BENP 36 avril 1948Brochures C.FREINET Lexpérience tâtonnée (abrégé) Editions de lEcole Moderne Française Cannes (Alpes-Maritimes) |
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PREFACEUn bon cultivateur doit connaître les besoins et les exigences de ses cultures en même temps que la nature et les réactions des terrains dont il dispose. Sinon il en est réduit à pratiquer par empirisme et lempirisme nest que la première étape de la routine. Un bon éducateur devrait de même connaître ses élèves, leur psychologie et leur comportement, en même temps que les incidences du milieu dans lequel poussent et évoluent les personnalités. Hors de cette connaissance, il ny a là aussi que réussites accidentelles, parfois géniales, pour quelques-uns, et empirisme et routine pour la grande masse. Qua-t-on fait pour nous préparer à cette connaissance ? On nous a imposé, à lEcole Normale, une psychologie livresque et formelle dont nous ne voyions absolument pas les rapports avec la vie de lenfant et les démarches éducatives. Puis les revues pédagogiques nous ont invités à lire des ouvrages dans lesquels les « facultés » de lenfant étaient si bien analysées et décortiquées que nous ne parvenions plus à leur redonner une place dans le comportement. Si même notre affirmation fait jeter les hauts cris aux érudits professeurs, aux scolastiques faiseurs de manuels, ou à quelques intuitifs de génie qui nont que faire de cette fausse science, nous sommes au regret de constater que toutes les leçons trop formelles et les livres ardus par lesquels on a cru nous donner une culture psychologique et philosophique, nous ont peut-être appris des mots, des définitions et des formules, mais quils ne nous ont été daucun secours dans la pratique de notre classe. Nous avons parlé de fausse science car, en fait, la psychologie na aucune des caractéristiques dune vraie science, elle qui substitue lintrospection à lobjectivité, qui suppose des entités (âme, esprit, faculté) au lieu de voir des faits de vie, elle qui est statique, morcelée, alors quelle doit appréhender une réalité qui est mouvement et unité. Cest par dautres voies, selon un autre processus, par un long et parfois périlleux tâtonnement que nous avons dû progresser dans la connaissance de lenfant, par la connaissance de notre métier déducateur. On nous dira peut-être que les vieilles pratiques de la psychologie sont, aujourdhui, heureusement dépassées et que, depuis vingt ans, nous avons bénéficié des travaux déminents psychologues qui ont su, avec une logique raffinée, analyser et exploiter les observations et les enquêtes dont ils ont fait la base de leur enseignement. Nous ne voulons pas ici soupçonner leur érudition ni leur compétence. Nous avouerons seulement quelles nous dépassent, que les mots trop abstraits qui constituent la trame de leurs écrits nécessitent une initiation spécialisée que nous navons pas approchée et quune page comme celle-ci, pourtant signée par un éminent psychologue, et extraite au hasard hélas ! dun manuel dEcole Normale ne saurait nous être daucun secours parce que nous ne parvenons point à en percer lhermétisme : « Le problème de la
psychologie est celui qui consiste à déterminer les rapports réciproques de la
mentalité, de la structure et de la fonction au cours de lévolution mentale,
problème qui ne se pose guère dailleurs quau terme de la première enfance.
Puisque, dune part, il existe incontestablement une vection typique et normale de la
croissance mentale, et que, dautre part, chaque phase de cette croissance a son
originalité particulière et présente une autonomie relative, la nécessité de
concilier cette orthogénèse avec cette épigénèse impose impérativement la
dissociation de la fonction davec la mentalité et la structure.
La mentalité et la structure sont étroitement liées entre elles, soit que la
mentalité conditionne la structure, soit que la structure conditionne la mentalité, et
toutes deux dominent à lorigine lintelligence fonctionnelle : le contenu
et la forme de la pensée déterminent le mode dexercice de ces fonctions. » Alors, nous avons cherché par nous-même, à même les enfants, à même la vie de nos classes et les réactions du milieu. Nous avons abandonné radicalement les hypothèses et les constructions scolastiques qui ne nous menaient quà des impasses sans clarté ni profit. Nous nous sommes rendus compte, dailleurs, quon sétait dangereusement attardé, jusquà ce jour, à la psychologie et au comportement de lécolier, comme des naturalistes qui étudieraient les oiseaux en cage et viendraient vous détailler doctement ensuite les enseignements partiaux et faux de leurs découvertes, en vous démontrant que les oiseaux ne sont même plus capables de faire leur nid. Nous avons, nous, ouvert la cage ; lenfant est parti dans les champs et dans la vie. Et nous constatons que cet enfant vivant na à peu près rien de commun avec lécolier. Ce sont comme deux espèces différentes, à étudier séparément. Il y a eu des essais fort infructueux dailleurs de létude de lécolier. La psychologie de lenfant reste encore toute à découvrir et à préciser. Nous avons eu le mérite de poser le problème, ce qui est déjà un premier pas. Nous voulons maintenant, coopérativement, essayer de le résoudre. ****
Dans un livre à paraître « Essai de psychologie sensible appliqué à léducation », jai tenté dexpliquer, sans mots savants, sans recours aux formes consacrées de la psychologie traditionnelle, les voies profondes du comportement enfantin, dans la famille, dans la nature, comme à lEcole moderne.
Dans un autre livre également à paraître, « LExpérience
tâtonnée », je préconise, jexplique et jéprouve, une loi
générale de notre comportement qui, pour nêtre pas conformiste, ne se présente
pas moins comme une solution efficace de tous les problèmes vitaux quon a traités
jusquà ce jour dun point de vue intellectualiste et que nous abordons sous
langle expérimental et scientifique.
Comme la publication de ces livres importants peut tarder encore des mois et des
années et que les découvertes dont nous prétendons avoir révélé lefficacité
peuvent nous être dun grand secours dans le travail denquêtes et
détudes psychologiques que nous désirons entreprendre au sein de notre Institut
Coopératif de lEcole Moderne, nous donnons dans cette brochure un condensé
trop condensé, nous le savons de nos travaux. Nous nous sommes un peu attardés dans lexplication de notre théorie de lexpérience tâtonnée, afin de faire comprendre de sens et lorientation nouveaux de nos recherches. Par la suite, nous avons dû nous limiter à la publication de lois et de conclusions dont on ne suivra pas toujours lenchaînement uvre dautre part, de quelque 6 à 700 pages de texte. Nous prions nos lecteurs de tenir compte de ces considérations dans lexamen de la présente brochure. On nous a dit : cest déflorer luvre. Nous le savons ? Mais nous avons pensé quil y avait urgence à mettre entre les mains de nos camarades les outils et les directives qui vont leur permettre duvrer tout de suite, pratiquement, coopérativement, pour la mise au point de la vraie psychologie dont bénéficiera à 100% notre pédagogie moderne. **** Des Parisiens ont tout de suite objecté : « Mais Freinet na pas de laboratoire » Cest bien ça, Freinet na plus de cage pour y enfermer les oiseaux, interroger, mesurer et tester Nous avons un immense laboratoire de vingt mille écoles, de six cent mille enfants de tous âges, dans tous les milieux, avec vingt mille techniciens à qui nos réalisations ont donné le goût de lobservation, de la réflexion et de la mesure. Nous ne souhaitons quune chose : cest que les spécialistes acceptent, un jour prochain, dabandonner leurs cages pour venir avec nous à la recherche des vraies voies de comportement ? Nous sommes prêtes à poursuivre nos recherches sans eux ou contre eux sil le faut, mais cest avec notre consciente humilité de chercheurs que nous les prendrions pour guides pourvu quils acceptent de passer les premiers dans les chemins de la découverte et de la vie. |
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Le sens dynamique de la vieLA VIE EST
Lindividu nest pas un être amorphe et neutre que les événements
orientent et ballottent. Il porte en lui un potentiel de vie qui le pousse vers
laccomplissement des destinées de son espèce. Comme le grain de blé qui, jeté en terre, sapprête lui aussi à vire sa vie. Quest ce potentiel de vie qui sommeille en ce grain de blé ? Là réside encore le grand mystère que ni la métaphysique ni la religion, ni la science nont à ce jour percé. Mais il est, et cest cela seul qui nous importe ici. Dès que les conditions extérieures sont favorables à la germination, une force séveille, gonfle, agite, secoue la graine qui commence sa montée vers la splendeur de son devenir. Elle puise dans le sol le plus de nourriture possible ; ses racines se multiplient et se différencient pour fouiller les particules de terre. Sa tige commence maintenant à pousser : elle veut grandir, monter, toujours monter ! Si on lempêche, elle sallonge démesurément sous les obstacles. La voilà enfin, malgré tout, qui a rejoint la zone de lumière. Alors, elle singénie encore à sassimiler le maximum de puissance pour sa croissance, et le maximum de chaleur et de lumière pour sa fructification. Elle fructifie enfin : elle donne un épi de blé qui a su au maximum tirer parti de toutes les circonstances favorables pour devenir le plus fort et le plus beau possible. Si ce souci constant de la puissance lui a valu un aliment suffisant, la plante éclate alors dans sa splendeur. Nous avons, en effet, lhabitude dinclure dans cette notion dépanouissement et ce nest pas un pur hasard un contenu complexe mais mystérieusement exhaustif de puissance, déclatement, de joie dans léclatement, de jouissance profonde à la sensation dun aboutissement naturel de tant defforts, dune réalisation splendide dune destinée inscrite dans la fonction même de lêtre et cest tout cela quémane, pour le paysan ou lartiste qui savent le comprendre et lapprécier, un beau champ de blés dorés qui chante sous le soleil de juillet. Mais il arrive aussi que lindividu malingre semble sétioler honteusement sur le bord trop maigre du champ de blé. Quelques-uns de ses frères sont morts avant davoir pu accomplir leur destin, et lui sest épuisé pour donner un semblant dépi aux rares grains déjà ratatinés et vieillis qui sont comme le fruit laborieux dune vie de souffrance et de peine, et que le cultivateur prévoyant écartera comme impropres à une nouvelle germination, et quil jettera à la volaille parmi les viles graines et les pousses. La plante qui, bien ou mal, a donné son maximum, garde quelque temps encore dans sa graine, comme jalousement, le fruit bombé, mûr et craquant Le cycle est maintenant accompli Un souffle suffit à séparer la graine de la tige qui, ayant joué son rôle, se dessèche et meurt, indifférente à ce qui peut advenir, après elle, de la vie quelle a un moment incarnée, apaisée davoir mené à bien sa tâche qui était le maximum de croissance et de puissance pour la splendeur de la fructification. Lenfant naît, tout comme le grain de blé, quand les circonstances sont favorables à la germination de la graine. Si le terrain renferme les principes essentiels à son alimentation, ni trop dilués ni trop concentrés, ni dépourvus des principes nourriciers indispensables, le jeune être monte lui aussi avec le maximum de puissance dynamique dont il est capable ; il remplit tout uniment sa destinée du moment, qui est de pousser harmonieusement, en fonction seulement du but à atteindre. Mais si ses besoins organiques ne sont pas satisfaits comme le veut la nature, lindividu inquiet et troublé cherche obstinément le moyen de parer à des déficiences qui lui sont une obscure souffrance, pour réaliser malgré tout lordre obscur mais impérieux de sa destinée dêtre vivant. Si le sol est trop dur et trop maigre, la pousse de blé allongera démesurément ses racines : elle les enfoncera obstinément, à la recherche de leau et des matières fertilisantes ; elle tâtonnera, goûtera, essayera, rebroussera chemin pour repartir toujours, parce que cest pour elle une question de vie ou de mort et quelle veut vivre, croître, prospérer pour fructifier. Quelque grosse pierre gêne-t-elle la sortie de terre de la tige, nous voyons celle-ci tâtonner sous lobstacle, en suivre patiemment les aspérités pour profiter de la moindre faille, contrainte parfois à se ressaisir pour recommencer dans une autre direction son tâtonnement persévérant. Parce quelle doit accéder à la lumière, ou mourir. Et elle veut vivre et monter ! Cette recherche tenace des éléments de vie, cette lutte permanence et spontanée contre les obstacles qui sopposent à la croissance et à la montée, ces tâtonnements inlassables, même lorsquils sont inefficaces, lémouvante exaltation de puissance dune tige qui semble vouloir dominer la forêt des tiges, à lappel de lair libre, du bleu du ciel et de la chaleur du soleil, la frénésie de la fructification, lépuisement résigné et la mort lente et sans histoire de lêtre qui a fini sa course, cest toute lhistoire aussi du devenir humain. Voilà linéluctable voie naturelle, trop souvent masquée par les théories sociales, philosophiques ou religieuses, intéressées à lobscurcissement de notre volonté de vie, et qui ont tenté de donner artificiellement un but à nos efforts comme si ce nétait pas une destinée suffisamment noble que dobéir aux lois de la nature, et de réaliser, en soi et autour de soi, notre part de beauté, dharmonie et ne vie. Nous posons alors une |
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PREMIERE LOILa vie est
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Tout se passe comme si lindividu tout
être vivant était chargé dun potentiel de vie, dont nous ne pouvons pas
encore définir ni lorigine ni la nature, ni le but transcendant, qui tend non
seulement à se conserver, à se recharger, mais à croître, à acquérir un maximum de
puissance, à sépanouir et à se transmettre à dautres êtres qui en seront
le prolongement et la continuation. Et tout cela non pas au hasard, mais selon les lignes
dune spécificité qui est inscrite dans le fonctionnement même de notre organisme
et dans la nécessité de léquilibre et de lharmonie sans lesquels la vie ne
pourrait saccomplir.
