Publication mensuelle N°9
Juin 1938
Brochures ____ Elise FREINET Le Dessin libre VENCE (ALPES-MARITIMES) Prix : 10 fr. |
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Le dessin libre Le dessin, d'enfant n'est pas à mesure du
pédagogue On a écrit beaucoup sur le
dessin d'enfants. *** |
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L'enfant
est devant nous, simple et nu, comme le petit animal son frère. Comme lui, il gambade,
fait des culbutes, tout à sa joie de vivre. Toute activité spontanée ne sera que
l'expression de cette joie de vivre qu'il nous appartient d'éduquer dans un sens de
grande humanité. Le dessin d'enfant est une des manifestations de cet élan de vie et il
nous livrera les secrets de l'âme enfantine dans la mesure où nous aurons compris tout
le comportement de l'enfant. Regardons nos tout petits jouer : La
maman pour qui ne compte que la joie de son enfant, laisse chanter la fillette ou le
garçonnet. Assise à son ouvrage, elle veille à ne point les troubler, les observe du
coin de l'eil et son ceur est ravi de ces improvisations primitives chargées
d'une seule richesse, la plus précieuse : la joie de vivre. Mais
que vienne le musicien spécialiste. Est-ce que les erreurs techniques
de la musique nous empêcheraient de jouir du beau spectacle d'un petit garçon heureux ?
Et qui osera prétendre qu'il ne faut pas laisser chanter librement les petits garçons
sous le prétexte qu'ils n'apprendront jamais à chanter juste et bien ? Ces considérations visent à
cette conclusion : Si nous sommes inhabiles, profanes ou spécialistes, contentons-nous de
regarder l'enfant ; laissons-le aller et enregistrons ses trouvailles. Tout le monde y
trouvera son compte, l'enfant le premier, nous ensuite qui apprendrons à respecter la
pensée enfantine, à 1a comprendre, à la servir. Notre attitude vis-à-vis des
improvisations graphiques de l'enfant sera la même : Laissons dessiner l'enfant. Ne
regardons pas le dessin en soi ; regardons l'enfant dessiner si possible dans le monde de
ses rêves et montons avec lui dans le domaine du merveilleux. Tout à l'heure nous
toucherons mieux le plancher des vaches, car nous nous serons libérés de bien d'erreurs
primaires. **** Regardons dessiner l'enfant : le crayon court sur le papier sans
hésitation ni calcul et les commentaires vont leur train. Peu de manifestations spontanées
de l'activité enfantine seront aussi riches de contenu. La réalité épouse le rêve
fantastique, le détail le plus prosaïque séduit parce qu'il coudoie le pittoresque le
plus inédit. Reportage et divagation, vérité et mensonge... Qui assignera des limites
à l'âme prisonnière passionnée de rêve fou ?
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Réalité
ou divagation ? Nous voilà fort surpris de tant de lyrisme sorti comme une eau
courante d'un détail très prosaïque : la cheminée qui fume. Le psychologue ne sait dans quelle case ranger la fumée qui attrape le petit oiseau ; il la passe à M. Bergson ; mais M. Bergson n'a pas ça non plus dans son rayon de Imagination créatrice ; la fumée qui attrape l'oiseau, voyons, c'est dans le domaine du délire, c'est le psychiatre que ça regarde. Et voici que le psychiatre s'en empare. commence à le disséquer, ravi d'une telle aubaine... Mais, par-dessus son épaule, l'homme de lettres, ironique et élégant, s'interpose : Et voici que quelqu'un est venu.
Il n'était pas un spécialiste car il n'était ni pédagogue, ni psychologue, ni
philosophe, ni psychiatre. Il avait une caméra dans la main. C'était le faiseur
d'images. Il ne disait pas : ceci est à moi, ceci est à toi, ceci est à lui. Il ouvrait
ses yeux et il pensait : - Oh ! Comme c'est joli ! Je vais
le mettre dans ma boîte pour le monter aux autres. L'homme approcha le viseur de son
il, déclencha le déclic et la caméra, manuvrée par la main intelligente,
enregistra docilement toute la belle histoire qui montait du cerveau du petit enfant. Et
quand cette belle histoire défilait sur les écrans des villes, tous les bambins
battaient des mains, déliraient de joie et d'enthousiasme. Comme dans toute histoire qui se
termine bien, il faudrait un épilogue. Ce serait celui-ci : Alors, on laissa les petits
enfants dessiner et raconter leurs histoires et les spécialistes pédagogues,
psychologues, psychiatres plièrent leur serviette et ne revinrent plus... |
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Laissons sexprimer lenfantTous ces développements peuvent sembler des bavardages
très faciles. Mais oui, ce sont des bavardages puisqu'ils ne reposent encore sur aucune
réalité pratique ; mais qui contestera que ce sont d'utiles bavardages qui revendiquent
le mérite de situer mieux le problème de l'enfant ? Oui, bavardons ! Si nous n'écoutons pas les bavardages de l'enfant, que
saurons-nous de Iui ?La première difficulté pour le maître ce sera de laisser parler
l'enfant. Ça n'est pas commode. D'abord, l'instituteur n'aime pas que l'enfant parle. Ça
le fatigue, ça le dérange, ça l'énerve... Il a ses raisons, cet homme. Quand, dans une
salle de classe, il est aux prises avec quelques quarante enfants, le
bavardage est un délit au premier chef. C'est
pourquoi bavarder a pris un sens péjoratif et pourquoi les plus conséquentes punitions
vont toujours aux bavards. Le mieux est d'instituer des leçons de bavardage... A
l'Ecole Freinet les leçons de dessin sont des leçons de bavardage... ce sont des heures
adorables ! Il en sort des chefs-duvres que l'on tiendrait dans ses mains toujours
comme une offrande perpétuelle au génie de l'enfant. Là, ne s'arrête pas le miracle. Au-delà de ces heures de joie, où l'on est si divinement
une maman et des petits enfants, où l'on s'allonge à plat ventre pour dessiner à
la manière des petits chiens , où l'on discute de ses préférences sur la
couleur caca d'oie ou crotte de bique , se
construit l'atmosphère de totale liberté et de totale confiance propice à la création
artistique.
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Cela
veut dire des choses prodigieuses. Cela veut dire d'abord que nous sommes humbles parmi
les humbles devant notre loyauté et qu'il ne sera de confessionnal ni de Temple qui nous
fera plus fervents dans notre sincérité :
- Dis, c'est vrai que tout le monde doit mourir ? Et moi
aussi ? à force à force, je finirai par mourir ? Oh ! non, je ne peux pas croire cela Quand on est fatigué, il y a quelqu'un qui est toujours
encore plus fatigué, c'est notre maman. - Avant, je croyais que travailler c'était une punition, et
maintenant plus je travaille, plus je m'amuse ! Bavardages ! Etrangers, en apparence, au dessin et qui en
constituent l'âme, Si, à l'exemple de l'enfant, nous bavardons un peu à côté du
sujet, c'est que nous ne redirons jamais assez que chez l'enfant, plus encore que chez
l'adulte, c'est un danger de faire un travail de spécialisation au détriment de toute
éducation. Dès lors, nous serons plus à l'aise pour laisser à
l'enfant la plus grande liberté d'expression. L'enfant dessinera ce qui lui plaît et
quand il lui plaît. Cela ne voudra pas forcément dire qu'à cause du dessin la
plus grande anarchie doive régner dans une classe et bouleverser programmes et emplois du
temps. Il faut remarquer, en effet, que l'esprit de l'enfant n'est pas étranger à la
ligne générale de l'intérêt de la classe. Si une leçon de calcul pratique, de science
ou d'histoire est bien conduite, la majorité des enfants en suivront l'exposé et
participeront à sa démonstration. Mais si un enfant, point capté par le charme, se
laisse aller à quelques improvisations graphiques ne vaut-il pas mieux l'abandonner à
son intérêt du moment que d'exiger de lui une attention de forme, facteur de
déséquilibre de la volonté ? Bien que nous ne soyons pas pour un enseignement
systématique du dessin, il est des moments de la journée qui s'avèrent plus propices
que d'autres pour dessiner : Au début de la classe, le matin, quand on rédige les textes libres pour les imprimer et que se crée cette atmosphère idéale, favorable à l'expression libre, les enfants peuvent très bien dessiner tout en participant à la rédaction du texte. Faut-il redouter qu'en faisant deux travaux à la fois on les fasse mal tous les deux ? Cela arrive. Mais il arrive aussi qu'en faisant un seul travail, sans intérêt, on courre à un échec certain... L'expérience nous a montré que l'atmosphère de grande liberté qui règne au moment de la rédaction des textes, a chance de libérer les impondérables affectifs qui font le charme des dessins d'enfants. Ceci ne vise que le graphisme en lui-même. La leçon de peinture proprement dite serait réservée dans le courant de l'après-midi aux heures creuses de la journée, quand la digestion endort l'esprit et que l'effort intellectuel imposé à l'enfant est une mauvaise action que tout instituteur se reproche. Ce n'est pas que la leçon de peinture s'accommode forcément des conditions mauvaises, mais parce qu'elle est en général pour l'enfant comme une détente et un jeu et qu'il est facile d'organiser collectivement l'installation des palettes, des godets à eau sans que l'on ait à craindre trop de mouvements et de remue-ménage dans la classe. *** Et si l'on dépasse les limites de temps
prescrites par horaire ? Cauchemar des horaires ! M. l'Inspecteur
fait irruption dans la classe : Si l'on brisait toutes les montres des
instituteurs, on ferait plus pour la libération de l'enfant qu'en élaborant les
meilleurs programmes et emplois du temps du monde. - Monsieur l'Inspecteur, ce qui compte,
c'est l'âge mental de l'enfant. L'âge mental de l'enfant ne se mesure pas à un effort
de mémoire, mais à son jugement, à son sens critique, à ses moyens d'expression.
