Comment peut-on
travailler au chantier BTR
Disons tout de suite
qu'il suffit d'être à l'Ecole Moderne ou de s'y intéresser pour que l'on se sente
concerné par ce chantier.
En effet, sous des
dehors modestes, les animateurs de ce nouveau chantier ont de terribles ambitions. Disons
plutôt qu'ils voient se dégager des perspectives immenses. Il n'est jamais interdit de
rêver.
Un des rêves, ce
serait que B.T.R. ne soit pas un chantier comme les autres, à côté des autres, mais,
pour ainsi dire l'affaire du mouvement tout entier. En effet, il devrait nous aider à
mieux définir nos conceptions pédagogiques. Et même, pour certains, nos conceptions
scientifiques de la pédagogie.
Cela se fera à partir
de documents authentiques, bien circonstanciés et bien contrôlés qui connaîtront une
première édition. Les réactions à cette première édition permettront une seconde
édition revue et corrigée à laquelle pourrait sajouter, par exemple, les points
de vue des chercheurs qui auraient trouvé de l'intérêt à nos travaux et se seraient
saisis de cette occasion de collaboration.
Donc, on voit tout de
suite où peuvent se placer les travailleurs : au niveau du dépistage, de la rédaction
des documents, de leur contrôle, de leur publication, de leur lecture, des réactions à
cette lecture et de la seconde édition.
Enfin, nos
constatations, nos découvertes, nos prises de conscience nous engageront certainement
dans la réalisation de nouveaux outils. Et là, il y aura aussi du pain sur la planche
pour tout le monde.
- Oui mais quel
genre de document faut-il produire ?
Dans notre conception
actuelle, il n'y a pas de secteurs délimités, de chasses gardées, de domaines
réservés.
En fait, tous les
chantiers actuels devraient, à notre sens, se B.T.Riser. Une simple antenne ne saurait
suffire. Il faut que partout on puisse se poser des questions sur le bien fondé de nos
pratiques, de nos attitudes pédagogiques, sur les événements qui surviennent dans nos
classes et nous interrogent, que ce soit en maths, en gym, en théâtre, en musique, etc.
Il faut que nous les lisions au travers de la grille du tâtonnement expérimental et des
théories de Freinet en essayant de les préciser pour mieux les assimiler et en faire un
outil efficace.
Mais l'événement
n'est pas obligatoirement lié au sensationnel. Il suffit parfois que l'on regarde une
succession de documents quotidiens pour que des interrogations naissent. Et c'est
l'addition de documents banaux qui peut faire événement. Car chacun est l'occasion de
vérifier, de confirmer, de redresser, d'infirmer ou de renforcer toutes les hypothèses
de travail de Freinet.
- Oui mais ce que moi je considère comme événement
important ne sera peut-être pas perçu ainsi par les responsables. Et je risque de
travailler pour rien.
Préoccupation
légitime. Mais rassurez-vous : on ne travaille jamais pour rien. Nous savons
personnellement combien le seul fait de la rédaction peut enrichir. Car on croit voir les
choses et les comprendre. Mais, en fait, la plupart du temps, on se les imagine. Quand on
regarde les documents, les uns après les autres, avec les yeux froids de la
distanciation, c'est comme si tout un monde nouveau s'ouvrait. Et c'est surtout un monde
d'interrogations. Et c'est très formateur. Car ce simple travail ouvre à toutes les
questions et les réponses se trouvent assimilées sans qu'il y ait un seul effort à
fournir. N'est-ce pas pratique, commode, intéressant ? Et pour cette raison, il vaudrait
mieux que 500 camarades rédigent un petit document plutôt que 50 camarades réalisent un
gros volume.
- Mais on n'a pas toujours un gros document : ce n'est
quelquefois qu'une bricole.
Justement, ce qui fait
l'intérêt de B.T.R., c'est la souplesse des cadres de la publication.