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Toute contrainte, tout obstacle qui gênent et empêchent cette réalisation dynamique de la destinée intime de lêtre, sont ressentis comme une rupture de léquilibre nécessaire. La baisse du potentiel de vie procure un sentiment dimpuissance et dinfériorité qui nous est une douleur profonde ; tout comme le coup qui atteint notre corps risque de diminuer notre puissance physiologique, de déséquilibrer notre organisme et de nous occasionner une souffrance qui nest que la traduction sensible de latteinte subie. Cest au contraire dans la recharge normale de ce potentiel de vie que lhomme puise son sentiment de puissance qui lui est aussi essentiel que le souffle même, dont chaque raté suscite une oppression dont la satisfaction est comme une exaltation de cet instinct de vie, sans lequel, malgré les plus étonnantes découvertes de la science et de la philosophie ; rien ne serait. * ** De ce poins de vue essentiellement dynamique, la vie de lhomme peut être comparée à un torrent. A la naissance, la puissance du torrent nest encore quune virtualité dont la réalisation est conditionnée par les circonstances naturelles qui ont porté le flot sur le flanc dune montagne doù il va dévaler en acquérant toujours plus de puissance et d élan. La source devenue torrent commence son périple. Et ce potentiel de puissance de la source, comme le potentiel de vie de lêtre humain, ont ceci de particulier et dextraordinaire que la marche en avant, loin de les user, leur est une occasion dexaltation de leur force. Le torrent continue sa course, de plus en plus puissante à mesure quil avance, jusquà en paraître formidablement invincible. Vers quel but ? Il ne se pose pas la question, et se la poserait-il que cela ne changerait en rein son besoin impérieux de réaliser, avec une vitalité sans cesse accrue, lexigence de sa raison dêtre. Ce nest que lorsquil arrive dans la plaine que son cours sapaise et se divise, quil fructifie en canaux latéraux qui diminuent sa puissance naturelle mais amplifient son rayonnement ce qui est, en définitive, une nouvelle exaltation de la puissance -. Et dans le même temps partant de droite et de gauche, lui viennent dautres flots qui gonflent aussi son débit, lui redonnant une forme nouvelle de puissance qui compense en partie limpétuosité tombée Puis, quand il a ainsi achevé sa course, quil a dévalé la pente, renforcé et agrandi son cours, quil sest gonflé à la vie des sources voisines, quil a nourri généreusement dans la plaine les canaux qui sont nés de lui, il sanéantit enfin dans limmense et éternel équilibre de la mer. Or, ces gouttes deau que nous voyons partir si intrépidement vers leur destinée, les hommes les saisissent et les retiennent dans leurs mains, ou les emprisonnent dans des récipients de leur fabrication. Ils les examinent alors et notent doctement leur mobilité et les vertus possibles. Iles les analysent pour en distinguer la composition et les vertus possibles. Ils expérimentent, agitent, chauffent, refroidissent combinent avec une telle science et une si subtile ingéniosité quils sont persuadés davoir découvert enfin tous les secrets de la nature des gouttes deau. Ils connaissent tout, effectivement ; tout sauf cet impondérable qui se rit des expériences et des mesures humaines, cette force inexplicable encore qui pousse les gouttes deau à courir, à sauter, à partir, invincibles. Non pas parce quelles dont hydrogène et oxygène, quelles ont la propriété de sévaporer et de se condenser, ou de dissoudre dautres matières ce sont là détails vraiment accessoires mais parce quelles doivent aller dans le sens où le veut la nature pour laccomplissement de leur périple. Nos docteurs ont procédé avec les enfants comme avec les gouttes deau. Ils les ont isolés, retenus, enfermés pour mieux les examiner, pour analyser leur nature, leur composition, pour étudier leur comportement. Mais cette étude statique de lêtre pris dans un moment infini de sa destinée, juste en elle-même si on ne considère que la composition analytique de lindividu examiné, devient profondément incomplète et erronée si lon veut se hausser çà la compréhension synthétique de lêtre vivant. Ce sont là deux opérations absolument différentes dans leur nature même, et donc dans leur processus. On peut étudier le métal qui a servi à construire le moteur ; cette étude nest pas inutile ; elle est même indispensable, car les qualités du métal sont parmi les éléments déterminants de la force du moteur. Mais cette étude ne nous apprendra rien sur la construction ni le fonctionnement de ce moteur. Il nous faudra, bon gré mal gré, en venir à lexamen du moteur dans sa construction intime, dans son fonctionnement, dans sa vie, dans son dynamisme. Nous allons, nous aussi, par delà les observations partielles et partiales des spécialistes, considérer lenfant dans son devenir. Nous examinerons beaucoup moins la goutte deau dans le vocal que la source devenue torrent et qui poursuit, à un rythme qui nous étonne et nous dépasse, sa course puissante vers sa destinée. Nous nous heurterons, dans notre projet, à deux difficultés principales. Lêtre en mouvement se conçoit intuitivement mais il est autrement difficile den expliquer logiquement le mécanisme ; la vie de « sent », mais il est bien délicat den découvrir les règles et les lois. Cest comme une auto qui passe, qui risque de vous entraîner ou de vous emporter, ou qui vous dépasse négligemment dans un hallucinant vrombissement. Vous pouvez, à son passage, deviner les qualités délégance, de vitesse, de puissance, de tenue de route, de dynamisme, mais il est bien difficile de préciser ces notions quand il ny a déjà plus devant vous quun nuage de poussière complice. On voudrait arrêter lauto pour pouvoir lexaminer dans son détail, dans sa nature, sans se méfier quon négligerait alors, ou sous-estimerait limportance décisive des éléments mêmes qui nous avaient frappés dans la machine en pleine course, et qui sont, en définitive, les seuls importants. Cest la difficulté à trouver une technique détude de lêtre en mouvement, la relativité complexe des résultats obtenus, la commodité au contraire de létude analytique et statique, qui expliquent les tâtonnements et les balbutiements dune psychologie et dune pédagogie génétique qui se détache lentement des brumes formelles de la scolastique. Il y a aussi à cette méconnaissance une autre grave raison, pour ainsi dire subjective. Si les enfants étaient en mesure danalyser leur comportement et de prévoir, en conséquence, les lignes logiques et sûres dune pédagogie répondant à leur mouvant devenir dynamique, de grandes découvertes seraient certainement réalisées. Mais cest nous, adultes, qui ne marchons plus au même rythme queux, qui prétendons juger et régler leur course torrentielle. Alors il se produit un complexe naturel à peu près inévitable : lorsquon sen va à pied sur une route, on na que des pensées mauvaises et des paroles injurieuses pour lautomobiliste, - pas toujours prévenant il est vrai qui vous frôle, vous éclabousse, et vous repousse dans le fossé boueux, sans même daigner ralentir sa course diabolique. Et tout le monde connaît aussi les réactions du conducteur dune pauvre guimbarde qui se sent dépassé par le ronflement vigoureux d une belle auto moderne ; et la classique réaction de défense du chauffeur de camion qui sobstine à tenir le milieu de la route, malgré les coups de klaxon coléreux de lauto trépidante qui veut dépasser pour reprendre son rythme hors du sillage étouffant des relents de poussière et dessence. Nous sommes trop souvent ce grincheux conducteur de camion. Nous sommes plus ou moins à un âge où le torrent, sil saccroît en volume et recouvre de nouveaux éléments de puissance, se calme, dautre part, et sassagit. La tige a bientôt fini sa croissance et elle est là presque immobile, fière de son tronc dur et rude, tout occupée à couver sa graine Alors, malgré nous, nous éprouvons une sorte dincompréhension et de jalousie sourde ou non, vis-à-vis de ceux qui, jeunes encore, ont besoin de bondir impétueusement avant de devenir eux-mêmes rivière calme et féconde. Le chauffeur de camion oublie volontiers quil conduisait naguère, lui aussi, une auto rapide et quil a eu à souffrir bien souvent de la mauvaise volonté des grincheux conducteurs de camion. Ni léducateur, ni le père de famille, ne comprennent lactivité incessante et le dynamisme irrépressible de leurs enfants. Avec une inconséquence quon noserait concevoir si elle nétait si généralisée, ils essayent de les retenir dans leur course et dimposer au torrent le rythme de la rivière assagie. Peine perdue ! Alors, en désespoir de cause, ils dressent de puissants barrages qui coupent effectivement et morcellent le cours du torrent. Mais ils sétonnent ensuite que le torrent ne soit plus torrent et quil nen ait plus ni limpétuosité, ni la puissance invincible. Les parents, eux, se résignent du moins à cette différence de rythme, parce quil sagit de leurs enfants. Les plus sages se souviennent même de leur jeunesse quils voient revivre avec quelque orgueil dans les débordements de leurs files. Mais les éducateurs ? Quels acariâtres conducteurs de camions ! Quels barrages ils ont tenté de dresser en travers du torrent ! Quelles incompréhension dun rythme de vie quils ont eux-mêmes dépassé et oublié ! On dirait que toute la pédagogie consiste à réduire ce trop plein de vitalité, à habituer la petite auto nerveuse à piétiner derrière les camions qui masquent, dans un nuage de poussière empuantie, lhorizon clair et grisant de promesses de la route libre. Nous tâcherons de nous embarquer, nous aussi, dans une auto rapide, daller à un rythme puissant et léger à côté dautres autos neuves et frémissantes, animées dune même volonté de puissance et de conquête. Nous nous emballerons avec elles dans les routes droites et livres de la plaine ; nous grimperons les mêmes côtes ; nous patinerons dans les mêmes fondrières ; nous frémirons de la même impatience devant les passages à niveaux fermés ; nous subirons les mêmes pannes, auxquelles nous réagirons selon un processus identique. Alors, mais alors seulement, nous pourrons mieux comprendre la vie qui monte, la mieux comprendre pour la mieux servir. Nous résumons cette position de départ dans une |
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DEUXIEME LOI Cest dans la mesure où lindividu est fort, physiologiquement et physiquement, dans la mesure aussi où la nature autour de lui, les adultes, les groupes constitués, lorganisation sociale tout entière, facilitent son besoin de puissance au service de lexaltation de la vie, que lêtre se réalise dans le bonheur individuel et lharmonie sociale. * Mais comment lindividu réagit-il en face des premiers obstacles quil rencontre ? TROISIEME LOI
De la réaction
physiologique mécanique Chez le nouveau-né, limpuissance est exclusivement physiologique et physique. Il essaie dy parer par des réactions et des recours exclusivement physiologiques et physiques.
Il ny a pas, à lorigine, de tare psychique susceptible de modifier des
réactions complexes.