Acquérir devient par la suite facile. Si en acquérant je leur permets d'être heureux
m'en ferez vous un grief ? M. l'Inspecteur comprendra, ou alors son
opinion pèsera peu en regard de vos responsabilités vis-à-vis de l'enfant. *** Combien d'exercices de dessin par semaine ?
Nous considérons le dessin comme l'un des
meilleurs moyens qu'à l'enfant de s'exprimer, Tous les jours il rédige, chante, joue,
parle ; tous les jours, il doit dessiner et nous redisons que cela est fort
possible grâce à la complicité favorable des textes libres rédigés le matin. Pour
les tout-petits, la leçon de peinture sera facilement quotidienne, Pour les grands cela
dépendra des appétits de chacun. Un enfant, deux, trois enfants particulièrement
doués, peuvent peindre chaque jour, Pour la majorité de la classe peut-être un exercice
quotidien pourrait être un peu oppressif et d'ailleurs risquerait de plonger le maître
dans de grandes angoisses relativement à l'emploi du temps ! *** Comment enseigner le dessin ? Savoir quand dessiner est un fait.
Apprendre à dessiner en est un autre. Et pourquoi apprendre à dessiner ?
Savez-vous dessiner, vous ? Prenez un crayon : faites un chat, faites un chien, un
cheval, un cerisier, ou même le simple petit navire au long voyage ! Si le résultat
n'est pas une réussite graphique, du moins aurez-vous trouvé l'occasion de rire un peu,
de devenir modeste et peut-être ne serez-vous plus de ceux qui, pour cacher leur
insuffisance devant une uvre enfantine, disent avec une pointe d'indulgence : -Ce nest pas mal pour un enfant ! Non, pas mal en effet, veuillez vous
laisser conduire par lui
- Moi, me laisser conduire par lui ?
Mais c'est idiot, absolument idiot, ne voyez-vous pas que l'enfant non plus ne sait pas
dessiner ? Son chat nest pas mieux dessiné que le mien, il doit apprendre
à faire un chat. Si ce n'est moi qui le lui apprendrai, ce sera le modèle de
chat, il regardera, il copiera et il fera un chat
Tout s'apprend dans la vie, tout est
nécessaire ; l'entant apprend la grammaire, le calcul, l'histoire de France
Que
fera-t-il plus tard dans la vie ? Excellentes raisons, si vieilles, si anciennes qu'elles
trônent au centre du monde, comme un Bouddha éternel dont la malfai sance alimente sans fin les générations serviles. Gagner sa vie n'est pas un but, Apprendre à gagner sa vie n'est pas une éducation, c'est parfois tout le contraire d'une éducation, c'est de l'abrutissement. Le polytechnicien est le chef-duvre de l'homme qui a travaillé pour gagner sa vie. Il ne donne pas forcément l'échelle de l'intelligence humaine. Si nous faisons cette digression, en apparence
étrangère au dessin d'enfant, c'est que justement l'artiste a toujours été présenté
comme un personnage lunaire destiné à la misère et au cabanon. Si l'Art, en effet,
compte en nombre impressionnant ses martyrs et ses héros, ce n'est pas à vrai dire la
faute de l'Art lui-même pour lequel nous réclamons droit de cité, c'est la faute d'un
régime d'exploitation forcené, acharné au profit de la plus-value commerciale, d'un
régime qui réclame de plus en plus le spécialiste, relégué dans l'étroitesse du
profit immédiat, fermé à la vaste compréhension du monde. Il n'aura pas sa place ici.
Mais un jour viendra où, dans ce système qui croule, le technicien non plus n'aura plus
sa place, car la science illogique se détruit d'elle-même en creusant son propre
tombeau. Nous n'avons pas la prétention de créer
des générations d'artistes spécialistes de l'art. Nous disons qu'au milieu des
contingences parfois cruelles du travail et de la vie, l'homme n'a jamais assez de joies
vivifiantes et saines et c'est pourquoi dès l'aube de l'enfance, nous réclamons pour lui
les émotions désintéressées de l'art. - Bien sûr, dira-t-on, mais si l'enfant dessine un chat comme une
tortue cela n'est pas de l'art, Cela gêne, au contraire, cela choque et pour tout
dire indispose. Le chat ressemble à la tortue, soit, il
sera un chat-tortue. Est-ce que notre rêve est borné ici au type chat ? Est-ce que les
aventures du chat-tortue ne seront pas aussi passionnantes que celle du chat classique
? Est ce parce qu'il était un chat classique que le chat botté a conquis et conquerra
tant de suffrages ? Mais non, voyons, c'est parce qu'il était un chat botté. Or, les
chats n'ont pas de bottes, pas plus qu'ils ne ressemblent à des tortues... Le génie de
l'homme est passé par là. Un point, c'est tout... Nous ne voudrions pas qu'on nous fasse
dire que mal dessiner est un privilège et une supériorité. Vinci, Ingres, Goya ne sont
pas passés en vain. La ligne n'a rien perdu de son prestige. L'Art moderne ne l'a point
démolie au contraire. Nous voulons parler ici des moyens les
plus propices à initier l'enfant à l'émotion artistique et des obstacles à cette
initiation, L'un des obstacles nous apparaît justement dapprendre à l'enfant le
dessin correct par la copie du modèle ou par le dessin à vue. En cela, nous
rejoindrons la conception de Richard Rothe, le si compréhensif pédagogue de l'ancienne
Vienne. Le but à atteindre, dit-il,
n'est pas l'image correcte, mais la concrétisation claire et cohérente d'une idée ou
représentation enfantine. Pour juger un dessin d'enfant, il faut voir ce que l'élève
dit et non dans quelle mesure il est arrivé à exprimer son idée correctement d'après
notre mentalité d'adulte.
Par la création libre se révèle
à l'enfant son monde à lui, son intérêt se concentre sur l'épanouissement de ses
propres forces et il se dirige vers une compréhension personnelle de la Nature
bien mieux que si on la lui présentait comme un modèle à copier... Créer, ce n'est pas
se détourner de la Nature, et de la vie, mais, au fond, mieux la comprendre, se libérer
de notions isolées et accessoires pour ne faire ressortir qu'une idée claire et
cohérente correspondant à un certain stade du développement. C'est se conformer à
la loi suprême de toute vie organisée : le rythme et l'évolution. » |
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Doit-on absolument respecter le dessin denfant ? Il est très facile de critiquer un dessin d'enfant du point de vue adulte. Les chevaux y ont des oreilles d'âne, les chiens ont des allures de cochons, les maisons menacent ruine et les personnages y ont un canon fort inquiétant : Praxitèle est loin ! Mais quelle vie dans tout ce monde amphibie! Des
êtres inquiets et silencieux, gais et fantastiques parcourent les chemins, grimpent aux
arbres, dansent des sarabandes effrénées. Et quel bleu dans le ciel, et quelle
fantaisie dans : l'arbre, quel lyrisme dans les herbes de la prairie! L'âme simple y
inscrit magnifique, léger, aérien part à l'aventure. Pourquoi chercher ici le détail
juste et le sens précis ? Pense-t-on à demander à l'enfant qui balbutie, le contenu de
ses gazouillis ? Quelle autorité serait assez sacrilège pour arrêter ce chant de
jeune oiseau sous le prétexte qu'il est inconséquent et sans à propos ? L'Art moderne marqué des outrances du surréalisme mais qui
en évita les dangers, libéra dans une certaine mesure les appréhensions du
conformisme intellectuel. Il se trouva bien çà et là des Camille Mauclair pour hurler
après ses chausses, mais l'Ecole de Paris, jeune et chantante et dans une certaine
mersure, naïve et enthousiaste à limage des dessins denfants, imposa ses
audaces au monde entier.Sans prétention dailleurs, Chagall ne reconait-il pas quil
puise ses inspirations prodigieuses dans les dessins de sa propre enfant, ce qui
peut-être soit dit en passant, pourra donner une leçon de modestie à ceux qui se
reconnaissent le devoir de corriger les uvres de leurs propres élèves et qui se
prennent pour censeurs perpétuels de la ligne. |
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Doit-on corriger les dessins denfants ? Nous ne disons pas forcément non. Cela dépend du doigté que l'on apportera à la correction. Si l'on corrige à la manière des correcteurs du certificat d'études, pour qu'un chat soit un chat, il vaut mieux s'abstenir et nous en avons donné quelques raisons. Le type le plus excentrique doit être respecté. Laissons à la petite fille ses cheveux en soleil, son buste carré, ses mains palmées au bout de bras filiformes. Ce qui comptera pour l'enfant et pour nous, ce n'est pas la perfection du type. Nous ne sommes pas ici à un concours de beauté. Ce qui comptera, ce sera l'aventure de la petite fille qui, comme le chat de R, Kipling, s'en va toute seule dans l'allée... Nous apprendrons sur elle des détails fort touchants et les catastrophes ne l'auront pas plus évitée qu'elles ne nous aient épargnées nous-mêmes. Il faut bien qu'il y ait de " sales coups " pour qu'un jour surgissent les héros ! .. La petite fille, d'ailleurs, sera sans
ambition. Elle a désobéi, sa maman l'a frappée et elle s'en va... Tous les jours, il
y a comme cela des gens qui partent ou qui ont grande envie de partir ! Ce type de dessin à épisode réduit est
le type classique des dessins d'enfants pour qui le milieu a été sans écho. L'histoire
est très vite finie. On se la racontera plusieurs fois par automatisme graphique, par
paresse : par sympathie. Pourtant il suffirait d'un petit mot pour donner de l'essor au
rêve et faire de ce départ tragique de petite fille une passionnante aventure. Un peu de
sympathie aurait fait le miracle. Nous avons sous les yeux un dessin
charmant que Jacquot vient de nous apporter.
