la codification d'idées
acquises ou de nécessités sociales. Répandons l'idée, la loi viendra la mettre en
textes officies. Si nous en faisions la règle absolue du jour, les neuf-dixièmes des
écoles françaises ne seraient pas prêtes à l'appliquer. Ce serait un bel avortement :
nous ne mettrons pas la charrue devant les boeufs. Nous sommes aux semailles. Nous savons
qu'il existe une foule d'éducateurs lassés, écrasés par la discordance entre l'école
traditionnelle et la vie courante d'aujourd'hui. Ils se serviront de ce travail pour
amorcer leur action quant à l'enseignement de l'histoire. Ils verront alors ce que nous
constatons tous les jours : ces programmes « fastidieux », on les dépasse !
Et Richelieu ne sera sans doute plus placé comme contemporain de Jules César. Si un
château a été démantelé, qu'il soit dans le voisinage ou dans l'orbite des
investigations d'une classe travaillant comme nous le voulons, on connaîtra le programme
du ministre mieux et pour plus longtemps que pour le C.E.P.E. Inutile de
multiplier les exemples, la technique de l'Histoire Vivante peut et doit mener avec
succès aux examens surtout si nous concevons que de plus en plus, les sujets iront vers
nos techniques.
Cette
brochure est un effort d'orientation, un point de départ. Rien n'y est définitivement
fixé. N'acceptez point comme un dogme les idées qu'elle peut contenir. Oeuvrez,
perfectionnez, collaborez, voilà notre idéal. Faites un
travail de fourmis, au fil des jours et des ans ! De
ce labeur se dégagera l'Histoire vraie que le peuple se doit à lui-même,
car si on nous montre la beauté d'un château, bien peu nous font penser à la sueur des
malheureux qui travaillaient sous le fouet, la passion et la morsure de la faim ! Le
caractère humain de l'effort de l'homme inconscient, passionné ou raisonnable pour
accroître sa puissance de liberté et assurer le respect de sa vie, doit être notre
guide. Formez des
hommes. Incrustez dans toutes les consciences cette solidarité heureuse, qui nous unit à
tous ceux qui ont lutté contre la peur, la faim, l'obscurantisme. Prodiguez l'esprit
scientifique comme une arme pour une vie meilleure. Réhabilitez le travail de l'homme,
créateur et libérateur, face au travail qui n'a que l'argent comme équivalence. Quelle
discipline de nos écoles peut mieux en donner le sens et la grandeur que l'Histoire
Vivante, exploration de la vie de l'Homme, qui coule comme un puissant fleuve au fil des
ans et des siècles, mue par un progrès patient et obstiné avec de terribles remous ! Mettez, sans
le moindre scepticisme, vos actes d'éducateur en accord avec votre raison et votre
idéal. Continuez la magnifique Ecole Française de Rabelais, de Rousseau, de tous ceux
qui pensant pour leur peuple, ont pensé pour le monde. Soyez du
peuple en ayant confiance dans vos efforts créateurs d'une France nouvelle.
André Fontanier
Instituteur à Masseube (Gers) Signatures de vieux registres de délibérations |
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