Pourtant, dira-t-on, ny a-t-il pas, dans les premières réactions de lenfant dans ses premiers gestes, un peu de logique, une lueur de compréhension supérieure et dintelligence, résultant de certaines aptitudes héréditaires et de son éminente destinée dhomme ? Nous ne le croyons pas. La grande loi que nous trouverons toujours au centre de tous les recours humains, cest la loi du tâtonnement. La source naissante doit se frayer un chemin entre les pierres ? Si la pente est suffisante et si nul obstacle ne soppose à son cours, elle sen va délibérément par le sillon que lui a réservé le hasard. Mais si la pente est faible, si aucune ligne ne se révèle parmi les herbes et les mousses, leau se renforce un instant, les gouttes sajoutent aux gouttes, jusquà ce quelles soient assez fortes pour repartir, en sinsinuant de ci, de là, contournant une pierre, butant au barrage dun monticule de terre, se répandant ailleurs jusquà ce quelle ait découvert la fissure par où elle pourra continuer sa route. A la voir ainsi évoluer sans heurt, sans remous, on la dirait intelligente et douce, et cest pourquoi, sans doute, les hommes ont chanté et parfois divinisé sa pureté et sa tranquillité. Pourtant, à y regarder de plus près, il ny a vraiment là que tâtonnement mécanique : en vertu du principe de pesanteur et de fluidité, leau coule vers la pente, dautant plus vivement que la pente est plus forte. Lobstacle refoule le glot naissant, dont le niveau sélève pour partir à la recherche de nouvelles failles. Il y a même, à lorigine, chez lenfant, un pur tâtonnement mécanique, suscité par une force qui est léquivalent de la pesanteur pour leau de source : cest ce besoin inné et encore mystérieux de vie, ce potentiel de puissance qui pousse lêtre à monter, à aller de lavant pour réaliser sa destinée. Lexpérience, qui nest en définitive, nous le verrons, quune systématisation et une utilisation du tâtonnement, commence. Cest elle qui est à lorigine du psychisme, et non le psychisme et une hypothétique pensée à la base de cette première dynamique de la vie. Lenfant a faim : sil y avait une quelconque faculté dintelligence, il irait demblée vers une solution efficace. Il nen est rien : il tâtonne tout à fiat comme la source. Il esquisse le geste de succion. Cela ne le satisfait pas : il essaye dune autre réaction ; il remue bras et jambes. Si cela namène aucun résultat sensible, il crie. La lumière trop crue lincommode : il cligne des yeux. Si ce réflexe ne produit pas une atténuation suffisante de limpression, lenfant essayera dautres solutions : il remuera la tête, ou il la tournera, ou il criera, ou pleurera. Remarquez dailleurs que lordre des réactions nest pas immuable pour une même espèce : il dépend de la puissance de vie, dune part, et, dautre part, des obstacles ou des circonstances qui peuvent gêner ou faciliter la satisfaction de ces besoins. Ne concluons pas de cette réserve que le tâtonnement expérimental soit anarchique. Si leau tâtonne dans telle direction, si elle sinfiltre sous cette mousse, cest que lattraction de la pesanteur loriente pour linstant dans cette direction. Et elle va dans le sens où lattrait de la pesanteur est le plus fort, où la brèche est le plus propice à lécoulement. Lenfant aussi esquisse les gestes qui, au moment où ils sont exécutés, sont possibles et il se tient à ceux qui ont réussi. Ces gestes ne sont nullement dus au pur hasard : ils sont motivés par tout le complexe fonctionnel de lindividu et pas le milieu extérieur sur lequel cet individu réagit. Mais ils ne sont pas, à lorigine, des réactions intelligentes, menant à un résultat clairement prévu et sûrement atteint. Si nous connaissions parfaitement et le milieu et la nature de lenfant, à un moment donné nous pourrions en déduire avec certitude lordre de ses tâtonnements qui ne sont donc, en quelque sorte, que des réactions mécaniques dune simplicité primaire. Nous énoncerons alors notre |
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QUATRIEME LOIDu tâtonnement
mécanique
A lorigine, les recours physiques et physiologiques ne sont chargés
daucun contenu cérébral ou psychique. Ils seffectuent par tâtonnement, ce
tâtonnement nétant lui-même, à ce stage, quune sorte de réaction
mécanique entre le milieu et lindividu à la poursuite de la puissance vitale. Premiers réflexes mécanisés
Par ses tâtonnements le long des
pierres ou sous les herbes, le filet deau a enfin trouvé une faille pour où il
peut répondre à lappel de la pesanteur qui anime et orient sa destinée et sa vie.
Négligeant les autres tâtonnements qui nont pas réussi, il sengagera tout
entier et toujours par cette même faille jusquà ce que dautres obstacles
viennent à nouveau compliquer linéluctable écoulement. Il sen est fallu de
bien peu parfois que la source ne prenne une autre direction. Il aurait suffi quun
berger vienne, du bout de son bâton, soulever cette motte pour qu le filet deau
sengage tout entier dans la faille ainsi ouverte et tout le cours du torrent
peut-être en aurait été changé.
Nous énoncerons ainsi notre |
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CINQUIEME LOIDu comportement
mécanisé comme règle de vie
Une expérience réussie au cours du tâtonnement crée comme un appel de puissance
et tend à se reproduire mécaniquement, pour se transformer en règle de vie. Dans mon village, brebis et chèvres restent sur la montagne de la St Jean à la St Michel. A leur retour, elles risquent davoir plus ou moins oublié le chemin de létable. On les voit alors, le soir, à la rentrée du troupeau, errer lamentablement dune ruelle à lautre, tâtonnant et bêlant pour retrouver leur râtelier. Une porte souvre enfin et elles sont à labri. Elles trouvent dans létable la chaleur dautres corps et un fond de foin qui compense le maigre mâture. Cest une expérience qui a réussi Demain la même brebis tâtonnera peut-être encore un instant, mais elle aura tendance à sorienter vers le chemin qui la conduite hier à un aboutissement, vers lexpérience qui a réussi. Si on la laisse faire le lendemain encore, la tendance à renouveler lexpérience réussie sera déjà devenue une habitude, un réflexe automatique, qui constitue comme une r7gle de vie qui évite et réduit le tâtonnement tout en assurant la satisfaction des besoins les plus impérieux. Si le propriétaire saperçoit un soir de cette intrusion, dans son étable, dune bête étrangère, il la mettra dehors et la bête refoulée sen ira bêler, inquiète et désaxée, à travers les rues. Pour éviter ces ennuis, ces tâtonnements, les gens disent : il faut garder les bêtes séparément pendant quelques jours pour leur apprendre la direction de létable. Lorsquelles seront passées plusieurs fois, toutes ensemble, sur le chemin de leur bercail, elles reviendront, le soir, automatiquement. Lexpérience réussie tendra à se reproduire systématiquement. Le chat qui veut entrer dans la maison où il espère trouver place chaude et soucoupe de lait, tâtonne dune porte à lautre en miaulant. Une porte souvre enfin. Il se précipite dans lentrebâillement. La prochaine fois, il miaulera avec plus dobstination devant la porte qui sest ouverte ; lexpérience qui a réussi lattire automatiquement. Si la porte souvre à nouveau, une tendance tenace se créera qui poussera lanimal à toujours venir miauler à cette porte et non aux autres ; il pourra même ne plus voir une autre porte latérale qui lui permettrait dentrer, pour sen tenir à lacte tâtonné qui a réussi et qui sest transformé en règle de vie. Il sagit dun principe absolument général dadaptation sans lequel la vie elle-même ne serait pas possible. Cest comme léchafaudage que les maçons commencent nécessairement par la base. Ils tâtonnent pour planter les longs poteaux ; ils mesurent, ce qui nest en définitive, quune forme plus pratique de tâtonnement ; ils attachent des traverses, éprouvent la résistance, et quand le premier pont est établi, ils sy aventurent avec quelque précaution, en t^étonnant encore ; dun geste familier, ils sassurent que lajustement est suffisant, que lexpérience, fruit du tâtonnement, a réussi, quil est inutile de chercher ailleurs. Désormais, ce premier pont sera comme un point dappui, un passage naturel, à partir duquel on montera, selon les mêmes principes, le deuxième étage. Lhomme a la prétention parfois de commencer léchafaudage par le sommet. Jusquà ce jour, la chose sest révélée impossible, si ce nest en apparence. Notre comportement sorganise de même, par la systématisation successive dexpériences réussies qui font alors partie de notre nature, de notre être, que nous ne pouvons plus modifier sans nuire gravement à notre équilibre et à la solidité définitive de lédifice. Les maçons le savent : le tout est de bien planter les poteaux et dassurer le premier pont. Que serait-ce si notre cur ne battait pas tout seul régulièrement, si nous devions nous appliquer nous-mêmes à en surveiller le fonctionnement, si nous devions diriger et ordonner les divers mouvements de la digestion. Notre vie serait accaparée par ce souci. Et cest dailleurs ce qui arrive aux malades qui doivent soccuper exagérément de leur cur, de leur estomac et de leurs poumons, et qui en viennent à ne plus penser quà leur fonctionnement, à ne plus parler que de leurs malaises organiques. Les assises dun poteau déchafaudage se sont ébranlées, le pont de base a perdu sa solidité et lattention de tout le chantier est penchée sur cette menace, difficile à réduire parce que sur ces fondements, repose lédifice. Lenfant tâtonne de même pour porter une cuiller à sa bouche ; il peut, au début, heurter son nez ou accrocher malencontreusement son menton. Mais lexpérience réussie tend à se reproduire en réflexes systématiques qui deviennent règle de vie. Lenfant refera exclusivement le geste qui a porté la cuiller dans sa bouche. Puis ce geste deviendra le pont solide et sûr dont il naura plus à se préoccuper, le même geste automatique que répète la brebis retrouvant le bercail le soir. Le premier pont est solide, lindividu pourra monter sa construction. Il pourra, tout en mangeant, vous écouter ou jouer. Le tâtonnement primitif sera devenu inéluctable règle de vie. Ce processus de tâtonnement réussi se fixant dans la répétition automatique de lacte réflexe qui se transforme en règle de vie, est la norme de comportement de toute vie organique. Il attire notre attention sur limportance parfois définitive des toutes premières réactions de lindividu, quelles soient bonnes ou mauvaises. Lêtre est obligé daménager ainsi successivement le mécanisme automatique de ses gestes ; il ne peut faire à moins que dassurer les poteaux de son échafaudage dont il montera successivement les étages. Il dépend de léducation comprise dans son sens le plus large et le plus profond daider à la fixation de réflexes, à lassujettissement de règles de vie qui servent en définitive la destinée de lindividu, dans lharmonie dun milieu favorable. Lenfant tâtonnera instinctivement pour trouver les heurs de sommeil qui lui sont les plus favorables. Mais il se peut que ce ne soient pas celles qui conviennent aux parents, ni celles même qui répondent au rythme normal de la nature, quil veille la nuit et dorme le jour, quil tarde à sassoupir le soir et ne soit jamais éveillé le matin. Il en résulte un déséquilibre dont lenfant pâtira en définitive. Le premier pont sera monté de travers et les voitures qui passeront dans la rue risquent de lemporter. Nest-il pas du devoir des parents de faciliter la réussite des expériences favorables dont la répétition deviendra règle de vie Lenfant est attiré par lair, le soleil, lespace libre. Il veut sortir, gesticule, crie et pleure. Sortez-le une première fois, à une heure indifférente, après ou avant tels ou tels gestes. Demain, lappel de lexpérience réussie jouera automatiquement, et lenfant voudra sortir au même moment. Si vous cédez, dans quelques jours, le pli sera pris, le réflexe sera déjà règle de vie. Et peut-être cette heure de sortie non seulement ne vous convient pas à vous, mais nest pas favorable à lenfant, à cause de lhumidité, ou du froid, ou de lheure de la tétée. Il en résultera un essai de résistance de votre part ; lenfant se cabrera comme se cabre la brebis quon empêche daccéder à son bercail. Encore une fois, il en résultera du désordre et du déséquilibre nuisibles à la construction de lindividu. Nous verrons tout à lheure les conséquences pratiques de ces constatations.
Cest la faculté quont certains êtres de rester perméables aux
enseignements de lexpérience, de diriger en conséquence leurs tâtonnements, qui
cessent alors dêtre exclusivement mécaniques, que nous appellerons lintelligence.
SIXIEME LOI
Si lindividu nest sensible quà lappel impérieux de son
être et aux sollicitations extérieures, ses réactions se font mécaniquement, en raison
seulement de la puissance de lappel et des variations des circonstances ambiantes. Chez certains
individus animaux ou humains intervient une troisième propriété : la
perméabilité à lexpérience, qui est le premier échelon de lintelligence.