Deux lapins frères, d'allure joyeuse,
queue en l'air, oreilles au vent, s'avancent devant un monsieur fort élégant si l'on en
juge par son invraisemblable chapeau rouge, ses souliers bleus, ses pantalons jaunes et
sa tunique cramoisie. C'est, sans nul doute, un " Bourgeois ", car il tient à
la main une canne et se tient droit comme un marquis. Heureux monde où les petits lapins
de garenne rencontrent les marquis sans dommage pour leur peau ! Au loin un modeste petit bonhomme, large chapeau, larges épaules, larges culottes, le type de l'homme vulgaire, tient dans ses mains solides un lapin, A vrai dire, il ne tient pas encore le lapin, mais qu'est une histoire de secondes quand on est sûr d'attraper le lapin ? Et que compte la vie quand on l'a vécue ! Deux détails vont nous frapper tout de
suite par leur incorrection. Le monsieur a un tout petit bras d'infirme qui ne dépasse pas son buste. Le jardinier n'a ni yeux ni oreilles. De plus, il n'y a pas de décor à cette
passionnante histoire et les personnages ont lair de flotter dans le vide au gré
de la fantaisie de chacun. Nous ne disons rien. Nous laissons parler
Jacquot. Les commentaires ne manquent pas d'esprit
gavroche (Jacquot n'est-il pas un môme de Paris ?) " Les premiers lapins, eux, ils s'en
moquent... Le monsieur c'est le patron. Lui aussi,
il s'en f... Il se promène le beau monsieur riche. C'est le lapin qu'on va faire cuire
qui s'en fait... Le cuisinier, lui, il ne s'en fait pas...
C'est son métier de tuer les lapins et sa femme les fait cuire. -Moi, dit Pépette, je ne m'en f... Pas,
parce que je ne veux pas qu'on tue les lapins. Et Baloulette dit : -Si l'on faisait une histoire sur les
lapins qu'on tue, ceux qui la liraient n'oseraient plus manger des lapins ! "
Qu'est-ce qui va compter le plus dans
cette histoire ? Allons-nous nous placer au point de vue
strict du graphisme, et ne voir que l'incorrection du dessin ? Allons-nous prêter attention surtout aux
commentaires qui l'accompagnent ? Si nous nous plaçons au point de vue de
la correction du dessin, nous serons obligés de dire à Jacquot : - Pour un monsieur riche, ton bonhomme
n'a pas le bras très long, regarde ; le bras s'attache à l'épaule. Quand on plie le
bras, le coude tombe à la taille. Si l'on relève le bras en avant, le coude est plus
haut que la taille et dépasse le devant du buste : Tu dois lui rajouter encore tout
l'avant-bras et la main... Nous n'irons pas plus loin, car déjà
Jacques aura fondu en larmes de désespoir. -Ça m'énerve, na, j' dessine plus, j'
fais plus rien, je ne prêterai plus rien de mes affaires... Le dessin n'y gagnera rien, au contraire.
Jacquot non plus. Il n'a point liquidé encore le lourd héritage d'une hérédité
alcoolique et il a besoin du succès pour contrebalancer ses profonds découragements.
Justement, chez nous, nous avons fait de lui le petit artiste responsable du matériel de
dessin. Ses peintures sont des poèmes de la couleur et celle-ci qui nest pas un
chef-duvre pourtant, nous retient par la grâce de ses touches si
agréablement balancées. Nous ne parlerons donc pas du bras trop
court du bourgeois en promenade, ni du jardinier sans yeux ni oreilles. Au fait, est-ce
qu'un jardinier en corvée commandée a tellement besoin d'yeux et d'oreilles ! La
philosophie est bien un argument dont nous puissions user ! Qu'est-ce qui va compter le plus ? Eh ! bien, nous nous laisserons conduire par l'enfant. C'est Pépette qui a situé le nud
du drame. - Oh ! moi, je m'en f.... pas ! Elle revient de loin, Pépette ! Et tant
de souvenirs tristes chargent sa petite mémoire qu'elle se refuse à en accueillir de
nouveaux. - Qu'est-ce que ça fait que tu t'en
fasses, dit Jacquot, ça n'empêche pas les lapins de mourir ! Ils sont faits pour ça,
les lapins. - Oh ! non, dit Baloulette, ils ne sont
pas faits pour être mangés. Si on est végétarien, on ne tue pas les lapins. Nous voilà loin du dessin. Peut-être
est-il bon d'y revenir. -Est-ce dans la maison, disons-nous,
qu'on va tuer le lapin ? S'il saigne du nez, ça va tacher le carreau et la cuisinière ne
sera pas contente. -Non, dit Jacquot, c'est dans le jardin
qu'on tue le lapin. Oh ! j'ai oublié de faire le jardin. Et, prestement, il dessine un arbre, un
parterre fleuri, de l'herbe pour les lapins, la maison et, en profil, la ligne sinueuse de
la montagne. Un peu de couleur là-dessus et
le résultat est une réussite. Les bleus de Raphaël sont certainement puisés aux mêmes
sources candides
- Ça c'est beau, dit Jacquot, et c'est
une histoire très vraie. - Moi, dis-je, j'aimerais savoir si les
deux petits lapins contents rencontrent le monsieur. - Mais, oui, ils le rencontrent. Ils lui
disent : - Bonjour, Monsieur le Patron, et ils lui
font des révérences. -Bonjour, dit le Patron, et où
allez-vous ? Les petits lapins sont très malins. Ils
disent : -Nous allons nous promener ! Mais, vite, ils vont dire à toute la
famille -Oh ! lala ! le cuisinier qui a
pris le petit lapin ! Et si nous faisions cette belle histoire
? Enthousiasme général : oui ! oui ! Voilà : Monsieur le Patron se promène, la canne
à la main, le nez en trompette, le bras trop court, la canne trop longue
Il
rencontre les petits lapins. Les petits lapins s'assoient sur leur petit derrière pour
faire les petits messieurs. - Bonjour ! Monsieur le Patron ! -Bonjour ! mes petits Iapins C'est drôle que les lapins parlent au Patron. Le canard vient voir ça et les feuilles de l'arbre se disent des choses du patron ! ..Voilà le texte imprimé. Il va falloir
l'illustrer. Chacun a sa feuille et laisse courir sa fantaisie... De cette fantaisie
sort la suite du conte, à nouveau imprimée, à nouveau illustrée... Les commentaires
vont s'enrichissant sans fin, l'histoire s'allonge... Au milieu de ce débordement
littéraire, le dessin garde ses prérogatives. Nous voulons dire qu'il les enrichit et
cela n'en finit plus de nouveautés. Chaque enfant range ses feuilles illustrées dans une
chemise et, à la fin de l'aventure, les feuilles sont classées, rassemblées, reliées
en livres magnifiques qui seront vendus par nos rayons et conservés dans nos archives. Là n'est point finie l'aventure des
petits lapins, car au soir, sur la terrasse, dans la douceur du crépuscule, des petits
lapins se promènent à quatre pattes. Ils rencontrent le Patron : - Bonjour, Monsieur le Patron ! -Bonjour, les petits lapins ! Ce n'est plus de dessin qu'il s'agit. C'est
du théâtre et mieux que du théâtre. C'est la création déchaînée dans toute sa
fougue et sa spontanéité. C'est maman qui est la cuisinière. -Dites, Madame la cuisinière, ne tuez
pas notre petit frère lapin. -Je ne suis pas une Madame, je m'appelle
Marie. Moi, je veux bien ne pas tuer votre petit frère, mais c'est Monsieur qui veut le
manger... Il a faim, Monsieur, voyons. Mettez-vous à sa place ! Si nous avions du temps ! et aussi de
l'argent, ! que ne tirerions-nous pas de cette étrange histoire ! Il y aurait ici ; un théâtre d'enfants
véritable où le petit lapin sauvé par ses frères" remporterait un très
grand succès. A l'envers de carton gondolé, nous ferions nos décors à la peinture à
la colle. On y verrait d'énormes lapins broutant carottes et navets, les canards et les
poules mêlés à l'aventure, le bourgeois, le cuisinier, les arbres du jardin et les
fleurs. Comme il y aurait les spécialistes des décors, il y aurait les spécialistes du
costume. Nous conserverions au patron ses beaux souliers bleus, ses pantalons jaunes, sa
veste cramoisie. Les petits lapins aux longues oreilles auraient de beaux visages de
petits enfants, ravis de l'aventure. Pour commencer, ils entreraient en scène
à la queue leu leu, non pas à deux mais à quatre, à huit, à dix, et tout exprès pour
eux on créerait une musique de petits Iapins ; quelque chose dans ce goût-là, de
sautillant et de léger, juste à la taille des Jeannot-lapins. Et dans la coulisse, l'écho de tous les
petits lapins du monde répondrait à la ronde. ...Alors les adultes viendraient s'asseoir
aux fauteuils et applaudir à se rompre les mains. Et ce serait la gloire du dessin
d'enfant ! |
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Le dessin dillustration libreest un excellent moyen dinitiation artistique
-Voilà, dira-t-on, qui semble prodigieux
de promesses, mais enfin, tout le monde n'a pas la liberté et le temps de s'asseoir
comme une maman au milieu de ses poulets pour raconter des histoires. Et
d'ailleurs, il y a du dessin au certificat d'études. -Oui, il y a du dessin au C. d'Etudes. Il y
a même aussi des dates d'histoire. On s'arrangera
pour le dessin à vue ou croquis coté comme on s'arrange pour les dates. Un enfant
habitué à manier le crayon de 5 à 12 ans, sera capable en quelques séances de
bourrage, de dessiner un marteau ou un tabouret aussi mal que ceux qui auront appris à
dessiner d'après les notions de perspectives. D'ailleurs, la perspective est simple et
fort curieuse. L'enfant la comprend de suite. Le certificat d'études n'est pas un obstacle à l'enseignement libre du dessin. -D'ailleurs, dira-t-on encore, nous
n'aurons pas les loisirs de tirer des aventures scéniques des dessins d'enfants, car le
progranmnme est fort chargé. -Evidemment, le programme est chargé, mais
pourquoi ne pas empiéter sur les heures destinées à lacquisition de la langue
française ? Ne pensez-vous pas qu'un sujet choisi librement par les enfants, enrichi
progressivement à leur enthousiasme et à leur imagination, ne sera pas préférable à
un sujet de rédaction imposé ? Et au-delà des heures de classe ne préparet-on pas partout des fêtes scolaires qui font la joie des enfants et des parents et qui, par surcroît, apportent quelques deniers à la caisse des écoles ? M. l'Inspecteur n'est pas contre les fêtes scolaires. Au contraire. Et pour peu qu'il soit compréhensif, il sera ravi de saynètes librement écrites et orchestrées par les élèves de la classe. Et croyez notre expérience, une comédie composée par les enfants donne infiniment moins de peine à jouer qu'une comédie plus ou moins spirituelle vendue par des spécialistes du théâtre à l'Ecole.- Dans ma classe, jamais les enfants
ne font de dessins aussi curieux et originaux. Ils n'aiment pas le dessin. A tout instant,
ils disent : - M'dame, j'sais pas faire ! A qui la faute ? Vous avez dans l'esprit
une caricature du dessin, sans émotion, sans chaleur, vous dites : -Allez, les enfants, dessinez, pendant
que je m'occupe des grands ! Et vous espérez des miracles ! L'enfant ne s'intéresse pas au dessin,
soit. Il s'intéressera certainement à l'histoire que représente le dessin. Nous n'en
voulons pour preuve que le succès fou remporté par les journaux illustrés d'enfants.