On publie par groupes
de 30 ou 40 pages, ce qui fait une valeur. On peut grouper deux ou trois valeurs ensemble
en se préoccupant de livrer 10 valeurs dans l'année. On peut par exemple regrouper
plusieurs noyaux légers et voisins dans une même brochure. C'est ainsi que nous avons en
attente trois petits dossiers groupés autour du thème de l'enfant abandonné. Si un
travail plus important est tenté par un camarade, ils pourront lui servir de matière
première ou de complément. Toute idée de recherche est intéressante, ne serait-ce que
dans l'effort de communication que l'on en fait. La taille importe peu : ce peut être une
première pierre, une pierre d'attente, une pierre parmi tant d'autres ou un gros bloc qui
se suffit à lui-même.
- Oui, mais si on n'a
rien à rédiger ?
A ce moment, vous avez
la possibilité d'être témoin. Nous avons parlé plus haut de distanciation. C'est vrai
que lorsqu'on est à l'intérieur du coup, on n'est pas à l'extérieur. Et on peut
difficilement voir et savoir ce qu'il faut dire pour être compris.
On peut parer à cet
inconvénient en distanciant. Par exemple en jouant sur le temps. On recueille les
documents et on ne les regarde qu'au bout de trois mois ou au bout de l'année. A ce
moment, ils apparaissent plus neuf à des yeux plus froids. Mais ça ne suffit pas
toujours. Alors, on peut rédiger avec l'aide d'un témoin qui peut vous prendre le stylo
des mains. Un témoin vous oblige à préciser votre texte. Il vous interroge. Il nous
aide à accoucher de la totalité de votre communication en vous demandant de préciser,
de situer, de circonstancier l'événement communiqué. Il campe sur la position d'un
récepteur et peut influer sur l'émission pour qu'elle soit mieux reçue.
- Et si on n'a rien
à dire, ni personne à aider ?
Eh bien, vous pouvez
être « lecteur », au sens de lecteur dans une maison d'édition. Car, il est évident
qu'avec un témoin, on a des chances de laisser moins d'éléments dans l'ombre. Mais, peu
à peu, le témoin rentre lui-même dans le jeu : il comprend si bien les choses qu'il ne
peut plus savoir comment on peut les percevoir de l'extérieur. C'est pour cela qu'avant
toute édition, chaque production doit passer dans un circuit de lecture. Chacun peut donc
s'inscrire dans le circuit de lecture qui lui convient en consultant la liste des projets
arrivés à maturité. Liste qui sera publiée dans le Bulletin ou L'Educateur.
-Cest
tout ? Il ny a pas dautres possibilités ?
Mais si. Bon, il y a
une première édition. Et on peut réagir à cette première édition. Pratiquement dabord,
si on est praticien. On sinterroge sur ce qui existe dans sa propre classe
ou
sur ce qui nexiste pas. Mais des gens plus spécialisés pourront appliquer leurs
grilles de lecture habituelles sur louvarge et communiquer lerus observations. Si
bien que lédition quasi définitive serait constituée de la première édition
revue et corrigée et des commentaires des camarades et des chercheurs.
Il y a,
malheureusement, dans cette présentation alléchante, un point noir. La collection aura
des limites, au moins au début. On nest pas sûr de pouvoir tout publier. Mais le
désintéressement, la volonté de changer léducation et lesprit coopératif
nous permettront certainement de publier des documents de poids qui seront comme des
pavés dans des mares.
Il suffit peut-être de
savoir sorganiser. Il nous faudra donc des organisateurs. Mais aussi, pour le
véritable aboutissement freinétiste de nos recherches, des réalisateurs doutils
nouveaux. Car, vous lavez déjà compris, il ne sagit nullement pour nous de
théoriser pour théoriser. Mais pour ajouter beaucoup plus defficacité à notre
pratique.
Voilà, nest-il
pas, des perspectives enthousiasmantes.
Ajoutons quil
nous apparaît fondamental, pour ne pas dire révolutionnaire que des praticiens prennent
en main la constitution et lélaboration de
leurs propres savoirs.
A vous tous, tous
courages.
B.T.R.