Le tâtonnement, de mécanique quil était, devient alors intelligent. Cest
même à la rapidité et à la sûreté avec lesquelles lindividu profite,
intuitivement ou expérimentalement, des leçons de ses tâtonnements, que nous mesurons
son degré dintelligence. * Il nous est maintenant possible de formuler notre |
|
SEPTIEME
LOI a) Lacte
réussi appelle automatiquement sa répétition. Lacte réussi par les autres entraîne la même répétition automatique. b) Cette imitation de gestes, dont nous sommes témoins, a toutes les caractéristiques de nos expériences tâtonnées qui ont réussi. 1.
Limitation, comme la répétition dactes réussis, nest jamais
leffet dun raisonnement quelconque ou dune décision consciente. 2.
Limitation ne demande jamais aucun effort particulier. Cest pour
sy arracher quil faut faire effort. 3.
Elle vise toujours à la perfection dans la reproduction automatique. Cest
une condition dharmonie vitale. 4.
Lexemple, au même titre que lexpérience personnelle réussie, tend à
se fixer tel quel, en automatisme qui crée une tendance et suscite une règle de vie
parfois indéracinable. Cest comme un maillon, non pas juxtaposé à la chaîne de
la vie, mais imbriqué dans cette chaîne, qui en fera à jamais partie et qui, plus ou
moins selon la puissance des autres maillons, donnera à la chaîne son aspect et ses
qualités déterminants. c) Mais on nimite pas indistinctement tous les gestes dont
on est témoin. Par limitation, des chaînons pour ainsi dire
extérieurs viennent simbriquer dans la chaîne de notre comportement au même titre
que ceux qui sont forgés par notre expérience tâtonnée. Il en résulte : 1.
que lexemple nest imité que si la chaîne est encore en cours de
formation. Si elle est définitivement fixée en règle de vie, elle est imperméable à
lexemple. Quand on a pris définitivement une démarche personnelle, on est moins
influencé par certaines attitudes ambiantes. 2.
que lexemple est dautant mieux imité quil sinscrit plus
facilement dans la série de nos expériences tâtonnées. Lenfant qui expérimente
des systèmes de traction avec branches en images de camion, imitera volontiers les gestes
du chauffeur. Il y sera beaucoup moins perméable si ses travaux du moment sont dominés
par la chasse, par exemple, ou la construction dabris. 3.
que le chaînon ainsi constitué par limitation prend absolument toutes les
caractéristiques des chaînons personnels, et jouera dans le comportement ultérieur
exactement le même rôle. Lindividu se lest assimilé. 4.
Si lexemple ne simbrique pas dans la série tâtonnée du comportement,
il nest que rapporté. Il peut être imité mais les gestes quil suscite ne
sont pas intégrés à la chaîne du comportement. Ils perdront alors les qualités qui
résultent justement de cette imbrication. 5.
Un exemple à moitié imbriqué, un chaînon insuffisamment accroché au chaînon
précédent et se prêtant mal à laccrochage des chaînons suivants, peut nuire
considérablement à la solidité et à lharmonie de la chaîne. Choc et refoulement Avant den venir à la complexité du comportement de
lindividu au sein du milieu dans lequel il est plongé, nous devons préciser une
notion encore, dont la réaction est plus particulièrement personnelle à
lorigine : la notion de choc et refoulement.
Nous reprendrons pour cela notre
comparaison de la vie avec le cours dun torrent.
Si lindividu était assez puissant, si le milieu au sein duquel doit se
réaliser son potentiel de vie était suffisamment favorable à son épanouissement, le
cours du torrent se poursuivrait normalement, sans obstacle qui le ralentisse et le
complique, sans interventions qui le dévient et lasservissent.
Ce qui ne veut pas dire, comme lont cru certains éducateurs et de trop
nombreux parents, quon doive exagérément débloquer le lit du torrent pour en
écarter toutes les aspérités. In torrent au cours trop régulier, au lit trop apprêté
et trop minutieusement dirigé ne serait plus un torrent puisquil ne connaîtrait
plus ni le jaillissement des eaux sur les pierres, ni le grondement du flot qui dévale,
invincible, entraînant en son sein des blocs informes qui sont autant de dangereux et
efficaces boutoirs.
Les haies sur le parcours de la course ne ralentissent point l galop du cheval bien
entraîné, elles lui sont, au contraire, comme un stimulant pour mieux prendre son élan,
pour allonger sa foulée dans un mouvement dont lharmonie peut se hausser au style
dune émouvante perfection. Il est aussi, dans la vie, des obstacles qui sont une
occasion de mieux sauter, daffirmer sa forme, de dominer et de se dominer dans une
exaltation de son propre sentiment de puissance.
La vie reste malgré tout une course dobstacles. Nous devons veiller à ce
que notre coursier améliore sans cesse sa forme pour triompher des difficultés
quil aura à affronter, mais aussi à ce quil ne se trouve pas, brusquement,
devant une haie dont la hauteur ou la contexture lépouvantent, le rebutent,
larrêtent et découragent tout effort à venir.
Quarrive-t-il, en effet, si devant lenfant se dresse un obstacle qui
est pour lui insurmontable ?
Exactement ce qui se passe pour leau du torrent qui heurte un rocher
quelle ne parvient pas à dépasser Il y a choc, arrêt plus ou moins bruyant et
déchiquetant de lélan ; puis, après un moment dinquiétude et
dindécision, le flot refoulé reflue sur lui-même dans un remous tourbillonnant.
Il se produit alors, en même temps que le retour sur soi, une sorte de vide, de
creux, que le courant met plus ou moins longtemps à combler selon la hauteur de
lobstacle.
Lindividu est de même refoulé par un obstacle anormal quil na
pas pu surmonter. Il a la sensation dun trou qui se creuse brusquement en lui, comme
un manque de puissance consécutif à léchec momentané, et quil devra
combler par lappel urgent à des forces neuves.
Cest un peu aussi comme le coureur de bicyclette qui heurte un obstacle
imprévu et tombe. Dès la première émotion du choc passée, il éprouve une impression
profondément déprimante de vide à combler, de retard à rattraper. Et ce nest que
lorsquil a, dans un temps plus ou moins réduit, récupéré lénergie
suffisante quil peut repartir, dans lespoir, pas toujours réalisé, de
rejoindre le peloton.
Sil peut ainsi, après avoir comblé ce vide, enfourcher sa bicyclette et
repartir, le mal peut nêtre quinsignifiant, sans affecter sérieusement le
résultat de la course.
Lindividu peut, de même, combler en un temps record le vide produit par le
remous et retrouver sa puissance normale pour poursuivre sa course vers la vie.
Si lintérêt de cette cours, si le succès au moins partiel exaltent et
couronnent leffort, laccident peut seffacer partiellement ou même
totalement dans le souvenir, comme léclatement de leau sur la pierre
dépassée et dominée par le torrent.
Mais, dans la plupart des cas, laccident, même bénin, nest pas sans
laisser de trace.
Le choc de leau sur la pierre, le jaillissement qui en résulte, le reflux
violent qui fait sélever en gerbe le flot descendant, tout cela produit un brusque
déséquilibre qui se répercute pendant un temps assez long en mouvements désordonnés,
en flots chevauchants, en girations de vagues, qui sont comme les suites douloureuses du
choc subi.
Ce coureur qui a heurté lobstacle et a fait une chute, sest peut-être
meurtri lui aussi ; le choc se traduit par une
douleur, ou du moins par une courbature anormale qui ne sont que lexpression du
brusque déséquilibre organique et de leffort instinctif pour y parer. Si le choc
est plus violent, il peut en résulter une blessure beaucoup plus longue à guérir, dont
il reste alors, presque immanquablement, une cicatrice plus ou moins sensible.
Ces faits sont limage à peu près parfaite de leffet sur
lindividu dun obstacle insurmontable. Il y a alors un refoulement qui arrête
et entame dabord la puissance dynamique de lâtre. Ce refoulement creuse comme
un vide brusque, accompagné de remous et de tourbillons désordonnés. Lêtre
inquiète tente aussitôt de combler ce vide, de dominer ce remous, de retrouver
léquilibre et dorienter à nouveau le tourbillon dans le sens de la vie. Nous
verrons le processus complexe de ces réalisations.
Dans les cas bénins, le déséquilibre est très vite surmonté, oublié, et
lindividu reprend sa marche en avant, avec seulement un léger retard quil
tâchera de rattraper. Mais il est des cas plus graves qui entraînent une
désorganisation, un déséquilibre accentués et tenaces, blessure tout à la fois
physique et psychique, qui met plus ou moins longtemps à guérir, dont il reste parfois,
pour la vie entière, une cicatrice qui, à certains moments, redevient douloureuse. Il
peut même en résulter une véritable infirmité qui pose à lindividu des
problèmes vitaux suer nous allons examiner.
Cest ce processus que nous formulons dans notre
HUITIEME LOI Du choc et refoulement
Dans sa marche en avant, lindividu se heurte inévitablement à des
obstacles. Sil peut les surmonter sans dommage, ils sont pour lui des stimulants qui
exaltent son sentiment de puissance et de triomphe.
Dans les cas contraires, il y a choc plus ou moins violent et refoulement
consécutifs. Le choc produit comme une sorte de vide mental, qui met plus ou moins
longtemps à se combler, suscitant des réactions multiples qui tendent à redonner
léquilibre indispensable pour la reprise de la marche en avant.
Le choc reçu, le déséquilibre passager ou tenace qui en résulte, constituent
une blessure plus ou moins longue à guérir, dont il peut rester une cicatrice parfois
indélébile, longtemps douloureuse, et susceptible de se rouvrir et dinfluencer à
nouveau notre comportement dans les périodes de crise.
NEUVIEME
LOI La
déviation
Si, malgré ses efforts, lindividu ne peut pas surmonter un obstacle qui
gêne la réalisation de sa destinée, il tâtonne à droite, à gauche, jusquà ce
quil ait trouvé une faille qui lui permette déviter lobstacle, de
retrouver sa ligne de vie, en conservant intact, sinon accru, son potentiel de puissance.
Il y a eu déviation.
Si lobstacle nest pas supprimé à temps, ou la puissance pour le
vaincre suffisante, lindividu saccommode de la déviation, organises sa vie
sur cette déviation qui imposera sa marque plus ou moins décisive sur lensemble du
comportement.
DIXIEME
LOI La
sublimation
Il est des cas où, après cette déviation, lindividu ne parvient plus à
retrouver sa ligne normale de vie : la déviation la orienté différemment.
Mais cette orientation peut se faire, parallèlement, dans le sens encore dune
destinée bénéfique, par une adaptation plus ou moins ingénieuse de linflexion
subie aux lois supérieures de la destinée
humaine.
On dit quil y a alors SUBLIMATION.
Mais la loi plus importante, qui est incluse dans celles de la déviation et de la
sublimation, cest celle de la COMPENSATION.
Vous coupez la branche dun arbre. La sève qui ne peut continuer sa voie
normale, reflue sur elle-même, indécise et inutilisée. Elle est attirée alors par le
courant qui persiste vers les branches qui nont pas rencontré dobstacle à
leur croissance. Lénergie qui ne trouve plus à se dépenser dans un sens, va
renforcer lénergie en activité dans un autre sens ; et elle se dirige vers le
centre dont le dynamisme est le plus puissant et crée de ce fait un appel plus
impérieux.
Ce sont donc les branches les plus vigoureuses qui bénéficient de la sève
inutilisée dans la branche coupée. Cest une des principes de la taille des
arbres : ce nest pas forcément une branche voisine de celle que cous avez
coupée qui bénéficiera du reliquat de sève, mais la branche la plus vigoureuse, celle
qui trouve les meilleures conditions daccroissement de puissance. Si sous prétexte
de lui donner une forme, vous coupez à larbre
les branches vigoureuses, la sève inutilisée ne
sera pas puissamment attirée par lappel de la vie ; elle tâtonnera, et,
finalement, essayera de bourgeonner des rejetons inutiles. Lessentiel, pour
larboriculteur, est toujours de réserver quelques branches vigoureuses
La vie
sen va vers la vie. Si leau se traîne sur un sol en pente, il est fastidieux
de vouloir la guider. Tant quelle est impétueuse, il y a de la ressource pourvu
quon ne brise pas définitivement le courant.