Qui décide de l'adhésion, le conte ou le dessin ? Les deux à la fois. C'est
l'émotion qu'ils condensent l'un et l'autre qui attire les suffrages et les retient et
toujours il est facile de passer de l'un à l'autre sans que le charme soit rompu. Le
dessin d'illustration nous permettra cela. Nous venons d'écrire au tableau :
Estevan a planté des fleurs dans
son petit jardin. Il les arrose tous les jours. Il dit à sa maman : -Pas vrai que je suis un peu le petit
papa des fleurs ? Succès ! Commentaires ! - Vive le petit papa des fleurs !
Dessinons-le ce petit papa gentil qui donne à boire aux bébés-fleurs... Les fleurs
disent : -Merci, merci, petit papa gentil ! Et l'eau coule de l'arrosoir. V'lan sur la tête des fleurs ! Oh ! La la, ça fait du bien !.. Et voici quelques résultats : 4 dessins
représentent Estevan, 8 autres ont un sujet tout à fait étranger à. l'aventure. Rosario dit : "" C'est
Fifi qui cueille les fleurs du jardin de Estevan pour les mettre sur la table... Marianne dit : - Estevan, il n'est pas là parce que
j'ai fait son jardin quand il est déjà couché. Eveline raconte : - C'est des petites filles qui se
promènent dans le bois... Est-ce cela du dessin d'illustration ? Non et oui. - Non, par le contenu du
graphisme lui-même qui ne contient pas l'élément essentiel au sujet : Estevan. Oui,
par l'impulsion affective qui, à l'écart du texte lui-même, a poussé l'enfant à
dessiner et enrichi son graphisme d'un peu plus de vie et d'élan.
Eveline (5 ans) n'a jamais dessiné que des petites filles, elle ne sait pas se dégager du type petite-fille pour raconter l'histoire, mais entraînée ; elle fera quatre petites filles avec des fleurs à la main. L'élément fleurs est la chaîne qui unira le type automatique à l'émotion de l'enfant peu à peu, au fur et à mesure que lenfant enrichira son répertoire graphique il arrivera à donner à son dessin d'illustration un contenu plus conforme au texte. D'ailleurs, là encore, la fidélité
n'est pas ce qui compte. Ce qui compte, c'est la joie et 1enthousiasme de l'enfant
qui, peu à peu, prend corps et s'exprime. On allèguera que si les tout petits font
d'heureuses réussites, les grands de 10 à 14 ans risquent de ne rien donner. Non, ils ne donneront rien s'ils n'ont
jamais dessiné dans un sens de parfaite liberté. Devant la difficulté technique, leur
émotion s'évanouira comme par enchantement ou désenchantement. Ils essayeront de
dessiner Estevan. Ils lui feront une tête énorme, des pieds minuscules chaussés de
bottines à talons, ils effaceront, recommenceront et pour finir, ils abandonneront la
partie. Le chemin sera long à refaire ! Il
faudra peut-être tout un art de comédien pour créer latmosphère lyrique qui aura
raison des hésitations. Parfois même le
sauvetage s'avèrera impossible... tant pis ! Nous sauverons. du moins, les tout petits.
Par des méthodes de dessin libre, ils auront, à 12 ans, une technique dexpression
plus sûre même que l'écriture et la syntaxe, car elle ne relèvera d'aucune censure
étrangère à l'enfant. Par l'entraînement, la pratique, l'enfant condense en lui des
types tout à fait personnels et sur lesquels autrui ne s'arroge aucun contrôle et ainsi
naît le style de l'artiste qui caractérise les plus grands. Un Ghiotto a été victime
d'erreurs graphiques mais l'arabesque qui surgit de ses toiles est d'une vigueur, d'une
sûreté invincibles et son génie domine les temps. *****
Nous voudrions parler comme parle le
petit enfant pour plaider la cause du dessin libre. Si nous ne vous avons point
convaincus, nous voulons au moins vous démontrer par quelques détails pratiques, que
laisser dessiner l'enfant est chose excessivement facile. D'abord, nous voulons vous demander
d'être présents en corps et en esprit aux exercices de dessin. D'être présents non
pas tant pour donner des conseils que pour vous rééduquer au contact de la pensée
enfantine si neuve, si ravissante de candeur ! Soyez la maman au milieu des poulets. C'est
tellement apaisant d'être une âme toute simple, sans devoir prémédité, sans
obligation administrative ! Une maman qui pose ses mains sur ses genoux
et qui regarde... Il n'est pas non plus défendu d'être un papa bon enfant à l'âme
chargée d'indulgence. Ah ! Quel repos de devenir l'enfant du petit enfant ! ****
Pour commencer, il faudra mettre un peu
d'ordre dans le matériel, de façon à éviter le gaspillage, les pertes de temps et
l'énervement. Nous aurons une boîte à compartiments dans lesquels seront rangés
soigneusement les crayons, les canifs, les pinceaux. Pas de gomme surtout. L'on ne doit
jamais en user. Pourquoi ? parce que l'enfant a en lui un modèle interne que sa main
interprète sans hésitation ni erreur et que le recours à la gomme détruit la trame
affective de l'événement à exprimer. Sur une petite étagère percée de trous
dans lesquels entrent des godets, nous rangerons ces mêmes godets. Ce peut être des
pots à confitures, de petits bocaux, des pots à yogourt, de petits bols. Il faut que les
pinceaux se lavent aisément et que l'eau puisse se changer souvent. Il y aura toujours
un arrosoir d'eau en réserve pour changer l'eau aussi souvent que possible. On aura à sa disposition, dans des
chemises, du papier pour dessiner. Et quel papier ? Nous avons ici un canson léger
qui n'est pas très cher et fait des merveilles. On peut user du papier double fiche
maternelle, du papier pour le beurre, vendu dans le commerce, et aussi de vieux rouleaux
blancs ou crème de papier à tapisser que l'on trouve dans les vieux fonds de magasins de
droguerie ou chez les tapissiers. On 1es repasse, on les découpe. On les repasse une
nouvelle fois. Chaque matin, on a entre des buvards, les
textes imprimés à illustrer. On ne les illustre que tous les deux jours avant de les
redonner à l'enfant pour son livre de vie ou pour sa chemise de contes (car nous avons
dit que l'on peut imprimer, illustrer. relier, des histoires de plus longue haleine). Il faut avoir de même à sa portée, de
petits carrés de papier journal destinés à être placés sous les pots d'eau. Ils
évitent que l'eau ne mouille la table et permettent d'essuyer les pinceaux quand ils sont
trop chargés d'eau ou de couleur. Quelques brins d'ouate dans une petite
boîte pourront être de quelque secours. On donne à chaque enfant une pincée d'ouate
pour essuyer ses pinceaux et éviter le trop grand mélange de couleurs. Et maintenant, Les petites palettes Paillard sont les moins chères et
susceptibles de donner d'heureux effets. Les couleurs Bourjois ou Lefranc sont plus
chères et plus transparentes. Mais sans nul doute les meilleures couleurs pour l'éclat
et la transparence sont les couleurs Kaspar vendues par notre C.E.L. Elles ont le tort
d'être plus chères, mais elles sont plus économiques. Il faut recommander aux enfants
de travailler avec peu d'eau, très peu d'eau et de mélanger les couleurs sur de petits
godets à part. Mais même si les couleurs se barbouillent l'une l'autre, ne soyons pas
effrayés. Peut-être y gagnerons-nous en inédit. Au moment du dessin, les élèves de
service ordonnent le matériel. Il faut un pot d'eau et une palette pour deux. Une
feuille, un crayon, un pinceau, un bout de coton à chacun. Quand on est ainsi commodément installés, on commence à
travailler, on bavarde, on commente, on tâche de sortir des quatre murs qui nous
étreignent pour gagner le large et le ciel. Doit-on user des
crayons de couleurs, des pastels durs qu'on vend dans le commerce ? A notre avis, non. La
matière en est terne et sans subtilité. L'enfant en usant, ne fait vraiment que du
coloriage. Seule la palette de l'aquarelle se prête à toutes les douceurs, à. toutes
les finesses de la couleur. Elle est à l'image de la Nature où les teintes se
coudoient, se pénètrent, s'associent en teintes fondues, s'exaltent en contrastes
violents. L'aquarelle joue avec l'âme de l'enfant et le petit nuage du ciel si pur et si léger lui
sera redevable de ses plus belles aventures. Il y a aussi les arbres qui chantent avec des
verts aux tons voisins ", des rivières qui rivalisent avec la profondeur
des cieux. Il y a l'air qui circule du bosquet à la prairie et qui n'est fait d'aucune
couleur mais qui naît de toutes les couleurs à la fois. C'est parce qu'elle est aérienne et
prodigieuse de réussites insoupçonnées que l'aquarelle est par excellence
l'initiatrice de l'enfant vers la couleur. Dès les premières années, l'enfant fait
sa palette comme il fait son style graphique, et cela est déjà le signe d'un
tempérament.
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Faut-il faire faire à lenfant L'enfant de 5 à 8 ans
ne doit guère dessiner sur de grandes surfaces. A cet âge, les éléments graphiques
sont isolés, schématiques. L'enfant a comme une frayeur de vide. Il fait une fleur à
droite, un petit arbre à gauche, une maisonnette au milieu, une montagne par en haut,
un petit garçon par en bas et comme il a presque épuisé son répertoire graphique, il
s'inquiète de tant de vides et de tant de blancs. Il n'a pas réalisé encore que
derrière le détail pittoresque qui doit avoir le premier plan, existent des valeurs de
fonds qui lient les éléments sans détruine
leur valeur, et toujours son dessin lui donne 1'impression de l'inachevé. Les enfants de 9 à 12 ans doivent être
entraînés à dessiner de plus grands espaces, sur la demi-feuille canson par exemple ou
même sur la feuille entière. Cela leur donne l'occasion de former leur initiative et
leur audace. Ils apprennent de même à construire un dessin, car déjà à cet âge, ils
ont réalisé que la Nature n'a pas de vide et qu'une forme fatalement en coudoie une
autre comme la couleur coudoie une autre couleur. Ne laissez jamais un dessin inachevé.
Mettez l'enfant en face de ses responsabilités de peintre et exigez de lui toute la
conscience que nécessite le beau métier d'artiste. Si l'enfant n'a plus rien à dire et
qu'il affirme sans hésitation : -Voilà, c'est fini ! N'exigez pas un effort qui irait au-delà
de l'intérêt du moment. Mais si vous avez la preuve manifeste que le dessin " reste
en carafe" par insuffisance de plaisir, venez au secours de l'enfant. -Tiens, cest ce beau jaune qui te
manquait, nous allons en barbouiller la maison. La voilà toute jaune comme un soleil.
Et quel toit lui mettrons-nous ? Et la belle histoire reprendra son cours. La méthode est celle de toute
l'éducation : ne laissons jamais l'enfant sur l'impression d'un naufrage mais toujours
donnons-lui l'illusion de la parfaite réussite. Peut-être ne sommes-nous des ratés
que parce qu'on a laissé en route nos désirs déçus sans leur prêter une main
secourable. N'est-ce pas, parfois, il aurait fallu si
peu pour que nous fussions mieux que ce que nous avons été. Et tout autour de nous, sur les murs, sur
les portes, accrochons des dessins d'enfants. Faisons courir la fresque naïve des héros
fantastiques aux cent aventures. Un dessin en lui-même ne dit presque rien, on en sent
l'imperfection, la maladresse, l'illogisme. Mais que des dessins en nombre se coudoient,
ils se prêteront main secourable, s'exalteront mutuellement et peu à peu nous
achemineront vers leur propre compréhension. Le petit arbre-ballon tout naïf et d'un
vert si neuf, nous semble bien nigaud, tout seul au milieu du grand pré. Mais que
partout à la ronde surgissent des multitudes d'arbres- ballons de tous les verts et de
toutes les tailles et nous aurons le spectacle de la plus merveilleuse forêt dans les
clairières desquelles les maisonnettes ont fait leur nid. Un bonhomme solitaire,
grotesque d'allure, ne fait pas une humanité. Mais que tous les personnages sortis de
l'imagination enfantine se rassemblent, se coudoient, et nous n'aurons plus besoin de
chercher ailleurs le merveilleux auquel si volontiers nous nous sommes abreuvés. Alors, seulement, nous comprendrons tout
ce que peut la couleur quand elle souligne l'audace et l'ingénuité et de quelles
profondeurs psychologiques et humaines naissent ces formes incohérentes et anormales
chargées de toute l'émotion enfantine. Ce qui compte, ce n'est point le dessin,
c'est l'âme de l'enfant qui l'inspire. Et pour finir, l'Art vise-t-il à d'autres
buts que celui de nous faire pressentir l'âme qui le créa ? Comprendre le sens des expressions de
l'enfant, c'est nous initier à la compréhension de l'Art et nous faire pressentir
quelles valeurs nous devrons trouver en lui. L'Art n'est pas une devinette ni un
calembour. S'il est devenu un langage hermétique
réservé à quelques-uns, c'est que le régime capitaliste avait intérêt à créer
des superstructures de plus en plus aristocratiques et inaccessibles dans le but d'en
monopoliser les valeurs et de les commercialiser. L'Art est une manière de trust. Ce faisant, nous ne disons point que la
valeur intrinsèque de l'uvre d'art y ait forcément perdu : La danse macabre d'un
Matisse est destinée à une élite et son langage en est prodigieux d'intensité. Mais
ce langage qui a gagné en profondeur, a perdu en universalité. L'Eglise, qui, elle
aussi, monopolisa le génie, permit aux uvres d'un Ghiotto ou d'un
Michel-Ange d'accéder à une émotion de valeur universelle parce que son dogme était
universel et socialiste comme le fut le temple d'Athènes. Reste à créer l'art
socialiste.
Dans les rues, les foules déferlent ;
dans les meetings l'idéologie et la logique s'affirment. Sur les fronts, les combattants
rejettent les barrières des divisions nationales. De ces réalités surgira l'art de
demain. Dans quelles voies ? Peut-être ici l'enfant nous donnera les
plus éloquentes leçons. L'âme du peuple parlera comme parle l'âme de l'enfant ; avec
la même loyauté, la même candeur et les mêmes audaces. L'une et l'autre n'atteindront
pas d'emblée une forme classique. Et que pourrait être une forme classique dans ce
mouvement progressif qui les amène vers une maturité ? N'y a-t-il vraiment d'éloquent que la
forme classique et n'est-ce pas aux passions tapageuses de notre jeunesse que nous devons
les plus belles émotions de notre vie ? L'âme du peuple parlera comme parle l'âme
de l'enfant. Et voici que de Madrid nous parviennent
les plus émouvantes eaux-fortes qu'il nous ait été donné de voir. Elles ont l'acuité
et la soudaineté du cri ; et par leur intensité, elles vous bouleversent au point que
vous ne pourriez plus être critique d'art là où la vie requiert la première place. Mais il ne s'agit plus de perfection graphique. Goya a déserté les musées pour les
tranchées héroïques. Et, brusquement, les hommes comprennent. Ce
qui compte, ce n'est pas le crayon de Goya, c'est l'âme de Goya, cette âme passionnée,
de fierté invincible, toujours libre, toujours vierge des compromissions humiliantes. L'arabesque de Goya séduisit les princes,
mais le peuple redira sous des formes neuves, fatalement gauches et primitives, toute la
beauté de la dignité humaine. Dira t-on que l'enfant ne sait pas
dessiner, pour récuser les éléments les plus décisifs de son âme d'enfant ? Il est certaines rigueurs "
classiques" qui n'ont de classique que l'incompréhension et le manque de
sensibilité. Un Van Gogh ne sort d'aucune école. Son
dessin est fruste, étriqué, malhabile, à l'image de son grand corps douloureux. Quand
il prend son crayon, c'est sa souffrance qui dessine. Quand il peint, c'est sa
sensibilité qui dirige. Sa moisson en Provence a des ers aveuglants, les tiges
crépitent, flambent au soleil. Ces ors ne sont pas les jaunes exacts de la paille
brûlée, ils sont la trace douloureuse des lumières ardentes du midi sur le système
nerveux fragile de ce hollandais nostalgique habitué aux brumes du Nord. Van Gogh fera comprendre les eaux-fortes
des combattants de Madrid. Le douanier Rousseau fera comprendre le
dessin d'enfant. Voilà un bonhomme de douanier sans culture et prétention qui s'ennuie
dans sa boutique parisienne. Il prend des couleurs, un pinceau ; il fait des toiles. Il
ferme les yeux et, intérieurement, il voit des paysages fantastiques, aux arborescences
prodigieuses que la botanique se refuse à cataloguer. Le lion y rôde près des
fiancées, le tigre y cache sa perfidie et le soldat s'y promène sans appréhension. Ce n'est pas l'arbre qui compte, ni le lion, ni la fiancée : c'est le rêve puéril et immaculé du petit fonctionnaire consciencieux.Toute émotion vraie est à sa place. La
recréer et la communiquer aux autres c'est faire euvre d'art. L'enfant nous parait capable de ce prodige.