Cette loi est générale : la vie qui ne peut plus se dépenser et se
réaliser dans un sens normal sen va renforcer un dynamisme en cours, et elle
renforce lorgane le plus puissant, le plus dynamique, celui qui réussit le mieux
dans le sens de la destinée. Cest ce que lon a coutume dappeler la
compensation.
Attachez un bras (malade ou blessé par exemple) à un enfant. La vie a tendance à
se retirer du bras immobile ; les muscles satrophient. Mais cette puissance
nest pas perdue : elle se porte automatiquement vers les organes qui sont les
mieux susceptibles de compenser la perte ainsi subie. Cette compensation se fait avec un
maximum defficacité par lorgane similaire dans les cas de parité ; si
le bras droit est immobilisé, cest le bras gauche qui gagne en puissance, en audace
et en habileté ; si lil droit est provisoirement inutilisé, cest
lil gauche qui accroît son acuité ;si une jambe est faible, cest
lautre jambe qui renforce.
Mais linflux vital peut suivre un trajet différent. Lhomme qui devient
aveugle compensera son activité visuelle inutilisée par le renforcement dautres
possibilités réactionnelles. Quels seront les organes qui bénéficieront de cette
déviation ? Ce nest pas automatiquement le toucher, ou louïe, ce sera
le sens, laptitude fonctionnelle qui savérait la plus efficace pour retrouver
le potentiel de puissance. Si louïe est déjà, par nature ou par fonction,
particulièrement développées, ce sera louïe qui deviendra lorgane
prédominant qui bénéficiera de la perte de puissance visuelle ; si lhomme se
servait surtout de ses mains, ou de son goût, ce seront ces sens qui acquerront
subtilité et puissance.
Si lhomme devient sourd, ce sera de même la virtualité la plus favorable
qui attirera le potentiel de vie devenu inutilisable : cest la branches la plus
vigoureuse qui bénéficiera de la sève, et ce peut être la vue, ou le sens de la
parole, ou lintelligence, ou la simple force brutale. Et
il ny a pas seulement compensation. Léquilibre
a été détruit au bénéfice dun organe. Cest comme dans une
écurie : tant que les bêtes sont toutes en bonne santé, solides et de bon
appétit, chacune défend son râtelier. Mais que lune perde lappétit,
cest la plus forte de celles qui restent qui bénéficie du fourrage inemployé. Il
se produit une compensation : le fourrage est mangé et le propriétaire ne
saperçoit pas même tout de suite de cette déviation. Seulement, la bête la plus
forte gagne en puissance à mesure quelle mange davantage. Plus elle est forte, plus
elle attire à elle de nourriture. Elle en viendra même à manger la part des autres
bêtes non malades. Il se produit ce quon appelle parfois une SURCOMPENSATION.
Cest-à-dire que si on représente par 5 la puissance dune branche vigoureuse
de larbre, ou le dynamisme dune pièce du mécanisme humain, et quune
branche coupée, quune pièce momentanément
immobilisée perde sa puissance cotée 5, la branche vigoureuse va bénéficier de la
compensation et acquérir une puissance 5 plus 5 = 10. Mais cette puissance exigeante
attirera alors à elle la puissance dautres pièces ; ce sera comme la ruée
progressive de larmée vers la brèche réussie ; les ailes qui nont
pourtant pas rencontré de puissance insurmontable sont entraînées vers lappel
dynamique. Ce nest plus 5 plus 5 que deviendra la puissance, mais 10 plus une
certaine puissance venue dautres organes non atteints. Cette
surcompensation est très nette chez les infirmes. Le boiteux voit sa jambe intacte
renforcée, mais il acquiert un équilibre souvent supérieur à léquilibre
normal ; laveugle réussira avec ses doigts ce que nous sommes incapables de
réaliser avec tous nos sens. Ces
observations seront synthétisées dans notre : ONZIEME LOI De la compensation
Lénergie qui ne peut être employée dans sa direction normale nest
jamais perdue. Il tend à se produire un équilibre non pas statique, mais de puissance
dynamique. Lénergie inutilisée est attirée par le dynamisme dominant, par celui
qui réussit le mieux pour la conquête du potentiel de puissance.
Cest le principe de la compensation dynamique.
et : DOUZIEME LOI De la surcompensation
La tendance dynamique qui a bénéficié de la puissance inutilisée par
dautres pièces du mécanisme tend à accroître démesurément sa puissance et à
accaparer le potentiel des dynamismes non atteints. Cest une sorte de capitalisation
que nous appellerons la surcompensation dynamique. TREIZIEME LOI La loi de léconomie
Lindividu veut acquérir le maximum de puissance, monter le plus haut
possible, mais cela avec un minimum de dépense dénergie, ce qui est une loi
mécanique de conception parfaite.
Cest pourquoi lindividu a tendance à passer par les chemins déjà
tracés, à utiliser les outils déjà réalisés, à sapproprier lexpérience
des autres pour aller plus loin queux. Si lindividu a assez
dallant, cette économie servira en définitive lascension puisquelle
ménagera les forces qui permettront daller plus avant.
Dans le cas contraire, léconomie deviendra avarice et ladrerie, et
empêchera toute action autonome et hardie.
LA PRATIQUE DE LA BRECHE
Placez du sable dans une caisse. Crevez la caisse sur sa face inférieure. Ce
nest pas seulement le sable qui se trouve en contact avec la brèche qui
sécoule, mais le vide creusé par cet écoulement produit comme un appel qui attire
vers la brèche tout le sable de la caisse. Et il se crée un mouvement de translation
mécanique vers la brèche.
La même chose se passe pour leau de la source. Elle sétale doucement,
tâtonne dans toutes les directions à mesure que monte le niveau cherchant une issue, à
droite et à gauche. Qune brèche se produise sur un point. Non seulement leau
qui y est contiguë va sécouler immédiatement, mais il se produira le même appel
que pour le sable, avec plus de mobilité encore, et toute leau sécoulera par
la brèche.
Cest ce qui se produit pour larmée. Les groupes qui sengouffrent
dans la brèche laissent derrière eux un vide qui appelle et attire non seulement les
réserves normales placées en profondeur derrière ce groupe, mais aussi les groupes
voisins, du centre et de laile droite, qui nont pas trouvé découlement
à leur puissance contenue, et aussi les réserves placées derrière ces groupes. Il se
produit une vaste et profonde inflexion vers la brèche par où la puissance a trouvé à
se manifester.
Si les stratèges ninterviennent pas pour modérer cette inflexion, il
pourrait y avoir comme une sorte de ruée qui dégarnirait prématurément le centre et la
droite et rendrait larmée extraordinaire ment vulnérable.
Le même processus mécanique se produit dans le comportement de lindividu.
Il suffit que lindividu découvre, au cours de son expérience tâtonnée,
une tendance qui trouve son exutoire pour quimmédiatement, par ce même mouvement
mécanique et en vertu de la loi ci-dessus énoncée de léconomie, toute
lactivité tende à sengager dans la brèche ouverte.
Cet appel de force, dactivité et de puissance vers les tâtonnements
réussis, cet élan mécanique vers une brèche ouverte et qui se répercute latéralement
et en profondeur, cest ce que lon nomme la tendance.
QUATORZIEME LOI
En vertu de la loi précédente déconomie, dès que lactivité
humaine, dans son expérience tâtonnée plus ou moins intelligente découvre une brèche
pratiquée dans lobstacle dans sa marche en avant par un acte réussi, il se produit
dans tout lorganisme une tendance à utiliser cette brèche et les possibilités
quelle offre pour réaliser sa destinée.
Cet appel mécanique vers la brèche ouverte est dautant plus manifeste que
sont rares les possibilités de se réaliser. Si le mécanisme humain trouve une brèche
normale pour les actes essentiels de la vie, les courants ainsi créés contrebalancent et
annihilent lappel dune brèche particulière. Si tous les autres recours sont
impuissants, lappel a alors tout son effet : la tendance se réalise,
saffirme, automatiquement, se fixe comme tous les mécanismes précédents. Le complexe social Les recours-barrières
Quand lindividu a-t-il recours au milieu ? Quelles
sont les situations qui en résultent ? Quelles sont les lois fondamentales que nous
pouvons découvrir à la vase de ce comportement complexe ? Question délicate que
nous allons tâcher dexaminer avec toujours la même préoccupation
dexplication sensible.
Nous avons déjà comparé lêtre à la recherche de son potentiel de
puissance à une armée en mouvement et nous avons distingué notamment les refoulements
qui résultent de la puissance adverse à laquelle on se heurte, lappel au contraire
réalisé par louverture dune brèche et linflexion générale que cet
appel imprime à lensemble du comportement inflexion qui est tendance,
laquelle devient bien vite règle de vie.
Or, cette brèche peut être pratiquée : soit de haute lutte, après un âpre
combat qui nécessite, comme nous le verrons, le raidissement de tout lêtre et aussi lappel aux réserves, la feinte,
le recul provisoire, la surprise, etc., soit par sympathie, persuasion et compréhension
de lennemi qui se trouve en face et qui, sous certaines conditions, accepte
daccorder certains avantages qui permettent louverture plus ou moins prudente
et profonde de la brèche ; soit par veulerie et faiblesse caractérisée de ladversaire, dont la
lâcheté, les mauvaises habitudes, les vices ou la dégénérescence le poussent à
passer purement et simplement au service du vainqueur dont il sera lesclave.
On conçoit tout de suite que le comportement de lindividu soit profondément
influencé par la prédominance de telle ou telle alternative et que, dans notre souci
éducatif, nous devrons porter laccent sur la position même du milieu vis-à-vis de
lêtre à la recherche de sa puissance.
* Nous reprendrons alors notre comparaison du devenir humain avec un
torrent qui dévale la pente favorable et qui rencontre sur ses bords tantôts des rives
friables quil creuse et déchiquète, tantôt des torrents secondaires qui lui
apportent généreusement leur tribut de puissance ; mais parfois aussi un mur
naturel ou artificiel qui fait barrage et auquel il se heurte en vain.
Cest comme ces barrières qui bordent les chemins, auxquelles on peut
sappuyer le cas échéant, comme à une rampe, pour franchir une fondrière ou un
bas-fond luisant de glace ; quon peut enjamber ou enfoncer pour sen aller
courir à la poursuite des papillons des prés ou atteindre les cerises ou les poires qui
soffrent comme une tentation. Mais barrières aussi qui peuvent être suffisamment
solides pour délimiter froidement lespace dont on peut disposer, pour jalonner et
encadrer notre marche en avant.
Tout le secret, tout lart, toute la science de la formation éducative
résideront dans la fonction favorable de ce que nous nommerons les Recours-Barrières :
pas trop loin pour que les enfants puissent sy appuyer le cas échéant, pas trop
près cependant afin que lenfant garde malgré tout suffisamment de large pour
sépanouir et se réaliser ; suffisamment hautes sil y a vraiment danger
à les franchir ; et sinon, malgré tout, accommodantes et familières, ne bouchant
point la vue sur des horizons apaisants et prometteurs, et autorisant le cas échéant ces
petits écarts qui ne prêtent pas à conséquence et qui nen sont pas moins pour
lindividu comme démouvantes échappées.
La position des ces recours-barrières pourra varier dailleurs, avec les
exigences du milieu, comme avec les possibilités des individus, avec leur puissance de
réaction personnelle ou laide quils sont appelés à demander, pour vivre et
monter, au milieu ambiant. Selon les cas, cest la fonction Recours qui
primera ; dans dautres cas ce sera plutôt la fonction Barrière. La
plupart du temps il sagira de barrières mobiles, adaptées à lâge des
individus, à leur potentiel de puissance aux difficultés du chemin.
Nous allons donc dabord donner quelques indications sur le fonctionnement des
ces recours-barrières.
Il fut un temps il y a à peine quelques générations où le
recours-barrière de la famille était trop rapproché, trop élevé, trop barrière.
Lenfant se heurtait trop vite à la rudesse paternelle, aux difficultés
matérielles, aux exigences dune vie trop misérable. Mais par contre, le
recours-barrière social était tellement lâche quil en était souvent inexistant.