Laissons-le aller. E.Freinet |
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Dessin libresur objets
divers
Pourvu que les principes essentiels soient sauvegardés, on peut naturellement enrichir et diversifier la matière sur laquelle lenfant est appelé à dessiner. Nous
signalons tout spécialement : 1° La décoration des poteries, qui
est comme un épanouissement du dessin libre et où l'enfant réussit si
merveilleusement. Il suffit de se procurer les poteries brutes qui, une fois peintes,
deviennent des pièces très appréciées dans les expositions, tombolas, vente de la
Coopérative. La C.E.L pourra organiser, pour ceux qui le
désireraient, la vente des poteries brutes de diverses formes à des prix
intéressants. 2° Dessins Sur panneaux de
contreplaqué. D'un très bel effet. On peut découper des feuilles de contreplaqué
de divers formats qui, parfaitement équarries et poncées, deviennent une excellente
matière pour les dessins. Les panneaux obtenus sont également très appréciés et
très recherchés. 3. On peut dessiner de même sur de vulgaires carreaux en céramiques ( voir chez les marchands de matériaux pour construction). 4. Décoration des moulages en plâtre. 5. Décoration du contreplaqué découpé.
Ce sont là des
activités qui relient merveilleusement le dessin libre à l'activité manuelle et dont les réussites n'en
sont que plus appréciées. On peut peindre au ripolin ce qui serait l'idéal. Mais le ripolin est très cher. Aussi, voici comment nous procédons : Acheter chez un peintre des couleur en
poudre comme pour la peinture à la colle (voir à la fin de la brochure). Acheter du
blanc de zinc, de l'huile de lin et de l'essence térébenthine. Le blanc de zinc est délayé dans l'huile de lin en quantité suffisante pour obtenir un liquide bien lié, de la consistance du ripolin. Ajoutez 5 à 10 % de térébenthine, comme siccatifs Teinter avec les couleurs désirées et mélanger très soigneusement. Mais ces couleurs sont mates. Quand elles
sont sèches, vernir avec un vernis "extérieur
" gras. Ces diverses activités sont tout
particulièrement recommandées à cause du succès exceptionnel qu'elles ont auprès
des parents et du public. Un beau dessin est, pour nous, précieux.
Les adultes non initiés y voient volontiers un amusement sans portée. Une poterie
décorée, au contraire, un panneau de contreplaqué solide et mobile sont déjà des
choses tangibles et pratiques qui habituent les amis de l'école à nos techniques
d'activité libre. Et elles mettent effectivement dans les
classes une atmosphère nouvelle de création et de vie. |
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La peinture à la colle Différentes expositions de nos dessins
(Tours. Dreux, Nice, Perpignan, etc...) ont montré que la peinture à la colle peut être
à la portée des tout-petits de la Maternelle aussi bien que des enfants de 13-14 ans. Je
connais même une Ecole Normale où le professeur de dessin, séduit par l'originalité
du procédé et la beauté des peintures obtenues, n'a pas hésité à l'introduire dans
son cours. De nombreux camarades qui, pour une
trentaine de francs, ont acheté la colle et la couleur suffisante pour une année, et les
pinceaux qui dureront longtemps si l'on en a soin, ont vu leurs élèves réussir
pleinement et n'ont eu aucune désillusion. J'ai eu l'occasion de m'en rendre compte
moi-même, tant dans mon voisinage que dans des écoles correspondantes que j'ai pu
visiter. Je citerai même un collègue tourangeau qui n'adopta cette technique qu'en avril
et put néanmoins présenter en juillet, dans sa petite commune rurale, une exposition
qui enthousiasma la population et dont le succès déborda du cadre local. C'est dire si
les enfants non entraînés peuvent se mettre rapidement à dessiner et à peindre par
cette méthode. Je dois signaler pourtant que quelques
camarades m'ont écrit qu'ils n'avaient pas obtenu des résultats correspondants aux
spécimens de travaux que je leur avais envoyés Cela tient sans doute à peu de choses ;
à moins d'être tombé sur de la peinture de qualité tout à fait inférieure, le
résultat peut être garanti si l'on suit bien nos recommandations. Surtout, qu'on ne
dise pas : Là seulement où le maître est bon en dessin, les enfants
réussiront . Je pourrais citer telle et telle école où l'instituteur n'a
pour le dessin aucune aptitude particulière et dont les élèves produisent maintenant de
fort jolies peintures à la colle. L'enfant aime naturellement le dessin. Quand on ne le voit pas dessiner à l'école, ou quand il ne dessine que sur commande, c'est qu'il a été rebuté. Rebuté par les sujets de dessins qu'on a voulu lui imposer et qui ne l'intéressent pas (exactement comme pour la composition française). Rebuté par une technique incommode, par des outils qui ne conviennent pas à ses mains mal assouplies ; un crayon noir, souvent dur, et généralement bien aiguisé pour la circonstance ; une petite feuille de papier blanc, qu'il est défendu de salir ; une gomme qui, si bonne soit-elle ne permet point d'effacer rapidement et complètement les lignes maladroites (tellement l'enfant a appuyé sur son crayon pointu). Rebuté parfois aussi par le sourire narquois d'un voisin ou ce qui est pire, l'appréciation désobligeante du maître. Rebuté encore par le sentiment très net de son impuissance à rendre ce qu'il voit, par la déception éprouvée devant son dessin raté... Pourtant, ce même enfant dessinera sans honte et avec un plaisir évident s'il sait que ses dessins resteront anonymes ou qu'en tout cas ils ne seront soumis à aucun contrôle ; ici avec un bout de bois dans la poussière de la cour ou le sable de la plage, là avec un bout de craie sur le goudron de la route ou le portail d'une grange, sur l'écorce d'un arbre encore avec la pointe de son couteau. Et chacun sait que ces dessins rapides, où se côtoient le réel et l'imaginaire, ne manquent souvent ni d'art ni de saveur... C'est d'abord que le sujet choisi par l'enfant n'est jamais un litre en fer-blanc ou un poids en laiton. C'est aussi et surtout que les matériaux employés conviennent mieux au jeune dessinateur que ceux qu'on veut généralement lui imposer. Un bout de bois, un morceau de craie, cela se manie facilement ; le sol de la cour, le bois d'une porte, c'est grand ; et puis, avec la paume de la main, la semelle de la galoche ou le pan du sarrau, on peut effacer. Ces quelques considérations citées, il
est facile de voir pourquoi les enfants aiment la " peinture à la colle ", que
caractérisent précisément sa liberté d'exécution, sa commodité et sa rapidité. Du papier ? N'importe lequel, pourvu qu'il
soit propre et non froissé ; le plus épais, le plus grossier sera le meilleur. Et qu'on
le coupe largement : ce n'est pas une miniature qu'on veut faire et le papier
d'emballage ne coûte pas cher... Quatre punaises, et voici la feuille fixée
verticalement au mur ou en plan incliné sur le tableau noir du chevalet. Un bâton de
craie, et le tracé commence. Les traits, amples et épais, se font facilement ; ils
sont plus sûrs aussi qu'avec la pointe d'un crayon. Ça ne va pas ? Un coup de chiffon et
on recommence... Mais déjà l'esquisse est tracée ; cela n'a pas été long, car on ne
trace à la craie que les contours et les lignes principales ; le reste se fera avec la
couleur. Choisissons les teintes. Préparons la
peinture. Délayons. Malaxons... -Oh ! La jolie bouillie au chocolat. - Moi, c'est une crème à la framboise. -Moi, ma moutarde elle fait trop citron,
j'y mets un peu d'ocre... Comme elles sont amusantes, ces
manipulations suivies aussitôt d'un essai sur le dessin. Peignons le fond : ce n'est
pas difficile ; il suffit de suivre extérieurement les contours, de passer et repasser
le pinceau plat, en appuyant bien, en aplatissant la couleur, tout comme font les
peintres en bâtiments. Qu'elle est jolie et fraîche, et vive, cette peinture. Pendant
qu'elle sèche, préparons toutes les teintes qui seront nécessaires pour le dessin
lui-même. Puis, au travail, au vrai travail. De l'application, car c'est là que réside
la seule difficulté : il faut éviter de " baver " sur le fond ; les contours
doivent rester bien nets ; et si l'on veut que les diverses teintes se marient bien à
l'intérieur, il faut aller assez vite. Une maladresse ? Oh ! Ne nous désolons pas :
il reste de la couleur dans les godets et de la couleur. parfaitement couvrante ; un peu
de celle-ci, un peu de celle-là, jusqu'à satisfaction. Et l'enfant trouve son uvre déjà
bien belle. Mais il sait qu'elle sera plus parfaite encore dans un instant, lorsqu'il aura
rendu un peu de relief. Pour cela, un tantinet de peinture un peu plus sombre, voire de
noir, accentuera heureusement l'un des côtés du dessin. Quelques touches de couleur
claire, voire du blanc, marqueront au contraire les taches de lumière. N'oublions pas les
ombres portées. Et notre artiste reculera à dix pas pour jouir de l'effet (les
peintures à la colle gagnent à être vues de loin). Et c'est avec un sourire de
satisfaction qu'il reviendra signer son uvre (toujours du bout de son pinceau),
car le dessin est net et grand ; les tons sont chauds et harmonieux, et il y a de quoi
être heureux. Cette relation rapide des actions
enthousiastes par lesquelles l'élève mène à bien son dessin peint à la colle
concerne évidemment le travail d'un "grand ". Les "petits" se
contentent de teintes plates et même de traits de peinture. Mais ici comme là le
résultat est ravissant. Plusieurs camarades m'ont demandé d'indiquer ce que les enfants peuvent dessiner et peindre tout au long de leur scolarité. Voici donc un aperçu du travail exécuté dans chacune des trois classes de l'école de la Noiraie. CLASSE ENFANTINE.- Aucune difficulté. A
quatre ans, - et même encore à six et à sept - l'enfant n'est jamais embarrassé ; les
scènes les plus compliquées, les paysages les plus touffus ne lui font pas peur. Il
représente tout cela avec sûreté, à sa manière bien entendu, mais c'est assez vite
fait. D'ailleurs, il se moque totalement de ce qu'un adulte pense de son dessin, pourvu
que lui soit satisfait. Il importe donc de le laisser s'épancher librement, de ne freiner
d'aucune manière sa production. Tout au long de l'année, au fil des
saisons et des jours, les sujets abondent. Ce sont les vendanges, la cueillette des
champignons, le 11 novembre, la grande foire locale, le Père Noël, le Carnaval, les
chasses à courre, la pêche en Loire, une fête d'aviation, le défilé des musiciens
et des pompiers, un mariage, un campement de nomades, le travail aux champs ou à
l'atelier, un accident... et souvent un
fait insignifiant pour nous, mais combien suggestif pour l'enfant. Selon la méthode qu'on
emploie, le dessin peut être le point de départ ou le complément des exercices de
langage. Et quand se font ces séances de peinture
? Eh ! bien, dans le cas qui nous occupe,
le dessin sur l'ardoise a eu lieu normalement c'est-à-dire en respectant l'emploi du
temps. Pour l'exécution au pinceau, quand vous voudrez ; mais le plus tôt sera le
mieux. Les quelques enfants qui en sont chargés aujourd'hui sont plutôt impatients
d'en terminer ; ils seront fiers de peindre pendant que leurs camarades feront des
évolutions ou du travail manuel. La prochaine fois, ce sera le tour d'un autre groupe,
car il faut évidemment que tous manient le pinceau alternativement. Le rôle de la maîtresse ? Susciter au
besoin le thème du dessin, mais non l'imposer. Polir le tracé, je tiens à
préciser en outre que l'élève de la classe enfantine ne doit pas être influencé.
Laissons-le faire des chevaux qui ont la tête aussi grosse que le corps, ou des poules
allongées comme des poissons. L'essentiel, à cet âge, est de dessiner ; le reste
viendra plus tard ; nous serons d'ailleurs surpris de révolution qui se fera toute
seule avec l'âge. Ne faisons donc aucune retouche : l'auteur en serait peut-être
vexé. et ce serait gâcher la spontanéité, l'originalité, la fraîcheur, la naïveté
même du dessin enfantin... Mais quand arrive le moment de peindre, l'enfant a souvent
besoin de conseils techniques ; mieux, la maîtresse ne doit pas hésiter à prendre le
pinceau et à passer elle-même une petite partie du dessin, tout comme elle prend
le porte-plume lorsqu'il s'agit de l'apprentissage de l'écriture. Pour le choix des
couleurs aussi, il ne faut pas craindre de former trop tôt le goût de l'enfant. On lui
fera remarquer, par exemple, que pour les dessins monochromes, il est certains tons plus
agréables que d'autres. On lui montrera la beauté du ton sur ton : un vieux rose bordé
de brun rouge, jaune de chrome et ocre rouge, vert feuille et vert wagon, etc. Mais qu'on
le laisse se débrouiller s'il veut rendre l'aspect bariolé d'un marché ou d'un 14
juillet ; ce sont scènes où les couleurs disparates ne choquent pas ! DEUXIEME CLASSE : Cours Elémentaire et
Cours Moyen 1ère année. - C'est d'abord la continuation du dessin libre, avec lequel nos
bambins sont déjà familiarisés. Mais il faut obtenir de plus en plus la précision dans
le trait, l'exactitude dans les formes. Jean (9 ans) présente ce matin un matériel ce
battage en pleine activité. La maîtresse y remarque quantité de notations justes : la
poignée du sifflet, les gros poids des soupapes, les deux boules du régulateur, les
courroies de la batteuse, et chacun des employés à son poste ; tout semble y être.
Pourtant, le haut tuyau noir de la locomobile est quelque peu oblique... " Est-ce
naturel ? Non ? Alors, Jean, redresse-le. Et la tête du chauffeur, pourquoi
n'arrive-t-elle que tout juste à la hauteur de la porte du foyer ? Est-ce un enfant ? Non
? Eh ! Bien, grandis-le, double sa taille.. Nombre de fautes de ce genre peuvent
être ainsi corrigées et le dessin sensiblement amélioré. Mais dans cette classe, on commence aussi
à faire du dessin d'après nature (objets simples, fleurs, fruits, animaux, etc.) et du
dessin décoratif (frises simples inspirées des éléments étudiés d'après nature,
ornementation d'un rectangle, d'un cercle, etc...) Rien de spécial à dire sur ces deux
derniers genres de dessin, si ce n'est qu'ils se prêtent parfaitement à la peinture à
la colle. Nous laissons faire aussi du dessin
d'imitation, parce qu'il plaît aux enfants et qu'il est plus éducatif qu'on le croit
généralement. Certains prétendent que les dessins copiés n'ont aucune valeur, d'autres
disent même qu'ils sont nuisibles parce qu'ils tuent toute personnalité... Pourtant,
c'est bien des dessins copiés, nécessairement copiés, qui constituent les
illustrations de certains cahiers (histoire, sciences...) Pourtant, c'est bien ainsi
qu'étudient les élèves des Ecoles des Beaux-Arts lorsqu'ils vont poser leur chevalet
devant une toile de maître dans un musée. Par l'attention soutenue que ce travail de
re-production nécessite, par la technique qu'il révèle et dont les enfants profiteront
dans leurs travaux personnels, j'en fais, au contraire, un bon exercice passager. Or,
nos manuels scolaires modernes sont farcis de bonnes illustrations ; d'autre part les
tablettes de chocolat, les paquets de pâtes et les boîtes de fromage procurent aux
enfants de fort jolies images ; les bons modèles ne manquent donc pas. Il ne s'agit point
d'ailleurs, de faire une copie servile. Pour obtenir une peinture à la colle en partant
de ces gravures de petites dimensions et généralement monochromes, il faut les
agrandir, il faut choisir les couleurs... Et quand je vois, par exemple, le splendide
paysage polaire (trois ours blancs sur la banquise) que vient, d'obtenir la petite
Ginette (9 ans). en observant une photo 41/2 x 6, je ne puis que penser : " Cette
enfant a du talent". La fréquence des travaux ? Elle est très
variable, car on ne fait pas que de la peinture à la colle. L'illustration des cahiers
de rédactions libres se fait au crayon de couleur. Et, aux séances de dessin d'après
nature, pour la commodité de I'installation, trois ou quatre élèves seulement manient
le pinceau pendant que les trente autres crayonnent... PREMIERE CLASSE: Cours Moyen 2 année et
Cours Supérieur. - Les dessins les plus variés trouvent ici leur place. Dans le travail
d'une année, je citerai : Dessin d'après nature : des jouets (un cheval en carton, un avion, une
trottinette), des groupes d'objets (la paire de sabots du jardinier, les bagages du
voyageur, un coin de la buanderie), des végétaux, une branche de cerisier, des dahlias
dans un vase, un groupe de coloquintes, une coupe de fruits, des attitudes (la ménagère
qui balaie, le jeu de saute-mouton), un paysage (la
pagode à l'orée de la forêt). Dessin décoratif : des frises (chats,
poissons, feuilles d'automne, champignons). Des panneaux (hortensias, roses-trémières,
fuchsias). Des papiers peints (feuilles de lierre, perce-neige, cerises). Des figures
géométriques ornées... Dessin historique : deux séries de très
grandes frises(l m. sur 32cm.), l'histoire du véhicule (d'après Carlier,
Bibliothèque de travail C.E.L.) et l'histoire du bateau (d'après une collection
d'images). Dessin d'imagination : illustration des mois (12 grands tableaux 64x20). Comme dans les autres classes, il n'est pas
question de faire peindre en même temps tous les élèves. Outre les difficultés
d'installation que cela occasionnerait, on serait vite encombré des travaux ! Qu'on
obtienne une peinture par mois et par élève, c'est déjà un beau résultat. Il faut
tenir compte d'ailleurs de toutes les autres occasions, de dessiner qu'ont les enfants
de cet âge : illustration des cahiers personnels (sciences, rédactions) illustration
du. journal scolaire par la gravure sur lino, séances de croquis coté et de tracé
géométrique nécessitées par la préparation au C.E.P. Mais on s'appliquera à obtenir des travaux de bonne qualité. En ce qui concerne la justesse du trait, par exemple, on ne laissera pas peindre des dessins par trop erronés. On s'efforcera de trouver la couleur exacte en étudiant le mélange des poudres. On respectera les dégradés des arrière-plans. Pour bien comprendre les ombres, opérer devant un modèle très éclairé ; au besoin, s'installer dehors, le dessinateur à l'ombre, mais l'objet en plein soleil. Il sera alors facile de donner au dessin tout le relief nécessaire. (Essayer en plaçant contre un mur un groupe de deux ou trois outils de jardinage ; l'angle des ombres portées surprendra toujours l'enfant ; faire remarquer comment cet angle se modifie progressivement au fur et à mesure que l'heure avance). Pour réussir les peintures à la colle, ne négligeons pas les ombres, car il ne faut pas oublier que ces dessins rendent leur plein effet lorsqu'ils sont vus de loin. Les enfants pourront d'ailleurs juger
eux-mêmes de la réussite ou de la non-réussite des travaux ; il n'est pas mauvais
qu'i1s se déplacent discrètement d'une feuille à l'autre, qu'ils aillent voir ce que
le voisin fait et qu'ils se donnent mutuellement leur opinion. Quant au maître, il est
normal qu'il donne des conseils d'exécution, qu'il indique du doigt les retouches à
apporter à un dessin mal parti, au besoin qu'il prenne le pinceau un instant. *** Pour terminer, deux mots de l'Exposition de fin d'année,
synthèse du travail artistique de toute l'école. Vu le format et le nombre des peintures
à la colle, on conçoit quelle soit facile à réaliser. Les murs de la plus grande salle
de l'école sont vite garnis. Organisée au profit de la Coopérative scolaire, elle
obtient beaucoup de succès. Les parents sont heureux de voir exposés les travaux de
leurs enfants. Quant aux autres visiteurs, intéressés, amusés et souvent étonnés,
ils passent aussi un agréable moment dans la salle. Le public peut d'ailleurs avoir un
rôle moins passif : il suffit de lui faire remplir la fonction d'un jury bénévole.