Il nétait ni recours ni barrière et cela corrigeait
dans une certaine mesure la rigueur de la barrière familiale. Mais le recours faisait
défaut. Privé dun minimum de sollicitude sociale, lenfant, dès quil
échappait au cercle fermé de la famille, en était réduit à faire lui-même toutes les
expériences, sans guide éclairé, sans appui technique.
Mais, par delà cet inorganique recours-barrière nature. Il y trouvait
dincontestables appuis, mais bien plus encore de limitations à son potentiel de
puissance. Il se « colletait »
vraiment avec la nature, individuellement souvent et, lorsquil le pouvait, en
faisant appel à un quatrième recours-barrière : les autres individus,
auxquels on se frotte, nécessairement, et
qui peuvent être amis ou ennemis, exploiteurs de vos efforts, concurrents impitoyables
dans la lutte pour la vie, ou, au contraire, collaborateurs bénéfiques pour une même
uvre de puissance dominatrice.
Il sest produit, au cours du dernier siècle, un total renversement de
position de ces recours-barrières.
Dans la famille, en général plus humanisée, le recours a pris le pas sur la
barrière. Le père ny est plus le patriarche omnipotent jaloux de sa souveraine
autorité, mais plutôt le nourrisseur, lappui, le guide. Le centre de gravité de
la famille sest comme déplacé : cest maintenant, de plus en plus,
lenfant qui en est lobjet. Cest un progrès, mais souvent chèrement
payé, nous le verrons par les risques nouveaux quon na pas toujours su
éviter, par la tendance extrême contraire : la famille reste bien un recours
parfois beaucoup trop complaisant- mais il lui arrive de faillir totalement à son rôle
naturel aussi de barrière. Cest aujourdhui lenfant qui, plus ou
moins, tend à affirmer dans la famille son autorité inconsciente et maladive, à imposer
ses volontés et ses fantaisies. Nous sommes au siècle de lenfant gâté, et la
chose est grave.
La société, par contre, va resserrent sans cesse ses barrières, qui ne sont pas,
hélas ! nécessairement des recours.
Ce sont souvent de véritables barrières matérielles : les implacables murs
des interminables rues et la laideur froide des usines, lexiguïté du logement,
avec ses ouvertures, sans autre horizon que la façade polluée dautres logements,
ou le décor hallucinant des cheminées dusine ; toute lemprise croissante de cette termitière qui vous enserre
et qui ne vous laisse plus même deviner limmensité dune nature généreuse
et vous ravit jusquau petit coin de ciel dont on a tant besoin pourtant pour rêver
et senvoler.
A cette barrière matérielle sajoute chaque jour la barrière tout aussi
impitoyable des lois et règlements qui encadrent, déterminent, surveillent et limitent
tous les actes de lindividu, de son lever à son coucher et même pendant son
sommeil. Pour une trop grande potion de lhumanité, la société nest
aujourdhui quune barrière marâtre, sourde aux plus angoissants des appels de
détresse.
Avec lenvahissement croissant du recours-barrière social et son
évolution mécanique dans le sens de linhumaine barrière, se déforment aussi la
position et la portée du recours-barrière
de la nature. On a repoussé si loin ce recours-barrière de la nature quon
ny atteint bientôt plus quen trichant avec le recours-barrière social,
quon ne peut donc lui demander ni lapaisement de sa richesse, ni
lampleur bienfaisante de ses limitations. Toujours sinterpose, entre le
recours-barrière social et le recours-barrière de la nature, le mur monstrueux
quont monté les hommes comme une limite arbitraire et injuste à son impérieux
devenir.
Le recours-barrière des individus subit inévitablement le contrecoup de cet anarchique déplacement du recours-barrière
social et de la nature. Les individus malmenés par la tyrannie des barrières ne se
retrouvent plus eux-mêmes ; ils perdent jusquà leur marque ineffable pour ne
devenir à leur tour que des outils ou des jetons asservis à la grande erreur ? On
comprend alors que devienne toujours plus illusoire le recours à des individualités qui
ne sont plus par elles-mêmes des puissances ni des forces, qui ne sont plus que des
images delles-mêmes dinconscientes barrières quon nutilise pas
sans danger comme appui.
Telle est la position actuelle du problème, dont on devine toute la délicatesse
et la complexité. Nous le préciserons dans notre :
QUINZIEME LOI Des recours-barrières
Dans ses tâtonnements, lindividu mesure et exerce non seulement ses propres
possibilités, mais il essaye aussi de saccrocher au milieu ambiant et davoir
recours à lui pour conquérir son potentiel de puissance.
Mais le milieu est plus ou moins complaisant, plus ou moins docile, plus ou moins
utile. Il est tantôt recours, tantôt barrière, le plus souvent un complexe mélange des
deux. Cest de la position et du jeu de ces recours-barrières que résulte en
définitive le comportement de lindividu vis-à-vis du milieu. Nous distinguerons : le recours-barrière famille le recours-barrière société le recours-barrière nature le recours-barrière individus Nous formulerons ainsi notre :
SEIZIEME LOI Du mécanisme des recours Chacun des
recours-barrières définis dans notre précédente loi peut être : généreusement aidant égoïstement accaparant brutalement rejetant
Les réactions seront, suivant les cas : - de fixation provisoire - dabandon - dinsatisfaction - de refuge.
Léchec total, qui équivaut à la mort, nest jamais accepté par
lindividu.
DIX-SEPTIEME LOI De la technique de vie
Dans sa recherche obstinée de la puissance, lindividu qui ne peut
victorieusement affronter la vie utilise
systématiquement la brèche ouverte par une tendance évoluant en règle de vie. Et
cest dorénavant autour de cette brèche, de cet outil de puissance que
sorganisera tout le comportement individuel. Organisation systématique qui peut
avoir des avantages, qui peut être bénéfique, mais qui risque aussi de nuire à la
solidité de la construction humaine.
Plus cette technique de vie est schématisée, plus elle est fragile et
dangereuse ; plus elle est différenciée et complexe, plus elle est solide et
bénéfique. DIX-HUITIEME LOI Du torrent de vie
Lhomme doit faire limpossible pour affronter la complexité du torrent
de la vie.
Dans ce torrent, se mettre tant soit peu à lécart du cours est toujours une
faillite et une erreur, qui conduit vers un rythme de vie ralenti, pour des buts qui ne
nous sont pas essentiels.
La solution royale, cest de se libérer en partant en avant, en prenant la
tête du peloton.
Celui qui réussit ainsi à prendre la tête du peloton, ne serait-ce que
partiellement et pas moments, conquiert de ce fait une plus sûre vision de la route à
suivre ; son dynamisme est comme un appel de force qui entraîne les autres individus
et qui renforce automatiquement son potentiel de puissance, qui le pousse vers son
devenir.
Mais celui qui a abandonné le torrent ne peut plus y revenir sans un sursaut
héroïque qui nécessite souvent limpulsion vigoureuse dune force
extérieure.
La solution idéale du processus vital sera donc de devenir chef de peloton, de
partir en avant, toujours et le plus possible dans le torrent, avec une claire vision du
but à atteindre. |
|
DEUXIEME PARTIE Par les explications qui
précèdent et qui sont, nous le répétons, le résumé dun livre important
qui apportera plus tard toutes justifications théoriques et pratiques -, nous avons
schématisé, pour ainsi dire, la technique du comportement et défini les lois
générales de la vie. Elles diffèrent sensiblement de celles qui ont cours communément
et où léveil de lintelligence, du sentiment, de lâme, - ces
survivances tenaces du spiritualisme restent au tout premier plan.
Une technique du comportement nest, en somme, nous lavons vu, que
létude des moyens et des outils que lindividu emploie pour assurer et
développer sa personnalité. A nous déprouver si ces outils nous permettent, mieux
que les entités spiritualistes, de scruter, de retrouver, de préciser, pour les
influencer, les phases essentielles de la vie enfantine.
Il ne sagit point détudier ici une psychologie statique et livresque,
mais de retrouver les grandes, permanentes et définitives lois de la vie.
Nous procèderons, nous aussi, par tâtonnement. Nous éprouverons notre technique
que nous améliorerons et parferons chemin faisant, selon les enseignements de nos propres
expériences.
Si nous ne parvenons pas à expliquer notre comportement sans le recours à ce
mental et à ce psychisme hypothétique, cest peut-être que leur réalité
fonctionnelle est à considérer. Dans le cas contraire, si les lois que nous avons
formulées suffisent à analyser le jeu de la vie, nous abandonnerons purement et
simplement lhypothèse. Là encore, nous partons sans aucun parti pris philosophique, religieux ou social. La prospection et lexpérience seules décideront. I. Bases
de départ
A sa naissance, lenfant est brutalement projeté dans un monde étranger où
il aura à se frayer sa place, sil veut vivre et monter.
Dans notre livre, nous nous sommes appliqués à prouver que cette montée
nest point réglée par le seul fonctionnement mystérieux dun cerveau
polyvalent, mais par le processus exclusif dexpérience tâtonnée, dont nous avons
fixé les lois.
Nous demanderons justement à ceux de nos camarades qui ont loccasion
dobserver le tout premier comportement dune enfant, dessayer notre outil
et den vérifier très loyalement les lois : - les premiers tâtonnements
pour ajuster les gestes vitaux ; - comment les premiers essais
réussis rendent immédiatement à se répéter pour devenir de définitives règles de
vie ; - la naissance précoce des
déviations et des perversions qui ne sont, à lorigine, que lextension en
règles de vie de réussites tâtonnées selon une ligne non naturelle, mais dont
lindividu nest en rien coupable. Nous étudierons dailleurs, dans notre livre, les conséquences de nos observations et de nos lois.
II. Vers
lautonomie fonctionnelle
Tant que lenfant reste comme dans le giron de la mère, avant, notamment,
lépoque décisive du sevrage, la complexité des problèmes na pas encore
débordé le milieu réduit du sein et du berceau.
En cette période, lenfant est comme la plante. Si celle-ci trouve
immédiatement dans la terre lhumus et les éléments divers nécessaires à son
alimentation et à sa croissance, elle ramasse ses racines sur un court espace. Mais si la
nourriture fait défaut, les racines tâtonnent pour la trouver, savancent au loin,
tant quil le faudra. Les jardiniers de chez nous savent cela. Ils nenterrent
pas le fumier au pied même de leurs melons, mais à quelque distance, pour obliger les
racines à sétendre afin de mieux résister à la pénurie dengrais et à la
sécheresse.
Le même processus ne se reproduit-il pas dans une ville insuffisamment
approvisionnée ? Tans que les stocks sont suffisants, et les marchés bien garnis,
les habitants ne sortent pas de la ville où ils trouvent le nécessaire. Mais quil
y ait un jour pénurie pour certains articles dont quelques groupes dhabitants
éprouvent le besoin naturel ou pervers on voit alors femmes et enfants
partir vers les faubourgs en quête des produits nécessaires. Sil ne les trouvent
point dans les faubourgs, ils étendent plus loin encore leurs recherches. Et, sil
le faut, le père prendra le train pour sen aller dans les campagnes en quête des
articles qui satisferont les besoins les plus impérieux.
Il serait donc faux de chercher exclusivement dans la nature de lenfant
lexplication des étapes diverses de son évolution. Considérer seulement ses
rapports avec le milieu est tout aussi imprécis. Le sevrage lui-même est toujours
progressif ; il peut être prématuré, ou, au contraire anormalement retardé.
Il nous serait difficile détablir des normes révélatrices dans une telle
diversité.
Il est, par contre, une autre étude plus logique et plus rationnelle :
cest celles des moyens employés pour faire face aux difficultés sans cesse
croissantes à mesure que diminue la sollicitude du milieu, des outils qui donnent à ces
moyens une efficience accrue, des techniques et des méthodes demploi de ces outils
selon les enseignements permanents de lexpérience tâtonnée. Nous donnerons ici les résultats de notre propre expérience. Nous demanderons à nos lecteurs déprouver à leur tour les processus que nous avons révélés, pour les corriger et les parfaire afin que nous ayons enfin une méthode sûre pour sonder et pour affronter le jeu de la vie.
III. Maîtrise progressive des outils personnels la
vie est une conquête.
Pour continuer son « torrent de vie », pour aller toujours plus loin,
pour monter toujours plus haut, comme lanimal ou la plante dailleurs,
lenfant a recours, selon les principes énoncés dans la première partie de cette
étude, à toutes les solutions à sa portée et dont lexpérience tâtonnée a
montré lefficacité.
Quels sont ces outils, quelles sont les étapes et la succession de leur
emploi ? Cest ce que nous voulons
montrer dans le présent chapitre que nous aurons à présenter par nos enquêtes
ultérieures. a)
Au stade de la dépendance totale
La première étape de la vie est marquée par une dépendance totale vis-à-vis du
milieu.
Jusquà sa naissance, la dépendance est absolue. Elle le reste pendant les
premiers mois qui suivent la naissance. Lenfant règle alors tout son comportement
sur cette dépendance. Et son premier mouvement, lorsquil y aura insatisfaction des
besoins et déséquilibre, sera de faire appel au milieu, et non à lui-même comme on le
croit parfois. Et il y fera dautant plus appel, avec dautant plus
dingénieuse insistance que le déséquilibre sera accusé.
Ladaptation des outils de ce recours se fait exclusivement selon le processus
dexpérience tâtonnée.
Nous avons vu naître ainsi et se systématiser lemploi des premiers
outils : - Les cris
dexpression de déséquilibre. - Lexcrétion,
qui procure soulagement et paix. - Le cri dappel. - Le cri expression de
déséquilibre aigu qui prend déjà certaines caractéristiques de la souffrance. - Le cri appel. - Les excrétions,
employées comme outil inconscient. - Le cri-appel modulé qui
devient, selon les circonstances : invitation, prière, supplication, injonction,
exigence, irritation, colère. - Le sourire.
Il sera certainement possible détablir expérimentalement la norme
demploi des ces outils aux différents âges. Nous serons alors en mesure de
préciser, par tests simples et pratiques, les degrés déveil de lenfant.
Tandis que les enfants normaux se saisissent successivement de ces outils, à un rythme
accéléré, nous verrons les déficients et les arriérés sattarder aux diverses
étapes et sy fixer parfois lamentablement. Cette possibilité de déceler aussi de
bonne heure lanormalité pourrait être précieuse dans la correction des
déficiences. (Nous donnerons des explications complémentaires à ceux de nos lecteurs
qui voudront se livrer à ces enquêtes.
b) A la conquête du milieu
Maîtrise progressive du corps, des bras, des mains, de lil
Mais, suivant sa complexion physiologique, suivant son tonus vital, lenfant
se rend plus ou moins vite compte que certains de ces outils sont insuffisants, que
dautres, efficaces naguère, semblent à un certain moment avoir perdu toute vertu.
Il ne fait appel pour cela à aucun raisonnement autonome. Le processus est exclusivement
expérimental, résultat dun obstiné tâtonnement..
Si personne ne répond plus à ses appels les mieux modulés ; si ses sourires
restent sans effet ; si nul ne calme sa faim, si on ne nettoie pas ses excrétions,
il faut bien, pour vivre, quil cherche dautres solutions.
Qui dira jamais linfinité des essais tentés, tous conditionnés par la
structure même du corps, la spécificité des organes, le jeu des articulations et la
force croissante des muscles.
Ces essais sont dabord une sorte dagitation générale indifférenciée
de tout le corps ; puis les bras sessaient à une action et selon les
nécessités, les mains se spécialisent dans leur action. L intervention et le
jeu des yeux sera également à étudier.
Le processus de ces acquisitions est toujours le même. A la base, expérience
tâtonnée plus ou moins efficace ; répétition des expériences réussies qui
passent dans lautomatisme et qui sont répétées jusquà ce quelles
deviennent automatiques ; expériences tâtonnées nouvelles en se servant de ces
automatismes comme points de départ. En cas de dégénérescence, de trouble grave ou de
détresse, lindividu cesse, provisoirement ou définitivement, tout tâtonnement
nouveau, cause dinsécurité et se rabat sur les seuls automatismes primitivement
acquis.
Il y aura à examiner le nombre et lordre de ces expériences
tâtonnées ; limportance des répétitions qui ont fixé
lautomatisme ; le rythme de ces acquisitions ; les retours aux
automatismes en cas de détresse. Nous aurons là toutes les gammes de la croissance et de
larriération (voir le tableau en fin de chapitre).
c) A la conquête du monde
Maîtrise progressive de la reptation, de la quadrupédie, de lemploi des
dents. Perfectionnement des outils précédemment découverts.
Il sera facile de vérifier, à lexpérience, que cette progression se fait
par la seule expérience tâtonnée telle que nous lavons précisé.
d) Le sevrage
Lenfant a poussé assez avant ses expériences tâtonnées dans la
dépendance du milieu, en fonction donc de ce milieu. Et brusquement ce milieu lui fait
défaut et il se trouve face à des situations nouvelles auxquelles il nest que
très peu, et parfois pas du tout préparé. Doù un moment de désarroi, comme
lorsquon vous nette à leau. Drames dont nous ne mesurons plus lacuité
et qui expliquent que le sevrage se retrouve à lorigine de bien des comportements
aux conséquences incalculables.
Il y aurait à étudier avec la plus minutieuse attention les réactions
tâtonnées de lenfant à ce choc du sevrage et le triomphe de certains essais
réussis, bénéfiques ou non, qui se fixent dans lautomatisme (nous donnerons
également des explications complémentaires aux lecteurs que cette enquête intéresse).
e) A la conquête du milieu
Maîtrise progressive des outils de déplacement autonome. Perfectionnement des
outils précédemment découverts.
Lindividu ne se lâche jamais des
mains avant davoir assuré ses pieds, question de sécurité. Il
nentreprend un tâtonnement nouveau que lorsque les automatismes nés de
tâtonnements antérieurs lui assurent une sécurité et une stabilité suffisantes.
Cette loi de tâtonnement se vérifiera à 100% dans lexamen de la façon
dont lenfant passe de la quadrupédie à la marche sans aide. Nous avons fait cette
vérification.
Nous demanderons à dautres de la refaire.
Lenfant possède maintenant un nouvel outil : le déplacement
autonome. Il peut, par sa vertu, atteindre lui-même les objets quil convoite.
Il ne lui reste guère quà en perfectionner lemploi ; selon le même
processus actif, jusquà maîtriser ensuite la technique du saut, de la course,
jusquà savoir escalader une chaise, monter et descendre lescalier.
Par méconnaissance de la portée essentielle des besoins, la pédagogie actuelle a
fait grand état dun certain besoin de mouvement qui expliquerait lactivité
enfantine, condition élémentaire des progrès fonctionnels.
Ce nest pas parce que lenfant éprouve le besoin de remuer quil
marche à quatre pattes, quil se dresse sur ses pieds, quil court ou saute.
Sil ny était poussé par des besoins naturels dont le besoin
dalimentation en tête il resterait bien tranquille pour éviter toute
dépense inutile dénergie, cette économie dans laction étant, malgré les
apparences, une des lois essentielles du comportement.
Nous regardons un enfant manier la serpette pour couper le bois. Il tape et retape,
jamais au même endroit, parfois même bien proche de ses doigts. Il éprouve le besoin de
rééditer sa réussite avec une croissante maîtrise. Si même il na plus de bois
à couper, il continuera son expérience sur ce qui est à sa portée : une chaise ou
un montant déchelle.
Besoin de mouvement ? dactualité ? jeu ? Ni lun ni
lautre ne sont une explication suffisante. Lenfant éprouve tout simplement le
besoin le besoin de repasser obstinément par les chemins qui lui ont réussi pour
sen assimiler la maîtrise automatique.
Lenfant a sauté péniblement un petit ruisseau. Il ressaute, dans tous les
sens, jusquau moment où il aura maîtrisé cette technique du saut. A ce moment-là seulement il
sarrêtera de sauter ce ruisseau ce ruisseau. Il ira vers dautres conquêtes.
Il faudra absolument étudier dans le détail, selon ce nouveau processus
dexpérience tâtonnée, toutes les activités des enfants pour voir si notre
explication est valable en tous les cas et si nous pouvons, en conséquence, établir des
règles du comportement. On a vu ce même processus à lorigine de
lacquisition de lécriture et de
la lecture (voir Méthode Naturelle de
Lecture).
f) A la conquête du milieu
Naissance et maîtrise progressive des processus susceptibles de répondre ou
besoin dexcrétion, au besoin urinant, au besoin de sécurité.
Comment lenfant domine-t-il et régularise-t-il peu à peu ses besoins
dexcrétion et urinaire ? Question délicate que jai étudiée dans mon
livre et qui reste à préciser selon le même processus.
Pour la satisfaction du besoin de sécurité, jai noté les phases suivantes
de lexpérience tâtonnée du jeune enfant : - il ferme les yeux pour ne
pas voir le danger - il crie - il se blottit dans le sein
de sa mère - sil nen a pas la
possibilité, son corps se met à trembler (tâtonnement physiologique) - il pâlit - les sphincters se relâchent
et il se salit - plus tard, il commence à
réagir avec dautres outils - il essaye de fuir - il se défend en crachant,
en griffant, en se démenant de tout son corps - il attaque - il recherche la lumière qui
lapaise.
Par lexpérience tâtonnée, il développe ceux de ces outils qui, à
lusage, se révèlent comme donnant le meilleur rendement. Il en perfectionne sans
cesse la maîtrise.
A létape suivante, à mesure que se rompent les liens qui le faisaient
participer au milieu, ce besoin de sécurité deviendra plus impérieux. Il sera à
lorigine dune quantité dactivités ou de jeux spécifiques, et,
finalement, se traduira par la curiosité et le besoin de connaissances qui seront parmi
les plus actifs de notre progrès. IV. Les outils de transition
1° le jeu
Nous ne reviendrons pas ici sur lexplication totale du jeu (voir Education du
travail).
Nous dirons seulement ses rapports avec lexpérience tâtonnée.
Nous avons déjà expliqué que lorsquun acte tâtonné a été réussi,
lindividu éprouve le besoin de le répéter jusquà ce quil soit passé
dans lautomatisme.
Le jeu, cest la répétition de plus en plus mécanique de gestes
précédemment réussis pour les intégrer à notre personnalité.
Si cela est exact, il faudrait rechercher la gradation de ces gestes réussis,
correspondant aux outils découverts. Les jeux suivraient pour lautomatisme de ces
gestes.
Voici une liste des premiers jeux, liste à contrôler et à préciser selon les
principes posés. PREMIERS JEUX 1° BESOIN DALIMENTATION / Les
cris : jux de cris, dappels, de chants, indifférenciés dabord, dans
le seul but de se rendre maître de lautomatisme.
Mouvements de la bouche, des lèvres et des dents : sifflets de
diverses formes.
Agitation du corps : mimique, danse.
Agitation plus spécialisée des bras, des mains, des doigts : tous les
innombrables exercices de préhension, de déplacement dobjets, de coups, de
lancers. Il suffit que lenfant ait un objet dans les mains pour quil exerce et
accroisse la précision et la puissance de ses bras, de ses mains et de ses doigts. On
croit parfois que lenfant expérimente sur lobjet, alors que, seule, sa
maîtrise des outils est en cause.
Usage des yeux : boucher les yeux, paraître et disparaître ;
cacher un objet et le chercher (a pu ! ) jeux élémentaires de cache-cache.
Sourires : jeux de physionomie, rire, chant.
Le goût : jeux avec tous les objets quon trouve et quon
porte à la bouche.
Toucher : jeux liés aux exercices de la main.
Déplacement autonome : quadrupédie, grimper, sauter, courir. 2° BESOIN PERVERS DALIMENTATION /
Jeux divers de succion, bonbons, souffle et gonflement. 3° et 4° BESOIN DEXCRETION :
Certains jeux plus ou moins pervers avec lurine, les excréments et le sexe. 5° BESOIN DE SECURITE :
Construction dabris, denclos, fictifs ou réels. Jeux de blottissement,
de refuge, avec les gens ou avec les animaux : lutte à tous les degrés :
poursuite. 2° le langage
Le langage est, contrairement à ce quon a cru longtemps, le plus bel et le
plus pur exemple dexpérience tâtonnée. Il sagit vraiment là dun
outil que lenfant ajuste sans cesse, qui débute au cri, et dont il nous faudra
étudier lévolution.