Dans une commune tourangelle, la municipalité ayant voté une somme de 50 francs pour
récompenser les trois meilleurs dessins exposés, voici comment l'instituteur se tira
d'embarras. Par un vote, les enfants sélectionnèrent d'abord une dizaine de feuilles
qui furent numérotées. Puis, au cours de l'exposition, chaque visiteur était appelé à
désigner par bulletin secret les trois uvres qui, par ordre, lui semblaient mériter
un prix. Au dépouillement final, les lauréats furent faci lement - et impartialement proclamés. Il est intéressant aussi, pour mettre en
relief l'évolution du dessin, de montrer comment des enfants d'âge différent
interprètent le même sujet. Cette année, nous avions placé côte à côte toute une
gamme de travaux relatifs à la même scène : Un campement de bohémiens
; ce ne fut pas la partie la moins regardée. Certes, on admira les tableaux
obtenus par les grands de 13-14 ans, mais la joie éclatait devant les hardies esquisses
des petits de 5-6 ans. Tout le chemin parcouru apparaissait là d'une façon saisissante
et on devine les commentaires... Que deviennent les dessins exposés ? J'ai cru inutile de
dire que tout au long de l'année, ils avaient déjà servi temporairement à
l'ornementation de la classe et que, pour cet usage, ils avaient avantageusement remplacé
les frises des libraires ! Après l'exposition, ils sont généralement repartis entre les
écoles correspondantes qui, en échange, nous font parvenir également de leurs travaux.
Ainsi les enfants ont la satisfaction d'avoir travaillé utilement.
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A- Matériel nécessaire
Couleurs en poudre des peintres en
bâtiment (chez un peintre de la localité). Achetez les quantités ci-après 200
g de blanc, 100 g de noir, rouge vermilIon, ocre rouge, ocre jaune, jaune de
chrome, bleu outremer, vert anglais, vert foncé, terre de sienne. Colle Rémy, blanche, en poudre, 1 paquet
de 500 g Dextrine en poudre, 200 g Des couvercles de boîtes de cirage
(apportés par les élèves) pour préparer la peinture, Tous les papiers un peu forts peuvent être
utilisés (papier d'emballage propre, quelle que soit la couleur, carton, etc.). Si on
peut acheter du papier à dessin de couleur, on n'aura pas besoin de faire un fond au
dessin. Une boîte de punaises, pour fixer le
papier pendant l'exécution. Une boîte de matériel pour peinture à la
colle sera prochainement mise en vente à la C.E.L. De la craie blanche, pour le tracé du
dessin. Un petit chiffon propre, pour effacer si
besoin est. B. Exécution du dessin Pas de feuilles trop petites : nous
conseillons 48 x 62 cnn. ou 48 x 31. Pour les frises : 100 x 32. Fixer la feuille avec 4 punaises
sur un tableau noir ou sur un mur de la classe, à une hauteur convenable. La position
recommandée est, en effet, la verticale, ou légèrement inclinée, comme les pein tres.
Mais, si on dispose d'une grande table horizontale (table de réfectoire, par exemple), on
peut y installer aussi plusieurs élèves. Lélève exécute lesquisse
à la craie (et non au crayon). C'est beaucoup plus facile (avoir un petit chiffon
pour effacer). Ne dessiner à la craie que les détails indispensables. Commencer immédiatement à peindre (fond dabord,
si on en veut un). C.Préparation du mélange collant Dans un demi verre d'eau froide, verser
en pluie de la colle en poudre. Remuer avec un pinceau. Régler la quantité de colle
pour que le liquide
ait la consistance d'une bouillie légère. Ajouter une ou deux pincées de dextrine
bien broyée au couteau. Bien délayer. (Il est recommandé de préparer le mélange
collant à l'avance. On peut d'ailleurs le conserver plusieurs jours et le ramollir si
nécessaire au moment de l'emploi). D. Préparation de la peinture Dans un couvercle de boîte à cirage,
mettre environ 1 cm3 de
mélange collant. Ajouter une égale quantité de peinture en
poudre. Et, à l'aide
d'un pinceau plat, bien malaxer. On doit obtenir une peinture parfaitement homogène et
onctueuse. Si elle est trop épaisse, ajouter quelques gouttes d'eau, Employer
aussitôt. On peut facilement mélanger les teintes. E. - Peinture du dessin Passer le pinceau
plat en appuyant sur le papier. Ombrer largement avec de la peinture
noire. Sil sagit dun dessin
devant avoir du relief, marquer les taches de lumière avec une teinte plus claire et du
blanc. (Le maître pourra donner ici de
précieux conseils dexécution, car il suffit souvent dune touche bien placée
pour quun dessin quelconque devienne un bon dessin.) F.- Sujets possibles Dessins d'après nature : jouets,
outils, objets divers, feuillages, fleurs, légumes, fruits,
animaux. Dessins décoratifs : frises diverses,
papiers peints, encadrements, etc... Dessins de mémoire : scènes diverses,
autant que possible dessins absolument libres. G. - Résultats Ces peintures à la colle, de grand for
mat, ne donnent pas des travaux aussi fins et aussi précis que l'aquarelle. Mais elles
sont d'un emploi infiniment plus commode et moins onéreux. Leurs tons
chauds sont très agréables. Elles ornent la classe. Elles peuvent faire
l'objet d'échanges interscolaires. Enfin, elles permettront d'organiser, en fin d'année,
une exposition facile (couvrant une grande surface) qui enrichira la Caisse de la Coopérative scolaire. DAVAU (Indre-et-Loire). Pour conclure Nos lecteurs viennent de lire deux conceptions différentes du dessin libre : la conception que nous appellerions
volontiers artistique, d'Elise Freinet, conception qui s'apparente beaucoup, parce que
basée sur les mêmes principes de vie, à notre conception aujourd'hui reconnue si
féconde, du texte libre. Il y a, certes, un nouvel entraînement à
acquérir, pour les élèves et pour les maîtres. Cela est facile et rapide avec les
éléments jeunes, non déformés par la vieille école ; c'est un peu plus laborieux pour
les élèves et les maîtres en qui la scolastique a déformé et parfois tué la vie. Ajoutons que ce dessin libre artistique
s'accommode fort bien de la peinture à la colle. Nous aurions, à ce sujet, à faire
bénéficier nos lecteurs de notre expérience récente à Gap et à Vence. Dans
l'impossibilité où nous étions de nous procurer de l'aquarelle, nous avons,
généralisé l'usage de la peinture à la colle. Bien souvent la colle elle-même nous
faisant défaut, nous avons opéré avec de la colle de farine. Nous avons surtout obtenu
d'excellents résultats en délayant les couleurs dans du lait qui fait fixatif.
Procédé très recommandé dans les régions de laitage. Nos enfants ont donc réalisé, selon la
technique d'Elise Freinet, des dessins qui ont fait sensation et que les connaisseurs
comparent couramment aux Bonnard, aux Matisse et aux Picasso. La même technique avait permis à Gap la
réalisation dans les classes et dans le réfectoire de grandes fresques peintes
librement à même les murs, et qui étaient de totales réussites artistiques. Nous ne saurions trop recommander à nos
lecteurs de s'orienter vers cette voie qui après la période d'initiation et de
tâtonnement, leur vaudra des uvres dégagées de la scolastique mais puissantes
d'un contenu artistique et humain bien dans le cadre de nos réalisations pédagogiques. Davau vous a exposé ce que nous
appellerions la conception scolastique de la peinture à la colle : dessins d'après
nature, copies, dessins à vues, reproductions de tableaux historiques, etc... Cela peut être une première étape, qui
vous prouvera que vos élèves sont capables de réussir quelque chose. Mais nous
souhaitons que ce ne soit qu'une étape comparable à l'étape qui a été l'initiation
littéraire et le pastiche et que l'expression libre a radicalement dépassée. Nous avons, en partie, gagné la bataille
pour ce qui concerne la rédaction libre dont on admet et apprécie aujourd'hui le
processus pédagogique et les résultats. Réalisons de même - que ce soit à
l'aquarelle ou avec la peinture à la colle - le dessin libre véritable, celui qui est
l'épanouissement merveilleux d'une vie dont l'éclosion apparaîtra bientôt comme une
des grandes conquêtes de la pédagogie moderne. C.F. |
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