Les principes en sont toujours les mêmes : un son, un cri, une parole,
savèrent comme une réussite. Lenfant les répète jusquà
lautomatisme. Quand cet automatisme est atteint, lenfant passe aux mots
suivants. Nous avons noté la
progression suivante : 1.
Cri indifférencié 2.
Apparition des premières différenciations 3.
Modulation par les lèvres, par les dents, par la langue 4.
Gazouillis dominé par lintonation 5.
Production imitative ou accidentelle des premiers vocables. 6.
Enrichissement graduel du langage selon le processus dexpérience tâtonnée. Lenfant
se rend compte quun mot est, pour lui, un outil quil va employer avec
réussite. Il sen sert à des usages multiples, comme lorsquil apprend à
manier un bâton et quil en faut un cheval, un balais, un instrument de musique, une
arme de défense puis dattaque, un outil pour faire du bruit et de la musique etc.
Et il répète le mot jusquà lincorporer à son automatisme avant de passer
à lusage de nouveaux outils. Ces nouveaux outils pourront, à lusage, se
montrer plus efficace et restreindront ainsi lusage des premiers outils.
Nous étudierons ce processus général avec des enfants de tous âges, et plus
spécialement dans nos écoles.
V.
Application du même processus dexpérience tâtonnée
Ce que nous avons dit de lévolution par expérience tâtonnée au cours des
premières années aura donné à nos lecteurs une idée précise du processus et des
découvertes psychologiques et pédagogiques quil va nous permettre.
Nous expliquons de même : - la période de prospection
tâtonnée - lusage des outils
artificiels - la phase magique des outils
et du langage - la période
daménagement - ma religion, la propriété,
laffectivité - la phase du travail - lintelligence,
limagination - le raisonnement.
Pour toutes ces conquêtes, nous navons besoin daucun recours aux
facultés nobles quon place dordinaire à lorigine du comportement. Ces
facultés nobles sont la conséquences des conditions plus ou moins favorables et riches
dans lesquelles seffectue le tâtonnement dont nous avons fixé les lois.
Les travaux coopératifs ultérieurs préciseront ces explications qui sont
appelées ) bouleverser la psychologie et la pédagogie.
Nous donnons ci-dessous les conclusions provisoires de ce travail dont ce résumé
nest que lamorce. Nous en préciserons les divers chapitres pour les équipes
qui accepteront détudier, pour des individus, à des périodes données, le détail
du comportement. Cette brochure na pour but, en effet, que de permettre et de faciliter ce travail collectif de recherche sur la vraie vie des enfants. Nous croyons avoir trouvé là un fil dAriane qui permettra, sans prétentieuses théories intellectualistes, sans grands mots, sans recours à dhypothétiques entités, de retrouver pour nos élèves les vrais éléments des splendides, enthousiasmants et tragiques jeux de la vie.
CONCLUSION
Nous allons essayer maintenant de synthétiser nos remarques sur le développement
de lenfant dans un tableau complexe qui nest quune ébauche de
léchelle vitale quil sera possible détablir dès que des études plus
précises auront permis de déterminer certaines normes de comportement.
Nous symboliserons le comportement par une figues en escalier : le trait
vertical, cest lacte de lexpérience tâtonnée, suivie dune sorte
de palier au cours duquel lenfant répète lacte réussi de lexpérience
tâtonnée. Cette répétition peut se faire sous forme de travail utile si les
circonstances de milieu le permettent ; sinon, elle se continuera sans autre
finalité quun besoin naturel dacquérir la maîtrise de loutil et de
faire passer les actes dans lautomatisme.
Cette expérience tâtonnée se poursuit par le truchement des outils dont
lenfant dispose. Nous indiquons un outil nouveau à chaque expérience tâtonnée.
Mais, dans la pratique, cette maîtrise demande de nombreuses expériences tâtonnées qui
sinterfèrent, se chevauchent. Lenfant commencera à agiter ses doigts alors
quil est loin davoir acquis la maîtrise de son bras ; il sessayera
à marcher droit alors quil ne se déplace pas encore parfaitement à quatre pattes.
Lenfant procède un peu comme la paysan qui ne se contente pas de semer ses
pommes de terre, puis de les biner, sarcler, arroser, et de les récolter avant de passer
à une autres culture ; non : il sème en leur temps, selon le milieux et la
qualité des graines, petits pois, haricots, et il soigne simultanément tous ses carrés,
allant de lun à lautre, selon les besoins ou le hasard. Seulement, il sème
chaque graine en son temps ; lune poussera
plus cite que lautre ; et les récoltes seront, de même, échelonnées
différemment. Mais il existe cependant un ordre qui simpose les semis et un ordre
aussi où la récolte vient à maturité. Il en est de même pour nos outils. |
|
Mais il ny a pas, dune part expérience tâtonnée,
et dautre part répétition pour acquérir des automatismes. Ce ne sont là que deux
temps inséparables du même processus. Lexpérience tâtonnée suivante ne peut
être menée à bien tant quun minimum dautomatisme nest pas venu
consolider lacquisition opérée. La maîtrise de la main ne pourra pas
sopérer rant que lon na pas acquis la maîtrise du bras ; le
langage articulé ne sautait apparaître tant quune infinité dexpériences
tâtonnées nont pas fixé dans notre automatisme la maîtrise suffisante des outils
précédents : pharynx, lèvres, langue.
Il se peut que lordre que nous donnons ne soit pas parfait et que, à
lexpérience, on doive, sur certains points, le remanier. Comme il se peut que
dautres outils méritent de prendre place dans notre série.
Ces imperfections inhérentes à toute uvre qui remue ainsi un fonds
entièrement nouveau ne changent rien aux principes que nous avons établis. Et ce
principe de processions normale de lexpérience tâtonnée en este un des plus
importants.
Pour être plus précis et mieux compris, formulons sous forme de lois ces diverses
conclusions : CONCLUSIONS
1re LOI : Le processus
de croissance est tout entier basé sur lexpérience tâtonnée. 2e
LOI : Chez le tout jeune enfant comme chez lanimal, cette expérience
tâtonnée ne sort pas du cadre des besoins et des réactions instinctifs. 3e
LOI : Lhomme a précipité et différencié son expérience tâtonnée
par lemploi des outils. 4e
LOI : Laction se fait en deux temps : 1er temps :
expérience tâtonnée qui tend à prouver une solution satisfaisante en face dune
situation nouvelle. 2e temps : la
répétition des expériences réussies jusquà la maîtrise automatique de
loutil
5e LOI : Cette répétition peut, dans les circonstances les plus
favorables, concourir à la satisfaction directe des besoins (je charrie de leau pour aider mon père à
arroser le jardin) : cest alors un jeu-travail. A défaut, la
répétition se fait sans cette finalité, le seul but étant la maîtrise de loutil
et la conquête de lautomatisme. Cest alors un travail-jeu. 6e LOI : Il y a une ordre nécessaire dans la maîtrise successive des divers outils, comme il y a un ordre de mise en mouvement des pièces du mécanisme qui aboutissent à lacte final efficient. Cet ordre est comme un escalier quon peut gravir plus ou moins vite, mais dont on ne peut pas sans danger intervertir ou brûler les marches.
7e LOI : Il sera possible détablir statistiquement les
normes, selon lâge et le milieu, de cette maîtrise nécessaire des outils. Il en
résultera la possibilité davoir en conséquence par comparaison à ces normes, des
notions exactes sur lavance ou le retard des individus considérés.
7e LOI BIS :
Cette répétition peut séchelonner sur un long espace pour un même outil, sur
plusieurs années, pendant que se poursuit cependant la montée subséquente par
expérience tâtonnée et répétition. Il y a alors comme une sorte de retour en arrière
très caractéristique dans le jeu.
8e LOI : Les outils pervers, et la répétition qui suit leur
usage, sinscrivent dans la succession normale au même titre que les étapes
normales.
9 e LOI : Le progrès dans la comportement est la conséquence des
deux fonctions alternées : expérience tâtonnée et répétition. Si, pour des
raisons que nous avons exposées, lexpérience tâtonnée nest pas possible,
lindividu en reste à la phase animale dautomatismes suscités par les
instincts vitaux. Sil y a expérience tâtonnée sans possibilité
dinscription dan,s lautomatisme par les jeux-travaux et les travaux-jeux,
lexpérience tâtonnées est toujours à recommencer et tout progrès est, de même,
impossible.
10e LOI : Plus lindividu est apte à pratiquer
lexpérience tâtonnée et à la faire passer dans ses automatismes, plus il est
intelligent, vivant, humain.
Plus il fait de place dans son comportement
aux automatismes acquis, plus il piétine sur son acquis, comme lanimal piétine sur
ses instincts.
11e LOI : La sociéta utilise le pouvoir pratique des automatismes
acquis pour la réalisation, hors de toute expérience tâtonnée nouvelle, de besognes
qui seront utiles à la communauté, ou, dans le cas de perversion, à quelques individus.
Nous sommes alors en présence du travail-besogne.
Ce travail-besogne, dans les
conjonctures les plus favorables, se confond avec le travail-jeu (utilité finale et
fixation progressive dautomatismes nouveaux). Dans le cas contraire, il
séloigne de la ligne du travail-jeu dans le seul sens des automatismes. |
USAGE DU GRAPHIQUE a) Lenfant qui en est,
par exemple, à lacquisition de loutil de reptation, doit avoir au
moins entrepris la maîtrise des outils qui précèdent. Sinon, il y a là un trou à
combler, soir par le travail-jeu, soir à défaut par le jeu-travail. b)
Lenfant qui en est à cette phase doit jouer, doit savoir jouer, et aimer jouer avec
les jeux qui précèdent : ceux qui sont immédiatement inférieurs sont encore
difficiles pour lui parce que les automatismes ne sont pas encore suffisants.
Lenfant ira plus volontiers à plusieurs étapes en arrière ; ou bien il
jouera un instant aux jeux difficiles pour sen retourner aux jeux maîtrisés. c)
plus lécart est grand entre la phase dexpériences tâtonnée et la phase de
jeu, plus il y a arriération. Si lenfant travaille déjà à un certain stade et
retourne jouer avec ses camarades dun stade bien inférieur, cest signe que
les automatismes nont pas été acquis, ce qui, nous le savons, constitue un
handicap pour le comportement. d)
Les jeux, comme lemploi des outils, se pratiquent selon les diverses techniques
correspondantes, et dans le cadre des mêmes buts de participation, de prospection,
daménagement et de travail. Un décalage entre ces étapes est également un signe
danormalité, quil faudra essayer de corriger. Le
jour où ce graphique sera parfaitement au point, il sera possible de situer
lindividu à sa vraie place qui nous révèlera : - les outils dont il a acquis
la maîtrise - les automatismes
définitivement ou partiellement enregistrés - la phase de construction de
la personnalité - la technique qui préside au
comportement.
Ce graphisme est valable pour la période normale.
Dans le cas de détresse, il y a un recul immédiat vers les automatismes
précédemment acquis, soit que notre tonus vital baisse par suite dune maladie,
dune blessure, dune peur, dune colère, dun désordre organique,
soit à cause de limportance de lobstacle extérieur qui brise notre
équilibre ; soit enfin dans le cas de vieillesse ou de dégénérescence.
Lindividu qui, en temps normal, en est par exemple à la phase scientifiques,
régresse ainsi en passant rapidement, à
reculons, par les divers échelons, jusquà ce quil trouve un automatisme qui
apporte une suffisante sécurité. Plus il y a chute de tonus vital, plus il y a
déséquilibre résultant du milieu, plus cette chute est profonde et accélérée.
Le mouvement mécanique explique vient des points obscure de notre comportement et
cette explication est susceptible de nous aider à réagir contre certaines causes que
nous aurons appris à dépister et à connaître, pour les maîtriser. * Il y a toute un philosophie à tirer de cet enseignement. Elle serait la philosophie de la connaissance, non seulement de la connaissance du monde extérieur, mais aussi des mécanismes de notre comportement, et surtout connaissance de nos possibilités exactes qui ne sont ni celles de dieux, ni celles dêtres inorganisés et indifférenciés, connaissance enfin des moyens par lesquels, grâce à une amélioration méthodique du milieu, nous pouvons parvenir à un meilleur équilibre au service de lharmonie organique qui est lélément déterminant de la puissance et du bonheur. |
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